Mondialisation. Etat des lieux

Colloque de Morsang - Actes

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Colloque de Morsang sur Orge

Nous sommes tous “mondialisés”

René PASSET, Président du Conseil scientifique d'ATTAC

Sous ce titre très général, mon rôle - en ouverture de colloque - consiste, me semble-t-il,  à brosser le fond de tableau sur lequel se détache chacun des thèmes  qu’il doit également relier en les plaçant sous une même lumière.

Je voudrais - au risque de trop simplifier - essayer de dire des choses élémentaires et claires dans un domaine qui se caractérise plutôt par la complexité et l’opacité des problèmes.

I - D’abord, la Mondialisation, thème central de notre rencontre. De quoi s’agit-il ? La mondialisation c’est “ un fait ”, que le développement de l’informationnel et des moyens de communications ou de transports projette au premier plan de l’actualité. On ne récuse pas  un fait. On peut s’en réjouir ou le déplorer, mais il est là. On ne supprimera pas par décret l’ordinateur qui met chaque point du monde en contact instantané avec tous les autres ; on ne supprimera pas les immenses progrès des moyens de communication et de transports qui permettent aux hommes de se rencontrer dans le monde entier ; pas  plus qu’on ne pouvait décréter hier la suppression de la machine à vapeur ou, à l’âge des cavernes celle de la lampe à huile. Ce qui est en question ce sont les formes que peut revêtir ce phénomène et l’attitude que l’on doit adopter en face de lui.

- La mondialisation, c’est un phénomène général qui revêt aujourd’hui la forme particulière de la “globalisation ”.

Sous des formes diverses, elle a toujours existé. Après la seconde guerre mondiale, le niveau pertinent d’analyse de la réalité économique  est celui de la nation. Les politiques en œuvre dans les principaux pays occidentaux sont de type keynésien : l’investissement national détermine, pour l’essentiel, la croissance du produit national. C’est aussi ce qu’exprime le général de Gaulle lorsqu’il parle de “ l’ardente obligation du plan ” : le destin de la  nation se décide d’abord dans la nation. Le monde n’est pourtant pas absent de cette réalité, dans la mesure où le commerce international constitue un facteur important de la croissance ; mais les mouvements de capitaux, aussi bien que les échange de marchandises restent sous le contrôle des Etats. Pour comprendre la vie économique - y compris à l’échelle mondiale - il faut donc partir de la nation.

Dans les années soixante et soixante-dix, la mondialisation revêt la forme de la multinationalisation. Afin de contourner les barrières nationales, les grandes firmes multinationales multiplient leurs établissements , par-delà les frontières, à l’échelle du monde. Ainsi en est-il de la chimie, de l’industrie pharmaceutique, des raffineries pétrolières...Chacune d’elles s’organise en réseau, à travers la planète, avec ses propres unités déconcentrées.

Avec la globalisation, un pas de plus est franchi. C’est entre elles que les firmes, à la fois solidaires et rivales vont s’organiser en réseau sur toute la planète. Les amateurs de querelles sémantiques peuvent bien se disputer pour savoir s’il faut prendre le terme “ global ” dans le sens anglo-saxon de “ à l’échelle du globe ” ou dans les sens français d’un “ ensemble qui est considéré en bloc ” (Robert): chacun a raison d’affirmer sa conception et tort de rejeter celle de l’autre. En fait, le réseau des intérêts forme un bloc, par dessus les nations, à l’échelle du globe. Les grandes entreprises transnationales nouent des ententes, s’achètent et se vendent comme de vulgaires marchandises, lancent des OPA amicales ou inamicales les unes envers les autres, se fondent et fusionnent...Tout un univers d’intérêts se déploie par dessus les Etats et les nations. Les peuples en sont le jouet. La définition la plus concise et la plus élégante que l’on puisse donner du phénomène est sans doute celle de Manuel Castells, le grand spécialiste des réseaux : “ Une économie globale , c’est une économie capable de fonctionner comme unité, en temps réel, à l’échelle de la planète ”(La société en réseaux Fayard 1999). La précision “ en temps réel ” montre bien que l’on est à l’âge de l’ordinateur et de l’informationnel. Désormais, pour comprendre la vie économique de la nation, c’est du niveau mondial qu’il faut partir.

