Voir aussi: http://attac.org/genes2001 Le sommet du G8 de Gênes aura sa place spécifique dans l'histoire à deux titres : une mascarade tragique quant au contenu des décisions qui y ont été prises, et une escalade de la plus inquiétante gravité dans la tentative de criminalisation des opposants à la mondialisation libérale, prenant la forme d'une machination policière de grande envergure. 1.- La déclaration finale du G 8 est un monument d'autisme, confinant à la provocation, et d'hypocrisie. Autisme d'abord. Tout en prétendant souhaiter un " partenariat avec la société civile ", elle prend l'exact contre-pied des aspirations des quelque 200 000 manifestants pacifiques qui ont défilé dans les rues de Gênes malgré les provocations et harcèlements constants de la police : - elle préconise le " lancement d'un nouveau et ambitieux cycle de négociations commerciales mondiales ", c'est-à-dire de reprendre à Qatar ce qui avait piteusement échoué à Seattle. - au mépris de toute évidence, elle réaffirme les vertus de la mondialisation libérale comme panacée pour répondre aux aspirations fondamentales de l'humanité. Les citoyens français, eux, ne s'y trompent pas qui, dans un récent sondage (Le Monde, 19 juillet 2001) considèrent, pour 55 % d'entre eux, que la mondialisation sert prioritairement les intérêts des multinationales, pour 47 % ceux des marchés financiers et, pour seulement 1% d'entre eux, les intérêts de " tout le monde ". - elle se prononce pour le recours accru aux OGM, alors que tous les scientifiques non liés aux firmes de l'agro-chimie sont unanimes pour considérer qu'aucun des bienfaits annoncés n'a été vérifié et qu'aucun des dangers potentiels n'a été évalué. Hypocrisie ensuite. Les deux initiatives annoncées à grand fracas sont totalement vides de contenu : - l'allègement de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE), présenté comme " une contribution appréciable dans la lutte contre la pauvreté " , n'a, à ce jour, concerné que 5 pays, et pour un montant de 5 milliards de dollars, sur un total de la dette publique du tiers-monde s'élevant à 2 500 milliards de dollars, soit 0, 2 % des sommes en jeu. - Le " Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose " est doté d'un budget ridicule de 1,3 milliard de dollars, d'ailleurs pour partie déjà engagés sous d'autres appellations. Cette somme représente le tiers environ des dividendes versés en 2001 aux seuls actionnaires de Marks and Spencers qui ont imposé de massifs licenciements de convenance boursière. 2.- La machination policière de Gênes fait franchir plusieurs degrés pour tenter de criminaliser les opposants pacifiques à la mondialisation libérale. Les chiffres et les témoignages parlent d'eux-mêmes : un mort, 600 blessés, des centaines d'arrestations, des sévices, voire des tortures, systématiquement infligés aux personnes arrêtées. L'objectif poursuivi était évident : déplacer, pour les opinions publiques, les enjeux de Gênes : ne pas parler du fond, mais de la " violence ", en s'efforçant de présenter les manifestants comme autant de trublions et de " casseurs ". Le Genoa Social Forum (GSF) qui regroupait plusieurs centaines d'organisations appelant au contre-sommet (dont Attac Italie), avait pris toutes les dispositions pour que ses composantes manifestent sans violence sur les biens et les personnes. Cet engagement a été tenu. Mais la police ne l'entendait pas ainsi : d'une part, elle a sciemment laissé commettre de multiples destructions par des groupes provocateurs extérieurs au GSF ; d'autre part, elle a infiltré ces derniers pour se livrer à des agressions permanentes contre les manifestants, voire contre la police, de manière à " justifier " la violence inouïe de la répression. Les témoignages dont nous disposons, de personnes arrêtées et d'autres qui ont été incarcérées sous les motifs les plus fantaisistes, attestent la sauvagerie des méthodes employées. La machination policière du gouvernement Berlusconi, visant à diaboliser les opposants à l'ordre libéral et à discréditer