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Assemblée générale et Assises nationales

3 et 4 novembre 2001

Rapport d'activité du Conseil d'administration

Introduction Hébergement Rapport financier
Rapport Activité Complément rapport Rapport Oral

 

Ce rapport a été rédigé et soumis au conseil d’administration avant les événements du 11 septembre aux Etats-Unis. Il ne peut donc y faire référence. La nouvelle situation créée par ces événements sera largement débattue lors de l’assemblée générale à partir des documents publiés par Attac depuis cette date.

Préambule. 

“ Il ne s’agit rien moins que se réapproprier, ensemble, l’avenir de notre monde. ” Cet objectif, proclamé par notre charte fondatrice, donne la mesure de la tâche que nous nous fixons, et nous inscrit résolument dans le temps long. Ce cadre donne tout son sens aux définitions proposées pour Attac : “ mouvement d’éducation populaire tourné vers l’action ” et articulé au mouvement social ; “ stimulateur démocratique ”. Il permet d'évaluer le terrain conquis et ce qui reste à conquérir, l'impact de nos critiques de la mondialisation libérale et des constructions alternatives que nous lui opposons.

Avec plus de trois ans d'existence, Attac est déjà une "vieille" association, en termes d'expériences et de pratiques. Nous n'en restons pas moins une réalité jeune, toujours en devenir. Cette contradiction dynamique nous autorise à penser l'avenir et la durée en termes à la fois pragmatiques et innovants. Deux soucis nous animent : poursuivre la mobilisation contre la mondialisation libérale, en même temps que la construction collective d'Attac comme pôle de rassemblement, porteur d'alternatives, en France et dans le monde. 
Perspectives et bilan sont donc la matière principale de ce rapport. Celui-ci ne vise pas à l'exhaustivité, d'autant que d'autres textes, validés par l'association au cours des derniers mois, éclairent certains sujets. Il vise, plus modestement, à permettre une réflexion sur ce qui a caractérisé notre activité de l'année écoulée, et à éclairer ses prolongements possibles, dans un moment qui est celui de l'après-Gênes.

1.- Gênes : rupture et étape nouvelle

Le sommet du G8 de Gênes constitue une rupture à plusieurs égards. Les formidables manifestations auxquelles il a donné lieu et la répression sauvage qui s'est déchaînée contre elles nous ont propulsés dans une étape nouvelle, comme l'avait fait Seattle.

C'est que la manifestation de plus de 200 000 personnes est la plus importante jamais tenue pour contrer la mondialisation libérale. Cette vitalité militante est d'autant plus impressionnante que la période estivale ne la favorisait guère, et que la préparation et la tenue du défilé se sont passées sous un feu roulant de provocation policières. Les demandes des manifestants portaient à la fois une exigence de démocratie, le rejet global des orientations libérales, et des exigences ciblées : annulation de la dette publique du tiers-monde, interdiction des paradis fiscaux, instauration de la taxe Tobin, refus d'une relance de la marchandisation du monde par l'OMC… Le mouvement d'opinion publique internationale qui nous porte se développe, à partir de diverses entrées spécifiques, et promeut des questions transversales renouvelées : la citoyenneté, l’appropriation de biens communs, la déconstruction des logiques libérales. D'évidence, il continue de s'élargir et se renforcer

Cette évolution n'a d'ailleurs pas échappé aux plus matois des dirigeants du G8 dont la déclaration finale constitue à la fois une “ première ” et un chef-d'œuvre d'hypocrisie. Tout en émettant le vœu d'un " partenariat avec la société civile", elle prend l'exact contre-pied des demandes des manifestants. Cette attitude révèle la tentation "impériale" que porte la logique de la mondialisation libérale, avec son cortège de "suspension" des droits démocratiques. 

A cet égard également, Gênes constitue une étape nouvelle. Jamais la tentative de criminalisation des opposants pacifiques à la mondialisation libérale n'aura été poussée aussi loin. Un mort, six cents blessés recensés, des centaines d'arrestations, l’usage systématique de sévices, voire de tortures, appliqués aux personnes arrêtées : ce bilan trahit une stratégie froidement préméditée visant à déplacer, aux yeux des opinions publiques, les enjeux de Gênes, à occulter tout débat de fond en focalisant l'attention sur la “ violence ” des manifestants. Cette stratégie de diabolisation s'est finalement retournée contre ses auteurs, isolant encore davantage les gouvernements du G8.

