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Fonds de pension: l'escroquerie - Texte paru sur les listes d'ATTAC à l'occasion des rencontres internationales de Juin, Planet.

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Dossier: Fonds de pension et épargne salariale
Le Projet de loi Fabius sur l'épargne salariale Derrière l'épargne salariale, les fonds de pension. La finance contre les retraites Les fonds de pension
Epargne salariale : fausses raisons et vrais enjeux  Fonds de pension, piège à cons ? A propos de l'épargne salariale Fonds de pension : L’escroquerie
Ni "vieillissement ni "choc démographique" Répartition - Capitalisation Les fonds de pension, une fausse réponse à une fausse question Contre-attaque sur l'épargne salariale

 

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Fonds de pension : L’escroquerie

 

Note tirée du livre rédigé par Jacques Nikonoff, La Comédie des fonds de pension, Arléa, 1999

Président du mouvement Un travail pour chacun, Ancien représentant de la Caisse des dépôts aux États-Unis, Membre du Conseil scientifique d’ATTAC

 

 

I.    Les fonds de pension sont dangereux

 

A. Les fonds de pension provoqueraient une baisse du montant des retraites

Une masse de capitaux provenant des fonds de pension et s’investissant sur le marché des actions provoquera une montée des cours, c’est-à-dire la constitution d’une bulle financière. Après avoir été surévalué au moment du lancement des fonds de pension, le prix des actions connaîtra une sous-évaluation au moment du départ en retraite des générations de baby-boomers, et donc une baisse du montant des retraites.

B. Les salariés et retraités supporteraient tous les risques boursiers

Dès qu’un système de retraites est organisé selon le principe des cotisations définies, il est conçu pour transférer les risques financiers et boursiers des entreprises vers les salariés et retraités. Plus généralement, tout système de retraite créé sur la base du volontariat – que ce soit celui des entreprises ou celui des individus – est intrinsèquement inégalitaire puisqu’il présente deux inconvénients majeurs : écarter les catégories populaires et supprimer la solidarité interne au système. Le choix d’un système de retraite se résume à la question suivante : qui doit garantir les retraites ? les marchés financiers ? l’État ? les entreprises ? les caisses de retraite ? la Sécurité sociale ? les individus eux-mêmes ? Cette question n’a pas été posée car, pour les experts du Plan, elle ne se posait même pas : “ Sans débat, la réponse était déjà prévue, les retraites ne doivent pas être garanties, elles doivent dépendre de plus en plus des marchés financiers ”.

C. Les fonds de pension aggravent les inégalités

L’expérience des États-Unis, “ sur laquelle les experts du Plan et du Conseil d’analyse économique et du commissariat au Plan ont jeté un voile pudique – et pour cause – démontre l’échec social des fonds de pension américains qui sont une source majeure d’aggravation des inégalités ” :

– La proportion des salariés couverts par un fonds de pension est en baisse : 53 % en 1987, 40 % en 1995.

– Le montant de la retraite est de moins en moins fixé à l’avance et de plus en plus déterminé par les performances des marchés financiers : en 1989, 28 % des salariés étaient couverts par un fonds à prestations définies ; ils ne sont plus que 19 % en 1995.

– Les salariés des PME sont particulièrement défavorisés : seulement 6,2 % des entreprises de moins de 25 salariés disposent d'un fonds de pension (15 % pour les entreprises de moins de 500).

–Le montant des retraites fluctue. En 1994, le revenu médian des personnes âgées de plus de 65 ans n’avait pas encore rattrapé le niveau de 1990.

Créer en France des fonds de pension ne pourrait qu’aboutir aux mêmes résultats : un système conçu pour les 20 % de la population la plus riche. On ne peut manquer de s’étonner, une nouvelle fois, du silence du Plan et du CAE sur ces réalités.

D. Les fonds de pension déstabilisent les marchés financiers internationaux

Les investisseurs institutionnels – et particulièrement les fonds de pension américains – représentent des concentrations de capitaux encore jamais atteintes dans l’histoire. C’est une des causes principales de l’instabilité financière mondiale qui explique le freinage de la production, de la croissance et de la consommation.

Parmi les acteurs financiers américains, trois jouent un rôle particulier dans la spéculation et la déstabilisation des marchés : les Hedge funds (fonds de performance), les Mutual Funds (fonds mutuels, équivalent aux SICAV françaises) et les Pension funds (fonds de pension). Ce “ triangle de la spéculation ” diffuse cinq types de perturbations que détaille l’auteur.

Créer en France des fonds de pension ne ferait qu’ajouter des éléments d’instabilité alors qu’il convient, tout au contraire, de recréer de la stabilité et de la sécurité, partout et pour tous. L’auteur dénonce le commissariat au Plan et le Conseil d’analyse économique n’ont jamais abordé la question de l’instabilité financière mondiale, “ comme si les fonds de pension n’y avaient aucun rôle, ou comme s’il fallait non seulement se résigner aux turbulences financières mais les accroître ”.

