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Assemblée générale et Assises
nationales
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3 et 4 novembre 2001 |
Rapport oral - 3 novembre
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Chère amie, cher ami
Vous trouverez ci-après le texte du rapport oral présenté par Pierre Tartakowsky à l’ouverture des assises de Tours. Il reprend les grandes lignes du rapport oral présenté à l’examen des adhérents. Il s’enrichit de développements sur trois thèmes :
- Le positionnement de l’association sur les événements du 11 septembre et leurs suites
- L’identité d’Attac
- Ses modes de travail et d’organisation, notamment en perspective de la prochaine AG élective.
Rapport oral Assises de Tours 2001
Préambule.
« Il ne s’agit de rien moins que se réapproprier, ensemble, l’avenir de notre monde. » Cet objectif, proclamé par notre charte fondatrice, donne la mesure de la tache que nous nous fixons; il nous enracine dans les réalités locales, nationales, au cœur d’une grande diversité internationale et nous inscrit résolument dans le temps long. Ce cadre donne tout son sens à l’identité d'Attac comme « mouvement d’éducation populaire tourné vers l’action, articulé au mouvement social, déclencheur démocratique. » Il permet d'évaluer le terrain conquis, les dynamiques en cours, l'impact de nos critiques de la mondialisation libérale et des constructions alternatives que nous contribuons à faire émerger.
Avec presque quatre ans d'existence, Attac est déjà une "vieille" association, en termes d'expériences et de pratiques. Nous n'en restons pas moins une réalité jeune, toujours en devenir. Cette contradiction est un atout; elle nous autorise à penser l'avenir et la durée en termes à la fois pragmatiques et innovants. Deux soucis nous animent: poursuivre l'offensive antilibérale en cours en France et dans le monde, dans le cadre unitaire le plus large ; poursuivre la construction collective d'Attac comme facteur de rassemblement, porteur d'alternatives, en France et dans le monde, sans la diluer dans un « mouvementisme » dispersé et donc, inefficace.
Identité
Une bonne façon d’évaluer notre capacité collective à mener à bien ce double objectif, consiste à revenir sur l’imprévu et sur la façon dont nous y avons fait face. De ce point de vue, les événements du 11 septembre et leurs suites ont constitué un test aussi dramatique qu’instructif. De fait, la lutte contre le terrorisme et contre la logique de guerre ne figurent pas dans la charte d’Attac. Le jour même des attentats, nous avons pourtant du arrêter une position pour l’association. Sans développer ici une analyse fouillée, géostratégique du cours des événements, il convient de rappeler ici quelle a été la démarche du bureau, validée par le Conseil d’administration, car elle illustre le champ de nos responsabilités et les risques, les enjeux qui lui sont afférents.
Nous avons tout d’abord considéré que les attentats du 11 septembre constituaient un événement mondial, une rupture violente dans l’actualité, créant une situation nouvelle et qu’il nous fallait donc éviter trois écueils. Le premier constituait à faire le dos rond, à céder à la logique de guerre, à une représentation binaire du monde tout en attendant des jours meilleurs. C’était l’objectif de la campagne ignoble développée ici et là visant à assimiler les tenants critiques de la mondialisation libérale aux terroristes. Le second écueil constituait à sous estimer l’événement, à faire comme si de rien n’était, à continuer comme avant, en considérant que toute cette affaire n’était, au fond, que diversion périphérique. Une telle attitude nous aurait condamné à « décrocher » de la réalité du monde tel qu’il va et donc, des préoccupations de celles et ceux à qui nous nous adressons.
Le troisième écueil, enfin, aurait constitué à oublier nos fondamentaux au bénéfice d’un « basculement » exclusif sur les enjeux de paix et de sécurité collective, au risque d’une immédiate perte d’identité.
La position d’Attac s’est donc construite autour de trois thèmes, développé dans deux communiqués : d’abord, solidarité avec les victimes et dénonciation sans ambiguïté du terrorisme, comme étranger aux valeurs et aux causes que nous défendons. Nous avons ensuite rappelé que le monde d’avant le 11 septembre était un monde d’inégalités, d’injustices croissantes, alimentant en désespérés tous les gourous, dictateurs et ayatollahs en quête de pouvoir absolu. Cette analyse nous amène l’affirmer : la lutte contre le terrorisme ne connaît pas de raccourci ; elle nécessite un travail de longue haleine contre le secret bancaire, les paradis fiscaux, l’argent facile de la spéculation et de la corruption.
Tout ce contre Quoi nous luttions avant le 11 !!
Enfin, nous avons mis en garde contre les dérives immédiates de toute « logique de guerre » et d’un engagement militaire qui semble de jour en jour plus injuste et meurtrier pour le peuple afghan, plus flou dans ses objectifs, plus dangereux pour le monde entier.
Cette position s’est traduite par notre participation à un collectif largement unitaire, à l’initiative du mouvement de la paix. Et nous avons continué de porter nos campagnes. Dans cette même période, les comités locaux ont su tenir la décision d’action autour de la taxe Tobin à l’occasion de la tenue d’Ecofin, en valorisant nos propositions sur les paradis fiscaux. Une manifestation « contre le terrorisme, contre la logique de guerre » a rassemblé 7000 participants à Paris, des milliers d’autres en province avec une forte représentation d’Attac et une forte présence de jeunes.
Avons nous bien fait et comment poursuivre maintenant ?
