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L'Opportunité et la faisabilité de l'instauration d'une Taxe Tobin

Contribution à une contre expertise du rapport présenté par le ministère de l’économie et des finances au Parlement, “ en application de l’article 89 de la loi de finances initiale pour 2000 ”

Par René Passet
Professeur émérite de l’université Paris I, président du conseil scientifique d’Attac

Lire aussi: Analyses et réponses au "rapport sur la taxation des opérations de change, la régulation des mouvements de capitaux et sur les conséquences de la concurrence fiscale entre états", présenté au Parlement, le 22/08/00, Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. (Bruno Jetin)

Lire aussi: A Propos de deux votes à l'Assemblée nationale (Communiqué de presse 6 nov.)

Lire aussi: Rapport sur la taxation des opérations de change, la régulation des mouvements de capitaux et sur les conséquences de la concurrence fiscale entre états. Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

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Ainsi donc, devenu ministre de l’économie et des finances, M. Laurent Fabius qui, hier encore, se déclarait “ intéressé ” - le mot n’engage guère et c’était là sans doute sa vertu cardinale - par la taxe Tobin, en rejette l’idée au vu d’un rapport de faisabilité dont il convient de passer les arguments au crible.

Ce rapport contient une première partie incontestablement intéressante, retraçant l’historique de la proposition, ses fondements, ses modalités d’application possibles, les questions techniques que soulève sa mise en œuvre, les hypothèses de travail sur lesquelles sont fondées ses perspectives de rendement, l’état d’avancement - dans les différents pays - du débat parlementaire la concernant...

... Puis, il passe à la question de son opportunité, pour conclure à sa non faisabilité...

... Et il termine par l’exposé des mesures par lesquelles, à défaut de taxe Tobin, le gouvernement français entend contrôler les flux financiers.

Sans revenir sur les principes, mécanismes et finalités de la taxe, à propos desquels Attac s’est déjà souvent et longuement exprimée, on passera essentiellement en revue ici les arguments sur lesquels le rapport fonde ses conclusions négatives, regroupés en trois catégories selon le degré de sérieux que l’on croit devoir leur accorder.

1.- Des arguments “ à côté de la plaque ” 

1.1 - Ils ont trait au fait que la taxe n’a pas d’influence sur toutes les formes de spéculation.

“ La spéculation la plus déstabilisante ne serait pas efficacement dissuadée...Les valeurs des taux les plus couramment évoquées (de 0,03% à 0,25%), même multipliées par deux pour tenir compte de la taxation à l’aller et au retour, sont très inférieures au niveau de dépréciation anticipé par les opérateurs lorsque des crises de change se profilent, comme ce fut le cas lors des attaques contre les devises asiatiques en 1997 ou russes en 1998 ”.Avons-nous jamais prétendu le contraire ? 

Loin de considérer la taxe Tobin comme la panacée, nous savons très bien et nous ne cessons de dire que les mouvements massifs déclenchés par les fonds spéculatifs ( Soros, LTCM...) - spécifiquement évoqués par le rapport - échappent à son emprise. On nous propose donc de récuser la taxe, parce qu’elle ne fait pas ce pour quoi elle n’est pas faite : comme elle ne peut tout faire, il faudrait la condamner… Etrange argument : à ce compte, combien de mesures économiques seraient-elles dignes de retenir l’attention de quelque gouvernement que ce soit ?

Nos conclusions sont radicalement opposées :

- d’une part, nous considérons la taxe Tobin comme une mesure emblématique par laquelle les gouvernements marqueraient leur volonté de reprendre la main sur la finance ;

- d’autre part, dans le cas où les conséquences des mouvements spéculatifs brefs visés par la taxe Tobin prendraient une ampleur excessive, portant les changes aux limites d’une “ bande ” de fluctuations fixée à l’avance, un taux plus élevé s ‘appliquerait alors : système dit de la “ double taxation ” ;

- enfin, des effets partiels de la taxe - impuissante devant les spéculations globales évoquées par le texte

- nous concluons non pas à son rejet, mais à la nécessité de la compléter par un ensemble de mesures cohérentes beaucoup plus larges. Son adoption ne nous dispenserait pas d’une politique financière concernant la refonte du système fiscal, le contrôle des mouvements de capitaux dans le monde, la lutte contre l’argent sale et les paradis fiscaux, l’organisation de l’espace international, la réforme des institutions financières internationales, la mise en place d’un système monétaire et financier international... Faut-il donc, parce que tout cela ne peut être fait à la fois, rester passifs et se croiser les bras ?