E. Le corporate governance va financiariser les entreprises de manière croissante

Le corporate governance (“ dont la mauvaise traduction française est gouvernement d’entreprise alors qu’il vaudrait mieux parler de contrôle des entreprises ”) est l’action des fonds de pension américains, particulièrement des fonds de pension publics, qui vise à maximiser les rendements des actions des entreprises dont ils sont actionnaires. Pour atteindre cet objectif, les fonds de pension tentent de contrôler les entreprises et leurs équipes dirigeantes afin qu’ils adaptent la gestion pour la financiariser.

Le corporate governance est une pratique destructrice pour les entreprises et leurs salariés. L’augmentation de la valeur boursière, en effet, “ est obtenue artificiellement par diverses  manipulations. Ensuite et parallèlement, la hausse de la valeur boursière s’obtient en faisant pression sur l’emploi et les rémunérations des salariés des entreprises ciblées par le corporate governance. Ainsi le maintien de la retraite des uns est obtenu par la baisse des salaires, de l’emploi et de la retraite des autres… ”.

Cette évolution qui conduit certains économistes Américains à parler de “ capitalisme fiduciaire ”. Il faut contester l’analyse de l’économiste français Michel Aglietta qui, dans une note de la Fondation Saint-Simon, fait un contresens fondamental quand il parle de “ capitalisme patrimonial ” dans la mesure où les salariés posséderaient désormais la majorité des actions des entreprises, c’est-à-dire du patrimoine. En réalité, “ Le nouveau capitalisme qui naît sous nos yeux n’a rien de patrimonial : il est fictif. C’est du patrimoine-papier. Les salariés, certes, sont censés détenir des actions – du patrimoine – dans le cadre de leurs fonds de pension ou de leurs fonds mutuels. Mais comme dans le cas des contrats d’assurance, ils n’ont aucun droit de regard sur le capital qu’ils détiennent. Ils ne sont absolument pas consultés sur les investissements réalisés pour leur compte. Ce capital est largement fictif dans la mesure où certains fonds de pension, au moment de la retraite, ne payent pas un capital mais une rente ”.

Le fait nouveau “ ne réside pas dans l’apparition d’un patrimoine qui donnerait la propriété du capital aux salariés, mais en son contraire. Les autorités publiques et les milieux économique sont parvenus à empêcher les salariés d’exercer le pouvoir sur les actions qu’ils détiennent. Car les SICAV, les contrats d’assurance, les dispositifs d’épargne retraite, d’intéressement et de participation se sont limités à donner des revenus provenant de titres financiers – au détriment, d’ailleurs, des salaires – mais sans jamais donner le pouvoir attaché aux actions. Tous ces dispositifs ont ceci de commun qu’ils ont été précisément conçus pour capter l’argent de l’épargne en usurpant le pouvoir que donne l’épargne ”.

 

II. Les fonds de pension  sont inefficaces

 

A. Leurs performances financières sont médiocres

L’affirmation des partisans des fonds de pension qui prétendent que le rendement des systèmes de retraite en capitalisation serait celui des marchés financiers doit être contestée. “ Les raisonnement comme les chiffres donnés notamment par le CAE sont faux ” et quatre étapes sont nécessaires pour en faire la démonstration :

Les actions françaises ont un rendement historiquement plus faible que ce que prétend le CAE qui l’établit, de 1973 à 1995, à 6,2 %. “ Les mesures de performances des actions françaises font l’objet d’une véritable cacophonie ” comme le montrent deux études sur les actions françaises, inflation déduite, qui donnent 0 % (sur 150 ans), et 3,82 % (sur 22 ans) en retranchant les frais administratifs et l’impact de la fiscalité.

“ Les chiffres de Davanne et Lorenzi sont nettement supérieurs à d’autres chiffres donnés aux États-Unis en matière de rendement des actions américaines ”. Il est possible de citer les travaux du consultant américain Ibbotson qui donnent un résultat net sur la période allant de 1926 à 1994, pour les actions, de 4,46 %.

“ Le prix des actions sur le long terme va refléter la croissance des bénéfices des entreprises. Et comme la croissance des bénéfices des entreprises, à son tour, va refléter sur le long terme la croissance de l’économie en général, l’augmentation du prix des actions tournera autour de 1,5 % à 2 %. Il apparaît donc que le raisonnement qui consiste à s’appuyer sur des rendements passés pour prédire des rendements futurs n’est plus pertinent, s’il ne l’a d’ailleurs jamais été. Ce qui a changé entre le passé et ce qui est présenté comme étant le futur, c’est la baisse relative de la croissance économique. On ne peut obtenir les mêmes rendements boursiers dans un contexte de forte croissance économique et dans un contexte de faible croissance économique. A moins de croire, comme certains économistes, à la magie des marchés financiers qui créeraient sur longue durée du rendement en dehors de toute réalité matérielle. Ou à moins de faire baisser encore la part des salaires dans la valeur ajoutée ”.

Les performances des fonds de pension américains sont faibles comme le montrent des études inédites en France, réalisées par le ministère du Travail des États-Unis.