C’est là une rupture supplémentaire. L’opinion publique s’inquiète de plus en plus massivement des conséquences de la mondialisation. Les écroulements boursiers, les crises du Japon et de l’Argentine, la multiplication de “ plans sociaux ” dans de grands groupes mondiaux rappellent le caractère éminemment déstabilisant des choix économiques et financiers opérés par les marchés financiers et les entreprises multinationales.

Pour Attac également, Gênes aura fait rupture, et nous sortons renforcés de l’épreuve. D'abord grâce aux efforts de mobilisation et d'organisation des militants et comités locaux qui se sont investis dans la réussite du rassemblement des mois et des semaines en amont. Egalement dans le travail d'organisation, d'information, d'encadrement réalisé sur place, en lien avec les membres du Bureau, avec les militants du Genoa Social Forum (GSF), avec d'autres réseaux, français et étrangers, avec, enfin, les autres Attac. Des milliers d'Italiens, Français, Grecs, Allemands, Belges, Espagnols, Suédois, Suisses, etc., ont défilé sous le même drapeau et nous avons démontré, à cette occasion, qu'Attac constitue une force citoyenne à l'échelle européenne et internationale.

Cette maturité nouvelle – dont nous avions déjà mesuré les prémisses à Nice - nous crée évidemment des responsabilités nouvelles, tant sur le terrain international que strictement français. Ces responsabilités portent tout à la fois sur les stratégies à promouvoir, sur la tenue des rassemblements à venir et sur la construction d'Attac France. 

2.- Perspectives

Trois rendez-vous immédiats s'imposent à l'esprit : Qatar, l’événement national d’Attac et Porto Alegre. Evoquer rapidement ce calendrier, ses enjeux et le type de mobilisation qu'il requiert permet, d'une part, d'y faire face, d'autre part, de mesurer le chemin parcouru, un peu à la façon d’un rétroviseur. Les trois initiatives sont d'ailleurs intimement liées et doivent nous permettre de combiner refus, propositions et construction d'un rapport de forces.

- La conférence ministérielle de l’OMC de novembre au Qatar

L’OMC s’apprête à lancer un nouveau cycle de négociations, en même temps qu’à continuer la libéralisation de l’agriculture et des services dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Nous avons commencé à agir dès la fin septembre, avec nos amis d’Europe ; nous poursuivrons nos explications autour des enjeux de cette réunion et participerons à un mouvement de manifestations partout dans le monde, le 10 novembre. Rappelons que, à l'occasion de Seattle, deux pays seulement - les Etats-Unis et la France - avaient connu des manifestations. Nos initiatives seront de deux ordres : information et action

Information : par la diffusion de documents du Bureau (notamment sur l’AGCS) et du livre de Susan George (Remettre l’OMC à sa place) pour servir de base au travail collectif des comités ; également, en direction des parlementaires et de la presse, par la tenue d’une journée d’études à l’Assemblée nationale, à l’initiative conjointe d’Attac et des Coordinations des députés et sénateurs membres d’Attac.
Action : journée de manifestations du 10 novembre dans toute la France, dans le cadre d’appels unitaires.

- Le grand événement national.

En France, l'après - Gênes a été caractérisé par une relance du débat sur la taxe Tobin. Tentatives de récupération, dérobades montrent, au fond, que nous avons réussi à prendre et conserver l'initiative sur ce terrain, en déstabilisant les stratégies de dénigrement de d'ignorance. Après la réunion du conseil Ecofin de Liège, qui a décidé de confier une étude de faisabilité sur le sujet à la Commission européenne, il s'agit de poursuivre de plus belle. Inconnue du plus grand nombre il y a encore 4 ans, la taxe Tobin est également devenue un objet dur, incontournable, du débat politique mené dans les grandes institutions internationales. Elle est aujourd’hui discutée à l’ONU où elle se trouvait interdite de séjour il y a encore quelques années. Nous avons su faire la “ différence ”. Il nous reste à marquer le point dans une période qui, en France, va être profondément marquée par le calendrier électoral.

