Association pour la Taxation des Transactions Financières pour l'Aide aux Citoyens  
 

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31 janvier - 5 février 2002

Forum Social Mondial à
Porto Alegre (Brésil).

L'UNION EUROPEENNE: LA TAXE TOBIN ICI ET MAINTENANT!
Par Bruno Jetin


La mondialisation est souvent présentée comme une fatalité qui vient de l'étranger et qui s'impose à nous sans que l'on puisse rien faire. C'est une idée qu'il faut rejeter car elle est tout simplement fausse.

Tout n'est pas mondialisé, et jamais totalement, et rien ne serait possible sans la volonté, l'assentiment ou la complicité de nos gouvernements. Depuis la fin des années 1970, les gouvernements du G7 se sont acharnés à promouvoir le libre-échange, à déréguler les marchés financiers et à légaliser le droit des capitaux à se déplacer d'un continent à l'autre. Le FMI, l'homme de main du G7, s'est employé à contraindre les pays du Tiers monde à faire la même chose. Avec les catastrophes que l'on connaît: En 1997, c'est l'équivalent de 11% de la richesse nationale de la Corée, de l'Indonésie, de la Malaisie, des Philippines et de la Thaïlande qui ont fuit en quelques semaines, plongeant ces pays dans une grave crise économique et surtout sociale. Depuis, rien de décisif n'a été réalisé pour que ces catastrophes ne se renouvèlent. Et pourtant le ralentissement mondial de l'économie se confirme, des pays comme l'Argentine, élève modèle du FMI, sont déjà dans le gouffre, et les difficultés s'accumulent pour les autres pays du sud.

N'y a-t-il rien à faire? Est-on à court d'idées? Par où commencer? Le bon sens devrait conduire à stopper net les mesures qui ont prouvé leur nocivité: stopper net l'intégrisme du libre-échange, stopper net le droit des capitaux à aller et venir d'un coin à l'autre de la planète. Des propositions existent, débattues par les opposants à la mondialisation néo-libérale. On peut en citer quelques unes: Une taxe mondiale sur les profits des firmes multinationales, rétablir le droit des Etats à accepter où à refuser les investissements directs, et en matière de finance internationale, taxer les transactions financières à commencer par les transactions de change.

L'idée de taxer les transactions de changes est connue sous le nom de "taxe Tobin". Son auteur, le prix Nobel d'économie J. Tobin, est un libéral tempéré partisan du libre-échange, de l'OMC, de la Banque Mondiale et du FMI. Dans ces conditions, pourquoi sa proposition de taxer les transactions de change a-t-elle séduit beaucoup d'opposants à la mondialisation néo-libérale? "L'idée est simple: il s'agit d'effectuer sur chaque opération de change un prélèvement minime équivalent à 0,5% de la transaction. De quoi faire fuir les spéculateurs" ( ) En cas de fuite des capitaux, une taxe élevée éviterait aux Etats d'augmenter les taux d'intérêt à des niveaux astronomiques et de plonger leur pays dans la crise. "La taxe Tobin redonnerait une marge de manoeuvre aux banques centrales des petits pays pour lutter contre la tyrannie des marchés financiers " (idem).

Tant pis si J. Tobin affirme "n'avoir rien de commun avec les practiciens de cette révolution contre la mondialisation". C'est cette idée initiale qui nous intéresse. Elle fait désormais partie du débat public, qui l'a fait progresser du point de vue de son efficacité et de sa faisabilité.

Deux exemples: la taxe sera plus efficace si son taux est proportionné à l'intensité de la spéculation. En temps normal, une taxe de 0,1% pourrait être suffisante pour dissuader la spéculation ordinaire. En temps de crise, on ne pourra contenir un raz de marée spéculatif suivi d'une fuite des capitaux qu'à l'aide d'une taxe élevée (de 1% à 10%) complétée par des mesures complémentaires de contrôle des capitaux. Deuxième exemple, la faisabilité. On peut rompre la logique du tout ou rien. La spéculation est mondiale et la "taxe Tobin" est intéressante car elle a une vocation universelle. Mais des régions du monde comme l'Europe peuvent prendre l'initiative de mettre en oeuvre la "taxe Tobin".

Pourquoi? Parce que même la finance n'est pas totalement mondialisée. Ce qui est mondialisé, c'est la négociation de la transaction de change: un professionnel d'une banque prend son téléphone pour appeler un collègue proche ou à l'autre bout du monde pour lui demander à combien il vend ou achète telle ou telle monnaie. Par contre la "livraison" des monnaies s'effectue, en dernier ressort, grâce à des systèmes de règlements nationaux sur lesquels chaque banque centrale exerce une activité de surveillance et de contrôle du respect de la législation nationale. Mieux, la "livraison" se matérialise par un jeu d'écriture dans les comptes que chaque banque privée est tenue d'ouvrir auprès de la banque centrale des pays où elle opère. Ce jeu d'écriture est entièrement réalisé grâce à des programmes informatiques de pointe qui identifie et enregistre l'identité des banques et la nature de la transaction. Même si au départ une société privée chargée d'effectuer la "livraison " des monnaies est localisée dans un paradis fiscal, ses clients, eux, sont majoritairement localisés dans les grandes économies de la planète. Pour avoir accès à ses clients, cette société doit respecter la législation nationale en vigueur. Il est donc techniquement et juridiquement possible de collecter la taxe Tobin. A chaque fois qu'une transaction de change réalisée par une banque est identifiée, la taxe serait automatiquement prélevée et versé sur un compte spécial de la banque centrale, avec un coût nul.

La création de l'euro rend la collecte encore plus simple, puisque les pays de la zone euro ont décidé d'unifier leurs systèmes nationaux de règlement en un système unique appelé "Target". Il est géré par la Banque Centrale Européenne qui s'appuie en cela sur les banques centrales nationales. Target est même ouvert aux pays, qui comme la Grande-Bretagne, n'ont pas adopté l'euro. L'Union Européenne dispose de la puissance économique nécessaire pour instaurer la taxe à chaque conversion de l'euro dans une autre monnaie, le dollar et le yen par exemple. Elle pourrait créer la première "zone Tobin". Elle modifierait le rapport des forces politiques actuelles à l'échelle internationale et au sein de chaque pays. En prouvant que c'est possible, elle inciterait d'autres pays de la planète à la rejoindre. Le ministère des finances de la France a même chiffré les recettes pour la seule Union Européenne à une fourchette de 22 à 26 milliards d'euros, qui pourraient être consacrés au financement du développement. On pourrait reprendre la démarche du budget participatif initié par la ville de Porto Alegre pour confier le soin aux populations du Tiers-Monde de définir elles-mêmes les priorités sociales et écologiques à financer.