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Pour lutter contre les licenciements de convenance boursière

"Danone"

Mai 2001

 

Présentation à l’Assemblée nationale le 3 mai 2001 des propositions d’Attac pour lutter contre les licenciements de convenance boursière.

Les notes qui suivent constituent une synthèse des échanges qui se sont déroulés lors de cette rencontre. Bien évidemment, cette retranscription a été rapide ; elle combine le style direct et indirect et peut fort bien soit faire l’impasse sur une idée, soit ne pas la retranscrire dans son développement . Nous prions les lecteurs et les auteurs d’en tenir compte et de nous en excuser.

La séance est présidée par Bernard Cassen, Président d’Attac, Yann Galut, député, animateur de la coordination Attac de l’Assemblée nationale et Pierre Khalfa, membre du Bureau d’Attac ; étaient invité à cette réunion Madame la ministre du travail et monsieur le ministre des Finances ; l’ensemble des députés et l’ensemble des organisations syndicales. 

Etaient présents au titre de ces dernières : la CGT (Jc Le Duigou), la FSU (Daniel Ralet), le G10 (Gérard Gourguechon).

Au titre de parlementaire :Yann Galut, Chantale Robin Rodrigo, Yves Cochet, Claude Saunier, Alain Clary, Christine Boutin, Jean Rigal, Alain Vidalies.

Laurent Fabius s’était excusé, empêché par d’autres engagements. Noël Mamère s'était excusé lui aussi.

La presse était représentée par Libération, Le Monde, l’Humanité, Le Nouvel observateur, Le Nouvel économiste, l’AFP, Rouge.

Après une brève présentation du contexte social et des propositions d’Attac, Bernard Cassen passe la parole aux représentants syndicaux.

Jean christophe Le Duigou (CGT) : exprime sa grande satisfaction à participer à cette initiative ; le moment est grave pour les salariés concernés par les plans sociaux, ceux dont on parle comme tous les autres. C’est un motif suffisant pour ce type d’initiative et doit être l’occasion de mettre en œuvre des droits nouveaux en matière d’emploi. Il est de notre responsabilité de faire progresser la question de l’emploi et du travail. Le diagnostic est clair et les convergences d’analyses également. Nous ne sommes pas seulement confrontés à une remarchandisation de la force du travail ; l’entreprise devient en elle même une marchandise. Et comme elle n’est pas considérée comme une institution spécifique elle subit des pressions d’autant plus fortes. 

Quelle ambition avons nous ? Ce qui domine aujourd’hui c’est l’idée de l’interdiction du licenciement. Sans récuser cette démarche, nous devons aller au delà pour créer un véritable droit d’intégration dans l’emploi pour chaque personne. Le problème n’est pas simplement des dizaines de milliers de licenciements alors que nous avons cinq millions d’exclus de l’emploi ; chômeurs, temps partiels, etc. C’est le problème : la garantie d’une véritable intégration dans l’emploi pour tout citoyen.

Cinq propositions qui recoupent les vôtres, du moins en partie : 

1) la nécessaire redéfinition du licenciement économique dans une démarche stricte. Nous ne pouvons pas simplement hériter de la définition héritée des années soixante dix ou quatre vingt. La situation est nouvelle et le licenciement ne oit pas servir a couvrir les décisions de convenances des actionnaires.

2) il est nécessaire d’ouvrir un droit de contestation de la décision. Avons été enfermé pendant vingt cinq ans dans la gestion des plans des conséquences ; nous avons ainsi « géré » dix millions de suppressions d’emploi pendant quinze ans, au point que cela pèse sans doute sur l’identité syndicale. Pour que ce droit soit efficace il faut empêcher la rupture du contrat de travail. Aujourd’hui ce contrat est remplacé par des compensations, ce qui est pas satisfaisant.

3) Il est nécessaire d’améliorer les conditions de gestion sociale de cette décisions. L’objectif est d’aller à une véritable sécurité sociale professionnelle. Le chômage et la préservation de l’emploi doivent devenir une branche en tant que telle de la sécurité sociale, intégrant le droit au reclassement, l la continuité du salaire, la validation des acquis professionnels. Cela serait un nouveau pas dans la socialisation du marché du travail ou dans sa « démarchandisation. »

4) Nous sommes réservés sur la proposition de renchérir la cotisation chômage pour les entreprises qui licencient. Cette proposition est de nature relativement libérale. Il faut aller au-delà et développer du dissuasif. Notre proposition est de transformer le mode de calcul des entreprises au salaire socialisé ; et donc de faire payer plus toute entreprise qui est dans une logique générale de réduction d’emploi.