C’est là une des raisons qui avaient amené l’AG de Saint-Brieuc à proposer un grand événement national, finalement fixé au 19 janvier. Nous proposons, après discussion avec la CNCL, qu'il prenne la forme d’un rassemblement à Paris, au Zénith, l’après-midi, précédé d’autres rassemblements dans la matinée ou d’une manifestation. Cette initiative devrait alimenter, en aval de sa tenue, des centaines de débats sur les enjeux, de proximité ou généraux : services publics, gestion de l’eau, taxe Tobin, spéculation, paradis fiscaux, alimentation, santé, éducation, culture, démocratie participative, etc., tous liés à la mondialisation libérale. Cet ensemble se retrouverait dans une déclaration aux électrices et électeurs sur ce que devrait être une économie au service de l'humanité.

Cet événement aura une triple dimension. 

D’abord, il s'inscrira dans les efforts des réseaux qui, dans le monde, font pression sur l’ONU, la Commission européenne, leurs propres gouvernements, pour déboucher enfin sur la taxe Tobin et d’autres ruptures avec l’ordre néolibéral.

Il constituera ensuite une préparation locale de Porto Alegre (31 janvier- 5 février). Celles et ceux d’entre nous qui se retrouveront au Forum social mondial y seront ainsi porteurs de cette expérience, de son contenu.

Enfin, il ancrera solidement nos thèmes et nos préoccupations dans le débat public, avant et pendant la période électorale. Il s’agit bien, le 19 janvier et après, d’être suffisamment forts pour que les acteurs politiques français, dirigeants de partis, candidats, futurs élus soient contraints de tenir compte de nos problématiques et de se définir par rapport à elles. 

Cela implique – au-delà du style de préparation que nous souhaitons – de multitudes d’initiatives décentralisées avec une forte visibilité au moyen de badges, auto collants, T-shirts, affichettes, tracts. Le tout s’articulant avec une série de rendez vous, d’interpellation des pouvoirs publics, des élus, etc.

- Le Forum social mondial de Porto Alegre.

Le mot d’ordre du FSM - Un autre monde est possible -, véritable cri d’espoir et de guerre à l’ordre libéral, s’est mué en force concrète et doit retentir à nouveau en janvier 2002. Là encore, la réussite du Forum passé place la barre très haut. Il s’agira, pour les mouvements sociaux, dans leur diversité, de déboucher sur l’expression de politiques, d’idées, d’alternatives permettant de passer d’un archipel de résistances à des mise en oeuvre convergentes.

L’un des défis posés par le FSM à Attac France est, d’une part, de permettre à chacune et à chacun de jouer un rôle dans sa préparation, de “ dire son mot ” et d’être l’une des voix de Porto Alegre ; d’autre part, d’assurer une représentation plus large que l’an passé, tant pour la France qu'au plan international, ce qui nécessitera des actes de solidarité financière ; enfin d’assurer, pendant et après le FSM, une forte présence, en France, des thèmes et perspectives de Porto Alegre.

3.- Une dynamique internationale soutenue

Notre activité s'est développée l'an dernier, portée par une vague qui continue de croître. Cela se mesure à la participation grandissante, notamment de jeunes, aux contre-sommets internationaux : Québec, Göteborg, Gênes. Ce mouvement s’étoffe de convergences croissantes entre différents réseaux associatifs et syndicaux au plan international. Il s’élargit et se diversifie, même si ce mouvement n'a rien de linéaire. C’est un atout, à condition que cette diversité soit vécue dans des cadres larges, permettant à toutes les composantes de se retrouver dans le respect de leurs identités et spécificités, et dans des regroupements plus militants, pouvant avancer des revendications et des mobilisations communes.

C’est l'esprit qui a prévalu à Porto Alegre, où le FSM s'est affirmé comme un lieu de rencontres et de débats, sans prise de décisions ou adoption de déclarations contraignantes, cependant que des mouvements sociaux et militants se mettaient d’accord sur une plate-forme d’action qui a permis de fixer les priorités pour l’année 2001. C’est dans cette logique qu’Attac veut poursuivre ses actions en attachant une attention toute particulière à sa propre croissance internationale.

Car si la vague actuelle de mobilisation planétaire prend des formes différentes suivant les pays et les continents, elle nourrit un extraordinaire développement de différents Attac nationaux. C’est notamment le cas en Amérique latine, au Japon et en Europe, la Scandinavie, la Finlande, l’Italie et l’Allemagne, entre autres, en fournissant des exemples remarquables.