B. Les fonds de pension  seraient incapables de payer une rente de 1 000 francs par mois à tous les retraités

Une étude a cherché à savoir “ De quelles réserves devraient disposer les fonds de pension, en régime de croisière, pour assurer un niveau donné de revenu aux personnes âgées ? ” Cette question, curieusement, note l’auteur, “ n’a pas été abordée par le Conseil d’analyse économique et le commissariat au Plan ”. Admettons qu’un fonds de pension (“ par exemple le fonds de réserve créé par Martine Aubry ”) se propose de servir une rente mensuelle de 1 000 francs à toutes les personnes âgées de 60 ans et plus “ Quel est le capital total devant être épargné pour payer ces rentes ? ”

“ Le paiement par les fonds de pension d’une rente modeste de 1 000 francs par mois pour tous les retraités Français n’apparaît pas possible. Les fonds de pension sont donc des instruments destinés à une minorité : les 10 % ou 20 % de la population la plus riche… ”.

Pourquoi le Conseil d’analyse économique et le commissariat au Pan n’ont-ils pas fait le calcul pour le fonds de pension créé par Martine Aubry à l’intérieur même de la Sécurité sociale ?

 

 

III. Les fonds de pension sont inutiles

 

A. Ils ne présentent aucun avantage démographique

Les pensions qui seront versées en 2040 dépendront des conditions économiques de 2040, quelle que soit la technique financière utilisée. Comme tout inactif, le retraité vit d’un prélèvement monétaire opéré sur la richesse produite par les actifs du moment : ceux de 2040. Un particulier aura peut-être “ l’illusion de mettre son pouvoir d’achat “ en boîte ” avec son épargne, et donc d’autofinancer sa retraite. Pourtant, sauf à garder les billets dans sa lessiveuse, ce mécanisme suppose que le jour venu ce particulier trouve, directement ou indirectement, des actifs producteurs de revenus primaires prêts à lui racheter ses biens. Ces opérations se font aux conditions de marché ”.

L’argument selon lequel nous serions obligés de changer de système de retraite et de faire de la capitalisation parce que nous avons un problème démographique “ est totalement absurde ”. Les évolutions démographiques n’imposent qu’une chose : “ que la part du PIB versée aux retraités s’accroisse ”.

Pourquoi le commissariat au Plan et le Conseil d’analyse économique ont-ils encouragé l’idée que les fonds de pension seraient une solution au “ problème ” démographique ?

 

B. Il n’est pas certain que les fonds de pension créent d’épargne supplémentaire

Parmi les stéréotypes répandus par les partisans des fonds de pension, celui de la nécessité absolue d’augmenter l’épargne, par principe, “ est l’un des plus plaisants ”. Pourtant, “ ni la théorie économique ni les faits ne confortent l’idée que la création de fonds de pension provoquerait une augmentation de l’épargne, et que cette épargne serait utile au développement économique et social. La création d’une épargne supplémentaire serait même une politique dangereuse ”.

“ Aucun fait ne vient soutenir la thèse du manque d’épargne, les faits prouvent exactement le contraire. Ils montrent qu’il n’existe aucune corrélation entre niveau d’épargne et niveau de développement économique ”. La démonstration s’appuie sur la comparaison entre la Suisse, les Pays-Bas et les États-Unis qui ont des fonds de pension et la France qui n’en a pas. Les fonds de pension ne créent pas d’épargne, comme le prouvent les exemples des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Chili.

Les fonds de pension ne peuvent fonctionner que par des subventions publiques. “ Les demandes exorbitantes que les partisans des fonds de pension présentent régulièrement aux pouvoirs publics pour obtenir des subventions au travers d’avantages fiscaux variés et des exonérations de charges sociales qui se traduisent, en fait, par le financement des fonds de pension par l’impôt, les régimes de Sécurité sociale ou les caisses complémentaires de retraites ”. Il dénonce également “ L’attitude de duplicité des partisans des fonds de pension qui se déclarent contre l’augmentation des prélèvements obligatoires. Mais si les fonds de pension sont une “ urgence ”, le passage à la capitalisation est donc une obligation. L’astuce consiste à rendre les fonds de pension quasi obligatoires, sans pour autant que leurs cotisations apparaissent dans les statistiques des prélèvements obligatoires… ”. L’État ne finance donc pas l’augmentation de l’épargne, “ mais le transfert de l’épargne des personnes aux revenus élevés vers les produits les plus avantageux fiscalement. Tout cela n’a rien à voir avec la retraite et les politiques sociales ”.

Dans la période de la fin des années 90, l’accroissement de l’épargne en France présenterait trois inconvénients aux yeux de l’auteur : “ déprimer la consommation, exporter l’épargne, renforcer la bulle financière ”.

La petite croissance des années 1997 et 1998 a été rendue possible non par le développement de l’épargne, mais par l’augmentation de la consommation des ménages : “ Réduire cette consommation par une affectation plus importante du revenu des ménages consacré à l’épargne ralentirait la consommation, la croissance et donc l’emploi ”.

L’Europe en général et la France en particulier sont exportateurs nets de capitaux : “ Ajouter de l’épargne conduirait à financer le développement des États-Unis, pays importateur de capitaux. Il faut au contraire agir de telle manière que les États-Unis financement eux-mêmes leurs investissements ”.

Ajouter de l’épargne ne peut que provoquer une augmentation artificielle du prix des actifs financiers sous-jacents : “ Une telle situation contribuera à déprimer l’investissement productif et à favoriser les investissements financiers artificiellement plus rentables dans le court terme ”.