La position de l’association a été discutée et largement validée par le Conseil d’administration, puis par la dernière Cncl. Aujourd’hui, toutes celles et ceux qui parlent de la mondialisation, quelle qu’en soit par ailleurs leur analyse, admettent que les événements du 11 septembre, s’ils ne se résument pas à l’existence d’injustices et d’inégalités, rendent incontournables une réflexion sur de nouvelles régulations mondiales, sur de nouvelles répartitions des richesses, sur la construction d’une authentique justice internationale. Nous aurions donc eu grand tort de ne nous censurer. D’autant que notre présence dans ce débat sur la paix et la sécurité collective permet de porter des enjeux que peu d’autres forces expriment, enjeux liés à nos « fondamentaux » : lutte contre la dette et la misère, lutte contre la spéculation et la corruption qu’elle nourrit, lutte contre le commerce inégal et l’exportation brutale de modes de production et de consommation oublieux des droits et libertés fondamentales dont l’humanité s’est dotée dans la sphère politique, du travail, de l’égalité des sexes, de la santé et de l’environnement.
Nous proposons donc de poursuivre cet engagement, à partir de notre identité ; soyons partie prenante de processus de mobilisation sur les enjeux de sécurité, à condition qu’ils soient larges, et ne nous isolent pas. Soyons y à notre place, modestement. Nous n’avons pas vocation, pas plus ici qu’ailleurs, à constituer une quelconque « avant garde » ; sachons bien que notre responsabilité première et principale reste bien de nourrir des réflexions et des mobilisations sur nos objectifs propres : contre un nouveau cycle de libéralisation à Doha, pour un autre monde à Porto Alegre, pour des alternatives au financement du développement à Monterey, contre la privatisation de nos services publics ici et maintenant…
Il nous revient dans la situation nouvelle d’articuler nos fondamentaux aux soubresauts d’une actualité qui hélas, en a en réserves. En éclairant cette actualité de nos analyses et en combinant débats et mobilisations, nous jouerons notre rôle de mouvement d’éducation populaire, tourné vers l’action, stabilisant ainsi notre identité dans la dynamique même des évolutions du monde.
Cette démarche face à l’événement, démarche à la fois pragmatique et radicale, est en quelque sorte une « signature » d’Attac ; avec le naufrage de l’Erika l’association s’est approprié les enjeux de l’environnement, en les reliant à leur dimension sociale et économique ; avec les affaires Michelin et Danone, elle s’est aventuré sur les questions du chômage, jusqu’à jouer un rôle et sur le terrain – notamment avec la campagne de boycott- et dans les institutions en proposant, avec les élus membres d’Attac, des amendements à la loi de modernisation sociale. C’est cette démarche qui nous a permis de passer d’une « campagne Tobin » à la construction d’un mouvement plurithématique qui nous crédibilise lorsque nous affirmons qu’un « autre monde est possible. »
Comment conserver cette dynamique de développement tout en conjurant les risques d’éparpillement ? Comment conduire le changement sans être emporté par le courant ? Cette question nous accompagne depuis notre première assemblée générale de La Ciotat et elle constitue toujours une interrogation commune. Sa réponse ne se décrète pas, et ne saurait être totalement prédéterminée ; mais il est important de rappeler qu’elle est inséparable des principes et objectifs qui nous fondent, qui nous associent et nous permettent d’agir ensemble. Elle se formalise et se valide dans une actualité porteuse d’exigences à notre égard et au regard de ce que nous sommes : un acteur parmi d’autres, un déclencheur démocratique et non la démocratie à soi tout seul, un mouvement d’éducation populaire, partenaire de débats dans l’unité et non un porteur autoproclamé de vérités définitives. Bref, une association.
Ensemble
Examinons donc comment, au long de l’année passé, nous nous sommes « associés », avec quelle qualité démocratique, quelle efficacité, avec quelles déficiences ? Quels fruits – ces fruits dont on dit qu’ils identifient l’arbre – avons nous donc produit ensemble ?
Le premier de ces fruits, c’est d’abord et avant tout un immense travail d’éducation populaire, mené sur le terrain sous forme de débats, de conférences, d’écocafés, à l’initiative des comités locaux, également sous forme d’interventions sur les marchés, avec leurs publications propres, qu’elles soient de papier, électroniques ou audiovisuelles. Cette activité quasi quotidienne, dont le rayonnement défie nos capacités d’approche statistique constitue le sel de la vie de l’association, ce qui lui donne sens et légitimité ; c’est en elle que s’enracinent son imagination collective, sa pertinence à relier le local au global, sa capacité à crédibiliser l’action collective. Durant l’année, nous avons été en capacité, plus que précédemment, de mettre ces capacités en synergie, au travers de campagnes d’importance et de rayonnement divers.
Campagnes
Certaines de ces campagnes ont été problématiques, d’autres nous ont aidé à grandir, à nous affirmer ; j’en évoquerai cinq:
· Les fonds de pension. Très sensible, cette question n’a pourtant pas éveillé la mobilisation sociale qu’elle méritait au moment de la discussion de la loi à l’assemblée nationale. Ce, malgré une prise en charge extrêmement importante de notre part sous formes de réunions publiques. La faiblesse de la réaction générale, la division du mouvement social sur cette question constituent autant de facteurs handicapants pour une association comme la nôtre. De plus, nous n’avons pas su prendre ce problème suffisamment en amont, en discuter avec les députés membres de la coordination. Ce contexte, lié aux mécanismes de discipline de vote propres aux groupes parlementaires, explique pour une large part le vote survenu à l’assemblée nationale, malgré l'attitude combative de députés adhérents à Attac au sein de leurs groupes respectifs.
La plus grande vigilance reste de mise sur ce dossier stratégique et il nous revient de réfléchir à lui donner sa place dans la préparation du grand événement que nous préparons pour le 19 janvier.
