Rapport sur l'Accord
multilatéral sur l'investissement (AMI)
RAPPORT INTÉRIMAIRE - SEPTEMBRE 1998
Catherine LALUMIÈRE
Députée européenne
Jean-Pierre LANDAU
Inspecteur général des Finances
Rapporteur : Emmanuel GLIMET,
Conseiller référendaire à la Cour des Comptes
Nota : nous ne publions, ici, qu'un extrait de ce rapport qui se trouve intégralement
en ligne sur le site du Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie.
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SOMMAIRE
DIAGNOSTIC
- La contestation présente des caractéristiques nouvelles
- L'opposition porte sur l'architecture même de l'accord
- L'organisation de la négociation par l'OCDE a été inadaptée
- Le résultat des consultations fait apparaître une certaine diversité d'opinions, mais
le soutien à l'AMI dans sa forme actuelle est limité et, quand il existe, conditionnel.
PROPOSITIONS
Ce qu'il faudrait éviter
- Laisser reprendre la négociation sur les bases actuelles
- Amender le texte actuel sans changer son architecture
- Renoncer à tout accord international sur l'investissement
Les éléments d'un nouvel accord
- L'architecture d'un nouvel accord
- La question de l'enceinte de négociation: OCDE ou OMC?
REMARQUES SUR LA PROCÉDURE ET LES MÉTHODES DE TRAVAIL
1)- L'architecture d'un nouvel accord
L'objectif est de mettre en place un cadre international non-discriminatoire pour
l'investissement international sans remettre en cause la souveraineté des États. Ce
nouvel accord serait centré sur les deux principes traditionnels du traitement national
et de la non-discrimination.
Le traitement national impose à chaque pays de ne pas discriminer, sur son territoire,
entre les acteurs économiques nationaux et étrangers. Dans ce cadre, l'État reste libre
de définir et mettre en uvre dans tous les domaines, des politiques publiques de
son choix.
La non discrimination oblige à accorder un traitement identique à tous les acteurs
économiques étrangers, quelle que soit leur nationalité. Le principe s'exprime, dans
les traités, à travers la clause de la nation la plus favorisée.
Les deux principes souffrent naturellement des exceptions. Les ensembles régionaux -
telle l'Union Européenne - se constituent sur la base d'un traitement préférentiel
entre pays membres, et constituent donc une exception au principe de non discrimination.
Les politiques culturelles mises en place en France et dans l'Union Européenne dérogent,
par ailleurs, au principe du traitement national.
Techniquement, un nouvel accord peut être conclu si la volonté politique existe, en
supprimant toutes les dispositions qui limitent la souveraineté des États et imposent
des obligations " absolues " à ceux-ci, au-delà de la seule
interdiction de non-discrimination.
Quelle que soit l'enceinte de la prochaine négociation, il faudrait donc respecter au
moins les sept conditions suivantes(5)( :
- Exclure les investissements de portefeuille et les opérations sur les marchés
financiers de la définition de l'investissement. Le champ de l'accord serait limité
à l'investissement direct étranger. Deux arguments pèsent en faveur d'une telle
modification. L'un d'ordre institutionnel : le FMI est mieux équipé pour traiter
ces questions. L'autre d'opportunité : dans le contexte actuel, inclure les flux
financiers accroît les oppositions et les difficultés.
- Un mécanisme de règlement des différends ouvert aux seuls États et non
aux investisseurs. Ceci permettrait de répondre à la critique selon laquelle l'AMI sert
les intérêts de quelques grandes entreprises qui disposent des moyens financiers pour
livrer des batailles juridiques.
- La suppression de l'article sur le " traitement général "
des investisseurs étrangers visant à leur assurer une " protection intégrale
et constante ". Cet article est l'exemple même d'une obligation absolue dont la
portée serait totalement laissée à l'interprétation du juge international(6).
- La suppression de la notion de " mesure d'effet équivalent "
à une nationalisation ou une expropriation, dont l'interprétation par le même juge
international pourrait amener à déclarer non conformes toutes réglementations ou
législations publiques réduisant la valeur économique d'un investissement économique
étranger(7).
- En matière d'" obligations de résultats ", la réduction de
la liste des mesures interdites. On se limiterait à transposer l'accord correspondant
déjà réalisé à l'OMC, éventuellement élargi aux services.
