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Taxe Tobin. Un état des lieux international

Tobin tout de suite!

Kit Tobin 2001

KIT TOBIN - Tobin tout de suite !

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Depuis 1998, année de la création d’Attac en France, l’association, nationalement dans les différents pays où elle s’est créée (une vingtaine), internationalement aussi, est devenue l’une des références en matière de propositions d’alternatives, en particulier grâce à la promotion de la taxe Tobin, plus connue dans le monde anglo-saxon sous le nom de taxe sur les transactions de change (Currency Transaction Tax ou CTT). L’existence de l’association dans différents pays, son dynamisme, ainsi que les travaux des chercheurs, experts et universitaires qui forment les différents conseils scientifiques, en France évidemment, mais aussi en Argentine et ailleurs, ont largement concouru à faire de cette proposition un sujet de société, un thème de débat politique, un axe de recherche, tant dans le domaine des régulations possibles des marchés financiers que des modes alternatifs de financement du développement. Cependant Attac n’était pas la première organisation à promouvoir cette taxe, en même temps qu’elle ne l’a pas inventée.

Au niveau politique, on retrouve la taxe Tobin parmi les propositions avancées par certains chefs d’Etat lors des sommets du G7 à Halifax (1995) et à Lyon (1996). Ces propositions, qui visaient à répondre à la panique des gouvernements face à l’instabilité des marchés et à la crise du peso mexicain en particulier, n’ont été ni discutées ni rendues accessibles au public. Au niveau scientifique, depuis la conférence de James Tobin à Princeton en 1972, au cours de laquelle, pour la première fois, il a exposé l’idée de cette taxe, quelques économistes se sont penchés sur la question pour l’approfondir ou en proposer des variantes. Là aussi, la taxe n’a pas passé la barrière des publications scientifiques et celle des centres de recherche universitaire.

C’est cependant aux alentours du sommet du G7 d’Halifax que l’on commence à retrouver cette proposition comme un élément dans certaines plate-formes de partis politiques et, une parmi d’autres, dans certaines des propositions d’organisations non gouvernementales. Elle concourt aussi à la création de réseaux d’organisations comme Halifax Initiative au Canada ou comme thème de travail dans certains centres de recherche progressistes. Dans ce paysage international assez diffus, dans lequel la taxe Tobin apparaît de loin en loin, la création d’Attac a marqué un tournant.

L’expertise

En matière de taxation des transactions financières l’expertise économique n’a pas quitté l’université ou les centres de recherche. Elle s’est cependant largement diffusée au travers de différents rapports d’organisations non gouvernementales qui ont permis à la fois un développement de son contenu et une amélioration de sa diffusion. Parmi les organisations il nous faudrait citer des ONG de développement : CIDSE (Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité), Oxfam ou War on Want, mais aussi des coalitions d’ONG diverses comme Halifax Initiative ou des centres de recherche comme CEPR (Center for Economic and Policy Research), qui ont toutes directement contribué ces dernières années à la mise au point de documents autour de ce problème.

D’autres organisations ont aussi développé une expertise propre concernant la taxe Tobin. On pourrait citer, par exemple, le syndicat américain AFL-CIO qui a déjà publié quelques études, mais aussi les partis politiques qui, de l’Australie à la Scandinavie, ont pu, à un moment ou à un autre, promouvoir ou étudier l’idée de taxe Tobin. Ce qui les caractérise en revanche est que la nature de leurs travaux vise plus particulièrement une promotion “ interne ” de la taxe Tobin plutôt qu’une véritable campagne publique.

Par ailleurs les chercheurs et universitaires eux-mêmes s’organisent. Ainsi de l’ “ Appel des économistes pour sortir de la pensée unique ” qui a publié des ouvrages collectifs, à l’organisation de pétitions spécialisées, réservées uniquement aux économistes demandant la mise en place de la taxe Tobin et déclarant leur appui aux différents mouvements citoyens qui se sont créés pour la promouvoir, il y a une certaine évolution. Celle-ci pourrait être mise en valeur par la position de James Tobin lui-même. Très dubitatif sur l’engagement militant, très surpris de la popularité de sa proposition dans certain pays comme la France, il n’avait pas voulu être associé de trop près à la popularisation de son idée. Pourtant, il y a quelques mois, le voici qui signe avec 300 autres économistes d’une quarantaine de pays différents la pétition proposée conjointement par Attac et CEPR sur la taxation des transactions financières et sur l’appui aux mouvements citoyens.

Il existe donc une convergence en ce moment entre des personnes qui s’impliquent et militent en faveur de la taxe Tobin et des experts, chercheurs et universitaires qui mettent leurs travaux aux services de ses militants, et s’investissent eux-mêmes plus avant. Attac en étant à la fois un mouvement citoyen et militant, mais aussi un mouvement d’éducation populaire doté d’un Conseil scientifique de réputation nationale et internationale pour certains de ces membres, a réussi à faire la démonstration (et pas uniquement en France) du lien entre l’expertise et l’engagement politique.

