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Les activités des sociétés transnationales (conclusions du séminaire)

Actes et conclusions du séminaire de Céligny (près de Genève)
4 et 5 mai 2001

Organisé par AAJ et CETIM

Publié en collaboration avec le CETIM
Centre Europe Tiers Monde - http://www.cetim.ch/ - http://www.cetim.ch/activ/activfra.htm

Présentation du séminaire

CONCLUSIONS DU SÉMINAIRE

A. Introduction
B. L'encadrement juridique des sociétés transnationales
I. Caractéristiques juridiques des sociétés transnationales
II. Caractéristiques économico-financières
III. Responsabilités des Etats et de la communauté internationale pour les actes des sociétés transnationales
IV. Les normes applicables
V. Les juridictions compétentes

ACTES DU SÉMINAIRE (Résumé des interventions)


CONCLUSIONS DU SÉMINAIRE

Voir aussi: Communication écrite du CETIM et de l'AAJ à la Commission des Droits de l'Homme.

A. Introduction

1. L'activité des sociétés transnationales est dominée par un objectif fondamental: l'obtention d'un bénéfice maximum en un minimum de temps. Cet état de fait résulte d'une part, de la logique de la concurrence inhérente à l'économie capitaliste mondialisée et, d'autre part, de l'ambition illimitée de pouvoir et de richesse des principaux dirigeants des STN.

Cet objectif fondamental n'admet aucun obstacle, tous les moyens sont bons pour y parvenir depuis la violation des droits du travail, l'appropriation des connaissances qui sont par nature de caractère social, la corruption des élites politiques, intellectuelles et des dirigeants de la “ société civile ”, jusqu'au financement (avec l'appui logistique d’une grande puissance ou d’une autre) d'activités terroristes (groupes paramilitaires, mercenaires, milices privées et autres) de coups d'État et de dictatures sanguinaires. 

De tels comportements entrent en contradiction avec le respect des droits humains en général y compris le droit à la vie, à la santé, à un travail digne librement choisi et bien rémunéré, à la communication, à une information objective et impartiale, etc., et violent le droit à la libre autodétermination des peuples.

2. Si l'influence du pouvoir économique sur le pouvoir politique est une constante de la société humaine depuis que le pouvoir économique existe, on note, au cours de ces dernières décennies, que l'énorme pouvoir accumulé par les sociétés transnationales dans tous les domaines (actuellement les STN influencent et modèlent les goûts, les habitudes, les comportements et les idées des êtres humains) a provoqué une nette avancée du pouvoir économique au détriment du pouvoir politique. Cela remet en cause la démocratie représentative et le rôle des institutions politiques, tant nationales qu'internationales, en tant que médiatrices - ou prétendues médiatrices - entre intérêts différents ou contradictoires. 

Cela se reflète dans la tendance que les dirigeants des Etats et des organisations internationales inter-étatiques manifestent en choisissant délibérément de soumettre aux groupes économiques les plus puissants le pouvoir de décision et les fonctions inhérentes aux institutions politiques, sous le prétexte ou l'étiquette de la “ participation de la société civile ” et de ses “ acteurs sociaux ”. Cela permet à ces groupes, en particulier les grandes sociétés transnationales, de développer leur stratégie à l'échelle mondiale et d'influencer les orientations de politique en fonction de leurs propres intérêts. 

La structure même de certains organismes internationaux, comme le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale et l'Organisation Mondiale du Commerce est conçue pour fonctionner au service desdits intérêts. 
Une autre conséquence de la croissante hégémonie du pouvoir économique est la tentative de substitution de la fonction normative de l'Etat, par des réglementations et des régulations privées, codes de conduite volontaires, etc., qui manquent de trois éléments essentiels qui caractérisent les normes juridiques:

a) que le processus de leur élaboration et sanction est basée sur la Constitution ou la Loi fondamentale de l'Etat et que l'on présume qu'elles expriment la volonté des citoyens (“ les lois nous obligent parce qu’elles ont été admises par la volonté du peuple… le peuple dictera sa volonté par le suffrage ” (Digeste romain, livre I, titre III, 32, par. I);
b) qu'elles sont obligatoires pour tous;
c) que leur violation ou inobservance entraîne une sanction émanant d'une juridiction judiciaire ou administrative.