· Danone. Dans la suite de la mobilisation autour de Michelin, dans laquelle Attac avait trouvé sa place, nous nous sommes inscrits dans l’émotion qu’a soulevé le plan social de Danone. Nous l’avons fait autour de trois axes : une pétition, remise à l’assemblée nationale forte de 60.000 signatures ; l’appel au boycott qui, grande première en France, a été pris au sérieux et a pénalisé les ventes de la multinationale et son image. Au-delà, l’impact de cet appel a été éminemment politique, cristallisant un axe d’alliance entre consommateurs et producteurs et manifestant un refus de masse des licenciements de convenance boursière. Enfin, la proposition, formulée à l’Assemblée nationale, d’un certain nombre d’amendements sur la loi de modernisation sociale, dont certains, mobilisations sociales obligent, ont finalement abouti, notamment sur la définition du licenciement économique.
Cette dynamique d’engagement nous a amené à répondre présent à la demande des intersyndicales des entreprises concernées par les plans sociaux pour manifester le 9 juin.
Ce jour là, Attac a fait la démonstration de sa capacité à manifester à Paris, à Saint-Malo et à la frontière de l’Andorre.
· Paradis fiscaux : En ce qui concerne la suppression des Paradis fiscaux, nous avons réussi, là encore en travaillant étroitement avec les comités locaux à l’initiative à mener une campagne nationale sur l’un des thèmes fondamentaux de notre plate forme. Cette campagne a été rythmée par quatre temps forts :
- Le 7 décembre 2000, lors du sommet européen de Nice, nous avons organisé
une manifestation, aux portes de la Principauté de Monaco, pour dénoncer les requins de la finance.
- Le 9 juin 2001 nous étions plus de mille à manifester à Saint
Malo-Jersey et Andorre, dans le cadre de l'opération « Etonnants Paradis. »
- Le 30 juin, nous avons organisé un colloque à Paris avec le syndicat de la magistrature et Alternatives économiques sur le rhème « que faire contre la criminalité économique en France et en Europe » dont le contenu fera prochainement l’objet d’une publication.
- le 6 octobre 2001 enfin, nous avons participé à l’opération « Grande lessive » organisée par Attac Luxembourg pour dénoncer entre autres, le blanchiment de l'argent sale. Cette initiative, malheureusement insuffisamment médiatisée, a été un réel succès, du à l’animation conjointe d’un collectif large, regroupant les comités Attac de Nancy, de Metz, de Strasbourg, d'Epinal, de Liège, de Bruxelles, de Namur, Attac Allemagne et Attac Luxembourg.
Parties d'initiatives de comités locaux, organisées en coordination
soutenue par le bureau national, ces actions ont pris rapidement une dimension
européenne. « Etonnants Paradis » a été soutenue par le Syndicat National Unifié des Impôts, les fédération CGT et CFDT des F inances puis rejoint par les Attac d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, d'Espagne, de Pologne, d'Irlande, du Luxembourg, des Pays Bas, et de Suisse. Cette opération remarquablement organisée par les comités bretons, normands et de l'Ariège, largement couverte par les médias, a su allier mobilisation citoyenne, festives et éducation populaire.
· L’Agcs : cette question a fait l’objet d’un véritable travail de défrichage de la part de l’association. Mal connue et identifiée du grand public, elle a donné lieu à plusieurs démarches de formation, l’une lors de la Cncl tenue à l’université de Saint Denis, l’autre lors d’une journée d’étude tenue à Paris à destination des adhérents et comités locaux. La parution du livre de Susan George sur l’Omc, la constitution d’un véritable site internet de référence sur la question, notamment grâce à nos camarades d’Attac Marseille, s’inscrit dans ce travail d’éducation et d’alerte et aura nourri nos efforts de conviction et de mobilisation pour ce prochain 10 novembre à l’occasion de la tenue de la réunion interministérielle de l’Omc à Doha.
· Tobin tout de suite : la distribution d’un « Kit Tobin » à l’ensemble des comités locaux, kit riche d’une cassette vidéo, de modèles de lettres à adresser aux élus, aux banques ayant filiales dans les paradis fiscaux, a constitué un « plus » non négligeable dans la liaison entre « Attac national » et les comités locaux. Pour autant, disons le nous franchement, nous sommes en deça des besoins en la matière : un kit ne fait pas une campagne et il nous revient sur cette question de rendre notre présence cette campagne plus visible et plus « agressive ». La proposition d’une journée taxe Tobin, au cours de laquelle, dans toutes les villes, des rues et des places seraient débaptisées/baptisées « taxe Tobin » est un exemple de ce que nous devons faire. La perspective de journées nationales de rendez vous, d'interpellation d'élus sont également à considérer, ces initiatives s’inscrivant totalement dans ce que nous voulons faire avec l’événement du 19 janvier.
Il nous revient ici d’examiner comment aller plus loin, sachant que dès décembre, nous devrions avoir un « retour » de la commission d’évaluation désignée par Ecofin sur la question de la faisabilité de la taxe en Europe.
Au travers de toutes ces campagnes, dont chacune aurait mérité un effort plus soutenu de mise en visibilité nationale, l’enjeu permanent est bien de créer les conditions d’une réappropriation citoyenne des problématiques et des prises de décision. Cela demande du temps, des efforts construits, et nécessite des choix d’investissement militant. Cela demande le respect du triptyque « information, formation, action », triptyque fondateur de la constitution d’un rapport de forces. A cet égard, l’année écoulé aura connue des évolutions décisives, perceptibles notamment au travers des grands rendez-vous d’action qu’ont été les manifestations de Nice et de Gênes. Manifestations et évolutions qui nous conduisent tout naturellement à évoluer nous mêmes, à préciser notre rôle.