 

C. Le mythe des besoins en fonds propres pour les grandes entreprises

Il n’existe aucun automatisme entre capitalisation et épargne longue. La meilleure preuve réside dans le fait que “ la capitalisation, aux États-Unis comme en France, se traduit par une présence des investissements dans les entreprises allant de 7 à 9 mois ”. Il est difficile de défendre le point de vue selon lequel ces durées correspondraient à de l’épargne longue.

Le lien entre épargne et développement des entreprises n’est pas non plus automatique : “ La France connaît un très fort taux d’épargne, alors que parallèlement les investissements des entreprises baissent et que le taux de chômage reste particulièrement élevé ”.

Au total non seulement à la fin des années 90 “ les grandes entreprises françaises n’ont généralement pas besoin de nouveaux fonds propres, mais favoriser l’épargne provoquerait sa fuite à l’étranger et le gonflement de la bulle financière ”.

Cette épargne abondante dans les grandes entreprises “ a joué en réalité contre l’emploi, dans la mesure où ces entreprises ont abandonné les investissements productifs, jugés moins rentables, pour s’orienter vers des investissements purement financiers (achats d’actions notamment). De plus en plus, les besoins en fonds propres évoqués par les partisans des fonds de pension relèvent du mythe. Mais pourquoi cette idée reçue continue-t-elle à prospérer en dépit de faits concordants qui indiquent le contraire ? ”

Parce que l’on confond les causes et les effets. En France, “ la faiblesse des investissements tient moins au manque d’épargne qu’à la faiblesse de la demande (dû au chômage) et au niveau élevé des taux d’intérêt réels à long terme. Les entreprises ne freinent pas leurs investissements faute de moyens, mais faute de commandes et parce qu’il est plus rentable de se désendetter ”. Dans ces conditions, “ travailler au renforcement de la propension à épargner et y consacrer une diminution des ressources fiscales et sociales, serait accentuer les deux facteurs qui bloquent l’investissement en enfermant l’économie dans le sous-emploi. Si l’objectif est la croissance économique, l’investissement et l’emploi, le lancement des fonds de pension n’est pas à conseiller ”.

 

D. Les fonds de pension n’apporteraient aucun financement aux PME

Croyant prendre exemple sur les États-Unis, les partisans des fonds de pension affirment que ces derniers apporteront le capital qui manque aux petites et moyennes entreprises françaises. L’exemple des États-Unis, précisément, “ dément formellement cette assertion ”. Au-delà du cas américain, “ le mécanisme des fonds de pension à l’anglo-saxonne est intrinsèquement contradictoire avec les investissements dans les PME, sauf pour celles susceptibles de parvenir à la cotation en bourse. Mais dans ce cas, ce n’est plus le créateur qui dirige son entreprise, ce sont les financiers… ”.

Si les fonds de pension américains fournissent environ un tiers des montants reçus par le capital-risque, ils ne fournissent que 0,6 % du capital pour les PME prises dans leur ensemble. Comment pourrait-il en être autrement, en France, si des fonds de pension voyaient le jour ?

 

E. L’échec des fonds de pension qui existent déjà en France 

Il existe déjà en France des fonds de pension. On ne peut qu’être “ surpris de la méthode de travail utilisée par le commissariat au Plan et le Conseil d’analyse économique qui, dans leur volonté de faire un “ diagnostic ” du système français des retraites, ont omis d’analyser et d’évaluer ces fonds de pension ”. Cette omission, bien sûr, “ n’en est pas une : la publication des performances de ces fonds de pension ferait de la contre-publicité à l’idée même de fonds de pension et mettrait leurs partisans en contradiction. Contre-publicité, car la plupart des fonds de pension déjà existant, pris individuellement, sont en échec, dans la mesure où ils n’ont concerné qu’une proportion extrêmement faible de bénéficiaires, de l’ordre de 10 %. Contradiction, car de l’addition de tous ces échecs individuels, serait apparu l’échec collectif des fonds de pension ”.

“ Que pourrait ajouter la création de nouveaux fonds de pension à cet ensemble baroque, et ce qui permettrait d’augmenter le nombre des bénéficiaires, en dehors de nouvelles exonérations fiscales de plus en plus coûteuses pour les contribuables et destinées aux classes moyennes supérieures. Une telle perspective écarterait de la retraite les chômeurs, les précaires et les catégories populaires ”.

Les performances sociales et financières des fonds de pension ou des systèmes de capitalisation existants sont faibles : FONPEL ; CAREL : “ La petite affaire Maxwell à la française ” ; COREVA ; “ L’échec des contrats Madelin ” ; le CREF ; la PREFON ; l’AFER ; “ L’échec populaire des PEA ” ; “ l’échec populaire et succès commercial des contrats d’assurance-vie ” ; “ L’exception des PEP ”.

 

IV. La “ révolution blanche ” ultralibérale

 

Pourquoi les pouvoirs publics, malgré les dangers, l’inefficacité et l’inutilité des fonds de pension, persistent-ils à en envisager l’extension ? Parce qu’ils ont renoncé à s’opposer à la “ révolution blanche ” menée par les ultralibéraux. Cette “ révolution blanche ” est un véritable “ projet de civilisation qui se déploie selon trois axes : la poursuite de la libéralisation financière, la mise en place de la théorie des “ trois piliers ” de la retraite par la Banque mondiale pour mieux les détruire et le maintien d’un chômage élevé justifié par la théorie absurde du NAIRU ”.