La notoriété internationale désormais acquise par le mouvement Attac – dont témoigne l’attribution du Prix international 2001 de la Fondation norvégienne Sophie – permet le lancement de campagnes, en particulier sur la taxe Tobin, et la lutte contre les paradis fiscaux. D’autre part, il contribue, et c’est essentiel, à la construction, avec les différentes structures Attac nationales, de mouvements généralistes et transversaux facilitant l’action commune des différentes forces et campagnes engagées dans la lutte contre la mondialisation libérale. Pour ces raisons, Attac France s’investit et s’investira toujours davantage dans le soutien à la création et au développement des mouvements Attac dans les différents pays. 

A cette priorité s’en ajoute une seconde : la poursuite de notre stratégie d’alliances souples avec les différents réseaux mobilisés contre la mondialisation libérale, à partir de leurs préoccupations propres. Nos préoccupations rejoignent, de fait, celles des réseaux et campagnes qui militent pour l'annulation de la dette publique du tiers-monde, pour un développement durable, pour un commerce équitable, celles de la Marche mondial des femmes, etc. 

4.- L’ordre libéral contre-attaque 

Cette stratégie unitaire a réussi à placer l'adversaire à la défensive. Après Seattle, la presse économique et financière considérait que le front entre syndicalistes, environnementalistes et jeunes “ radicalisés ” était trop hétérogène pour perdurer. Aujourd'hui, les dirigeants du Forum économique mondial de Davos, mais aussi de l’OMC, du FMI, de la Banque mondiale et même de l’ONU, ont dû rompre avec leur attitude méprisante. Déjà deux mois après Seattle, pour la session 2000 de Davos, le ton avait changé : “ Il faut le dialogue, il faut écouter les manifestants ”. L’impact de Porto Alegre a bousculé la suffisance des puissants. Mais il n'a pas supprimé leurs capacités manœuvrières. Pendant l’été 2000, l’ONU crée le Global Compact, structure qui réunit, autour du secrétaire général Kofi Annan, des représentants de la “ société civile ” : ONG, mais aussi et surtout multinationales... Cette stratégie – véritable baiser qui tue – vise, en divisant les ONG entre "raisonnables" et "radicales", à fournir un alibi “ démocratique ” aux acteurs de la mondialisation, gouvernements ou institutions internationales telle l'OMC, devenue également friande de ce "dialogue" à peu de frais. 

Elle éclaire son autre face : le recours à l’intimidation et à la répression la plus brutale. Zones d’interdiction au cœur des villes, cordons policiers, gaz lacrymogènes, matraquages continuent de faire l’ordinaire des sommets internationaux. On sait, depuis Göteborg et Gênes, jusqu'où cela peut conduire…

Face à ce mouvement double, il est extrêmement important de bien définir notre démarche. 

Sur le “ dialogue, notre position peut se résumer de la façon suivante : le dialogue est utile, par simple souci démocratique, mais surtout pour formaliser et concrétiser les avancées sociales. Il doit cependant être public et organisé dans le souci de l’indépendance des acteurs, lesquels doivent, dans tous les cas, conserver leur autonomie. Pratiquement, cela se traduit par le refus de toute structure qui, comme le Global Compact, nous incorporerait dans un front commun avec les entreprises multinationales et les institutions internationales. En revanche, nous entendons participer à toutes les initiatives de débat public qui nous permettront de défendre nos positions et nos propositions. 

De même, nous entendons participer aux discussions en cours dans les institutions, ou à leur initiative, tout en conservant notre indépendance. C'est ce que nous avons fait quand l’ONU a lancé un groupe de travail sur le financement du développement incorporant, dans ses thématiques, la “ faisabilité ” de la taxe Tobin. 
Sur la répression, nous refusons et condamnons toute démarche de criminalisation et d’intimidation. Mais nous refusons également de voir le mouvement de contestation criminalisé et ramené à l’activité hyper-médiatisée de groupes provocateurs souvent infiltrés, voire composés d'éléments policiers. 

5.- Une synergie internationale, nationale et locale 

Notre activité internationale n’a, d’une façon générale, rien eu de “ diplomatique ” : elle continue de trouver ses relais et ses sources dans les préoccupations des adhérents, dans l’activité des comités locaux et celle des élus. L’année écoulée depuis Saint-Brieuc a vu activité internationale et activité nationale se nourrir l’une l’autre dans une série d'initiatives d' ampleur variable.