“ A la limite - ajoute le rapport - dans le cas où les opérateur spéculent à la baisse contre une devise en cherchant par là même à provoquer sa dépréciation, l’existence d’une taxe pourrait être contre-productive, en augmentant l’ampleur de la dépréciation requise pour que les opérateurs en retirent le rendement net qu’ils escomptent ”. Cet argument nous laisse sceptique : s’agissant de spéculations massives - sont plus particulièrement visées ici l’Asie et la Russie - non affectées par ces mouvements d’aller-retour qui multiplient le poids de la taxe, on ne voit pas comment un prélèvement de l’ordre de 0,1 %, sans commune mesure avec les profits escomptés, pourrait augmenter l’ampleur des dépréciations requises par les spéculateurs, alors même que - s’agissant d’affirmer son inefficacité - le rapport vient d’évoquer son excessive modicité !

Mais ce n’est pas tout : “ La dissuasion exercée par une taxe Tobin ne jouerait par conséquent que vis-à-vis des prises de position liées à des anticipations d’évolution limitée des parités, et cela serait paradoxal car ces prises de position exercent en général un effet stabilisant sur le marché en assurant sa liquidité ”. Cela revient à ne vouloir considérer que la fonction stabilisatrice des mouvements brefs de capitaux, à confondre résolument arbitrage et spéculation, comme on le verra plus loin ; à ignorer les mouvements cumulatifs déstabilisateurs de cette dernière. S’il en est ainsi, ayons le courage de proclamer que cette spéculation est bonne et condamnons derechef toute forme d’intervention visant à la contrarier. A trop vouloir prouver...

1.2 - L’existence d’une prétendue contradiction entre les objectifs anti-spéculatifs et fiscaux de la taxe : 

“ Il n’est pas certain que soient bien cohérentes entre elles les deux idées séparément séduisantes : réduire les transactions spéculatives, collecter un impôt important assis sur ces opérations ”. Et l’on nous assène la remarque de James Tobin lui-même, estimant que “ plus son produit sera important, plus la taxe aura manqué son but puisque cela signifiera que les mouvements spéculatifs à court terme n’auront pas cessé ”. 

Mais nous le disons aussi : la bonne taxe serait celle qui rapporterait le moins, car elle aurait atteint ses objectifs. Il n’y a là aucune contradiction : le but premier de la taxe est de réduire les dérives spéculative des marchés financiers, et non d’engranger des recettes fiscales. Il se trouve que - même efficace - elle ne saurait faire disparaître toutes les transactions sur devises ( ce que d’ailleurs nous ne souhaiterions pas), et qu’elle rapportera des recettes vraisemblablement substantielles. Que nous nous préoccupions d’évaluer l’importance de ces recettes et de savoir ce que nous devrions en faire est une autre question, qui n’a rien à voir avec un prétendu conflit de finalités. “ Il est difficile de savoir ce qu’elle rapporterait ”,ajoute le rapport. Sans doute, mais a-t-on jamais renoncé à un impôt pour cette raison-là ?...

2.- Des arguments qui frôlent le procédé ou la désinvolture : ils s’appuient sur des données que l’on fait varier selon les besoins de la démonstration. Ils concernent :

2.1- L’assiette géographique de la taxe :

Le rapport traite tantôt d’une taxe nationale, quand il veut mettre en évidence sa prétendue inefficacité, tantôt d’une taxe mondiale quand il veut souligner l’impossibilité politique de la faire adopter.

- Une taxe nationale serait inefficace et - d’ailleurs - contraire au droit communautaire européen de libre circulation des capitaux, nous dit-on. Inefficace, car “ pour que les effets de la taxation se fassent le plus nettement sentir, l’étendue (géographique) devrait être la plus large possible ” ; contraire au droit communautaire qui “ prohibe tant les entraves directes qui empêchent la libre circulation de capitaux que les entraves indirectes qui rendent cette circulation plus difficile ou moins attrayante ”. 

Mais le problème n’est pas celui-là. Le rapport répond ici à une proposition que nous ne faisons pas : 

- bien qu’on puisse mettre en doute, comme nous le verrons plus loin, la réalité des “ fuites ” de capitaux généralement invoquées pour récuser l’établissement de la taxe sur un territoire national trop exigu ;

- bien qu’on soit en droit de s’interroger sur la nature réelle de ce qui pourrait “ fuir ” : s’agit-il de capitaux ou seulement de chiffres qu’on échange, qui gonflent et donnent lieu à règlement par simple compensation de soldes ?