5) Il faut enfin ouvrir des possibilités d’intervention en amont sur la stratégie des groupes et de leurs sous traitants. Dans le cadre de Ce rénovés ou d’institutions rénovées ou de la présence de salariés es qualité s au moment et à l’endroit ou se formalisent les décisions stratégiques de l’entreprise.

Daniel Ralet (FSU) : si la Fsu n’est pas concernée directement, nous avons quelques réflexions à partager. La situation actuelle implique le renforcement sérieux des droits des salariés, un travail en amont et pas uniquement des licenciements ; de même s’intéresser à l’ensemble des licenciements et pas seulement aux « économiques. » Le salarié ne peut être un individu comme les autres qu’a la condition de s’appuyer sur des droits et garanties collectives qui devraient être restaurées dans les termes et dans la fonction. J’insisterai sur la question de la formation : de nombreux salariés se retrouvent licenciés sans formation ; celle-ci devrait sortir des discours pour entrer dans les entreprises. La formation tout au long de la vie devrait être considérée comme une mission de service public 

2) L’usage des fonds publics doit être mieux contrôlé et en cas de mauvais usage ces fonds doivent être remboursés ; on ne cesse de nous dire dans le secteur public que les fonds publics doivent être soumis a une obligation de résultat… Il nous semble important de lier les préoccupations de salariés du privé et celles du public. La logique à combattre est la même et se retrouve dans les services, les statuts. Cela ne relève d’aucune contrainte économiques mais d’un choix de société que nous souhaitons combattre. En effet, la « reprise » ne suffira pas ; il ne faut laisser à personne l’initiative de l’action et du débat. Sans exclusive mais en partant de la crédibilité forte du syndicalisme. L’unité est à cet égard nécessaire et il faut dépasser la situation présente pour créer les conditions de l’unité syndicale. Enfin il y a urgence a porter ces questions au plan européen et international, en termes de coopérations syndicales.

Gérard Gourguechon (Groupe des dix): il est nécessaire d’aller vers le plein emploi, ce qui modifierait le rapport de forces. Cela se traduirait dans une série de domaines très larges allant de l’emploi aux salaires et à la protection sociale. Il paraît urgent de créer des droits sociaux au plan européen qui aillent plus loin que l’existant ; nous préconisons une réforme de l’assiette des cotisation sociales pour les entreprises, qui externalisent leurss coûts sur la société. L’aspect Nord-sud est existant puisqu’il s’agit du contexte international des investisseurs et des marchés, la dictature des actionnaires. La liberté des capitaux doit être régulée, et les bénéfices des entreprises doivent être taxés, de façon harmonisée au plan européen. En effet, les politiques d’aides et d’exonérations se ramènent trop souvent à de simples effets d’aubaine dont le coût global est énorme. D’une façon générale, il s’agit de renforcer les droits des salariés face à ceux des actionnaires. La possibilité de suspension des licenciements, d’ester en justice nous semble indispensable dans un premier temps, et la prise en compte de l’intervention des collectivités, des consommateurs doivent pouvoir être envisagés. L’inspection du travail doit voir ses moyens renforcés, vis a vis des groupes comme de leurs sous traitants. Dans l’immédiat, l’interdiction est davantage un slogan qu’un objectif ; il est en effet difficile de définir le bénéfice, cette notion étant trop souvent dissimulée au plan comptable. Enfin, les groupes qui licencient devraient être contraints à des réembauchages prioritaires dans le groupe même.

Gérard Filoche (inspecteur du Travail): La question du licenciement abusif est claire en droit. On peut identifier quand il n’est pas fondé, des juges le font ; et les politiques ne pourraient pas le faire ? Alors qu’elle intervient dans des tas de domaines pour financer l’entreprise, peser sur son installation, etc, la puissance publique ne le pourrait plus dès qu’il s’agit de fermeture, de licenciements ? Renforcer le pouvoir de cette puissance publique est-ce sombrer dans l’économie administrée ? Mais toutes les économies sont administrées. La question est de définir les bonnes et les mauvaises règles. Que la puissance publique ne puisse intervenir lorsqu’il y a licenciement abusif, indique que la règle est mauvaise. Le parti socialiste l’avait d’ailleurs acté à de nombreuses reprises ainsi que Lionel Jospin devant le Parlement. L’opinion publique, quant à elle juge de façon pragmatique…

Les syndicats ont leur mot à dire au travers de la possibilité d’expertise et l’administration ne le pourrait pas ? Cela n’appelle pas le retour à l’autorisation administrative de licenciement, d’ailleurs créée pour contrôler les salariés « fraudeurs »… Par contre, la protection du salarié licencié abusivement est pratiquement nulle. Au mieux, longtemps après, il touchera quelques compensations mais n’obtiendra jamais justice. Gérard Filoche revient sur l’arrêté Samaritaine pour illustre les délais monstrueux qui existent entre les faits et la décision. C’est l’employeur qui devrait subir les délais ; quand un licenciement est manifestement abusif, c’est à lui que devrait incomber la charge de la preuve et du poids de la saisie de justice. 
C’est un amendement très simple, la loi existe déjà et la puissance publique pourrait dire non a la fin de la procédure et non au début ce qui laisse de l’espace aux partenaires sociaux et à la négociation. Le travail n’est pas un coût c’est une richesse ce qui coûte cher c’est ce que le capital prend au travail.