La manifestation de Nice en décembre 2000 – la plus grande manifestation syndicale européenne jamais organisée - aura joué un rôle particulier dans notre articulation au mouvement social. Nice nous a permis de développer notre approche spécifique des politiques européennes et a constitué une étape importante dans la capacité de mobilisation de l’association, dans sa visibilité nationale et internationale.
On citera à cet égard l’opération Etonnants paradis de juin dernier, organisée à l'initiative de plusieurs comités locaux d’Attac France, avec plusieurs participations internationales ; le contre-sommet européen de Göteborg, en Suède, en juin dernier, doublé, en ce qui nous concerne, d’une réunion des Attac d’Europe ; la préparation des actions organisées contre la réunion de la Banque mondiale à Barcelone, réunion finalement annulée devant la perspective des manifestations qui, elles, ont bien eu lieu ; les manifestations de Gênes, en Italie, en Belgique autour du sommet européen… 

A quoi il faut ajouter notre présence à une série de rendez-vous internationaux tels que les différentes réunions préparatoires à Porto Alegre ; la “ sortie ” du sous-commandant Marcos et son entretien avec le président de l’association ; les manifestations de Washington lors de l’assemblée générale du FMI et de la Banque mondiale ; les campagnes, réunions et initiatives provoquées par la tenue de la conférence ministérielle de l’OMC au Qatar. Egalement les réponses aux nombreuses demandes des Attac étrangers et les campagnes de solidarité auxquelles nous participons, soit en direction d’une Attac étrangère particulière – nous pensons en particulier à nos amis du RAID tunisien -, mais aussi lors de sommets tel que celui de Gênes.

Cette façon de combiner actualité internationale et française, activité nationale et locale de l'association constitue un gage de souplesse et d'efficacité, à condition qu'elle ne se heurte pas à des réflexes d' “ exclusivité ” ou de “ prérogatives ” de telle ou telle de ses composantes. L'espace que nous entendons couvrir est vaste ; il requiert impérativement démarche de complémentarité et esprit d'équipe. C'est heureusement ce qui prévaut largement au sein de l'association dans la conduite de ses campagnes et initiatives. 

6.- Les campagnes de l'année écoulée

Nos campagnes se sont poursuivies tout au long de l’année, confirmant la dimension multi-thématique et d’éducation populaire de l’association. Certaines se sont soldées par des succès. C'est notamment le cas des “ Masters de l'économie ”, à l'occasion de laquelle le ministère de l'éducation nationale a dû publier un “ code de bonne conduite ” du privé dans l’école publique, dont il reste évidemment à vérifier l’application.

Les questions de l’eau et de sa gestion, la relation entre démocratie locale et mondialisation financière, la taxe Tobin, les paradis fiscaux et la criminalité financière, les retraites, la sécurité alimentaire, le développement durable, l’OMC et l’AGCS, la propriété intellectuelle, les OGM, la marchandisation de la culture et de santé : autant de questions sur lesquelles les comités locaux réfléchissent, produisent, échangent, informent, interpellent et mobilisent. Et ce dans le cadre de débats, conférences, et autres écocafés. A quoi s’ajoutent leurs multiples interventions sur les marchés, leurs publications propres, sous formes de journaux ou de CD.

Certaines de ces campagnes doivent plus particulièrement retenir notre réflexion, soit qu’elles ont montré nos limites, soit au contraire, parce qu’elles nous ont aidé à grandir.

Les fonds de pension 

Très sensible, cette question n’a pourtant pas suscité la mobilisation sociale qu’elle méritait au moment de la discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale. Cela malgré une prise en charge extrêmement importante de notre part sous forme de meetings et réunions publiques. La faiblesse de la réaction générale, la division du mouvement social sur cette question constituent autant de facteurs handicapants pour une association comme la nôtre. Ce contexte, combiné aux règles de discipline des groupes parlementaires, explique pour une large part le vote survenu a l’Assemblée nationale, malgré l'attitude combative des députés adhérents à Attac au sein de leurs groupes respectifs et dans le dépôt de motions préalables. La plus grande vigilance reste de mise sur ce dossier stratégique et il nous revient de réfléchir à lui donner sa place dans la préparation du 19 janvier. 