 

A. La libéralisation financière est un objectif de politique intérieure américaine

Les milieux ultralibéraux anglo-saxons prétendent que la libéralisation financière est une nécessité mondiale découlant d’une sorte de droit naturel devant s’appliquer à chaque pays pris individuellement et aux relations entre ces pays. Dans les faits sinon dans les arguments, “ la libéralisation financière favorise en réalité les États-Unis qui parviennent tout à la fois à détourner à leur profit une partie de l’épargne mondiale et à placer dans les pays étrangers les investissements provenant de leurs fonds mutuels et de leurs fonds de pension. La condition requise était l’organisation de marchés financiers et la création d’épargne dans ces pays, toutes choses que la libéralisation financière avait pour mission de réaliser. Les organismes multilatéraux ont donc mené la politique des États-Unis en la conceptualisant ”.

 

B. La Banque mondiale et la théorie des “ trois piliers “ de la retraite

“ C’est la Banque mondiale qui, la première, a sonné la charge contre les systèmes de retraites en répartition. Le signal du départ de cette campagne d’affolement de l’opinion publique a été donné en octobre 1994, dans un rapport devenu depuis la bannière des ultralibéraux et de leurs nombreux relais dans le monde entier[1]. L’objectif est de casser les systèmes de protection sociale mis en place en Europe ”.

Les “ trois piliers ” de la retraite visent à détruire les retraites garanties. Les propositions de la Banque mondiale visent à faire des systèmes de retraite des “ instruments ” de la financiarisation des économies.

Une telle stratégie repose sur la volonté de casser la répartition provoquée par le mythe du manque d’épargne et sur la volonté de mondialiser les valeurs anglo-saxonnes d’individualisme. Soutenant cet effort de la Banque mondiale, l’OCDE et le FMI ont précisé les contours de cette “ révolution blanche ” ultralibérale.

Pour le FMI les systèmes de protection sociale sont donc trop protecteurs et déresponsabilisent les citoyens. Habitués à trop de sécurité, ces derniers ne fourniraient pas l’effort d’épargne nécessaire au développement économique. Pour les ultralibéraux, les assurances sociales et les autres systèmes de protection sociale encouragent et habituent les gens à ne pas épargner. Une telle attitude maintiendrait les taux d’épargne à des niveaux insuffisants pour développer la croissance économique. Il faudrait donc réduire au maximum tous les dispositifs publics qui ne génèrent pas d’épargne, afin, comme le dit le FMI, de “ forcer les gens à épargner pour leur retraite en orientant les fonds de manière stable et permanente vers les investissements dans le secteur privé ”.

Le Fonds monétaire international estime même “ qu’un système en répartition peut déprimer l’épargne nationale parce qu’il crée de la sécurité dans le corps social ”. Les fonds de pension ont ainsi un objectif idéologique clair : provoquer de l’insécurité parmi les citoyens, ces derniers étant considérés comme intrinsèquement paresseux et irresponsables, et les “ forcer ” à épargner en provoquant de l’insécurité.

 

C. Le “ mur de pierre ” du NAIRU : pour conserver un chômage de masse

Les experts du commissariat au Plan et du Conseil d’analyse économique doivent être fermement dénoncés qui, pour déterminer la situation financière des régimes de retraite à l’horizon 2040, ont utilisé un taux de chômage de 9 %. Pourquoi, se demande l’auteur ? D’où vient ce taux de 9 % ?

Il correspond au NAIRU.

Quand, en février 1998, le mouvement Un travail pour chacun a publié Chômage : nous accusons ![2], certains commentateurs n’ont pas compris – ou fait semblant de ne pas comprendre – pourquoi les gouvernements successifs s’y trouvaient accusés “ de ne pas vouloir s’attaquer réellement au chômage ”. Accuser les gouvernements de ne pas vouloir – consciemment – s’attaquer réellement au chômage, était plus qu’une faute de goût, c’était une obsession antigouvernementale, associée au soupçon bien connu du “ complot ”.

Eh bien ce complot contre l’emploi existe ; “ il est une pièce essentielle de la “ révolution blanche ” organisée par les ultralibéraux. Il a même un nom de code : le NAIRU. Si les gouvernements des pays industriels ne veulent pas s’attaquer réellement au chômage – consciemment – c’est parce qu’ils sont sous l’influence de conseillers et d’économistes infectés par le virus du NAIRU alors même que ce concept est dénué de fondements ”.

Qu’est-ce que le NAIRU ? C’est l’acronyme de Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment ou “ Taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation ”.