Manifestations
Elle semble s’être déroulée il y a un siècle déjà tant les choses vont vite; il faut pourtant rappeler que la manifestation de Nice – plus grande manifestation syndicale européenne jamais organisée - a joué un rôle particulier dans notre articulation au mouvement social, aux cotés du mouvement syndical, porteur de nos thématiques et modes de mobilisations propres. Ce rendez-vous d’action nous a permis de développer notre approche spécifique des politiques européennes et constitué une étape importante dans la capacité de mobilisation de l’association, dans sa visibilité nationale et surtout européenne. Cette capacité d’être à l’offensive sur nos thèmes, nos priorités, s’est confirmée – tant pour Attac que pour d’autres partenaires étrangers critiques de la mondialisation libérales – dans les rendez-vous militants de Québec, de Göteborg, de Barcelone et bien sur, de Gênes.
Car le sommet du G8 de Gênes aura constitué une multiple rupture. Les formidables manifestations auxquelles il a donné lieu, la répressions sauvage qui s'est déchaîné contre elles nous ont propulsé dans une étape nouvelle, à la façon dont l'avait déjà fait Seattle.
C'est que la manifestation de plus de 200.000 personnes est la plus importante qui se soit jamais tenue pour contrer la mondialisation libérale. Les demandes des manifestants portaient à la fois une exigence de démocratie, le rejet global des orientations libérales et des exigences ciblées: annulation de la dette, interdiction des paradis fiscaux, instauration de la taxe Tobin, refus d'une relance de la marchandisation du monde par l'Omc… Ce mouvement d'opinion publique internationale, à partir de portes d’entrées spécifiques, diverses, promeut des questions transversales renouvelées : la citoyenneté, l’appropriation de biens communs, la déconstruction des logiques libérales.
Son impact, qui tient autant à sa force qu’à ses idées, n'a d'ailleurs pas échappé aux plus finauds des dirigeants du G8 dont la déclaration finale constitue à la fois une première et un chef d'œuvre d'hypocrisie. Tout en émettant le vœu d'un « partenariat avec la société civile », elle prend l'exact contre pied des demandes des manifestants.
A cet égard également, Gênes a constitué une étape nouvelle. Jamais la tentative de criminalisation des opposants pacifiques à la mondialisation libérale n'aura été poussée aussi loin. Un mort, six cents blessés recensés, des centaines d'arrestations, l’usage systématique de sévices, voire de tortures, appliqués aux personnes arrêtées: ce bilan trahit une stratégie froidement préméditée visant à déplacer aux yeux des opinions publiques les enjeux du sommet, à occulter tout débat de fond en focalisant l'attention sur la "violence des manifestants." Cette stratégie de diabolisation s'est finalement retournée contre ses auteurs, isolant encore davantage les gouvernements du G8.
C’est là une rupture supplémentaire. L’opinion publique s’inquiète de plus en plus massivement des politiques de mondialisation. Les écroulements boursiers, les crises du Japon, de l’Argentine, la multiplication de plans sociaux dans de grands groupes mondiaux ont rappellé le caractère éminemment déstabilisant des choix économiques et financiers opérés par les marchés financiers et les entreprises multinationales. Les événements du 11 septembre n’ont fait que renforcer ces inquiétudes en les inscrivant dans une perspective plus compliquée et plus sombre.
Pour Attac également, Gênes aura fait rupture et nous sortons grandis de l’épreuve. Pour l’essentiel grâce aux efforts de mobilisation et d'organisation des militants et comités locaux qui se sont investis dans la réussite du rassemblement des mois et des semaines en amont. Egalement dans le travail d'organisation, d'information, d'encadrement réalisé sur place, en lien avec les membres du bureau, avec les militants D4Attac Italie, du Genoa social forum, avec d'autres réseaux, français et étrangers, avec enfin les autres Attac.. Des milliers d'italiens, français, grecs, allemands, belges, espagnols, suédois, suisses, ont défilé sous le même drapeau et nous avons démontré à cette occasion qu'Attac constitue une force citoyenne à l'échelle européenne et internationale.
Cette « jeune maturité » nous crée évidemment des responsabilités importantes et renouvelées, tant sur le terrain international que strictement français. Ces responsabilités portent tout à la fois sur les stratégies à promouvoir au plan national et international et sur la construction d'Attac France.
International
Notre activité internationale n’a d’une façon générale rien eu de « diplomatique » ; elle continue de trouver ses relais et ses sources dans les préoccupations des adhérents, dans l’activité des comités locaux et celle des élus. Ce mouvement s’étoffe de convergences croissantes entre différents réseaux associatifs et syndicaux au plan international; il s’élargit et se diversifie, même s’il n'a rien de linéaire. C’est un atout, à condition que la diversité soit vécue dans des cadres larges, permettant à toutes les composantes de se retrouver dans le respect de leurs identités et spécificités.
C’est cet esprit qui a prévalu à Porto Alegre, où le Forum social mondial s'est affirmé comme un lieu de rencontres et de débats, sans prise de décisions ou adoption de déclarations contraignantes, pendant que des mouvements sociaux et militants se mettaient d’accord sur une plate-forme d’action qui a permis de fixer les priorités pour l’année 2001. C’est dans cette logique qu’Attac veut poursuivre, en attachant une attention toute particulière à sa propre croissance internationale.
Car si la vague actuelle de mobilisation planétaire prend des formes différentes suivant les pays et les continents, elle nourrit un extraordinaire développement de différents Attac nationaux. C’est notamment le cas en Amérique Latine et en Europe, la Scandinavie en étant l’un des exemples les plus remarquables.