Danone ou les licenciements de convenance boursière 

Dans la suite de la mobilisation autour de Michelin, dans laquelle Attac avait trouvé sa place, nous nous sommes inscrits dans celle entraînée par le “ plan social ” de Danone. Nous l’avons fait autour de quatre axes : une pétition, remise à l’Assemblée nationale, et forte de 60 000 signatures ; l’appel au boycott qui, grande première en France, a été pris au sérieux et a pénalisé les ventes de Danone, créant ainsi un axe d’alliance entre consommateurs et producteurs ; l’élaboration d’un document théorique montrant le caractère inéluctable d’opérations du type Danone dans la nouvelle phase du capitalisme qu’est la dictature des actionnaires ; enfin, la proposition, formulée à l’Assemblée nationale, d’amendements à la loi de modernisation sociale, dont plusieurs - mobilisations obligent - ont finalement été partiellement pris en compte, notamment sur la définition du licenciement économique. 

Cette dynamique d’engagement nous a amenés à répondre présent à la demande des intersyndicales des entreprises concernées par les plans sociaux pour manifester le 9 juin. Ce jour là, Attac a fait la démonstration de sa capacité de manifester simultanément à Paris, à Saint-Malo et à la frontière de l’Andorre. Sans doute faudra-t-il, pour la suite, améliorer la coordination des différents acteurs de l'association, assurer une meilleure visibilité des étapes de la campagne et des expressions de l'association, notamment en la ponctuant de rendez-vous clairement identifiés et pouvant jouer le rôle de rebonds.

La suppression des paradis fiscaux

Nous avons réussi, depuis Saint Brieuc, à mener une véritable campagne nationale inscrite dans la durée sur l'un des objectifs fondamental de notre plateforme. Elle a été rythmée par quatre temps forts :

Le 7 décembre 2000, lors du sommet européen de Nice, manifestation, aux portes de la principauté de Monaco, pour dénoncer les “ requins ” de la finance.

Le 9 juin 2001, plus de mille manifestants à Saint-Malo, Jersey et Andorre, dans le cadre de l'opération Etonnants paradis.

Le 30 juin, colloque à Paris avec le Syndicat de la magistrature et Alternatives économiques sur le thème “ Que faire contre la criminalité économique en France et en Europe ? ”. Son contenu fera prochainement l’objet d’une publication.

Le 6 octobre 2001, journée d'action “ Grande lessive ” à Luxembourg pour dénoncer, entre autres, le blanchiment de l'argent sale.

Parties d'initiatives de comités locaux, organisées en coordinations soutenues par le Bureau national, ces actions ont pris rapidement une dimension européenne.

L’AGCS

La question de l’AGCS a fait l’objet d’un véritable travail de défrichage de la part de l’association ( voir le point 2).

Tobin tout de suite

La distribution, à l’ensemble des comités locaux, d’un “ kit Tobin ” comprenant une cassette vidéo, des modèles de lettres à adresser aux élus, ainsi qu’aux banques ayant filiales dans les paradis fiscaux, a constitué un “ plus ” non négligeable dans la liaison entre Attac national et les comités locaux. Pour autant, un kit ne suffit pas, et il nous faut rendre notre campagne plus visible et plus “ agressive ”. C’est ce qui s’est fait lors du “ week-end Tobin ” des 22 et 23 septembre pendant le conseil Ecofin. Ce conseil avait été précédé d’une rencontre débat à l’Assemblée nationale, essentiellement destinée à la presse et aux élus, sur la faisabilité de la taxe Tobin. Cette rencontre avait été organisée par Attac et les Coordinations des députés et sénateurs membres d’Attac.

Cette multiplicité des champs d'intervention est une caractéristique et l'une des forces d’Attac. Il nous faut veiller à ce qu'elle ne se retourne pas en son contraire, devenant ainsi un motif d'épuisement ou de dispersion. Chacune de ces campagnes devrait donc, dans l'idéal, combiner explication, mobilisation et construction d'un rapport de forces pouvant peser sur les décisions. 

