Les fonds de pension, une fausse réponse à une fausse question |
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Le gouvernement devrait
tenir, en mars 1999, une grande conférence avec les partenaires sociaux, afin de
négocier lintroduction dun système de fonds de pension « à la française
». Si la loi Thomas votée par la précédente majorité semble définitivement
enterrée, les partisans dune retraite par capitalisation ne désarment pas.
Plusieurs rapports d« experts » ont été déposés en ce sens dans les dernières
semaines.
Le débat sur les fonds de pension, ou retraite par
capitalisation, ou épargne-retraite, sera le débat du printemps 1999.
De nombreuses voix sélèvent en leur faveur. A
commencer par les libéraux, avec en fer de lance le lobby des assurances privées,
emmené par layatollah de lultra-libéralisme, Denis Kessler. En continuant
par Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn et même Martine Aubry, qui préparent une
nouvelle loi en ce sens. Même les grandes confédérations syndicales se disent prêtes
pour les unes « à regarder », pour les autres à négocier puisque « aucun sujet nest
tabou ».
ATTAC est radicalement opposée à la mise en place de
fonds de pension en France, et entend bien se situer au cur du débat et de laction
pour empêcher leur mise en place. Encore faut-il savoir exactement ce que cest, les
arguments de leurs partisans, nos propres arguments, pour mieux les combattre. Cest
lobjet de ce document.
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Description |
La plupart des projets en faveur des
fonds de pension (FDP) comportent des caractéristiques communes.
Ces fonds sont alimentés par lépargne des
salariés, sous forme de versements volontaires.
Ils sont éventuellement générateurs de
déductions fiscales. |
Ils peuvent bénéficier dabondements de la
part des employeurs.
Ils sont gérés soit par les entreprises auxquelles
appartiennent les salariés qui versent, soit par des compagnies dassurances ou des
mutuelles.
Largent recueilli par les FDP est investi dans
des produits divers : actions, SICAV, emprunts, etc.
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A son départ en retraite, le
titulaire dun compte sur un fonds peut recevoir une partie du capital. Tout au long
de sa retraite, le titulaire reçoit une rente en rapport dune part avec le total de
ses versements, dautre part avec les résultats de fonds qui gère son compte.
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Les arguments des partisans des fonds de
pension |
Contestation de ces arguments |
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Quelle
démographie ? |
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La retraite par répartition (système actuel où les cotisations des
actifs servent à payer les retraites) va coincer car : - la démographie prévoit dans les trente ans qui viennent une
augmentation de la proportion des plus de 60 ans ;
- la durée de vie sallonge, donc on doit
payer les retraites plus longtemps ;
- le chômage de masse fait baisser le nombre de
cotisants.
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La baisse du nombre de cotisants est largement due au chômage, cest
à celui-ci quil faut sattaquer, et notamment par la réduction massive du
temps de travail.
La démographie, selon les études les plus récentes,
ne va pas continuer sur sa courbe actuelle ; on prévoit une stabilisation de la
population mondiale vers 2030. En France, la population des plus de 60 ans devrait
décroître après 2035.
De plus, limiter lanalyse démographique au seul
vieillissement de la population revient à tronquer la réalité. En effet, les actifs
doivent prélever une partie de leurs ressources au profit de lensemble des
inactifs, les personnes âgées mais aussi les jeunes (moins de 15 ans). Ce qui importe, cest
le rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler et le nombre de celles qui
sont soit trop vieilles, soit trop jeunes pour le faire. Or, ce rapport va peu varier au
cours des 25 prochaines années. Du fait de la dénatalité, la charge liée à laugmentation
de la proportion des personnes âgées sera compensée en grande partie par la baisse de
la part relative des jeunes dans la population totale.
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Est-ce un système sûr ? |
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Les FDP peuvent générer des retraites plus fortes en étant
investis, en rapportant des dividendes, etc. |
Que ce soit par répartition ou par capitalisation, les pensions de
retraites sont une partie de la richesse produite. Les retraités de 2020 vivront de biens
et de services produits en 2020 et non de biens et de services mis de côté aujourdhui
en vue dune consommation future. Dans les deux cas, ce sont donc les actifs qui
paieront. Les FDP peuvent
aussi seffondrer et ruiner des centaines de milliers de retraités et futurs
retraités. On a déjà vu le cas en Grande-Bretagne. Quelle rente verserait un FDP dont
les capitaux auraient été placés en titres de dette mexicains, en immobilier de bureau
à Tokyo, en actions des firmes des pays asiatiques
investissements considérés
très sûrs il y a peu ? |
Y a-t-il augmentation des revenus ? |
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Labondement* des employeurs et les déductions fiscales
représentent une augmentation des revenus des salariés.
(*) Labondement est une somme que
verse lemployeur sur le compte du salarié, pour chaque versement de ce dernier (de
lordre de 25 à 100 %, plafonné à un certain montant).
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Labondement des employeurs viendrait bien souvent en
déduction des augmentations de salaires qui auraient été versées si les FDP navaient
pas existé. Labondement
profitera à ceux qui auront les moyens dépargner pour leur retraite. Les gros
salaires en profiteront donc davantage que les petits ou les moyens, même toutes
proportions gardées, car la capacité dépargne croît de façon exponentielle en
fonction des revenus. Par exemple, si un salaire mensuel de 8000 F peut générer une
épargne de 500 F, un salaire trois fois plus élevé de 24 000 F peut lui générer une
épargne douze fois plus élevée, de 6 000 F.