leurs revendications, en même temps qu'à les terroriser pour l'avenir, ne fait plus de doute. Elle est étayée par des témoignages personnels (comme celui d'un ecclésiastique, publié dans La Reppublica du 22 juillet), ainsi que par des vidéos où l'on voit des éléments du " Black Block " sortir de fourgons de carabiniers et deviser tranquillement avec eux. Tout porte à croire qu'il ne s'agit pas d'une initiative isolée du gouvernement Berlusconi. A Barcelone, lors de la manifestation contre la Banque mondiale du 24 juin dernier, les mêmes méthodes avaient été employées par la police nationale espagnole. Une " Internationale noire " des " services " semble bien s'être mise en place contre les opposants à la mondialisation libérale. Il nous appartient de la démasquer et de la dénoncer comme un très grave danger pour la démocratie. 3.- Nous n'en resterons pas là La première préoccupation d'Attac France a été d'oeuvrer à la libération de ses membres et sympathisants incarcérés, ainsi qu'à celle des autres Français se trouvant dans ce cas. C'est chose faite depuis le mardi 24 juillet. Nous devons, à cet égard, souligner l'excellente coopération dont le ministère des affaires étrangères et ses représentants en Italie ont fait preuve, ce qui n'exonère en rien le gouvernement français de sa responsabilité conjointe avec celle des autres membres du G 8 dans la tenue d'un sommet aussi indigne. La simple décence aurait voulu qu'ils en exigent la suspension immédiate. Nous affirmons notre solidarité militante avec tous les manifestants d'autres nationalités victimes d'exactions, en particulier les 40 Allemands et les 21 Britanniques blessés, pour certains gravement, lors de la mise à sac du siège du GSF par les carabiniers dans la nuit du samedi au dimanche. Nous exigeons du gouvernement italien la mise en liberté de toutes les autres personnes encore incarcérées. L'étape actuelle, dans le cadre du collectif unitaire constitué pour la préparation de Gênes, est celle du rassemblement des témoignages des sévices, parfois barbares, dont ont été victimes et témoins les personnes interpellées et incarcérées. Nous en avons déjà reçu une demi-douzaine, dont la lecture donne le frisson. Nous étudions actuellement les suites judiciaires à leur donner, en liaison avec Attac Italie et le GSF auxquels nous renouvelons l'expression de notre totale solidarité. En particulier nous appuyons sa demande d'une commission d'enquête internationale confiée à Amnesty International. Dans le même temps, nous allons témoigner de notre indignation contre le gouvernement Berlusconi, qui fait honte à l'Italie, notamment lors
de la manifestation devant l'ambassade d'Italie le jeudi 26 juillet à Au-delà, et sur la base des témoignages rassemblés, nous allons nous adresser solennellement au président de la République, signataire du communiqué final du G 8, et au premier ministre pour leur demander de condamner formellement les agissements de Silvio Berlusconi que, avant sa victoire électorale, même l'hebdomadaire libéral britannique The Economist avait jugé " inapte à gouverner l'Italie ". Nous leur demanderons également de s'associer à toutes les démarches entreprises par les ressortissants français victimes de la police italienne. Il appartient maintenant au gouvernement et au président de la République de montrer qu'ils ont bien reçu le message de Gênes : il ne s'agit pas seulement de " dialoguer ", mais de revenir sur les politiques libérales mises en ¦uvre aux niveaux français, européen et international. Attac France, tant par la formation et l'information que par l'action, va continuer son combat contre la mondialisation libérale et pour des politiques alternatives. Elles seront notamment débattues lors de l'université d'été de l'association, prévue à Arles du 24 au 28 août. Renforcer Attac en y incorporant de nombreux nouveaux membres est une bonne façon de prolonger l'ampleur du grand mouvement de Gênes. Paris le 26 juillet 2001, 11 heures. |
|
Association
- Economie - Mondialisation
- Propositions |