Et que dit le NAIRU ? Il dit que, si le chômage est trop faible, l’inflation va s’accélérer au point de ne plus pouvoir être maîtrisée. Dans chaque pays, à chaque moment, existerait un “ taux de chômage naturel ”, au-dessous duquel l’inflation tendrait à s’accélérer, et au-delà duquel elle tendrait à décélérer. Les politiques publiques, notamment la politique monétaire, doivent donc maintenir un certain niveau de chômage pour ne pas réveiller les démons inflationnistes. Critiquer un taux dit “ naturel ” serait alors défier les forces de la nature et se prendre pour un démiurge…

En France le NAIRU a même été fixé à 9 % par le ministère des Finances. On en possède une preuve, qui se trouve dans les Comptes prévisionnels de la nation pour 1997 et selon lesquels “ une estimation centrale de ce taux de chômage compatible avec une croissance durable et non inflationniste serait [fin 1997] d’environ 9 %. Au niveau du chômage actuel [12,5 % à l’époque], ce seraient donc environ trois à quatre points de chômage qui pourraient être résorbés sans générer de tensions inflationnistes ”.

 

V. poser le problème des retraites de Façon globale et non partielle et partiale

 

Il est vrai qu’une forte probabilité existe, si rien ne change, de voir la proportion des inactifs croître plus rapidement que celle des actifs et donc d’augmenter leur contribution. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement “ alors que le chômage ne baisse pas, que plus personne ou presque n’en parle, et que rien n’est sérieusement envisagé pour le faire disparaître ? ”.

Mais pour résoudre ce problème réel de financement des retraites, “ le Conseil d’analyse économique et le commissariat au Plan ont proposé les réformes les plus inefficaces, les plus dangereuses et les plus antisociales ”. Il faut même à “ franchir un seuil dans la critique, car il y eu incompétence ; impuissance réelle ou simulée ; mensonges directs et par omission ; partialité et approximations ; raisonnements biaisés et mauvaise foi ; tentative de manipulation ”.

On peut se demander si en réalité le but de ces deux organismes était vraiment de procéder à un “ diagnostic partagé ”, comme cela avait été annoncé, ou s’il n’était pas plutôt “ de faire partager un diagnostic : celui du caractère inéluctable du recul social. Le résultat – si ce n’était l’objectif – a été de préparer l’opinion publique au sacrifice ”.

Comment aborder différemment le problème des retraites ? Il faut poser le problème “ de manière globale et non partielle et partiale ”, c’est-à-dire “ Saisir les mutations que connaissent les personnes âgées car, contrairement aux apparences et à la propagande, il n’existe pas de “ vieillissement ” de la population ni de “ choc ” démographique ”. Par ailleurs “ Le financement d’un régime de retraite est moins fonction du nombre des actifs que de leur productivité, c’est-à-dire du volume de la production et des modalités de partage des richesses ”.

 

 

A. Pourquoi Il n’existe pas de “ vieillissement de la population ” ?

En s’appuyant sur les travaux de l’historien Patrice Bourdelais, on peut récuser de manière extrêmement vigoureuse la notion de “ vieillissement de la population ”, et ceci pour trois raisons :

L’âge qui définit aujourd’hui la vieillesse n’est plus adapté. “ Tout a changé pour les femmes et les hommes de 60 ans : l’état de santé, l’allongement de la durée de la vie, la place dans la société, les revenus, le mode de vie. Il n’est plus possible d’associer, à la fin des années 1990, l’âge de la vieillesse à l’âge de 60 ans, car un tel seuil est démenti par les faits biologiques et sociaux ”. La notion de “ vieillissement démographique ” contribue “ à figer la représentation de l’âge de la vieillesse alors que sa réalité connaît des mutations jamais imaginées ”.

La notion de “ vieillissement ” possède un usage idéologique alimentant l’idée de la fin du progrès. Il ne faut pas confondre “ les phénomènes réels et l’interprétation qui en est faite. L’allongement de l’espérance de vie est un phénomène réel. Mais l’interpréter comme un “ vieillissement ” de la population relève de l’idéologie ”. Pourquoi ? Parce que ce concept de “ vieillissement ” possède “ un usage dans le débat d’idées dont l’effet – si ce n’est l’objectif – s’inscrit dans l’idéologie de la fin de l’histoire et du progrès sous le quadruple aspect national, social, économique et politique ”.

Au total, la notion de “ vieillissement ” telle qu’elle est désormais utilisée dans le débat public ne se contente pas simplement de décrire un phénomène démographique. “ Elle porte en elle un diagnostic pessimiste sur l’avenir de la société. Un glissement de sens s’est opéré, élargissant la notion de “ vieillissement ” à la totalité économique, sociale, culturelle et politique qui deviendrait, elle aussi, vieillissante, c’est-à-dire sans avenir ”.

 Vivre plus longtemps et en bonne santé “ représente une chance et il faut mettre fin à cette nouvelle séance de contrition collective à laquelle nous nous livrons ”. Il faut “ prendre le contre-pied exact de l’idéologie du vieillissement de la population ”. Les évolutions démographiques doivent être vécues positivement. La notion de “ vieillissement ” déforme la réalité. Le phénomène le plus significatif n’est pas un “ vieillissement ” mais un “ rajeunissement ” de la population : “ nous vivons en effet jeunes de plus en plus vieux (ou plus longtemps) et en bonne santé. C’est sur cet aspect qu’il convient d’insister car il est objectivement le plus significatif et il est, surtout, porteur d’espoir. Il ne faut donc pas laisser transformer ce formidable espoir en menace ”.