Les sommes versées par les entreprises au titre de
labondement seront, selon la plupart des projets, exonérées de cotisations
sociales (sauf CSG et RDS) et cela, combiné avec de moindres augmentations de salaires,
viendra encore grever le budget de la sécurité sociale. |
Est-ce bon pour les entreprises françaises ? |
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Les FDP donneraient aux entreprises françaises des moyens
supplémentaires en fonds propres pour : - se développer,
- se protéger contre les OPA(Offres publiques dachat)
de groupes étrangers,
- se protéger des chutes de cours provoquées par
des retraits massifs des fonds de pension étrangers (qui détiennent aujourdhui
environ 40 % du capital des sociétés du CAC 40).
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Si les FDP sont gérés dans lintérêt des épargnants, ils se
comporteront comme les autres fonds, quils soient français ou étrangers : ils
achèteront des actions quand elles commenceront à monter, et vendront quand elles
commenceront à baisser, ne faisant quamplifier les mouvements de la Bourse.
Si par contre les fonds sont gérés dans lintérêt des entreprises, alors ce
seront les épargnants qui souffriront en cas de crise : les cours baissant, le capital
détenu par les FDP fondrait alors comme neige au soleil.
Aujourdhui, lépargne française investie en actions se porte volontiers vers
des entreprises étrangères, si elles présentent une probabilité plus grande de profit.
Le but de lépargne nest pas de protéger les entreprises nationales, mais de
retirer du profit.
De plus, la croissance de lépargne entraînerait mécaniquement une baisse de la
consommation, et donc de lactivité des entreprises.
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Devinette Soit
deux couples : lun où les deux conjoints exercent une activité rémunérée, ont
eu un enfant, et ont pu épargner par capitalisation dans des retraites complémentaires ;
lautre a eu cinq enfants, seul le père a eu un métier, la mère " ne
travaillant pas ", aucun complément de retraite na pu être entrepris.
Qui aura une belle retraite ?
Qui aura préparé la collectivité à la payer
?
Qui aurait des vieux jours difficiles si comme
autrefois nexistait pas de système de retraite, quel quil soit ?
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Effets pervers des fonds de pension |
Sur le plan social
Outre la baisse des augmentations de salaires et celle
des cotisations patronales, on peut sattendre à des difficultés des caisses de
retraite complémentaire, car des entreprises pourraient faire le choix de diminuer leur
taux de cotisation pour favoriser les FDP. Conséquence : soit les retraites
complémentaires versées diminueront, soit les taux dappel des cotisations
augmenteront, soit les deux
Dans ce cas, les salaires les plus faibles seront
triplement lésés : pas dabondement, augmentations de salaires en baisse,
cotisations de retraite complémentaire en hausse !
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Sur le plan idéologique
Cest un peu plus daliénation pour les salariés qui
entreront dans une relation schizophrène avec lentreprise: Pour que ma
retraite soit bonne, il faut que mon entreprise, dans laquelle jai investi, fasse
des profits, et donc quelle diminue la part de valeur ajoutée consacrée aux
salaires ; il faut quelle soit compétitive et donc restructure et licencie si
besoin est. Conclusion : mon licenciement profite à ma retraite !
Plus généralement, un des buts des FDP est dessayer
de faire adhérer les travailleurs à lidéologie libérale ( Les actions
contre laction ).
Les FDP sont aussi un facteur de division entre
titulaires de FDP et non titulaires, entre actifs qui peuvent cotiser et chômeurs qui ne
peuvent pas, entre salariés de grands groupes qui auront des FDP et salariés de PME qui
nen auront pas. Division encore entre travailleurs des pays industrialisés et
travailleurs des pays en voie de développement : par exemple, à propos de linstauration
de taxes sur la spéculation financière (style Taxe Tobin), car ces taxes nuiraient à la
profitabilité des FDP, alors quelles profiteraient à des actions de développement
des pays pauvres.
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Sur le plan
économique
Laugmentation de la puissance
financière des FDP à travers le monde amplifierait leurs effets néfastes cités
précédemment et pourrait se retourner contre les économies les pratiquant. La crise de
1998 en est un exemple : les FDP anglo-saxons ont quitté les places asiatiques, puis les
places russes, pour revenir sur les places occidentales. Là, ils exigent des taux de
profit importants, se retirant dès quon leur annonce des résultats non conformes
à leurs attentes (exemple dAlcatel le 17 septembre 1998 : les FDP se sont retirés
à lannonce dun résultat prévisionnel pour 1998 de 4 Milliards de francs au
lieu des 6 initialement prévus par le groupe, faisant chuter laction de 38 % en une
séance).
Lafflux dune nouvelle masse importante de
capitaux sur les marchés ne trouverait à sinvestir que par la création de
nouvelles valeurs, provenant pour la plus grande partie par la privatisation de services
publics et leur gestion selon la pure logique du profit maximum à court terme. Ce serait
là les salariés de ces secteurs et les usagers qui feraient les frais de lopération.
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Conclusion |
Les fonds de pension ne sattaquent
pas à la question essentielle de la baisse du nombre de cotisants quentraîne le
chômage de masse : une baisse du taux de chômage de 0,2 point par an équilibrerait
naturellement les comptes de la répartition.
Pour répondre au phénomène conjoncturel du papy-boom , on modifierait
profondément et peut-être irrémédiablement léquilibre actuel de tout notre
système de protection sociale, basé sur la répartition. Le système des fonds de
pension, lourd des dangers liés à lintrinsèque incertitude des placements
financiers, générerait un nouvel accroissement des inégalités.
Les motivations essentielles des partisans des fonds de pension sont à rechercher parmi lintérêt
des assureurs qui en tireront de nouveaux profits, celui des patrons qui disposeront de
nouveaux capitaux, et le renforcement de laliénation des salariés à lidéologie
libérale.
Les différents projets de retraite par capitalisation, quelle que soit leur appellation,
doivent donc être combattus de la façon la plus énergique.
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Février 1999 |
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ANNUAIRE
ANNONCES
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