Les journalistes ne posant pas de question, la parole est donnée aux parlementaires.

Yves Cochet (député Verts): rappelle qu’au moment de la seconde loi Aubry – et de l’affaire Michelin, les Verts avaient déposé un amendement sur la nullité du licenciement : « si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle ou sérieuse, le tribunal prononce la nullité des licenciements etc ». La ministre avait alors dit « c’est un problème de fond mais… »Bref, la nullité peut être prononcé et soit le salarié est réintégré soit il touche des indemnités dissuasives. 

Il insiste sur le contrôle en amont. Le droit actuel ne connaît que l’entreprise ; or, c’est au niveau du groupe que se prennent les décisions ; on a vu des plans sociaux jumeaux et photocopiés par un même groupe. La loi devrait donc permettre une vue plus globale. Les congés de reconversion ne sont pas forcément une mauvaise formule justement parce que l’outil est modulable.

Claude Saunier (Sénateur, coordination Attac au Sénat) : ma présence peut surprendre mais le Sénat n’est pas qu’un bastion de conservatisme et de réaction, certains sénateurs défendent des principes. S’il ne s’agissait pas du sort de centaines d’hommes et de femmes menacés de voir leur vie broyée, on pourrait se réjouir de la merveilleuse leçon de choses que nous offrent ces affaires. Mais il y a la souffrance sous jacente… Ces affaires, la pensée unique qui nous a submergé et dont nous n’avons pas été indemnes ont le mérite de nous rappeler au réel. Un réel clair et insoutenable. Pour les parlementaires et les politiques, la responsabilité est d’introduire dans le jeu sauvage du libéralisme, qui broie les individus, le principe de primauté, un espace pour réguler le jeu des actionnaires, qui préserve les salariés. A partir de là, la réflexion sur la modernisation de la société nous donne l’opportunité de faire un certaine nombre de propositions. Mon sentiments c’est qu’entre des propositions radicales, pédagogiques et d’autres, minimalistes, formulées par la ministre, notre responsabilité est de faire avancer les choses de façon raisonnée, raisonnable pour marquer des points, faire progresser les droits des salariée dans deux ou trois domaines. D’abord la connaissance. Il n’est pas acceptable de voir des groupes mûrir des décisions aussi lourdes dans le secret pour les rendre publiques brutalement, sans possibilité d’expertise contradictoire du coté des salariés et de leus Comités d’entreprise.

Ensuite, face au diktat des actionnaires les salariés doivent avoir le temps de réagir et de proposer des alternatives. Enfin, si l’inéluctable s’impose, il faut effectivement que les entreprises qui licencient alors qu’elles sont en situation d’excédent financier compensent auprès des salariés cette agression. Enfin l’argent public doit être dans ce cas, récupéré. L’argent public ne doit pas servir à supprimer des emplois. Cela appelle une réflexion technique, mais cela n’a rien d’impossible.

Alain Clary (député communiste du Gard) : Nous partageons l’esprit de cette initiative et l’idée qu’il est possible d’améliorer le code du travail par la loi. Sans aller dans les détails, et sur la dernière question, la loi Robert Hue attend toujours ses décrets d’application ; les avoir donnerait plus de confiance irait dans le sens de « faire ce que l’on dit » et réduirait le fossé entre actes et paroles. Mon opinion sur vos propositions est très favorable; dans ce cadre, il faudra profiter de l’opportunité offerte pour s’attaquer aux formes de précarité et les réduire. La ministre nous dit aujourd’hui c’est mieux qu’avant mais il faut aller plus loin.

Question d’un journaliste de Rouge sur l’interdiction des licenciements : le terme, son utilisation ou sa non utilisation renvoient-ils à un débat de forme ou de fond ? 