Ce développement contribue, et c’est essentiel, à la construction de mouvements généralistes et transversaux facilitant l’action commune des différentes forces et campagnes engagées contre la mondialisation libérale. Je veux à cet égard attirer l’attention de l’ensemble de l’association sur le travail obscur mais décisif, ô combien, qu’effectuent les centaines de traducteurs bénévoles qui ont mis leurs compétences au service d’Attac. C’est largement grâce à ce travail qu’Attac France peut s’investir toujours davantage dans le soutien à la création et au développement des mouvements Attac à l’étranger.
D’où une double priorité : l’aide à la construction et au développement des Attac qui se créent dans de nombreux pays, et la poursuite d’une stratégie d’alliance souple avec les différents réseaux mobilisés contre la mondialisation libérale à partir de leurs préoccupations et identités propres. Nos préoccupations rejoignent de fait celles des réseaux qui militent pour l'annulations de la dette, pour un développement durable, pour un commerce équitable, celles de la marche mondiale des femmes contre une mondialisation patriarcale, pourvoyeuse de violence et de misère.
Notre objectif est bien de nourrir ce cadre unitaire, accueillant aux projets et mobilisations de toutes celles et ceux qui, à partir de leurs réalités nationales, sociales, de leurs propres priorités, entendent s’inscrire dans un effort commun, pour aller de l’avant.
Contre-attaque
Cette démarche unitaire a d’abord placé l'adversaire à la défensive. Après Seattle, la presse économique et financière considérait que le front entre syndicalistes, environnementalistes et jeunes radicaux était trop hétérogène pour perdurer. Mais deux mois plus tard, pour la session 2000 de Davos, le ton avait changé : « Il faut le dialogue, il faut écouter les manifestants ». Aujourd'hui, les dirigeants du Forum économique mondial de Davos, mais aussi de l’Omc, du Fmi, de la Banque mondiale ont du rompre avec leur attitude méprisante. L’impact du formidable événement qu’à été Porto Alegre a bousculé la suffisance des puissants. Mais il n'a pas supprimé leurs capacités de nuisance et de manœuvre . Pendant l’été 2000, l’Onu a ainsi créé le Global Compact, structure qui réunit autour du secrétaire général Kofi Annan des représentants de la « société civile », Ong certes, mais aussi firmes transnationales...
Cette stratégie – l’équivalent du baiser qui tue – vise à diviser les Ong entre éléments « raisonnables » et « radicaux », à fournir un « alibi démocratique » à une gouvernance mondiale aux mains d’institutions internationales telles que l'Omc et surtout des grands groupes transnationaux. Elle trouve sa contre partie avec le recours à l’intimidation, aux provocations policières et à la répression la plus brutale. Zones d’interdiction au cœur des villes, cordons policiers, gazs lacrymogènes continuent de faire l’ordinaire des sommets internationaux. On sait, depuis Göteborg et Gênes, jusqu'où cela peut conduire…
Face à ce double mouvement, il est extrêmement important de rester offensif en sachant prendre en compte ce que nous avons contribué a faire bouger, tant au plan international que national :
Sur le « dialogue », notre position peut se résumer de la façon suivante : le dialogue est utile, par simple souci démocratique, mais surtout pour formaliser et concrétiser des avancées sociales. Il doit cependant être organisé dans le respect de l’indépendance des acteurs, lesquels doivent, dans tous les cas, conserver leur autonomie. Pratiquement, cela se traduit par le refus de toute structure qui, comme le Global Compact, nous incorporerait dans un front commun avec les entreprises multinationales et les institutions internationales. En revanche, nous entendons participer à toutes les initiatives de débat public qui nous permettront de défendre nos positions et nos propositions.
De même, nous entendons participer aux discussions en cours dans les institutions ou à leur initiative, tout en conservant notre indépendance. C'est cet esprit qui a prévalu lorsque l’Onu a lancé un groupe de travail sur la « faisabilité » de la taxe Tobin. C’est avec ce même état d’esprit d’ouverture et d’indépendance que nous abordons notre rapport au politique.
Rapport au politique
Cette question à fait l'objet de plusieurs déclarations du Conseil d'administration. Objet à l’identité évolutive, Attac est souvent incompris de ce point de vue par les « observateurs de la vie publique. » Prisonniers d’une grille de lecture archaïque, ces derniers peinent à nous faire entrer dans une case précise et déterminée et nous étriquent en nous ramenant à des problématiques médiocrement politiciennes. Répétons le une fois de plus et sur tous les tons : Attac produit de la politique, Attac s’intéresse à la politique, mais l’association, ses dirigeants nationaux, ses responsables à quelque niveau que ce soit ne roulent pour personne.
Ces principes, réaffirmés lors de notre dernière Assemblée générale ont permis à l’association de traverser la période des élections municipales avec un minimum de cas en dehors de la règle commune ou limites. Cela indique que la règle est bonne, au sens ou elle convient à l’écrasante majorité d’entre nous et permet de travailler en confiance. Pour autant, il s’agit là d’un débat forcément très évolutif et la période électorale à venir va vraisemblablement apporter son lot de situations particulières, d’arbitrages à opérer, de débats à mener. C’est pourquoi, un nouveau texte du Conseil d'administration, faisant suite aux deux documents existant, devra préciser les termes de notre indépendance, en tenant compte des récents rebonds d'actualité (rencontres avec le gouvernement, des partis, prises de positions du Premier ministre sur la taxe Tobin, etc.) L’essentiel, pour construire notre indépendance et notre identité étant bien, au-delà des situations particulières, de déterminer nous mêmes nos priorités, nos objectifs, nos modes d’existence et d’expression, bref de mener à bien notre propre agenda. Nous en discuterons d’ailleurs cet après-midi.
Mais la période qui s’ouvre va nous en fournir l’occasion, dès la semaine prochaine.
Quatre rendez-vous.