Le politique

Les choses, là, deviennent plus complexes. D’abord parce que plusieurs niveaux se superposent : local, national et international, chacun avec son caractère propre et les relations que ces niveaux entretiennent les uns avec les autres, et qui sont tout sauf simples. Ensuite parce que si certaines décisions politiques positives sont prises, elles ne sont pas forcément mises en œuvre. Ainsi en mars 1999 le Parlement canadien vote à la majorité (le parti au pouvoir et le premier ministre lui-même votent en faveur) une motion n°239 demandant à ce que le gouvernement canadien fasse la promotion de la taxe Tobin dans les instances internationales dont il fait partie. Inutile de préciser que, depuis lors, la promotion a été discrète.

Les contradictions du politique, à quelque niveau que ce soit, sont l’expression de nouvelles tensions créées avant tout par la naissance d’une pression coordonnée en faveur de la taxe Tobin qui viennent changer le statu quo ante en faveur des marchés financiers. Ainsi, les actions menées sont le résultat à la fois de pressions exercées par le monde militant dans son ensemble, à la fois de l’existence d’une minorité d’élus qui agissent au niveau de leurs conseils municipaux ou au niveau des parlements régionaux ou nationaux, ou au niveau des instances internationales et du Parlement européen. Cette minorité s’organise et commence à constituer un front commun. Depuis la première rencontre inter-parlementaire qui se déroulait à Strasbourg en juin 2000 jusqu’à Porto Alegre en janvier 2001 nous assistons à la naissance d’une coordination internationale d’élus autour de la taxe Tobin, marquée par une déclaration commune d’engagements.

Ainsi, durant l’année passée, de motions en amendements, de projets de loi en demandes d’études de faisabilité nous pouvons quasiment faire le tour de la planète et nous arrêter dans une bonne vingtaine de pays. Impossible, donc, de tout recenser. Les votes contraires à la taxe Tobin l’emportent évidemment. Mais une première étape a été franchie avec succès : la taxe Tobin fait partie du débat parlementaire et politique. Cet acquis est précieux car n’oublions pas que nous étions partis de rien ou presque. Aujourd’hui, en un an, nous avons vu des initiatives en Espagne, aux Etats Unis, en Grande Bretagne, en Belgique, en Italie, en Suisse, en Uruguay, au Chili etc. etc.

Au niveau local, ce sont des municipalités qui peuvent voter une déclaration en faveur de la taxe Tobin. Cette déclaration est avant tout symbolique, elle est soit incluse dans un ensemble d’autres propositions de commerce équitable et de développement, comme aux Etats Unis après la ville d’Arcata (Californie), soit dans une démarche de réflexion sur l’environnement global face au local puis d’action locale à dimension globale comme pour les 60 municipalités adhérentes d’Attac, soit prise comme telle par exemple pour Genève ou Gênes.

Au niveau national les débats politiques continueront et aboutiront peut-être, dans certains cas, à des victoires, en tous les cas à des avancées. Ainsi depuis deux ans maintenant, chaque année, à l’Assemblée nationale et au Sénat, des amendements à la loi de finances en faveur de la taxe Tobin sont déposés. Cette pression exercée par l’action même du politique a permis par exemples que le Conseil économique et social en France se déclare en faveur de la taxe Tobin ou que le gouvernement belge soit obligé de faire un pas en avant avec la mise sur son agenda de la taxe Tobin durant la présidence européenne qu’il exercera à partir de juillet 2001. Récemment, c’est aussi le premier ministre Indien, M. Atal Behari Vajpayee qui se prononce en faveur de la taxation des transactions financières dans le but de créer un fonds pour combattre la pauvreté.
Au niveau international, l’Union européenne est une dimension pertinente et accessible à la fois directement, par l’existence d’un Parlement européen dans lequel siège là encore une minorité agissante, à la fois par l’intermédiaire de nos dimensions nationales, parlements et ministères, qui peuvent exercer une pression suffisante sur les organes décisionnels au niveau de l’Union et la Commission en particulier. Le second semestre 2001 représente donc une échéance importante. Mais l’évocation du nom “ taxe Tobin ” ainsi que la possibilité d’études officielles, sérieuses et impartiales font peur.