Pierre Khalfa : le terme d’interdiction renvoie à une volonté et une posture politiques. Les documents d’Attac se veulent pragmatiques ; ils focalisent sur les moyens d’aller à cette situation, de montrer comment rendre impossibles ces licenciements, plutôt qu’une discussion qui pourrait apparaître très idéologique. Le texte indique très nettement : « nous n’acceptons pas… »

Chantal Robin Rodrigo (députée Prg des Hautes Pyrénnées) : sommes solidaire de ce qui vient d’être dit sur le renchérissement des licenciements, sur les fonds publics et avons deux propositions. La première c’est l’obligation de participer à la réindustrialisation des sites. Ce type de structure existe dans les zones Giat, et c’est un problème de responsabilité financière ; idem pour le reclassement ; il doit être totalement à la charge des entreprises, jusqu’à ce qu’un emploi soit effectivement trouvé ; des cabinets conseils doivent être mis sur l’affaire.

Christine Boutin (députés Rpr): je suis favorable à la taxe Tobin et suis le travail d’Attac ; il y a des moments ou nous serons d’accord et d’autres pas mais je me reconnais dans l’idée que le travail n’est pas un coût une richesse, dans les revendications de transparence et de droits. Cela se traduit il de la même façon pour vous et moi je n’en sais rien mais nous verrons. Sur les dernières propositions je suis sur la réserve : je suis aussi sur un site Giat et je mesure la dimension un peu illusoire de ce qui se promet dans ce cadre.

Jean Rigal (Député Prg de l’Aveyron) : exprime son indignation. On ne peut pas laisser les choses en l’état. On est très au delà du respect de l’initiative d’entreprendre ; on pense a une forme nouvelle d’esclavage, à base de précarité totale. Les propositions que je viens de lire me paraissent très intéressantes ; il faut prévenir, protéger et soigner. Si l’on avance d’emblée des propositions qui participent de la rééducation cela signifie qu’on accepte ces décisions et je crois qu’il ne le faut pas. Elles sont contradictoires avec les valeurs cardinales de la République.

Alain Vidalies (député Ps des Landes) : Dans les années quatre vingt dix, la compétence du juge en la matière s’est élargie et un jour la cour d’appel de Riom à été jusqu’à condamner une entreprise a ne pas fermer un site. Le pourvoi en cassation à débouché sur un recul des juges renvoyant la décision sur l’employeur. Reste aujourd’hui un problème : si l’on avance en gardant la même définition des licenciements, et l’on peine a définir les « difficultés économiques », ne faut-il pas renverser la problématique et dire ; et bien, dans ce type de licenciements, il faut maintenir le contrat de travail avec une obligation de reclassement ? Etant entendu que le salarié n’est pas obligé à quoi que ce soit et qu’il conserve une possibilité d’option, qui serait de choisir le statut de victime, ce qui entraînerait une réparation réelle, très forte, deux a trois mois de salaire par entreprise. 

Pierre Khalfa : Le reclassement devrait être une règle quel que soit le type de licenciement ; soyons attentifs à ne pas légitimer de fait un certain type de licenciement, qui relèveraient alors de l’entreprise et échapperaient à la puissance publique. 

Alain Vidalies : Instituer un droit pérenne de reclassement, c’est de fait rendre le licenciement impossible ; c’est le salarié qui choisirait la procédure d’indemnité.

Thierry Meyssan ( président du réseau Voltaire) : intervient sur les procédures judiciaires dont il a été la cible ; Danone prétend que le droit des marques serait supérieur à tout autre droit ; leurs hommes de droit arrivent avec des textes relevant d’un droit commercial et face aux droits internationaux ils répondent que cela ne les intéresse pas. Danone va jusqu’à prétendre que nous devrions de l’argent sur l’utilisation du mot Danone ; ainsi ne pourrions nous pas dire « je boycotte Danone » ; dans ces conditions, il n’est plus possible de perler de rien. 

Des menaces et du chantage ont été utilisés pour nous réduire techniquement au silence, nous avons subi une attaque informatique…Tout cela s’inscrit dans une volonté des groupes multinationaux d’assurer la suprématie du droit des marques sur les législations nationales.

Yann Galut clôt les débats. Je constate que ressort de cette journée comme du débat général, une volonté du politique des politiques de reprendre le pouvoir sur la finance et cela va dans le sens de ce qui nous a amené a vouloir créer à l’Assemblée une coordination Attac. C’est notre démarche depuis Juin 1999 ; redonner la possibilité au pouvoir législatif et exécutif de reprendre force a ce qui se dresse et menace. A quel niveau placer le curseur, c’est une question qui appelle débat ; mais les grands principes dessinés, les propositions avancées permettent d’avancer de faon offensive. Sur les territoires ou nous vivons, nous avons tous des Danone et nous les avons vu se déclencher sans que nous puissions réagir de façon efficace. Les propositions qui se sont échangées aujourd’hui vont nourrir le débat, le travail avec Attac, les organisations syndicales. L’affaire ne sera pas close le 22 mai.

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03/05/01