 

B. Le financement des retraites est d’abord un problème de production et de répartition des richesses

Il existe “ Cinq paramètres pouvant être utilisés pour obtenir l’équilibre financier d’un système de retraite : la quantité et la qualité de la richesse produite dans la société (1), le taux et les modalités de prélèvement sur cette richesse (2), le nombre des cotisants aux régimes de retraites (3), la durée des cotisations (4) le nombre et le montant des retraites à payer (5) ”.

1. L’exemple de l’agriculture montre que le plus important n’est pas le nombre d’actifs mais ce qu’ils produisent

En 1950, un peu plus de 3 millions d’agriculteurs avaient pour mission de nourrir un peu plus de 40 millions de Français. En 1999, moins d’un million d’agriculteurs nourrissaient 60 millions de Français. Dans cet exemple on peut comparer les actifs aux agriculteurs et les inactifs aux Français qui attendent d’être nourris. Non seulement la baisse du nombre des “ actifs-agriculteurs ” n’a pas provoqué de famine chez les “ inactifs-Français ”, mais l’agriculture nationale est devenue l’une des plus performantes au monde – à un prix écologique certes élevé – particulièrement à l’exportation.

C’est la productivité agricole qui a permis, avec moins d’agriculteurs, de nourrir plus de Français. Les retraites en répartition doivent trouver des solutions identiques à celles trouvées pour l’agriculture.

2. Une augmentation modeste des cotisations suffirait à retrouver l’équilibre financier

Le Conseil d’analyse économique, entre autre, estime qu’il faudrait augmenter les cotisations de 0,4 % tous les ans à partir de 2006 pour maintenir l’équilibre financier des régimes de retraites. “ Il est cependant parti du présupposé non démontré, et sans que la population ne soit consultée, que cette augmentation des cotisations était insupportable. En réalité, pour des raisons idéologiques tout autant qu’électorales, les gouvernements répugnent à augmenter les prélèvements obligatoires ”. C’est la raison pour laquelle l’allongement de la durée des cotisations a été préféré.

Alors que le triplement du taux des cotisations pour les 40 années qui viennent est présenté comme une catastrophe, il est nécessaire de rappeler que les 40 années qui viennent de s’écouler ont vu les mêmes cotisations être multipliées par 10. Celles-ci ont en effet augmenté de 0,7 % par an entre 1973 et 1983 ; de 0,5 % par an entre 1983 et 1991 et de 0,35 % par an entre 1991 et 1996.

 

3. L’augmentation du nombre des cotisants réglerait une partie significative du problème

Les organisations syndicales ont heureusement contesté l’hypothèse d’un taux de chômage à 9 % en 2040 telle que l’avait retenue le commissariat au Plan. D’autres hypothèses ont été utilisées, notamment avec un taux de chômage à 3 %. Dans ce cas, les prélèvements pour financer les retraites passeraient de 14,5 % du PIB en 1998 à 16,3 % en 2040, soit une augmentation de 1,8 %. Cette augmentation des prélèvements serait à organiser sur 40 ans, soit 0,045 % du PIB à déplacer chaque année. Si l’on prend pour base un PIB de 7 500 milliards de francs, 0,045 % fait 35 milliards de francs. Ces besoins annuels de financement de 35 milliards de francs pourraient être trouvés, par exemple, en augmentant les cotisations. Une telle somme répartie sur 20 millions d’actifs représente 1 700 francs par an à partager entre les salariés et les employeurs, soit 850 francs par an en moyenne et par salarié, autrement dit 70 francs par mois.

Où est le drame, où est le problème ?

4. L’augmentation de la durée des cotisations n’est pas justifiée

Pourquoi le commissariat au Plan ne retient-il que cette formule en écartant sans débat les autres possibilités ? La réponse est simple “ et elle n’est pas d’ordre technique ou financier mais idéologique. Les gouvernements ne veulent pas relancer l’économie et la croissance de la sphère marchande car ils craignent le retour de l’inflation. Ils ne veulent pas non plus relancer l’emploi, et notamment l’emploi dans la sphère non-marchande pour la même raison : ils craignent le retour de l’inflation. Ils ne veulent pas augmenter les cotisations par principe, car les prélèvements obligatoires font figure d’épouvantail ”.

5. Remettre en cause la baisse programmée du montant des retraites

“ Les citoyens doivent s’insurger contre la culture diffusée par le commissariat au Plan et le Conseil d’analyse économique ” alors qu’il faut “ la construction d’un nouveau type de plein-emploi qui seul permettra le financement des retraites ”.

 

C. Un nouveau type de plein-emploi pour financer les retraites

L’importance de la masse salariale, dans le système actuel, conditionne le financement des retraites. Elle peut augmenter sous l’effet conjugué de quatre actions.

1. Augmentation des salaires

La France est un des pays développés qui est allé le plus loin dans l’affaiblissement de la part des salaires dans le PIB. Cette situation explique en partie le chômage, car le pouvoir d’achat, c’est-à-dire ce qui détermine la demande des ménages, a été asséché expliquant dans une large mesure les difficultés d’un système de protection sociale financé par des prélèvements sur les salaires.