Notre revendication ne se situe pas au niveau national, pour des raisons d’efficacité effectivement, et aussi parce qu’il n’appartient pas au gouvernement français de modifier unilatéralement les accords communautaires auxquels il a souscrit. Ce que lui demandons, c’est de promouvoir l’idée de cette taxe au niveau de l’Union européenne dont il assure la présidence jusqu’à la fin 2000.

Mais le même argument réapparaît ici : “ A l’échelon européen, une telle taxe pourrait être considérée comme en contradiction avec le principe de libre circulation des capitaux inscrit dans le traité de Rome ; en outre, “ la plupart des pays de tradition libérale, le Royaume-Uni et les Pays-Bas par exemple, seraient des opposants déterminés à la taxe Tobin ”. Quelle belle conception de la politique internationale et de la diplomatie : courber l’échine devant un conditionnel (pourrait), qui marque pour le moins une incertitude et une opposition probable, en considérant les textes - toujours renégociables entre partenaires - comme définitivement inamovibles et sans plaider les causes que l’on croit justes !

Une taxe mondiale enfin (en fait, reconnaît le rapport, le G8 serait suffisant), ne serait pas possible en raison de l’hostilité des Etats-Unis. Même “ volontarisme ” politique donc, consistant à s’incliner systématiquement devant les positions des autres... Mais - répétons-le - ce n’est pas du niveau mondial qu’il s’agit dans notre esprit : l’Europe nous semble faire le poids suffisant et constituer le cadre au sein duquel, la France, qui en est malgré tout un des membres les plus influents, serait en mesure de négocier le plus efficacement. On remarquera, pour souligner le “ sérieux ” du raisonnement, que, parmi les mesures de substitution préconisées par le rapport, figure la réforme du FMI à laquelle les Etats-Unis sont tout aussi hostiles. L’argument qui vaut contre la taxe aurait-il perdu sa valeur lorsqu’il s’agit du FMI ? 

2.2 Les taux :

Veut-on prouver les conséquences néfastes pour l’économie réelle ? On raisonne sur un taux de 1 % , dix fois supérieur à ce que préconisent la plupart des défenseurs de la taxe, et l’on qualifie d’investissements des opérations qui n’ont apparemment pas grand chose à voir avec une immobilisation de capitaux à des fins productives : “ Avec une taxe de 1 % et un rendement annuel de l’actif domestique de 4 %, le taux de rentabilité nécessaire pour qu’un investisseur effectuant un aller-retour d’une semaine ( ! ! !) commence à réaliser un bénéfice de 196 % si la parité reste stable... ”. 

Veut-on montrer son improductivité ? On raisonne alors sur un taux de 0,05 % - censé provoquer malgré tout une régression de 67 % des échanges de devises : “ Dans le cas du scénario central où la taxe serait fixée à 0,05 % et conduirait à une réduction de 67 % du volume d’échange... ”
Ceci est totalement incohérent et à la limite de la mauvaise foi.

3.- Des arguments dignes d’attention, même s’ils ne nous convainquent pas

3.1 Des menaces pour les liquidités indispensables au bon fonctionnement de l’économie ?

“ La taxe réduirait la liquidité du marché et elle dégraderait ainsi son fonctionnement ”. Les liquidités sont les intermédiaires des échanges, indispensables au bon fonctionnement de l’économie réelle. Le rapport remarque, très justement, que tous les mouvements de liquidités qui pourraient donner lieu à perception de la taxe ne sont pas nécessairement spéculatifs :

- les opérations de change entre deux devises secondaires exigent le passage par une devise principale, dite véhiculaire : par exemple, à ce jour en Europe, la drachme grecque ne s’échange pas directement contre la couronne danoise, mais exige une double opération drachme/euro et euro/couronne ;

- la gestion du bilan des établissements financiers exige en permanence des opérations de change destinées à les maintenir aussi proches que possible du profil actif/passif qu’ils se sont choisi (benchmark) ; une banque qui a reçu une quantité importante de yens, sans couverture équivalente, peut en céder une partie à d’autres établissements, contre d’autres devises, non point pour des raisons spéculatives, mais pour rééquilibrer son portefeuille à des fins de sécurité.

Il faut cependant remarquer que chacune de ces opérations, conformément au principe de la taxe Tobin, ne serait frappée qu’une fois, au taux de 1/1000. Ce qui fait le caractère dissuasif de la taxe, c’est son caractère répétitif, pour les mouvements d’aller et retour brefs des mêmes capitaux, ce qui n’est pas le cas ici.