- La vraie question qui se pose n’est pas celle de la mondialisation, mais celle de l’attitude que l’on doit adopter en face du phénomène.

Elle ne concerne pas un fait, mais une politique. On peut en effet, ouvrir les frontières et livrer l’espace mondial au  déchaînement des intérêts privés, ou tenter d’en contrôler les manifestations et organiser l’espace en conséquence. Cela dépend de la volonté des hommes et non - contrairement à ce qu’on voudrait nous faire gober -  de la nature des choses. Ce qu’une politique a fait, une autre peut le défaire.

Ce qui est en cause, ce n’est pas la mondialisation, mais la déréglementation et le libre-affairisme inaugurés au début des années quatre-vingt par le tandem Thatcher-Reagan que même un grand libéral comme Maurice Allais n’hésite pas à qualifier de “ chienlit mondialiste laisser-fairiste ” C’est cette politique qui a permis l’emprise de la finance sur  les économies et les sociétés. L’ordinateur  en effet, s’il favorise la déconcentration et l’organisation en réseau des structures  productives matérielles  est aussi un formidable instrument de concentration et de traitement de l’immatériel. L’immatériel c’est la finance - qui fait circuler, non point des espèces, mais des ordres , à la vitesse de la lumière, à travers les places financières  - et c’est l’information  dont la centralisation -  permettant le contrôle à distance - favorise la déconcentration des formes matérielles. La finance, l’information...en un mot, les deux sources du pouvoir.

La finance déchaînée s’hypertrophie - ses transactions représentent au moins soixante fois la valeur des échanges de marchandises - et impose sa logique aux entreprises comme aux Etats : aux entreprises, notamment par l’affaissement de leur valeur boursière qui les met à la portée d’un acheteur éventuel en cas de résultats momentanément inférieurs à leur valeur réelle ou par la participation de la finance institutionnelle à leur gouvernement (fonds de pension) ;  aux Etats, parce qu’ils sont désarmés en face de la spéculation dont une seule journée  représente plus que l’ensemble des réserves de toutes les banques centrales .

Le pouvoir se déplace du niveau des nations à celui de la planète et de la sphère publique à celle des intérêts privés internationaux. La tentative avortée de l’AMI, en faisant tomber les masques,  a dévoilé l’image qui berce le sommeil - et surtout les veilles actives - de l’affairisme international: une immense pieuvre d’intérêts privés étendant ses tentacules sur la planète tout entière pour en aspirer la substance, par dessus les Etats relégués au rang de simples relais ayant pour responsabilité de garantir leurs gains et susceptibles d’être traînés en justice en cas de dispositions législatives (protection sociale ou environnementale) se traduisant par des manques à gagner . Le paradis sur terre en quelque sorte...

II- Il s’agit d’une logique dénaturée.

L’activité économique qui a pour objet de transformer le monde afin de satisfaire les besoins humains, ne peut avoir d’autre critère de réussite que le degré d’accomplissement de son propre objectif : l’efficacité, dit Robert , c’est ce “ qui produit l’effet que l’on en attend ”. Toute économie qui repose sur d’autres fondamentaux que ceux de la ressource humaine  ne saurait donc être qu’une économie dénaturée. Tel est bien le cas de la logique à laquelle nous nous trouvons confrontés.

- Ce n’est pas une logique du réel :

Durant “ les Trente glorieuses ” l’économie réelle imposait sa loi et la monnaie s’adaptait , éventuellement au prix de l’inflation ; aujourd’hui, on part des impératifs de l’équilibre monétaire et c’est l’appareil économique qui s’adapte. Rien par exemple ne fait plus horreur à la finance que la hausse des prix qui érode la valeur réelle des taux d’intérêts; alors, l’exigence d’équilibre monétaire devient l’impératif premier - voir Maastricht - auquel on sacrifie l’emploi ; on conçoit même un indicateur supposé mesurer le “ taux de sous-emploi non susceptible d’accélérer l’inflation ” - le NAIRU - au dessous duquel il est impératif de ne pas réduire le chômage. Ce sont les banques centrales , auxquelles on a conféré l’autonomie, qui déterminent librement les taux d’intérêt selon les impératifs de l’équilibre monétaire  et ce sont les gouvernements qui les supplient - souvent en vain - de les relever ou de les rabaisser en fonction des besoins de l’appareil productif..