7.- Une construction démocratique

Avec quel outil Attac pouvons nous mener ce travail ? Et comment l'améliorer ? Notre croissance quantitative se poursuit, et Attac France va vers les 30 000 adhérents (plus de 23 000 étaient à jour de leur cotisation en septembre) et plus de 220 comités. Ce mouvement est, en soi, impressionnant et il confirme les attentes existantes. Le Conseil d'administration, le Bureau et le Conseil scientifique se sont efforcés d'y répondre en accompagnant l'actualité internationale et nationale. Le CA s'est ainsi réuni à huit reprises depuis la précédente AG. Le Bureau, quant à lui, s'est réuni chaque semaine, à deux ou trois exceptions près durant la période estivale. Il a, entre autres, assuré la publication de Lignes d'Attac et de divers matériels tels le kit Tobin ; il a animé la campagne de boycott de Danone, coordonné, avec les comités concernés, l'activité autour des paradis fiscaux, préparé l'université d'été d’Arles et la présente AG, tout en répondant aux différentes et très nombreuses demandes soit internationales, soit émanant des comités locaux et groupes thématiques. Cette activité s'est également traduite par la publication de plus d’une quinzaine de communiqués de presse.

De son coté, le Conseil scientifique a alimenté la réflexion sur les campagnes Danone, Tobin et paradis fiscaux ; il a nourri l'édition de livres Attac (7 depuis notre création, et 2 autres en co-édition) ; il a enfin entamé une réflexion sur sa restructuration en vue d’étendre ses compétences disciplinaires et de mieux répondre aux demandes militantes des comités locaux. René Passet a demandé à être déchargé de la responsabilité de la présidence du Conseil scientifique, et, sur sa proposition, le CA a élu à l’unanimité pour le remplacer Dominique Plihon. Le transfert de responsabilités interviendra au moment de l’AG. René Passet, qui continuera son activité au sein du CS, a bien mérité d’Attac et l’AG voudra sans doute le lui montrer.

La multiplication des terrains d'intervention et des tâches qu’elle entraîne constituent , de fait, un énorme défi pour l'activité du CA, comme du Bureau, qui ne comptent aucun élu permanent. Cette croissance exponentielle explique, pour une part, les difficultés persistantes dans le domaine de la communication immédiate avec les adhérents et les comités. 

Elle explique également l'apparition de problèmes nouveaux qu’il nous faudra gérer de façon collective. Des questions de seuil sont, par exemple, posées : faut-il continuer à laisser se multiplier les comités locaux, au risque d’un émiettement, ou voir se créer des comités "sur mesure" au bon vouloir des uns ou des autres ; faut-il légiférer en la matière, comment et sur quels critères ? Comment envisager et formaliser les règles de conduite entre les différents acteurs qui font Attac, combiner la nécessaire décentralisation de notre activité, de nos initiatives et la coordination nationale dont nous avons impérieusement besoin pour construire ensemble, peser sur le rapport des forces ? Quelle réflexion engager sur les modes de mutualisation au sein de l'association entre, par exemple, comités locaux et groupes thématiques ? Certaines expériences sont à cet égard extrêmement riches, et d'autres moins… 

Ces questions ont à voir avec la démocratie, avec la façon dont nous voulons vivre et travailler ensemble. Nous n'en sommes qu'au début des réponses à apporter et, de ce point de vue, le suivi des deux vœux adoptés à Saint-Brieuc apporte de premières réponses positives.

La création de la Conférence nationale des comités locaux (CNCL) a constitué un pas en avant considérable. Composé de représentants, généralement mandatés, des comités locaux, elle s’est réunie à quatre reprises, avec un niveau de représentativité toujours élevé. Elle a, au fil des réunions, choisi ses formes de travail et d’organisation ; elle a permis à toutes et tous de mieux cerner les attentes des comités. Elle se révèle un lieu précieux pour échanger sur les orientations, dynamiser les décisions et les campagnes, mutualiser idées et initiatives. Chacun s'accorde à penser que beaucoup peut encore être fait pour améliorer son fonctionnement, mais elle constitue d’ores et déjà un outil précieux au moment ou Attac doit “ gérer ” un problème croissant : celui de l’intégration des forces nouvelles à des pratiques, des débats plus anciens.

Cette structure devrait nous aider à progresser dans la résolution de conflits - de territoires ou de personnalités - entre certains comités. Elle devrait également formaliser davantage d’initiatives nationales “ décentralisées ” par thèmes, telles la journée d’étude sur l’AGCS et celle sur Internet et les stratégies de communication électronique. Une autre journée de ce type, organisée en direction des trésoriers des comités locaux, devrait par exemple être mise à l’ordre du jour de 2002.