Il est donc nécessaire de rétablir le rôle fondamental de la politique afin que tous les citoyens quelle que soit leur situation économique ou sociale, puissent intervenir avec des droits égaux à travers la démocratie représentative et participative, dans l'adoption de décisions, dans le contrôle de leur application et dans l'évaluation des résultats. Et il est également nécessaire de récupérer la primauté de la loi comme expression de la volonté populaire.

De même, il est nécessaire et urgent de procéder à la démocratisation des organisations internationales et d'assurer la transparence de leur fonctionnement. 

B. L'encadrement juridique des sociétés transnationales

1. Les codes de conduite volontaires ne peuvent se substituer aux normes édictées par les organismes étatiques nationaux et inter-étatiques internationaux. Seules celles-ci sont de véritables règles juridiques, obligatoires par nature, et dont le non-respect entraîne une sanction. 

De plus, l'expérience et les études réalisées indiquent que les codes volontaires sont incomplets, que leur application est aléatoire parce qu'elle ne dépend que de la seule volonté de l'entreprise et, qu'il n'existe pas de véritable contrôle extérieur indépendant. 

Les codes de conduite volontaires sont des initiatives privées et, par conséquent, étrangères à l’activité normative des Etats et à l’activité normative (Conventions, Résolutions, Déclarations, etc.) ou initiative pour promouvoir des normes (Directives, Déclaration de Principes, etc.) des organismes internationaux inter-étatiques, dont les destinataires directs sont les Etats et seulement indirectement les particuliers.

Cependant, certains juristes pensent que le non-respect desdits codes de conduite volontaires pourrait être invoqué sur la base du principe selon lequel une obligation assumée unilatéralement est également exigible par un tiers intéressé. Ainsi, une entreprise qui affirme contrairement à la réalité qu’elle applique et respecte un code de conduite volontaire, pourrait être accusée de concurrence déloyale. 

Il faut également prendre en compte que les codes de conduite obligatoires sont destinés à régir des questions spécifiques et non pas à suppléer les législations nationales qui doivent contrôler les conséquences générales et les effets indirects des activités des sociétés transnationales. 

2. Il est donc indispensable d'adopter des principes pour l'encadrement juridique des sociétés transnationales partant de certaines prémices de base: 

a) les communautés nationales et la communauté internationale sont des communautés juridiques de droit public, c'est-à-dire qu'elles sont construites sur des bases juridiques (normes nationales et internationales) qui, indépendamment du niveau de leur évolution et du fait qu'elles sont plus ou moins respectées, constituent la référence incontournable pour établir les règles du jeu de la vie en commun de l'humanité;
b) lesdites règles sont obligatoires pour les personnes physiques et morales;
c) les sociétés transnationales sont des personnes morales et par conséquent, sujets et objets de droit. De ce fait, les règles juridiques sont également obligatoires pour elles;
d) les règles juridiques en vigueur sont également obligatoires pour les dirigeants des sociétés transnationales. 

3. Il est indispensable de généraliser le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. D'ailleurs, il fait déjà partie de plusieurs législations nationales et, de façon non contraignante, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité internationale organisée (2000) et, de façon contraignante de la Convention pénale européenne sur la corruption (1999). Il faudrait également généraliser le principe de la double imputabilité, c'est-à-dire qu'est imputable d'une part la personne morale et d'autre part les personnes physiques (dirigeants de l'entité) qui ont pris ou permis la décision incriminée. 

4. Il faut établir comment rendre effectif l'encadrement juridique des sociétés transnationales et de leurs dirigeants dans les règles nationales et internationales en vigueur afin qu'ils soient sanctionnés et condamnés à réparer le dommage causé en cas de non-respect ou de transgression de ces règles. 

5. Il est également nécessaire de consolider et développer les règles spécifiques existantes se référant aux sociétés transnationales et de renforcer la législation contre les monopoles privés en prêtant une attention particulière aux services essentiels à la communauté et aux moyens et infrastructures de communication de masse. Et il est indispensable d'établir des codes de conduite obligatoires pour les sociétés transnationales, qui incluent la question du transfert de technologie. 