- L'abandon de la clause de " cliquet " qui rend irréversible
toute mesure de libéralisation décidée par un gouvernement. Elle peut être remplacée
par un mécanisme de " déconsolidation " qui permettrait à un État,
comme c'est le cas à l'OMC, de revenir sur un engagement, moyennant l'octroi de
compensations à ses partenaires commerciaux.
- La France devrait souligner son intérêt pour une participation effective des pays
émergents. Nous ne proposons pas d'en faire un préalable à la poursuite de la
négociation, mais de subordonner la signature finale à l'adhésion d'un nombre suffisant
de ces pays.
2)- La question de l'enceinte de négociation : OCDE ou
OMC ?
On peut envisager deux approches pour organiser la négociation d'un nouvel accord.
a) Tenter une nouvelle démarche à l'OCDE. Cette solution impliquerait
évidemment de réorienter fondamentalement la négociation AMI.
Dans ce cadre on pourrait conserver l'approche " top-down ". Ceci
permet techniquement de partir du texte actuel et de procéder par soustraction des
passages les plus litigieux.
Si cette solution était choisie, il faudrait indiquer très rapidement à nos
partenaires que, sans remettre en cause l'utilité de règles internationales pour
l'investissement, la France souhaite explorer la possibilité d'une réorientation
fondamentale de la négociation. Mais, faute de cette réorientation, elle se retirerait
des négociations.
b) Demander l'ouverture d'une négociation à l'OMC.
Un accord sur l'investissement à l'OMC se heurte encore à certains obstacles :
- il n'existe pas aujourd'hui de consensus au sein de l'organisation. Certains pays en
développement demeurent très réticents à l'ouverture d'une négociation.
- le lancement de négociations à l'OMC ne pourra, le cas échéant, être décidé que
lors de la prochaine Conférence Ministérielle en décembre 1999. Un accord à l'OMC ne
peut donc être raisonnablement envisagé qu'au début de la prochaine décennie.
- dans cette enceinte, il est plus difficile de progresser sur les normes sociales et
environnementales.
Mais l'OMC présente plusieurs avantages :
- les pays émergents sont présents et participants.
- la méthode OMC est, a priori, moins problématique du point de vue de la souveraineté.
D'une part, l'approche " top-down " n'y est pas utilisée : les
négociations se déroulent selon le principe des listes positives ou
" offres ". D'autre part, seuls les États, et non les entreprises
privées, ont accès au mécanisme de règlements des différends.
- les entreprises françaises sont plutôt favorables à l'OMC, car elles considèrent
qu'elles ont de réels intérêts offensifs vis à vis des pays émergeants.
- cette position est cohérente avec notre approche multilatérale en faveur d'un ordre du
jour large pour les futures négociations multilatérales. Nous nous proposons de revenir
sur ce sujet dans la deuxième phase de nos travaux.
Au total, il existe donc deux possibilités :
- soit réamorcer la négociation à l'OCDE, avec pour objectif d'obtenir une
réorientation fondamentale, conforme aux principes énoncés ci-dessus. Le processus de
négociation est déjà engagé, mais le résultat est aléatoire. Il n'est pas certain
que la totalité des conditions que nous souhaitons puissent être satisfaites De même,
les difficultés soulevées par l'ampleur des réserves américaines peuvent subsister.
Cette voie peut conduire à retrouver, après un certain temps, les difficultés
rencontrées au printemps 1998.
- soit demander l'ouverture d'une négociation à l'OMC, l'OCDE conservant un rôle
d'expertise et de soutien. En l'absence, toutefois, de consensus, un effort de persuasion
auprès des pays émergents apparaît nécessaire. A cet égard, la crise asiatique peut
favoriser une évolution des esprits. Beaucoup de pays de la zone ont été conduits à
libéraliser leurs régimes d'investissement étranger. Ils peuvent trouver intérêt à
consolider cette ouverture en contrepartie d'avantages obtenus dans le cadre d'un cycle
global de négociation.
Entre ces deux possibilités, les consultations que nous avons conduites ne permettent
pas de trancher de manière décisive. Mais il nous paraît important que, quelle que
soit la solution choisie par le gouvernement, la France continue d'oeuvrer activement en
faveur d'un cadre multilatéral de règles couvrant l'investissement international. Une
telle attitude est conforme à la fois à son rôle et à ses intérêts.
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