Quatre initiatives, d'ailleurs intimement liées entre elles, doivent en effet nous permettre de combiner refus, proposition, construction d'un rapport de forces:
- OMC : la réunion interministérielle de l’Omc qui s’ouvre le 9 Novembre prochain à Qatar s’apprête à lancer un nouveau cycle de négociation, reprenant dans ses grandes lignes l'agenda de Seattle, prévoyant la commercialisation des services, y compris publics, et le brevetage du vivant. Cet ordre du jour soulève les craintes et les oppositions les plus diverses dans les pays du nord comme ceux du sud; il a suscité pour la première fois un appel du mouvement syndical international à agir partout dans le monde le 9 novembre. Attac sera présent avec les autres réseaux de lutte contre la commercialisation du monde, au plus chaud de l’événement, à Doha, puisqu’elle y sera représentée par François Dufour. Elle sera également présente dans plus de 90 événements en Europe le 10 Novembre et dans des dizaines de manifestations en France. Il est clair, particulièrement après le 11 septembre, que le mouvement critique de la mondialisation libérale sera largement jugé sur sa capacité à rebondir et mobiliser ce jour. Nous en avons créé les conditions en nous inscrivant, là encore, dans un large rassemblement unitaire contre la marchandisation du monde, pour un monde à vivre et non à vendre ! Reste à tout faire, dans la semaine qui vient pour assurer la plus large participation.
Deuxième rendez-vous, Belgique: le conseil européen qui se tiendra à la mi décembre à Laeken se situe pour nous dans la lignée de Nice ; il s’agit d’une échéance importante sur un terrain décisif, celui de l’Europe ? Nous y serons présents les 13 et 14 décembre prochain. Le 13 aux cotés des organisations syndicales et de la Confédération européenne des syndicats, qui prévoient une manifestation de cent mille personnes, autour notamment des questions de l’emploi ; le 14 avec les associations et forces du mouvement social en Europe.
Troisième : le Grand événement : la période qui s’ouvre va en France, être profondément marquée par les échéances électorales.
C’est l’une des raisons qui avait amené l’AG de Saint-Brieuc à proposer un grand événement national le 19 janvier. Cette idée, validée par la Cncl, est que cette initiative cristallise en quelque sorte les centaines de débats tenus sur les enjeux de proximité ou généraux : services publics, gestion de l’eau, taxe Tobin, spéculation, paradis fiscaux, enjeux alimentaires, de santé, d’éducation, de culture, de démocratie participative, etc. tous enjeux liés à la mondialisation libérale. Qu’elle les porte sous forme d’un « manifeste d’Attac » adressé à l’ensemble de la société française sur ce que devrait être une économie au service de l'humanité.
Cet événement aura de fait une triple dimension:
D’abord, il s'inscrira dans les efforts des réseaux qui, dans le monde, font pression sur l’Onu, la Commission européenne, leurs propres gouvernements, pour déboucher enfin sur la taxe Tobin et d’autres éléments de ruptures avec le laisser fairisme libéral.
Il constituera une formidable préparation locale de Porto Alegre. Celles et ceux d’entre nous qui se retrouveront au Forum social mondial y seront ainsi porteurs de cette expérience, de son contenu.
Enfin, il ancrera solidement nos thèmes et nos préoccupations dans le débat public, en amont d’une longue période électorale qui constitue un moment particulier de la vie politique. Plutôt que de nous mettre en situation de questionner les candidats, ce qui leur permet de développer leurs réponses verbales, il s’agit bien, le 19 janvier, d’être suffisamment forts et pertinents pour que les acteurs politiques français, dirigeants de partis, candidats, futurs élus soient contraints de tenir compte de nos problématiques et de se définir par rapport à elles.
Cet événement prendrait la forme de rassemblements thématiques éclatés dans Paris le matin puis de manifestations convergeant en rassemblement au Zénith où nous ferions le point de nos préoccupations et demandes avec de « grands témoins » de la mondialisation, témoins venus du sud. Mais il nous revient d’en débattre.
Quatrième rendez-vous, le FSM : Le mot d'ordre de Porto Alegre "Un autre monde est possible", véritable cri d’espoir et de guerre à l’ordre libéral s’est mué en force concrète et doit retentir à nouveau lors du prochain Forum social mondial début 2002. Là encore, la réussite du Forum passé place la barre très haut; au-delà du nombre de participantes et participants, plusieurs enjeux sont posés.
D'une façon générale, il s’agit bien, au-delà du succès quantitatif de faire apparaître dans un processus largement ouvert, tout particulièrement aux mouvements sociaux, que des politiques, des expériences alternatives existent, permettant de passer d’un archipel de résistances à l’esquisse d’un « autre monde.»
L’un des défis qui nous est posé à nous, Attac France est d’une part, de permettre à chacune, chacun, de jouer en France un rôle dans sa préparation, de « dire son mot » et d’être l’une des voix de Porto Alegre. D’autre part, d’assurer une représentation plus large que l’an passé, tant pour la France qu'au plan international, ce qui requière des actes de solidarité financière. C’est en partie pour répondre à ce souci que nous avons réitéré une opération « Urgence solidarité » sous forme d’une demande de dons à l’occasion de l’envoi à chaque adhérent d’un Cd témoignant du projet de Porto Alegre. On me permettra de remercier ici les bénévoles de Radio Zinzine, d’Indymédia, des Pénélopes, ainsi que Daniel Mermet pour leur contribution décisive à cette opération de solidarité.
On le voit, la période qui s'ouvre est riche de chantiers en phase avec à la fois l'actualité nationale et une dynamique internationale soutenue.
Attac, construction démocratique
Avec quel outil allons nous engager ce travail ? Et surtout comment l'améliorer?