6. Le problème de l'hétérogénéité, de la fragmentation et parfois de la contradiction entre les règles de droit international en vigueur dans différents domaines devient évident lorsque l'on aborde la question de l'encadrement juridique des sociétés transnationales. Pour atteindre, dans l'immédiat, un minimum de cohérence entre les instruments internationaux, il est indispensable d'établir une hiérarchie entre eux en partant du principe que doivent prévaloir l'intérêt général, le bien commun, les droits fondamentaux et la dignité des êtres humains dans un cadre de justice et d'équité qui ne reconnaisse pas de privilèges, avantages ou exceptions à certains acteurs sociaux en fonction de leur pouvoir économique politique ou social. 

I Caractéristiques juridiques des sociétés transnationales

La société transnationale est une personne morale de droit privé ayant des activités dans différents Etats, mais un centre unique ou principal de décision. 

Son caractère transnational n'autorise pas à la considérer comme une personne morale internationale, même si elle peut être un sujet de droit international comme les personnes physiques, comme l'admettent actuellement pour ces dernières la doctrine et la pratique internationales. En l'état actuel du droit international les seules personnes morales internationales sont les personnes de droit public: les Etats et les organisations inter-étatiques.

II. Caractéristiques économico-financières

Le caractère éparpillé et multiple des activités des sociétés transnationales, les constantes fusions-acquisitions et changements de nom, la difficulté qu'ont les consommateurs pour faire le lien entre un produit ou un service et une société déterminée, etc., sont autant d'éléments concordants qui permettent à certaines personnes d’affirmer que l'actuel système économique est constitué d’un ensemble de phénomènes impossibles à localiser dans l’espace et le temps et que les sociétés transnationales n'existent pas en tant qu'entités réelles et concrètes représentatives du système. 

Mais comme il a été dit dans l'introduction, les sociétés transnationales exercent une influence forte et concrète sur la vie sociale, économique et politique, ce qui constitue une preuve irréfutable du fait qu'elles ne sont pas des entités virtuelles. De plus, leurs principaux dirigeants ont des noms et des prénoms, ils apparaissent fréquemment dans les revues spécialisées, dans la chronique politique et aussi parfois dans la chronique judiciaire. Tout cela permet d'affirmer que la difficulté à visualiser les sociétés transnationales (difficulté qu'une étude en profondeur permet de surmonter) ne veut pas dire qu'elles n'existent pas. 

Les sociétés transnationales jouent un rôle dans la production, dans le commerce, dans la recherche et dans les services - pratiquement dans toutes les sphères des activités humaines - et aussi dans la spéculation financière, directement avec leur propre capital ou, en acceptant que des investisseurs institutionnels gérant des fonds de pensions, des fonds de compagnies d’assurances, etc., investissent dans leur société. Ces investisseurs acquièrent ainsi le pouvoir d’intervenir dans les décisions de la société dans laquelle ils ont ainsi investi afin de veiller à ce que leur investissement produise le haut rendement espéré.

Les sociétés réalisent lesdites activités de façon séparée, conjointement ou alternativement. Dans leurs activités elles touchent différents territoires nationaux, modifiant rapidement et relativement souvent leurs lieux d’implantation ou d’investissement de capitaux en fonction de leur stratégie dont l’objectif est d’obtenir un bénéfice maximum (recherche de main d’œuvre meilleur marché, d’avantages fiscaux, de subventions étatiques, de proximité des sources de matières premières, de proximité du marché consommateur, de réglementations flexibles et/ou plus favorables, de hauts d’intérêts élevés pour leurs capitaux spéculatifs. etc.

Elles peuvent fonctionner avec une société mère et des filiales, constituer des groupes faisant partie d’un même secteur d’activité, des conglomérats ou coalitions ayant des activités variées, s’unifier par le moyen de fusion ou d’absorption ou constituer des ensembles financiers (holdings). Dans tous les cas (société mère/filiales, groupes, conglomérats, coalitions et holdings) les décisions les plus importantes sont centralisées. 