Par exemple, en juin 2000, lors du sommet social international des Nations unies “ Copenhague +5 ” qui s’est déroulé à Genève, la pression des différentes ONG a permis que soit discuté un amendement demandant à l’ONU la mise en place d’une commission d’étude pour évaluer l’impact de la taxe Tobin sur le financement du développement. Les discussions entre Etats font retirer le mot Tobin. Néanmoins, un paragraphe 111 e bis a été intégré à la déclaration finale. Il met en place une commission d’étude de modes de financement alternatif du développement. Six mois plus tard, la Commission est créée par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, et elle est présidée par l’ex-président mexicain Zedillo. On y retrouve un ex-Secrétaire d’Etat du Trésor américain Robert Rubin, l’ex-Ministre des finances français et ex-président de la Commission européenne Jacques Delors, etc. Inutile d’allonger la liste : on voit tout de suite qu’elle ne comprend aucun avocat de la taxe Tobin, mais beaucoup d’ex-ministres des finances. Du reste les premières déclarations de M. Zedillo ne sont guère encourageantes et ignorent totalement la taxation des transactions financières, ainsi que l’existence des travaux et des expertises développés par différentes organisations de la société civile. Pour autant tout n’est pas joué. Le Forum social mondial de Porto Alegre a permis une nouvelle réunion internationale des différentes organisations qui travaillent sur la taxe Tobin, la deuxième du genre puisque la première avait eu lieu à Genève lors du Sommet parallèle Genève 2000 organisé en amont du sommet international des Nations unies.

Il s’agit donc d’un travail de longue haleine fait à la fois de pression et d’information, de travail conjoint et de relations entre les différentes organisations. C’est un travail qui révèle aussi une nouvelle sorte de militants, les politiques, dont les engagements et les responsabilités sont parfois ambivalents mais qui agissent à l’échelle de leur mandat et qui tente de construire une coordination internationale ayant pour vocation de mieux articuler les différentes initiatives parlementaires et de faire plus facilement le lien avec le niveau “ expert ” (des auditions vont être organisées au parlement européen fin mars 2001, d’autres ont eu lieu au Budenstag, fin janvier 2001…) et avec le niveau militant.

La dimension militante

Celle-ci a été avant tout marquée au niveau de la taxe Tobin par la floraison d’associations Attac : Suède, Norvège, Danemark, Finlande… Allemagne, Autriche… Argentine, Uruguay, Chili, Maroc, Tunisie ; bientôt Espagne où existent des groupes dans les différentes provinces, Italie, … Russie, Serbie où l’organisation porte un autre nom. Mais le succès d’Attac n’est pas un succès de communication ou de diplomatie. Rappelons que les associations qui se créent ne sont pas des filiales d’Attac France. Ce sont toutes des associations indépendantes liées par la plate-forme du mouvement international Attac. Elles ne prétendent pas à un modèle unique d’organisation, mais chaque association correspond aux réalités locales, aux organisations fondatrices et aux militants qui la créent.

Ainsi donc, la naissance des Attac est avant tout le reflet de la dimension internationale que prend la proposition de taxer les transactions financières. Là encore, durant les années qui précèdent la première naissance d’Attac en France d’autres organisations reprennent l’idée de la taxe Tobin dans certains de leurs documents. On peut citer l’organisation écologique Friends of the Earth, mais aussi des organisations qui combattent la pauvreté et militent en faveur de l’annulation de la dette, par exemple Preamble aux Etats-Unis ou, plus près de nous les Jubilee un peu partout dans le monde. Cependant aucune action spécifique n’avait été mise en place.

C’est la pétition nationale lancée par Attac France en 1999, avec ses 110 000 signatures, qui marquera un tournant au niveau mondial. La preuve a été apportée que des propositions aussi techniques et financières peuvent être portées efficacement au niveau des militants. Depuis lors, on assiste au développement d’initiatives qui allient expertises économiques, actions politiques et pressions militantes.

Conclusion

Les choses évoluent rapidement. Cependant, le contexte international est caractérisé par une multiplication des groupes et organisations qui soutiennent la taxe Tobin. Ces organisations appartiennent à des univers différents, des ONG et mouvements citoyens comme Attac, aux syndicats (dernièrement l’AFL-CIO et l’allemand DGB ont fait une déclaration commune en faveur de la taxe Tobin), mais participent toutes du mouvement social. Le Forum social mondial a permis de fixer une étape de constitution de coordinations au niveau des parlementaires, mais aussi des autres mouvements.

Alors que les travaux scientifiques se sont multipliés ces dernières années montrant la faisabilité de la taxation des transactions financières, peu a été fait concernant la redistribution et la collecte de la taxe. Bien qu’Attac ou d’autres puissent proposer des solutions et des moyens, cette discussion qui refonderait l’architecture internationale autour d’autres principes de fonctionnement a besoin de trouver l’appui de gouvernements et d’organisations internationales, permettant ainsi la réunion de toutes les forces de la société autour d’une véritable table de travail. Pour le moment c’est le courage politique qui fait défaut plus que des raisons techniques.

C’est dans ce contexte international que s’inscrit le “ kit Tobin ”, premier du genre au niveau mondial. Il doit permettre d’informer et de discuter, de faire débuter le débat, il doit permettre d’agir.