“ La politique de la France, disait encore de Gaulle , ne se fait pas à la corbeille ” ; qui aujourd’hui pourrait dire cela sans déclencher les rires?

- Ce n’est pas une logique croissance. L’examen des statistiques le montre bien : il n’y a pas - aux Etats-Unis, en Europe, ou ailleurs - de corrélation entre la croissance et les variations boursières : tantôt cela va dans le même sens, tantôt cela évolue en sens contraire, tantôt cela tire à hue et à dia sans que l’on sache trop pourquoi.

A certains moments même - comme en 1994 et très précisément aujourd’hui - la croissance faisant craindre une recrudescence de l’inflation a pour effet de susciter la baisse des valeurs cotées. On pense au dessin de Plantu dans lequel le petit homme juché sur le toit de la Bourse se précipite délibérément dans le vide à l’annonce faite par  un second personnage, voulant le rassurer, que la croissance repart ; et ce dernier, de s’éloigner songeur en constatant que décidément, il ne comprendrait  jamais rien  à l’économie...

- Ce n’est pas une logique de mise en valeur des territoires. Si le territoire joue un rôle dans la localisation des entreprises c’est en fonction des avantages qu’elles y trouvent et non en fonction des impératifs du développement local. Que des avantages plus substantiels apparaissent ailleurs et les délocalisations ne se font pas attendre. C’est Hoover quittant Dijon pour s’installer à Cambusland, en Ecosse, où l’attirent des salaires plus bas et la faiblesse des organisations syndicales. C’est Renault fermant l’usine moderne de Vilvorde, en Belgique pourtant rentable, mais insuffisamment pour satisfaire les exigences du capital. C’est aussi le Sud-Est asiatique ( Indonésie, Corée, Malaisie, Philippines, Thaïlande) où les entrées de capitaux privés, attirés par des perspectives de profit atteignent 92 milliards de dollars en 1996 pour, l’année suivante, aux premiers soupçons du doute (alors que pourtant la croissance de la région se maintenait autour de 5% à 6%)  refluer  massivement, les sorties nettes  atteignant alors 13 milliards de dollars , soit un différentiel brutal de 105milliards d’une année sur l’autre représentant 11% des produits  nationaux de la région. Ce sont bien sûr les économies réelles locales qui  paient le prix de ces fluctuations.

- Ce n’est pas une logique de l’homme.

 André Orléan montre bien que, pour cette logique, l’homme se réduit à la dimension d’un patrimoine à faire fructifier : moins que l’individu, simple atome de société cher à l’économie libérale ; et encore moins que la personne porteuse de valeurs - aspiration à plus de  justice et de solidarité -  qui donnent sens à sa vie. Les valeurs, qui conduisent à modérer les appétits, sont une entrave pour l’économie de  cupidité. On va donc les réduire à leur dimension marchande. La poursuite du gain devient valeur socio-culturelle suprême: “ L’homme, proclamait hier le philosophe grec Protagoras , est la mesure de toutes choses ” ; aujourd’hui l’homme d’affaires américain, citant son chiffre d’affaires , proclame fièrement “  je vaux tant ! ” ; voilà donc l’argent devenu mesure de l’homme.

- C’est une logique de fructification rapide d’un patrimoine financier.

L’actionnaire n’a généralement rien du copropriétaire d’entreprise qu’il est censé être; il gère simplement son portefeuille ; en quête de rendement, il est prêt à  déplacer son patrimoine d’une entreprise à l’autre, s’il estime que tel est son intérêt. Son optique n’est pas celle d’un entrepreneur. A fortiori lorsqu’il s’agit de l’épargne dite institutionnelle qui s’investit ou se désinvestit selon des perspectives de pur rendement financier. Lorsqu’elle participe, comme les fonds de pension,  au gouvernement des entreprises (corporate governance) c’est pour imposer un double objectif  de rendements élevés et rapides et de distribution de dividendes au détriment de l’investissement productif ; ces fonds n’hésitent pas, aux Etats-Unis, à publier la liste noire des entreprises dont les distributions de dividendes leur paraissent insuffisantes.