En ce qui concerne le risque de réduction des liquidités pour les opérations effectivement visées, on peut émettre quelques doutes : selon le prix Nobel Maurice Allais, il s’agit, pour la plupart des participants, d’acheter à terme des devises dont ils ne veulent pas, avec un argent qu’ils n’ont pas, à des gens qui ne les détiennent pas et n’ont d’ailleurs pas l’intention de les leur livrer. En quoi cela contribue-t-il à la liquidité des économies ? En admettant - avec beaucoup de bonne volonté - qu’il en est bien ainsi, il faut savoir qu’à l’époque de Keynes le rapport entre les échanges de devises contre devises représentait 2 fois la valeur des échanges de marchandises et services dans le monde, 5 fois au début des années 1970, et 60 fois au moins actuellement. A supposer - hypothèse hardie - que la taxe Tobin provoque une régression de 70 % des échanges sur devises, le flux restant représenterait encore 18 fois la valeur des échanges réels...

On nous parle aussi de risque de fuite des capitaux à l’étranger ou vers les paradis fiscaux. : “ La mise en place d’une taxation limitée aux principales places où s’effectuent les opérations de change pourrait conduire à une délocalisation des opérations vers d’autres zones, notamment vers les places financières off-shore ”. L’encadré qui accompagne ce texte va plus loin, et parle “ d’évasion généralisée ”, rien de moins...

S’il en était ainsi, la même logique devrait d’ores et déjà conduire tous les capitaux des pays où ils sont taxés à se réfugier dans ces paradis. En outre, les capitaux des Etats-Unis, où leurs plus-values sont plus fortement taxées (41%), devraient fuir vers l’Europe où ils le sont sensiblement moins (24 % en moyenne), alors que, en fait, ce sont les capitaux européens qui s’investissent aux Etat-Unis. Ce qu’un écart de 17 % ne produit pas devrait donc être provoqué par une différence de 0,1 %. Il faut que l’on nous explique cela. En fait, les considérations fiscales sont loin de constituer le déterminant principal de l’orientation des capitaux.

3.2 Des menaces pour les opérations d’arbitrage ? 

L’arbitrage est cette opération par laquelle les opérateurs guettent en permanence le moindre différentiel de cours des devises sur les différents marchés mondiaux pour acheter ou vendre instantanément là où les conditions sont les plus avantageuses. En somme, l’arbitragiste n’anticipe pas : il constate et réagit. Cette intervention continue de gens qui n’ont le plus souvent aucune compétence économique ou financière exerce une puissante action régulatrice en ramenant en permanence les cours de chaque devise les uns vers les autres à l’échelle de la planète. Cette action unificatrice est évidemment favorable au développement des échanges.

Au contraire, le spéculateur anticipe des différences futures qu’il peut contribuer à créer lorsque le plus grand nombre se met à anticiper dans le même sens : si tous le moutons de Panurge se mettent à vendre une devise qu’ils n’ont pas, dans la perspective d’une baisse éventuelle, ils provoquent celle-ci ( prophéties auto-réalisatrices).... Leur action est déstabilisatrice. 

En pratique, la différence est plus difficile à établir : l’arbitragiste cherche parfois à influencer les conditions du marché dans le sens qui lui est favorable. On distingue, de ce point de vue, les arbitrages “ couverts ”, sans prise de risque, donc non spéculatifs, et les arbitrages “ non couverts ” - incontestablement spéculatifs - dont les acteurs jouent sur les variations anticipées des taux d’intérêt et des changes. 

Une taxe Tobin, frappant les opérations d’arbitrage authentiques, au même titre que les autres, ne permettrait à ces opérations d’être rentables que pour des écarts supérieurs au montant de la taxe et limiterait donc d’autant (0,1 %) les perspectives de rapprochement des cours de chaque devise sur les différents marchés internationaux : “ Les écarts de prix pourraient alors subsister tant qu’ils seraient inférieurs au taux de la taxe ”. On peut se demander pourtant, si cela aurait une réelle importance : 

- sur le marché des devises, quelles distorsions en résulteraient, dès lors que toutes les devises seraient soumises à la même loi ?

- du point de vue des échanges réels, quelles conséquences pourraient résulter d’un renchérissement éventuel de 1/1000, sachant que tous les biens et services seraient également frappés?

4.- Des effets pervers sur l’économie réelle ?