2. Création d’un nouveau type de plein-emploi

Choix essentiellement politique, la réalisation d’un nouveau type de plein-emploi nécessite une réorientation complète de la politique gouvernementale dans trois domaines :

a – Tirer toutes les conséquences de la fin de l’inflation. Dans ses discours et ses décisions, le gouvernement doit très clairement affirmer devant l’opinion publique que la guerre contre l’inflation a été gagnée, et que cette victoire permet désormais – sans “ risque ” – l’augmentation des salaires et de l’emploi.

b – Concevoir différemment la réduction du temps de travail. La loi Aubry est d’inspiration libérale. Ses objectifs véritables, qui n’avaient pas été annoncés mais qui se sont révélés au fil du temps lors de sa mise en œuvre, “ sont l’organisation de la pression sur les salaires ; la baisse du coût du travail ; l’extension de la flexibilité ; et, accessoirement, la création d’emplois, comme le montrent les résultats fort modestes obtenus en 1998 et au début de 1999. C’est la conception même de la réduction du temps de travail qui doit changer en prévision de la seconde loi, qui doit être votée fin 1999 ”. La nouvelle orientation devrait s’inspirer des propositions formulées entre autres par le mouvement Un travail pour chacun, et résumées dans la formule “ Un pour dix, dix pour un ”.

c – Développer les emplois non-marchands. Le secteur non-marchand est perçu comme une source de dépenses pour les finances publiques, et comme une menace de cannibalisation pour le secteur privé. C’est à la clarification de ces éléments qu’il convient de procéder.

Sur ces trois points, le mouvement Un travail pour chacun a signalé des pistes. “ Une partie des 700 milliards de francs de dépenses et des 400 milliards des manques à gagner fiscaux et en cotisations sociales liée au chômage en 1997 peut être progressivement réorientée pour financer l’emploi. Cette piste, jusqu’à maintenant négligée et méprisée par les pouvoirs publics, offre pourtant la possibilité de sortir du piège du chômage ”. Quant à la détermination, l’utilité, la gestion et le statut de ces emplois, “ ils devraient résulter de pratiques nouvelles de démocratie participative à l’échelon territorial intercommunal ”.

3. Libérer les âges de la retraite

La proposition du commissariat au Plan d’allonger la durée des cotisations à 42,5 ans doit être abandonnée. Elle est inadaptée, car elle ne tient aucun compte des différences devant l’espérance de vie selon les individus. Il faut que le nouvel âge légal du départ en retraite “ tienne compte de l’espérance de vie, dont on sait qu’elle dépend essentiellement de la catégorie sociale. Mais allonger la durée des cotisations n’est possible que si la question du chômage est résolue ”.

4. Assurer la continuité des positions professionnelles

Une des évolutions les plus perverses du marché du travail, depuis le début des années 80, a été “ la discontinuité croissante des activités professionnelles ”. A l’entrée tardive dans la vie professionnelle pour des centaines de milliers de jeunes, s’ajoute l’accumulation de “ trous de carrière ”, qui font alterner périodes de chômage et périodes d’emplois précaires, stages ou intérim. Il faut créer rapidement “ un véritable équivalent de cotisation pour ces périodes non travaillées, sous peine de voir le montant des retraites se réduire pour les millions de personnes concernées. Mais un tel équivalent de cotisations ne serait qu’un palliatif. Il faut s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire assurer pour chacun la garantie d’une activité, d’un revenu et de la protection sociale. Un statut de l’actif pourrait en constituer le moyen juridique ”.

Mais l’augmentation de la masse salariale ne suffit pas, il faut encore envisager la participation des employeurs. Le système actuel, qui consiste à calculer les cotisations sociales patronales sur la masse salariale est pénalisant pour l’emploi et pour les petites entreprises, commerçants, artisans et professions libérales. Il faut, au contraire, fixer le montant des cotisations sociales patronales par rapport à la richesse réellement créée par l’entreprise, c’est-à-dire établir une nouvelle assiette, celle de la valeur ajoutée, par exemple. Les avantages en seraient nombreux. Tout d’abord, le “ coût du travail ” deviendrait variable et adapté à la capacité de création de richesse par l’entreprise. Ensuite, les entreprises réalisant des bénéfices importants – notamment sur les marchés financiers – seraient mises à contribution en proportion de leurs gains. Le changement d’assiette permettrait ainsi de concilier efficacité économique et justice sociale. Le CNPF-MEDEF refuse cette proposition. Défendant les grandes entreprises à haute intensité capitalistique, il œuvre contre l’intérêt des petites entreprises qui ont tout à gagner à voir s’opérer ce changement d’assiette.

 

[1] World Bank, Averting the Old Age Crisis : Policies to Protect the Old and Promote Growth, [Prévenir la crise du vieillissement : politiques pour protéger les personnes âgées et promouvoir la croissance], Policy Research Bulletin, 5e volume, numéro 4, août-octobre 1994.

[2] Jacques Nikonoff (dirigé par), Chômage : nous accusons !, Arléa, 1998.

 

Jacques Nikonoff

Président du mouvement Un travail pour chacun

Ancien représentant de la Caisse des dépôts aux États-Unis

Membre du Conseil scientifique d’ATTAC

Voir aussi:
Ni vieillissement ni choc démographique

 

 

 

 

 

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