Elles peuvent avoir leur domicile légal dans un ou plusieurs pays: dans celui du siège réel de l’entité mère, dans celui du siège de leurs principales activités et/ou dans le pays où la société a été enregistrée. Mais il est toujours possible d’identifier de fait la nationalité de la société transnationale dans le sens où il y a un Etat qui la soutient et défend ses intérêts ( à l’Organisation Mondiale du Commerce, au Fonds Monétaire International, à la Banque Mondiale et dans d’autres organismes internationaux ou par des moyens politiques, militaires et autres).

Il est très courant que l’activité réellement productive soit déléguée à des sous-traitants et que la société transnationale se réserve le “ know how ”, la marque et le “ marketing ”. 

III. Responsabilités des Etats et de la communauté internationale pour les actes des sociétés transnationales 

1. Le droit au développement et à la jouissance progressive des droits économiques, sociaux et culturels comprend des obligations de la Communauté internationale et de chacun des Etats membres, à l’égard de leurs propres peuples et des êtres humains en général dans la mesure des ressources dont ils disposent. Ces obligations impliquent que chaque Etat doit développer le maximum d’efforts pour promouvoir le progrès économique social et culturel de son peuple. Les obligations des Etats en matière de droits économiques, sociaux et culturels concernent non seulement leurs propres peuples, mais aussi tous les peuples. Il s’agit des droits appelés “ droits de la solidarité ” dont le respect et la promotion obligent l’ensemble de la communauté internationale. 

Les Etats sont également responsables lorsqu’ils ont failli à leur devoir de “ diligence due ” ou vigilance en ce qui concerne la prévention et la sanction des violations des droits humains commises par des particuliers se trouvant sous leur juridiction, qu’elles soient commises sur leur propre territoire ou au-delà de ses frontières. Cela a été établi dans divers instruments fondamentaux et dans la pratique internationale. En particulier, de nombreuses Conventions internationales et sentences arbitrales (FONDERIE DE TRAIL et autres) ont établi cette responsabilité subsidiaire des Etats dans le domaine de la préservation de l’environnement.

IV. Les normes applicables

1. Les sociétés transnationales, comme toutes les personnes, sont civilement et pénalement responsables des violations ou du non-respect des normes en vigueur, qu'il s'agisse des normes internationales, dont la majorité sont applicables dans le droit interne, ou des normes nationales.

2. La responsabilité des violations commises est partagée entre la maison mère et la filiale qui a transgressé les normes. Dans le cas des groupes, conglomérats et holdings cette responsabilité est partagée entre la société qui a directement transgressé les normes et la société qui coordonne le groupe, le conglomérat ou la holding dont l'organe dirigeant a pris ou approuvé la décision. 

3. Les sociétés transnationales sont également responsables des transgressions commises par les entreprises sous-traitantes, en tant que coauteurs ou participants (complices, etc.) sur le plan pénal et, de façon générale, en tant que bénéficiaires de la conduite illicite. 

4. Les Etats sont internationalement responsables de l’application en droit interne de la majorité des normes internationales car elles sont contraignantes ou obligatoires de par leur nature de jus cogens Parmi elles nous comptons: la Déclaration universelle des droits de l’Homme, les Pactes et Conventions internationaux des droits humains, les Conventions et Recommandations de l’OIT, diverses Résolutions et Déclarations de l’Assemblée Générale et des Conférences Internationales (sur le droit au développement, la protection de l’environnement, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, la corruption, la criminalité économique, etc.) et d’autres instruments internationaux et régionaux se référant à divers thèmes. 

5. Les multiples activités des sociétés transnationales comprennent des interventions dans le domaine licite, dans une zone grise entre la légalité et l’illégalité et dans le domaine faisant clairement partie de la criminalité.

Les caractéristiques qui définissent la criminalité transnationale organisée correspondent parfaitement à la pratique habituelle des grandes sociétés transnationales: structure transnationale permanente, répartition et contrôle de territoires, de marchés et de zones d’influence pour obtenir des bénéfices maximums et indifférence en ce qui concerne les moyens employés et les dommages causés à des tiers. En outre, les sociétés transnationales présentent la particularité de pouvoir compter sur l’aide des grandes puissances, du Fonds Monétaire International, de la Banque Mondiale et de l’Organisation Mondiale du Commerce. Les moyens utilisés incluent les coups d’État, la promotion de régimes dictatoriaux et leur soutien, le terrorisme et l’extorsion économique, politique et militaire, etc. et les dommages causés peuvent consister en de graves violations des droits humains fondamentaux d’une bonne partie de la population mondiale. 