La diversité des terrains d'intervention et des taches qui l'accompagnent, le besoin d’être à la fois pérenne et « expert » sur chacun d’entre eux, constitue un sérieux défi pour l'activité d’Attac, notamment au niveau national. Cette croissance explique pour une part les difficultés persistantes dans le domaine de la communication immédiate avec les adhérents et les comités. Il y a sur ce terrain un effort particulier à accomplir, flagrant dans trois domaines: d’abord pour améliorer nos produits centraux, notamment le service et le contenu de Lignes d’Attac; ensuite, pour accentuer la réactivité et la capacité de réponse de l’équipe nationale, enfin notre double site Internet, qui doit évoluer en fonction de ce qu’est devenue l’association. D'une façon générale, il nous faut prendre des mesures afin de pouvoir répondre à la demande de production régulière de documents traitant le fonds des questions d’actualité de la mondialisation. Enfin, et la Cncl nous y aide et nous y aidera, il nous revient de combiner de façon plus dynamique les expériences, initiatives et productions menées à l’initiative de comités locaux.
Ces besoins appellent une réflexion sur le mode de travail et d’organisation du bureau et du Conseil d’administration. D’évidence, il faut accentuer notre décentralisation, davantage mutualiser, mettre des forces nouvelles au travail ; car de fait, l’hyper concentration de responsabilités aboutit à des dysfonctionnements qui peuvent être majeurs et remettre en cause notre capacité à travailler ensemble.
Nous devons y être d’autant plus attentifs que ces problèmes surgissent sur un fond de croissance généralisée, posant des problèmes nouveaux, qu’il nous faut gérer de façon collective et en responsabilité au niveau des comités. Des questions de seuil sont par exemple posées : faut-il continuer à laisser se multiplier les comités locaux, au risque d’un émiettement ou voir se créer des comités "sur mesure" au bon vouloir des uns ou des autres ; faut-il légiférer en la matière, comment et sur quels critères ? Comment envisager et formaliser les règles de conduite entre les différents acteurs qui font Attac, combiner la nécessaire décentralisation de notre activité, de nos initiatives et la coordination nationale dont nous avons impérieusement besoin pour construire ensemble, peser sur le rapport des forces ? Quelle réflexion engager sur les modes de coopération au sein de l'association entre, par exemple, Conseil d’administration, Conseil scientifique, comités locaux et groupes thématiques ?
Certaines de ces interrogations comportent un volet d’enjeux financiers non négligeables.
Sur cette question , notre orientation est bien de mettre le fonctionnement des finances au service de l’ensemble de l’association. Le Conseil d’administration avance quelques propositions pour progresser dans un esprit d’équité, mesures développées dans le rapport financier.
Démocratie
Toutes ces questions n’ont rien de techniques ; elles constituent l’architecture de la maison que nous sommes en train de construire ; elles ont à voir avec notre qualité de vie commune, c’est à dire avec la démocratie, avec la façon dont nous voulons vivre et travailler ensemble. Ce chantier est colossal et va nous accompagner encore longtemps ; il nous faudra produire des normes, des procédures, à tous les étages de l’association, afin de mettre chacune et chacun en position de responsabilité et de travail. Cela se construit et nous ne sommes qu'au début des réponses à apporter. Mais notre conviction est que la création de la Cncl a constitué un pas en avant considérable. Composée de représentants des comités locaux, elle s’est réunie à trois reprises, avec un niveau de représentativité toujours élevé. Elle a, au fil des réunions, choisi ses formes de travail et d’organisation ; elle a permis à toutes et tous de mieux cerner les attentes et les besoins de tous ceux qui font Attac. Elle se révèle un moment et un lieu précieux pour échanger sur les orientations, dynamiser des décisions et des campagnes, mutualiser idées et initiatives.
Chacun s'accorde à penser que beaucoup peut encore être fait pour améliorer son fonctionnement ; mais avec elle, nous disposons d’ores et déjà d’un atout au moment ou Attac doit affronter le problème de sa croissance, supposant l’intégration de forces nouvelles et la mise en œuvre, à tous les niveaux, de nouvelles pratiques de travail.
Notre communication électronique peut jouer un rôle décisif en ce domaine ; elle tend à accompagner les évolutions de l’activité et des structures. L’Internet et les listes, les adresses, les moyens électroniques permettent de répondre avec une grande souplesse aux pratiques des différents groupes qui constituent Attac. Grâce à nos animateurs de réseaux, national et locaux, au premier rang desquels Laurent Jesover, grâce aux correspondants électroniques locaux, Attac utilise l’électronique à plusieurs niveaux, et se donne les moyens d’une diffusion de l’information vers les non-connectés par des moyens mis à leur disposition près du terrain par les groupes locaux eux-mêmes (chaîne téléphonique, publication papier périodique, réunions etc.) Chaque groupe dispose s’il le souhaite de sites Internet et de Listes électroniques. L’esprit est d’essayer de mutualiser sur une zone géographique donnée afin que les différents groupes locaux puissent accéder à la publication de leur document. Egalement que les personnes intéressées puissent obtenir l’information relative aux réunions, conférences, actions, puissent prendre connaissance des documents de réflexion mis au point par les groupes locaux.
Mais Internet ne constitue pas une panacée ; améliorer nos pratiques collectives passe également par le recours plus fréquent à des initiatives nationales thèmatiques, telles celles qui se sont tenues sur l’Agcs, sur Internet et sur les stratégies de communication électronique. Une telle journée organisée en direction des trésoriers des comités locaux devrait par exemple être mise à l’ordre du jour de 2002 et toutes devraient s’articuler étroitement au travail de la Cncl elle même.
