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..Qui paye ses dettes s'appauvrit

Depuis plusieurs décennies, la dette plombe le développement des « pays pauvres » qui ont déjà largement remboursé le capital mais sont tenus de payer le « service » de la dette, c’est à dire les intérêts. Les manifestations réclamant l’annulation totale et inconditionnelle de la dette on conduit les gouvernements des pays riches à multiplier les effets d’annonce aux allures généreuses. Mais les réductions annoncées sont conditionnées par la poursuite des politiques d’ajustement structurel récemment rebaptisées « Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté ». Ces politiques augmentent la fragilité des économies auxquelles elles s’appliquent. Elles aboutissent à un recul de la consommation des ménages, à une baisse de la production des producteurs locaux pour le marché intérieur, à l’augmentation de la dépense alimentaire, à l’accélération de la chute de la valeur des produits exportés, à l’augmentation des charges fiscales pesant sur les populations à faible revenu...

Pour bénéficier éventuellement d’un allégement ou de l’annulation de dette, un pays doit être très pauvre (environ 760 dollars de revenu annuel par habitant) et très endetté. Les critères sont tellement stricts et arbitraires que des pays endettés très pauvres ne sont pas considérés comme éligibles pour des allégements éventuels ; 80% des plus pauvres de la planète vivent dans des pays qui sont dans ce cas. Il doit également offrir des « garanties politiques » et avoir appliqué avec succès durant 3 à 6 ans une politique d’ajustement structurel définie par le FMI et la Banque mondiale. Ce sont deux institutions qui déterminent si le pays a obtenu un succès.

De surcroît, le niveau de la dette doit être encore considéré comme insoutenable par le FMI et la BM. Un pays « performant » qui voit son endettement devenir relativement moins pesant, notamment parce que la valeur de ses exportations a augmenté (c’est arrivé en 1998 à l’Ouganda dont le café représente la principale exportation), est considéré comme ayant un niveau d’endettement « soutenable », et son fardeau n’est pas allégé...

Au final, c’est le Club de Paris qui décide éventuellement d’octroyer un allégement, voire une annulation.

En quoi consiste l’allégement accordé par la Banque mondiale et le FMI ? Par exemple, un pays qui doit rembourser 52 millions de dollars à la BM et au FMI sur dix ans. La BM et le FMI décident de réduire ce montant de 20 millions de dollars. Le pays remboursera donc 32 millions de dollars au lieu de 52. Mais le FMI et la BM, afin d’être assurés d’être remboursés, ont créé un fonds fiduciaire, dans lequel ils vont puiser jusqu’au recouvrement des 20 millions de dollars. Ce fonds est alimenté par des contributions des pays membres du FMI et de la BM, principalement les pays les plus industrialisés, mais pas uniquement. Ces contributions sont placées par la BM et le FMI sur les marchés financiers internationaux. C’est le rendement de ces placements (intérêts ou plus-value) qui est utilisé pour le remboursement. Ainsi ces institutions réussissent-elles à faire financer par les Trésors publics des Etats membres ce qui devrait être leur contribution à l’allégement... Cette politique alimente de surcroît la bulle spéculative en finançant le coût de l’opération par de nouveaux placements sur les marchés financiers !

 

 

 

- Les allégements obtenus par les Pays Pauvres Très Endettés représentent au maximum le quart de centième de la dette du Tiers monde (0,25%) ou, ramenés à la dette des PPTE, 5% de leur dette de 1996.

- La France se situe au troisième rang des créanciers bilatéraux, derrière le Japon et l’Allemagne, pour un total de créance estimé à 210 milliards de francs. Au 31 décembre 1998, les créances françaises sur les 42 PPTE s’élevaient à 96,6 milliards de francs... Le 22 janvier 2000, en marge d’une réunion des ministres des finances du G7, Christian Sautter a annoncé l’annulation complémentaire de 100% de la dette bilatérale sur certains pays... pour un total de 7 milliards de francs. En fait, lorsqu’on cumule les allégements successifs (Club de Paris, Initiative de Cologne et initiative supplémentaire de janvier), les annulations totales atteindraient 63 milliards de francs, soit seulement 21% des créances françaises.

- Au-delà des effets d’annonce, l’Initiative de Cologne et les initiatives bilatérales (le Canada en mars 1999, les Etats Unis en novembre 1999, le Royaume-Uni en décembre 1999, la France en janvier 2000, etc.), nous sommes loin d’une annulation massive de la dette.