Parmi les instruments internationaux applicables il convient de citer la Convention des Nations Unies contre la criminalité internationale organisée (Convention de Palerme), adoptée par l’Assemblée Générale le 15 novembre 2000 et la Convention de l’OCDE contre la corruption, en vigueur depuis février 1999, même si ces deux instruments se caractérisent par leur flexibilité excessive puisqu’ils laissent une grande marge de décision aux Etats parties. La Convention pénale européenne sur la corruption, ouverte à la signature des Etats le 27 janvier 1999, est quant à elle bien plus complète et de caractère contraignant. 

6. Il est possible d’invoquer devant les tribunaux, comme droit applicable, contre les dirigeants des sociétés transnationales l’article 7 (crimes contre l’humanité) du Statut de la Cour pénale internationale (Rome 1998), en particulier le paragraphe 1 alinéa f) [torture] qui inclut les “ autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants ”, selon la Convention respective; paragraphe 1 alinéa k) “Autres actes inhumains… causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale. ” et le paragraphe 2 alinéa b) [extermination] “ …imposer intentionnellement des conditions de vie telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments… ”.Il est également possible d’invoquer l’article II, alinéa c) de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide: “ Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ”. 

7. La responsabilité civile et pénale doit avoir pour conséquence non seulement la sanction liée à la violation ou au non-respect de la règle, mais aussi la réparation pour le dommage causé et, dans la mesure du possible, le rétablissement du statu quo ante.

8. Les normes existantes devraient être complétées sur les plans national et international:

a) en sauvant la notion de service public et en lui redonnant son sens, spécialement en ce qui concerne la santé, l’alimentation, l’éducation, le logement, la communication et l’information sous toutes ses formes et supports et en prévenant et interdisant la formation d’oligopoles et de monopoles privés dans ces domaines;

b) en renforçant les mécanismes d’application des instruments spécifiques se référant aux sociétés transnationales comme la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale approuvée par le Conseil d’Administration de l’OIT en 1977 ( qui dans son amendement de novembre 2000 se réfère à 30 Conventions et 35 Recommandations de l’OIT) et aux Directives de l’OCDE (texte révisé en juin 2000), même si cette dernière formule seulement des recommandations aux entreprises;

c) en établissant des codes de conduite obligatoires pour les sociétés transnationales, comme l’ont réclamé plus de 1000 ONG de 100 pays lors de la Déclaration et du Programme d’action du Forum du Millénaire (Nation Unies, New-York, 26 mai 2000, point 2 de la section A de la Déclaration). Ces codes de conduite devraient inclure la question du transfert de technologie;

d) en assimilant la violation des droits humains, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels à une violation non seulement de la norme correspondante, mais aussi des droits humains fondamentaux,. Par exemple, le fait de ne pas avoir accès à un logement est une violation du droit à la vie privée (en plus d’être une violation des autres droits fondamentaux) et ne pas adopter de mesures contre l’extrême pauvreté (ou adopter des mesures qui la génèrent) constitue un traitement inhumain ou dégradant équivalent à la torture; la privation de l’accès à une alimentation adéquate ou aux médicaments essentiels représente une violation des droits à la santé et à la vie, etc.;

e) en étendant la tendance actuelle, qui consiste à responsabiliser internationalement les personnes physiques (Statut de la Cour pénale internationale) à la responsabilité internationale directe des personnes morales privées;

f) les Etats qui ne l’ont pas encore fait devraient intégrer la responsabilité pénale des personnes morales à leur législation et ne pas s’abriter derrière l’excessive flexibilité de l’article 10 de la Convention des Nations Unies contre la Criminalité internationale organisée et de la Convention de l’OCDE contre la corruption qui laissent aux Etats le choix entre la responsabilité pénale, civile et administrative des personnes morales. L’article 18 de la Convention pénale européenne sur la corruption peut être un modèle à suivre. 

