Allocution prononcée le 9 juin au soir à Saint Malo
Après avoir évoqué les événements de la journée en Andorre, Pierre Tartakowsky revient sur la ce qu’a fait, dit et constaté la délégation à Jersey.
« Nous avons fait l’objet d’un accueil a la fois extraordinairement courtois et méfiant ; courtois les policiers qui nous ont d’un bout à l’autre de la journée assuré notre « protection » ; courtois les responsables qui ont « encadré » nos allées et venues ; courtoises les autorités qui nous ont reçues en délégation. La méfiance, elle, avait été entretenue au niveau même de cette « courtoisie » ; mouvements limités, mises en gardes continuelles. Cette défiance se retrouvait dans des mots d’enfants « vous êtes venus pour prendre notre argent ? Vous allez vous battre ? » et dans la présence – discrète mais réelle – de forces de répression spécialement importées d’Ecosse.
Nous avons aussi rencontré la solidarité et la crainte ; ce sont des habitants de jersey qui ont pris en charge le pique-nique de la délégation, des habitants de jersey qui sont venus nous remercier de notre venue, en soulignant le coté pesant – pour ne pas dire plus - de la vie politique de l’île.
Et dans ce cadre, je suis heureux de vous annoncer la création d’Attac Jersey.
Notre délégation a été reçue par Colin Powell. Les échanges que nous avons eus ne nous ont guère surpris. Nous avons présenté Attac, expliqué que nous n’avions évidemment rien spécifiquement contre Jersey et ses habitants mais qu’en revanche, l’existence de paradis fiscaux choquant notre sens de la justice sociale. Que nous entendions, ce jour, attirer l’attention des opinions publiques et celle des gouvernements sur leur existence, et leur rôle de cheville ouvrière de la mondialisation financière, rôle que nous analysons comme profondément délétères.
Nos interlocuteurs s’en sont globalement tenus à des propos convenus, reprenant l’argumentation qu’ils avaient développée devant l’OCDE. Cette argumentation tient en deux points essentiels : D’une part, il existe des paradis fiscaux très méchants et des gentils ; des qui sentent pas bons et des propres sur eux ; des « coopératifs » et des « délinquants. » Inutile de préciser dans quelle catégorie se classait eux-mêmes nos interlocuteurs… D’autre part, l’enjeu étant global, il appelle des solutions globales, c’est à dire la définition de nouveaux cadres légaux, de nouveaux critères qui s’imposent à toutes les places off-shore et autres paradis. En attendant que se formalise ce calendrier, il était extrêmement compliqué d’impulser d’autres pratiques, moins délinquantes.
Ce à quoi nous avons répondu que nous étions d’accord avec l’idée qu’il s’agit effectivement d’un enjeu global appelant des solutions globales. Mais qu’il fallait bien commencer quelque part ; et que si nous étions sensibles à toute avancée « moralisatrice » visant l’argent noir, nous n’entendions pas en rester là ; que les capitaux gris, ceux des grandes entreprises, des grandes fortunes, alimentant la spéculation, la corruption, n’étaient pas quittes d’une interpellation sociale. Et que le meilleur achèvement des paradis fiscaux résidant au fond dans l’achèvement des paradis fiscaux eux-mêmes.
De la même façon, que nous pouvions souscrire à leur vœu d’une meilleure information mais à la condition que cette information se développe avec des procédures, des contrôles, et une participation de la « société civique.» Que les affaires dont il était question étaient top importantes pour être laissées aux mains des banquiers ou des dirigeants des paradis fiscaux.
Quelles leçons tirer de tout cela et de notre journée d’action ?
La première c’est que nous avons eu raison de le faire ; nous avons réussi a transformer un débat d’experts, un débat technique en débat public et politique. En peu de temps, nous avons haussé le niveau du débat et des exigences publiques.
C’est une raison pour continuer à développer notre campagne « Tobin tout de suite », avec notamment le volet des lettres à envoyer aux banques.
La seconde, nous l’avons appris des yeux mêmes de nos interlocuteurs ; nous sommes à l’offensive et eux sont à la défensive ; ils craignent le conflit et détestent qu'on leur hurle aux oreilles. Autant dire que cela doit devenir notre mode d'action dans les semaines et mois à venir.
Car nous entendons bien continuer. Peut-être la prochaine fois au Luxembourg ?
Dans les semaines qui viennent, ce ne sont pas les occasions qui vont manquer de dénoncer le rôle des paradis fiscaux ; toutes nos campagnes qu’il s’agisse de la dette, de la taxe Tobin, qu’il s’agisse du commerce international, ont à voir avec les paradis fiscaux, comme avec les zones de fabrication à l’export, les « free trade zones ».
La parole est ensuite donnée à Frank Norman, habitant jersey de souche, puis aux représentants d’Attac Pologne et d’Attac Belgique, ce dernier présentant les perspectives d’action liées à la présidence européenne Belge.
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