James Tobin rapporte le mot d’un agent financier se plaisant à déclarer que, pour lui, “  le très long terme c’est les dix prochaines minutes ”. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce temps-là n’est pas celui de l’entreprise dont la stratégie de développement exige que l’on sache faire des investissements longs à rendement différé. Dégager le maximum de profit dans le minimum de temps, telle est l’origine de la course productiviste qui va pervertir toute l’économie..

Cette optique de rendement strictement financier nie, par ailleurs, l’existence même d’un intérêt collectif  et la nécessité d’un secteur public. Elle ne connaît que le marché. Comme les “ produits ” offerts par les  services publics ne font pas l’objet de transactions marchandes, ces services  sont décrétés improductifs. On ne  les considére que sous l’angle des coûts. La santé, l’éducation la protection sociale comptent donc pour rien. Soit. Tirons-en les conséquences et supprimons ces institutions dispendieuses. Ces Messieurs du Medef  verront alors ce que devient la belle productivité, tant vantée, de leurs entreprises et ils comprendront peut-être - mais il sera trop tard -  tout ce qu’elle devait à la collectivité.  Pour l’instant, ils ne veulent pas voir que la  productivité des services publics s’exprime dans le long terme et dans les comptes d’exploitation des autres agents économiques ou, ce qui revient à peu près au même , à travers le taux de croissance du produit national. Dans certains cas c’est même la gestion déficitaire des entreprises publiques qui obéit à la rationalité économique, lorsqu’elle  provoque des créations de richesses supérieures à leur propre déficit. Tel fut, par exemple, historiquement le cas des chemins de fer.

 La logique selon laquelle l’intérêt collectif n’est qu’un somme d’intérêts privés régit les économies , à tous les niveaux : du local au mondial. Car, si l’ordinateur a ouvert le monde aux entreprises humaines, il a également renforcé le lien de proximité ; et il a , en quelque sorte brouillé les niveaux.

D’une part - selon l’expression d’Hervé Le Bras - “ la planète est au village ” et le mondial s’impose au  local. Les pressions de la “ World Company ” sur les services locaux - dont il sera question tout à l’heure - sont là pour en témoigner. Et nous trouverons dans ce qui précède l’origine de beaucoup des problèmes que nous aurons à examiner.

Mais, d’autre part, l’informationnel renforce le lien de proximité. L’information, par nature, est relation. L’organisation en réseau qu’elle suscite multiplie les interdépendances. Bien des activités - qui ne sont pas nécessairement publiques - non rentables en termes marchands , le deviennent  au plan social par leurs effets positifs sur l’ensemble de la collectivité. Les questions de la citoyenneté que l’on retrouvera demain, en tirent sans doute quelque éclairage nouveau.

Enfin , le local et le mondial interfèrent de façon parfois étroite. Il n’y a pas d’une part les PME/PMI dont l’espace serait local et les multinationales qui s’adresseraient directement à l’espace mondial. Beaucoup des premières (1/3 des PMI industrielles) appartiennent à des groupes qui donc , par leur intermédiaire, participent à l’économie locale. D’autres, comme c’est le cas des productions spécialisées de Thiers , Cholet, Oyonnax, la Vallée de l’Arve, ont su exploiter des créneaux qui leur ouvrent directement le marché mondial. Entre l’autonomie que les grandes entreprises peuvent laisser à leurs propres ateliers et la force des liens qu’elles établissent avec leurs sous-traitants, il  arrive que l’on fasse difficilement la différence entre les deux structures de productions. Sans doute retrouvera-t-on ce type de considérations dans la table ronde consacrée aux structurations et restructurations.

III - De tout cela émerge la perversion d’un système.

“ Perversion ”, dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire “ retournement ”, dont les conséquence ne manquent pas de se manifester au plan local. Car, si les technologies de l’immatériel sont porteuses de  perspectives favorables pour les hommes, leur combinaison avec le libre-affairisme et la déréglementation engendre une logique sociale qui, point par point, renverse chacune de leurs promesses.

- Le rapprochement des hommes devient rupture du monde.