Cela passe finalement par l'amélioration continue de la démocratie au sein d'Attac. La place, les prérogatives des adhérents, des comités locaux, leurs rapports à Attac nationale ont nourri nombre de débats l’an passé et débouché sur la constitution d’un groupe de travail chargé de réfléchir sur les voies et moyens d’améliorer la démocratie. Ce groupe a travaillé à démêler l’écheveau de nos structures et de nos procédures afin d’en faire trame. En l’état de ses réflexions il invite à réfléchir dans le sens d'une contractualisation entre les différentes composantes du mouvement Attac; ses réflexions d'étape, approuvées par le Conseil d'administration, ont été mises à la disposition des adhérents et vont permettre de poursuivre ce travail, d’engager une nouvelle étape de la vie de l’association.
Une étape nouvelle
Cette étape risque d’être cruciale. Il nous faut d’un même mouvement, consolider et pérenniser l’existant, lui consacrer davantage de soins et de donc de temps tout en continuant à répondre « présent » aux sollicitations naissant d’un développement qui se poursuit en France et à l’étrangers.
Cette étape n’est donc pas exempte de problèmes, de difficultés et des arbitrages seront sans nul doute nécessaires à chaque moment de ce travail de consolidation. Le document d'orientation élaboré par la commission sur la démocratie dans Attac fournit à cet égard des pistes prometteuses. L’un des moments majeurs de ce processus sera évidemment notre prochaine assemblée générale, statutairement élective. Nous aurons à cette occasion à renouveler nos instances nationales, dans des conditions profondément renouvelées.
A cet égard, la presse nous a rendu le bon service d’un mauvais article, avant goût saumâtre de ce qui pourrait advenir si nous abordions ce rendez-vous à la légère ou en ordre dispersé.
J’ai eu l’occasion de l’écrire, Attac n’est ni en crise ni, Dieu merci, en période électorale permanente. Attac est en croissance. La dernière réunion des membres fondateurs, tenue deux semaines avant nos Assises, en a pris acte, ainsi que des besoins naissant de cette croissance. Elle s’est largement retrouvée dans l’idée de débattre et réfléchir de façon plus partagée sur l’avenir de l’association.
Le développement d’Attac, la place très particulière qu’elle occupe aujourd’hui dans la vie politique française rendent ces débats et réflexions tout à fait nécessaires, et tout le monde comprend bien qu’ils auront, de fait, à voir avec les termes de l’élection de la future direction d’Attac. Pour ne pas être expédiées de façon précipitée et désordonnée, ces échéances électorales doivent être abordées au bon moment et de bonne façon.
Le bon moment, c’est à dire suffisamment en amont pour que les adhérents puissent débattre, que les comités puissent organiser leurs échanges, afin d’arriver à dégager des candidatures dans lesquelles ils se reconnaissent. Or, compte tenu des congés d’été, les listes devront être « bouclées », sauf à connaître un nouveau retard, à la fin juin. Et ce calendrier vaut également pour les membres fondateurs qui se présenteront au Conseil d’administration, sauf à reculer la date de l’AG.
La bonne façon, c’est à dire en plaçant chaque acteur en en situation de jouer son rôle, de dire son mot, d’exprimer sa volonté. De par nos statuts, l’élection de la direction d’Attac, c’est à dire de son Conseil d’administration, sera le produit des choix exprimés tant par les adhérent(e)s dans les comités que par les membres fondateurs, choix qui se matérialiseront par des propositions et des votes, dans un esprit de consensus fidèle à la « culture politique » d’Attac.
L’essentiel en la matière est sans doute d’éviter tout ce qui pourrait s’apparenter à des démarches partisanes ou personnelles, relayée avec ferveur par des titres plus avides de sensations que d’informations. Les adhérents, les fondateurs doivent être en la matière, respectés, c’est à dire informés des débats collectifs et des réflexions individuelles en toute priorité. Les processus de décision, s’ils doivent laisser place à la réflexion individuelle, doivent assurer transparence et maîtrise collective.
Ce défi démocratique n’a rien pour nous effrayer. Nous avons les moyens de promouvoir de nouveaux responsables à tous les niveaux de l’association, du président national aux présidents de comités locaux. Cette vitalité s’inscrit profondément au cœur de l’identité, de la personnalité que nous avons su construire. Cette identité, c’est d’abord celle de dizaines de milliers d’adhérentes et d’adhérents qui sont, collectivement et individuellement, porteurs de valeurs partagées, qui conjuguent dynamisme, pédagogie et plus important encore, une certaine « rage de vaincre. » On ne s’appelle pas Attac impunément…
Avec notre capacité à vivre et travailler avec nos différences, nos cultures, c’est l'un de nos acquis les plus précieux. L’année qui s’ouvre devant nous doit nous permettre de l’enrichir, de le faire fructifier.
Le prix 2001 de la fondation Sophie a été attribué à Attac pour avoir, je cite : «mobilisé des milliers de citoyens du monde entier dans une puissante contre-attaque contre le néo-libéralisme, en demandant un contrôle international des marchés financiers ; travaillé efficacement avec d’autres réseaux et mouvements sociaux, contribuant ainsi à bâtir des alliances fortes, susceptibles de changer radicalement la conception du développement et de donner de l’espoir aux millions de personnes qui subissent les ravages de la mondialisation libérale ; réussi à faire naître la vision d’un développement centré sur la personne humaine, et remplacé l’apathie par l’enthousiasme ».
Cet hommage nous comble d’honneurs mais il nous charge surtout de responsabilités.
Sachons les assumer, à la hauteur des défis posés, de nos ambitions et de nos espoirs, de cet avenir que nous voulons nous réapproprier ensemble.
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