Il faudrait également universaliser le principe de la double imputabilité, c’est-à-dire que les sociétés transnationales sont pleinement responsables des crimes et délits qu'elles commettent, tout comme les dirigeants qui approuvent les décisions incriminées conformément aux statuts de l’entreprise à travers leur vote affirmatif ou par omission. Les règles applicables, tant aux sociétés transnationales qu’aux individus, qu’ils agissent en qualité d’auteurs, de complices, d’instigateurs, de participants nécessaires, etc. devraient être celles prévues dans les législations nationales et dans les instruments internationaux. 

V Les juridictions compétentes

1. Comme il a été signalé dans le chapitre précédent, il existe des normes applicables aux sociétés transnationales, même si elles présentent de grandes lacunes et omissions. Mais, sur le plan international, les mécanismes permettant d'appliquer directement ces normes aux personnes morales privées, entre autres aux sociétés transnationales, sont totalement inexistantes. 

Le Statut approuvé à Rome ne rend pas non plus la future Cour pénale internationale compétente pour juger les personnes morales ni les crimes contre les droits économiques, sociaux et culturels. Bien que, si la Cour parvient à se constituer, les particuliers pourront informer le Procureur, des violations des droits humains commises par les sociétés transnationales, mais sans pouvoir porter plainte ni avoir la qualité de partie. Sur la base de leur information, c'est le Procureur qui décidera s'il ouvre une enquête et accuse ou non les personnes physiques responsables. Les possibilités que la future Cour pénale internationale offre en la matière, dans l'état actuel de son Statut, sont donc très limitées. 

2. Sur les plans régional et international il existe des juridictions judiciaires et administratives, le système des tribunaux arbitraux et les dites procédures quasi-juridictionnelles dont certaines sont accessibles aux particuliers et d'autres non, mais dans lesquelles seuls les Etats peuvent être l'objet d'une action. Ils peuvent également être objet d'une action en tant que responsables subsidiaires pour des faits commis par des particuliers, y compris les sociétés transnationales. 

Parmi les mécanismes existants, on peut citer la Cour interaméricaine et la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour internationale de justice (à laquelle seuls les Etats ont accès) et qui a depuis 1993 une Chambre spécialisée en matière d’environnement; les procédures existantes dans quatre des Comités des pactes et Conventions internationales (droits humains, droits de la femme, discrimination raciale et torture), les procédures existantes à l'Organisation internationale du travail, les règles pour la présentation de communications à l'UNESCO, le Protocole additionnel de la Charte sociale européenne, le Tribunal International du Droit de la Mer, le Protocole à la Convention de Bâle sur les déchets dangereux de décembre 1999, etc.

3. Les tribunaux nationaux, par contre, peuvent recevoir des dénonciations et des demandes contre les sociétés transnationales et leurs dirigeants (les dénonciations pénales contre les sociétés transnationales en tant que telles peuvent être formulées seulement dans les Etats qui admettent la responsabilité pénale des personnes morales). Les plaignants ont la possibilité de choisir la juridiction du territoire où s'est produit le dommage, celle du domicile des victimes, celle du domicile ou l'un des domiciles de la société ou des sociétés responsables et aussi d'utiliser l'application toujours plus généralisée du principe de juridiction universelle. 

4. Les juridictions et procédures existantes devraient être complétées:

a) En approuvant, avec les réformes nécessaires, le Projet de protocole facultatif au Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, qui établit une procédure de dénonciation devant le Comité respectif, et en élaborant et en approuvant une procédure de dénonciation devant le Comité des Droits de l’enfant.

b) En établissant la responsabilité internationale directe des personnes morales privées:

- moyennant la modification du Statut de la Cour pénale internationale afin d'établir la compétence de la Cour pour juger les personnes morales et la violation des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux et afin que les victimes puissent présenter des dénonciations ou porter plainte et se constituer partie civile pour obtenir la réparation du dommage;
- moyennant la création d'un tribunal internationale pour les sociétés transnationales, inspiré du Tribunal international du Droit de la Mer, dont le Statut figure dans l'Annexe VI de la Convention sur le Droit de la Mer (Montego Bay, décembre 1982);
- et également par la voie de la jurisprudence en appliquant le principe de la juridiction universelle.


Séminaire de travail: 
Les activités des sociétés transnationales et la nécessité de leur encadrement juridique
Céligny, Genève, 4-5 mai 2001.
Edition : CETIM/AAJ

 

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20/08/01