La technologie fait du monde le grand “ village planétaire ” de Mac Luhan, mais la recherche de rentabilité conduit les capitaux à s’investir dans les régions du monde estimées, à tort ou à raison, les plus porteuses d’avenir. Le fossé se creuse entre les populations . Le rapport entre les 20% des revenus les plus élevés et les 20% les plus faibles dans le monde  passe de 30/1 en 1960, à 60/1 en 1990 et 74/1 en 1997 ; le fossé s’est donc élargi de 2,5 fois en moins de quarante ans. Dans le même sens, le rapport des revenus moyens par tête entre le pays le plus riche du monde et le plus pauvre était de 26/1 en 1950, 39/1 en 1979 et 56 en 1995.

- La relève de l’homme par la machine devient chômage et exclusion sociale.

La machine soulage l’homme de la peine : la quantité de travail annuellement fournie par un ouvrier passe de 5000 heures en 1850 à 3200 heures en 1900 et 1600 heures à la fin du siècle. Mais la course productiviste dénature le sens de cette relève. Le remplacement de l’homme par la machine devient la moyen de réduire le prélèvement salarial dans le partage du produit. En France , de 1980 à 1998, la part des salaires dans la valeur ajoutée s’abaisse de 7I,7% à 61%. Les entreprises ( Renault, Peugeot , Michelin...) annoncent à la fois de brillants résultats financiers et d’importants licenciements afin de consolider ces résultats ; et la bourse salue  par des hausses spectaculaires. A l’intérieur des nations, comme on l’a constaté entre nations, l’inégalité s’accroît et l’on voit apparaître cette catégorie économique nouvelle que l’on désigne du nom de “ working poor ” témoignant du fait que l’on dispose désormais de deux moyens de s’appauvrir : l’un par la perte de l’emploi et l’autre par le travail ; on n’arrête pas le progrès...

- Le ménagement de la nature enfin devient saccage des milieux  et marchandisation.de la vie.

Nature ménagée : car  les technologies permettent de produire la même quantité de biens avec de moins en moins de matière, d’énergie, de travail, c’est-à-dire au prix d’un moindre traumatisme du milieu naturel. A la fin du siècle, la fabrication d’une automobile de puissance identique exige 40% d’énergie et de matière de moins qu’en 1950 et la construction d’une maison de surface équivalente 20% de moins. Dans la seconde moitié du siècle, en France, la production agricole augmente de 110% sur des surfaces réduites de 18%.

Mais nature saccagée : car la course productiviste réduit à néant les perspectives favorables découlant de ces économies. Lorsque le nombre d’automobiles dans le monde passe de 35 millions en 1930 à 200 millions en 1970 et 670 millions en 1998, les économies réalisée sur la fabrication de chacune d’elles ne suffisent  pas à compenser le saccage des ressources nécessaires pour produire le tout. En dépit d’économies substantielles par unité produite, la consommation totale d’énergie a augmenté de 50% dans notre pays entre les années 1970 et 1998.

Par la voie du brevet, le vivant , et même le corps humain,  entrent dans le champ du marchandisable. Ne parlons pas de la vache folle, du naufrage de pétroliers géants, du réchauffement de la planète, etc...dans lesquels, l’esprit du système productiviste se  trouve directement impliqué.

“ Donnez-moi le moulin à vent, disait Marx, et je vous donnerai la société féodale ”, ce à quoi nous pourrions ajouter aujourd’hui “ donnez-moi l’ordinateur , le libre-affairisme et la déréglementation reaganienne et je vous donnerai, la dictature de la finance et la perversion de toutes les promesses de la révolution technologique ”.

Un fait nouveau cependant. La même technologie dont on a fait l’instrument de cette perversion pourrait bien , en même temps sécréter l’antidote. Si l’ordinateur a permis la mondialisation de la sphère économique, c’est aussi par lui que se réalise désormais cette mobilisation mondiale des citoyens, , qui a mis successivement en échec l’AMI, les OGM, le sinistre projet “ Terminator ” de Monsanto, et la tentative dont l’OMC était l’instrument, à Seattle, d’offrir le monde au libre déchaînement des appétits marchands. Une nouvelle forme de démocratie , s’appuyant sur la conscience citoyenne, ancrée dans les profondeurs de la réalité locale est sans doute en train de naître à l’échelle mondiale ; Et cette mondialisation-là, c’est notre espoir  face à celle de la cupidité des intérêts internationaux privés.

Mais nous abordons ici le thème de notre ami Patrick Viveret.