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.. Passeport (5)
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..Tout un peuple qui ne grandit pas

Entre 100 et 200 millions d’enfants de moins de quinze ans travaillent dans le monde. Loin de diminuer sous l’effet du chômage, l’exploitation des enfants l’accompagne : la misère des adultes pousse les enfants sur le marché du travail. Dans de nombreuses sociétés rurales, la participation des enfants aux tâches collectives fait partie de l’ordre normal des choses. Non dénuée d’exploitation, elle est d’abord le signe du maintien de structures sociales anciennes.

Bien différent est le travail des enfants qui se développe dans des sociétés en transition, quand la mise au travail de l’enfant s’effectue dans le cadre d’une société moderne. Le travail constitue alors l’une des manifestations les plus extrêmes des formes d’exploitation, rendue possible par des marchés du travail totalement déséquilibrés et par une absence totale de respect des droits sociaux les plus élémentaires. Quand à cela s’ajoute l’éclatement des familles et la fin des formes anciennes de solidarité, cela donne des enfants des rues sud-américains ou les petits ouvriers des fabriques de tapis indiennes ou pakistanaises.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le développement du chômage de masse en Europe provoque aujourd’hui de sérieux dérapages. De plus en plus d’enfants viennent en aide à leurs parents chômeurs ou trop mal payés pour faire face à la subsistance de la famille. La « tiers mondialisation » des pays européens se révèle dans les sous-sols où travailleurs clandestins et enfants s’échinent. Mais même les législations font machine arrière, comme au Pays-Bas et au Portugal. Ainsi en août 1993, le travail des enfants portugais de 14 ans pour des « travaux légers » a été légalisé, au grand dam des syndicats. 40 000 à 50 000 jeunes seraient concernés. Même si des précautions sont prévues, ce décret révèle la réalité des pratiques traditionnelles dans les entreprises du nord du pays, notamment dans les secteurs du personnel de maison, de la construction, de l’agriculture, de la distribution, de la confection, de la chaussure, du textile, de la restauration et de l’hôtellerie...

L’Union européenne a réagi en adoptant, le 1er janvier 1994, une directive interdisant le travail des jeunes de moins de quinze ans, avec quelques exemptions notables comme la traditionnelle distribution des journaux à domicile (en Angleterre), mais aussi pour des emplois culturels ou sportifs, pour les emplois saisonniers en agriculture et pour les formations en alternance. Toujours selon Bruxelles, des adolescents de quinze à seize ans sont même « autorisés à travailler dans certaines circonstances pour des travaux dangereux ou présentant des risques ».

Ce dernier point a provoqué la réaction du Bureau International du Travail qui trouve la directive « ambiguë » : le BIT a en effet adopté en 1973 la Convention n°138 qui fixe à 18 ans l’âge minimum pour les travaux dangereux. De même « la directive européenne autorise des dérogations à l’interdiction du travail de nuit pour les enfants de moins de quinze ans, ce qui est en contradiction flagrante avec la Convention n°6 sur le travail de nuit des enfants », texte signé par la France et qui date de... 1919.

Ces tentatives de maintenir une apparence de civilisation protégeant ses enfants, tout en accordant nombre de passe-droits très utilisés, révèlent le malaise européen sur le chômage. Comme au Pérou ou en Inde, les enfants coûtent moins chers que les adultes dans certains secteurs d’activités et les employeurs refusent de payer plus cher pour le même travail. Comme partout dans le monde, plus le chômage augmente, plus le travail des enfants se développe.

 

 

 

- Au Bangladesh, 30% des enfants de 10 à 14 ans travaillent ; au Népal, ce chiffre est de 45% et dépasse 50% au Bhoutan.

- L’Indonésie ou l’Inde ont plus de 10% de leur main-d’oeuvre composée d’enfants de moins de quinze ans.

- Aux Etats-Unis, 20% des enfants de moins de 15 ans travaillent, en violation de la législation.

- Au Brésil, au Mexique, 18% des enfants exercent une activité économique, dans la récupération, le commerce ambulant ou les tâches domestiques.

- La Grande Bretagne – premier pays ayant réglementé le travail des enfants en 1883 – connaît aujourd’hui un essor des petits travaux d’enfants. Des employés sociaux britanniques ont ainsi interrogé 2 000 jeunes dans la région de Birmingham : 860 ont déclaré qu’ils travaillaient en dehors des heures scolaires. Une quarantaine ont avoué qu’ils faisaient l’école buissonnière pour gagner quelques pièces dans des stations-service, en se louant comme coursier ou en lavant les pare-brise aux feux rouges.

- En Italie, plusieurs dizaines de milliers d’enfants travaillent dans l’industrie du cuir et de la chaussure