Là aussi cela commence par une remarque juste. Toute opération sur devises n’est pas spéculative et toute spéculation n’est pas perverse : “ Un certain nombre d’opérations sans sous-jacent réel sont bel et bien nécessaires au bon fonctionnement du marché ”.

Or, une taxe Tobin, nous dit-on, frapperait au même titre les opérations proprement spéculatives et la couverture de risque, les opérations strictement financières et les transactions réelles : “ L’inclusion dans l’assiette de la taxe de l’ensemble des opérations liées aux transactions commerciales réduirait les marges des importateurs et des exportateurs qui ne libellent pas leurs exportations ou leurs importations dans leur monnaie (...) Son impact serait par conséquent ( les rédacteurs du rapport usent et abusent, tout au long de leur texte de ce “ par conséquent ”, comme pour substituer “ l’évidence ” à la démonstration et, mieux, se convaincre eux-mêmes) assimilable à un droit de douane (...) et risquerait d’avoir un effet négatif sur le volume des échanges internationaux ”. 

Par ailleurs, il en résulterait “une hausse du coût global de l’intermédiation financière qui pénalisera l’ensemble du secteur productif (...) ce qui pourrait réduire l’investissement et le potentiel de croissance de moyen terme de l’économie. ”

Une précision cependant : une transaction commerciale survenant une fois pour toutes serait frappée une seule fois et verrait son coût augmenter de 1/1000 ; un investissement d’une durée d’un an verrait son coût s’accroître dans les mêmes proportions.. et un investissement d’une durée de cinq ans, de 0,02 %.... Cela est-il de nature à les compromettre ? M. Fabius (c’est de lui qu’il faut parler, puisque son assentiment valide le rapport de ses experts) connaît-il beaucoup de transactions commerciales ou d’investissements longs qui sont entrepris avec une perspective de gain de l’ordre de 1/1000 ou de 2/10 000 ?

L’argument de la hausse du coût des transactions - qu’elles soient sur marchandises ou sur devises - ne tient donc pas le vent dès lors qu’il s’agit de transactions vraies. 

5.- “ Les orientations de la France ” ou la poudre aux yeux de déclarations d’intention générales et sans portée réelle.

Au total, le rapport estime “ généreuse la volonté des promoteurs de la taxe Tobin ” et les crédite de deux idées justes :

- construire une meilleure régulation financière internationale, 

- amplifier les moyens en faveur du développement.

Mais, hélas, “ les conditions nécessaires à l’introduction d’une taxe sur les mouvements internationaux de capitaux ne sont pas actuellement réunies, ( elle) se heurterait en effet à une forte opposition de nos partenaires européens et, au-delà, internationaux. ”

Le gouvernement français, nous dit-on, entend donc obtenir le même résultat, par la mise en œuvre d’autres moyens : 

“ Il s’agit de donner au système monétaire et financier international une cohérence et une efficacité accrues, notamment par quatre grandes orientations :

- définir et mettre en œuvre un principe de “ libéralisation financière ordonnée ” des mouvements de capitaux...

- intensifier la lutte contre la spéculation internationale, en impliquant mieux le secteur privé dans la résolution des crises financières , en éliminant les trous noirs de la finance internationale et en luttant contre la délinquance financière ....

- favoriser la coopération monétaire régionale ....

- renforcer le rôle du FMI dans la régulation du système financier international.... ”

Tout cela en forme de déclarations d’intentions et de voeux pieux .... “ la France souhaite... ”, “ il est essentiel que.. ”, “ .le gouvernement français oeuvrera au sein du FMI... ”, “ il n’est pas acceptable que.. ”, “ .il s’agit de réguler.. ”, “ .d’inciter.. ”, “.la France mènera une lutte ferme et déterminée.. ”, “ les institutions financières doivent...la Banque mondiale et les banques multilatérales doivent... ” “ il convient que... ”. Dieu, que cette politique est belle au niveau des intentions ! Mais c’est sur les moyens que l’on aimerait avoir de plus amples précisions...

Appelons les choses par leur nom : “ poudre aux yeux ”. Le type même du discours qui - par son vide et son balancement - fait que des responsables politiques sont de moins en moins pris au sérieux par leurs concitoyens. Ne vouloir mécontenter personne n’est ni un art de gouvernement, ni un signe de courage politique. Et cette fine stratégie commence à se retourner contre ses auteurs. Le comprendront-ils un jour ou bien serait-ce comme une seconde nature ?

Paris, le 12 octobre 2000