Le deuxième vœu adopté à Saint-Brieuc et entériné par le CA a débouché sur la constitution d’un groupe de travail mixte CA/comités locaux qui s’est réuni 7 fois. Il a accompli un travail considérable sur la formalisation du fonctionnement de la CNCL et sur le statut des comités locaux dans la vie de l’association. Le bilan d’étape de son activité, établi sous sa responsabilité, figure en annexe du présent rapport. Il sera complété à Tours par l’exposé des travaux réalisés après l’envoi du présent document.

.8.- Le rapport au politique

La question du rapport d’Attac au politique, on le sait, nous accompagne depuis pratiquement notre naissance, et elle a fait l'objet de plusieurs déclarations du Conseil d'administration. Objet mal identifié, à l’identité évolutive, Attac est souvent incompris par les “ observateurs de la vie publique. Prisonniers d’une grille de lecture archi-classique, ils peinent à nous faire entrer dans une case précise et déterminée, et nous étriquent en nous ramenant parfois à des problématiques médiocrement politiciennes. Répétons le une fois de plus et sur tous les tons : Attac produit de la politique, Attac s’intéresse à la politique, mais Attac, ses dirigeants nationaux, ses responsables - à quelque niveau que ce soit - ne “ roulent ” pour personne. Comme citoyens, ils sont libres de leurs engagements ; comme militants d’Attac ils veillent à ne pas entretenir et moins encore à encourager quelque confusion que ce soit entre sphère associative et sphère politique. En tant qu’association, Attac s’exprime sur tout ce qui lui semble d’importance, mais n’appelle à voter ou à soutenir quelque candidat ou liste que ce soit. 

Ces positions, réaffirmées lors de la précédente Assemblée générale ont permis à l’association de traverser la période des élections municipales avec un minimum de cas “ limites ” ou dérogatoires à la règle commune. Cela indique au moins deux choses. La première c’est que la règle est bonne, au sens où elle convient à l’écrasante majorité d’entre nous, et où elle nous permet de travailler en confiance. La seconde, c’est que les velléités de réinventer la démocratie, voire la politique, y compris en utilisant des valeurs que nous pouvons partager, ont pu - sans qu’Attac y joue le moindre rôle - s’exprimer à partir de forces constituées sur le terrain politique. 

Son rôle, Attac l’a aussi tenu en développant les thématiques du colloque de Morsang-sur-Orge. En multipliant ce type d’initiatives dans nombre de départements, elle a pu éclairer les enjeux du local et ceux du global dans une perspective combinant démocratie représentative et démocratie participative. Ce qui a permis de dégager des axes d’intervention pour s’opposer à une mondialisation financière qui opère bien “ ici et maintenant. ”. Cette réflexion se poursuivra lors du Morsang II, tenu à nouveau à Morsang-sur-Orge les 7 et 8 décembre prochain 

Le débat sur le rapport au politique est forcément évolutif. Il a rebondi en juin dernier à l’occasion de la demande d’Olivier Schrameck, directeur de cabinet du premier ministre, de recevoir une délégation d’Attac. Cette entrevue, dont nos adhérents ont été les premiers informés, a donné lieu a un communiqué qui déclare notamment : “ Les représentants d’ATTAC ont rappelé l’indépendance totale du mouvement par rapport aux partis politiques et à l’exécutif, et souligné qu’il n’était pas dans la nature d’une association comme la nôtre de commenter en permanence l’action gouvernementale ou de se déterminer uniquement par rapport à elle (…). Il a été précisé que si l’association développait des analyses critiques sur la mondialisation, elle faisait aussi des propositions concrètes dont elle souhaitait évidemment que chacun, gouvernement compris, se saisisse (….). Beaucoup de citoyens, partout dans le monde, attendent des gestes et des politiques de rupture. Il ne s’agit donc pas d’accompagner, avec des aménagements à la marge, la mondialisation libérale, d’en corriger les pires effets, et encore moins de lui donner un impossible “ visage humain ” . Il s’agit, au contraire, pour les élus et les gouvernements, de reprendre le terrain qu’ils ont abandonné à la finance et de mettre en oeuvre des politiques alternatives ”.

Rapport d’activité rédigé par le Bureau pour le Conseil d’administration d’Attac.

 

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22/10/01