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L’opposition à la ZLEA et l’Alliance sociale continentale

Réseau québécois sur l'intégration continentale (RQIC)

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La négociation et son contexte

Le processus de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) est mené dans l’ombre par des négociateurs nommés à cette fin par leurs gouvernements et soutenus dans leur mission par les trois grandes organisations économiques régionales, l’Organisation des États américains (OEA), la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe des Nations Unies (CEPALC). À intervalles réguliers, les négociations sont consolidées, relancées ou réorientées, selon les cas, soit au plus haut niveau, par les chefs d’État et de gouvernement, soit au niveau ministériel, par les ministres du Commerce ou ceux des Affaires extérieures. 

Au premier niveau, les sommets des chefs d’État et de gouvernement sont convoqués aux quatre ou aux trois ans : le premier Sommet des Amériques s’est tenu à Miami en décembre 1994, le deuxième Sommet, à Santiago du Chili, en avril 1998, tandis que le troisième Sommet aura lieu à Québec en mai 2001. Au second niveau, nous avons les Réunions ministérielles qui réunissent les 34 ministres du commerce des Amériques et qui se tiennent tous les dix-huit mois. Elles ont été tenues successivement à Denver (Colorado) en 1995, à Carthagène (Colombie) en 1996, à Belo Horizonte (Brésil) en 1997, à San José (Costa Rica) en 1998 et, enfin, à Toronto (Canada), en novembre 1999. La sixième Réunion ministérielle aura lieu en avril 2001 à Buenos Aires, soit un mois avant le Sommet de Québec. Elle servira à faire le point sur l’avancement des négociations et à lancer l’étape subséquente, tout comme la quatrième Réunion ministérielle de mars 1998 à San José avait permis de mettre au point le Plan d’action et la formule de négociation qui furent divulgués le mois suivant lors du deuxième Sommet des Amériques.

Quant au contenu, si le premier Sommet avait débouché sur la conclusion d’un accord de principe en vue de la création d’une Zone de libre-échange d’ici 2005, c’est lors du deuxième Sommet que l’on assiste au lancement officiel des négociations de la ZLEA. Un récent document officiel du gouvernement du Canada précise la portée des négociations en cours dans les termes suivants : «L’objet de ces pourparlers est de créer la zone franche la plus vaste au monde, un marché unique qui comprend aujourd’hui 800 millions d’habitants et affiche une produit intérieur brut (PIB) global de plus de 10 billions (10 000 milliards) de dollars US. La ZLEA servira à consolider les régimes de libre-échange que le Canada a établis avec les Etats-Unis, le Mexique et le Chili, ainsi que les liens, de plus en plus nombreux, qu’il noue avec d’autres pays du continent ».

À l’issue du Sommet de Santiago, le Canada assume la tâche de présider les négociations pendant dix-huit mois, responsabilité qui échoit à l’Argentine après la Réunion ministérielle de Toronto de novembre 1999. À titre de président des négociations, le pays responsable dirige le Comité des négociations commerciales (CNC). La première réunion du CNC a eu lieu à Buenos Aires en juin 1998 et l’on y a défini le programme de travail de neuf équipes de négociations et des trois organes consultatifs. Depuis septembre 1998, les négociations se poursuivent à Miami «afin de mettre au point un ensemble important de mesures de facilitation du commerce pour réaliser les progrès concrets souhaités par les chefs d’État et de gouvernement et les ministres d’ici l’an 2000 » .

Le rôle des gens d’affaires

Ceci dit, le processus n’est sans doute pas aussi secret ou clandestin qu’il y paraît, puisque les négociations officielles sont suivies de près par les milieux d’affaires qui ont mis sur pied un Forum des gens d’affaires des Amériques (FGAA), mieux connu sous son appellation anglaise, Americas Business Forum (ABF), forum qui s’est vu octroyer un statut consultatif officiel par les chefs d’État et de gouvernement. Le Forum tient ses rencontres en même temps que celles des ministres et celles chefs d’État et de gouvernement depuis la réunion ministérielle de Denver en 1995. À cette occasion, «les discussions s’articulaient autour des secteurs économiques énoncés dans la déclaration de Miami sur l’amélioration de la coopération économique, soit les télécommunications, l’énergie et les transports ». La fois suivante, à Carthagène en 1996, de même que les fois subséquentes, les travaux des participants du Forum furent liés de très près à ceux des Réunions ministérielles. Ainsi, à Belo Horizonte, «plus de 200 recommandations ont été formulées et présentées aux ministres du commerce », tandis qu’au Forum de San José, «les discussions ont porté sur les 221 mémoires présentés par diverses organisations du secteur privé de 17 pays et groupes régionaux tels CARICOM, le MERCOSUR et le Marché commun d’Amérique centrale (…) et les participants ont établi quelque 210 recommandations ». L’effet utile de ces rencontres mérite d’être souligné car «plusieurs des recommandations proposées par les participants au Forum de San José se reflètent dans le mandat des équipes de négociations de la ZLEA et dans le Plan d’action issu du Sommet des Amériques de 1998 ». D’ailleurs, au delà de ces entrecroisements stratégiques entre milieux politiques et milieux des affaires, il faudrait également faire état du soutien financier réciproque qui a conduit les gouvernements à subventionner la tenue des Forum des gens d’affaires, tout comme des entreprises contribuent au financement des rencontres officielles, soit dit en passant.

Les syndicats

Pour sa part, à l’occasion de la Réunion ministérielle de Denver, le mouvement syndical, appuyé par l’Organisation régionale interaméricaine du Travail (ORIT), l’aile continentale de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), organisera une conférence parallèle au terme de laquelle sera rédigée une Déclaration finale dans laquelle les participants font état de leurs préoccupations et revendications face au projet d’intégration économique des Amériques. De même à Carthagène, en 1996, le mouvement syndical des Amériques, non seulement élaborera un nouveau document de réflexion, mais il tentera également d’exercer des pressions sur les représentants des gouvernements. Ceux-ci, dans leur propre Déclaration finale, reconnaîtront «l’importance de favoriser une plus grande reconnaissance et la promotion des droits des travailleurs et la nécessité d’envisager des mesures appropriées à ce sujet auprès de (leurs) gouvernements respectifs» (Deuxième Réunion..., 1996, 164).

Entre temps, au cours de ces années, nous assistons à un rapprochement significatif et original, non seulement entre les centrales syndicales elles-mêmes, qui poursuivent leurs échanges et consultations comme elles le faisaient par le passé, mais aussi entre les centrales syndicales et les autres mouvements sociaux à l’intérieur de coalitions nationales d’opposition au libre-échange mises en place au Nord comme au Sud. Ainsi, lors de la réunion des présidents des pays membres du MERCOSUL, du Chili et de la Bolivie tenue à Fortaleza en décembre 1996, la principale centrale syndicale des États-unis, l’AFL-CIO, de même que l’ORIT, envoyèrent des représentants pour appuyer les autres centrales sud-américaines qui s’étaient entendues pour commémorer une «journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs du MERCOSUL». 

Cependant, peu après, lors de la troisième Réunion ministérielle de Belo Horizonte en mai 1997, ce ne sont plus seulement les représentants du mouvement syndical des Amériques qui se réunissent, mais également les délégués des coalitions d’opposition au libre-échange qui cherchent depuis lors à développer des positions communes et à construire les alternatives à l’intégration par les marchés. Parmi les décisions prises à Belo Horizonte, la plus innovatrice est sans doute celle qui a consisté à lancer une Alliance sociale continentale (ASC), c’est-à-dire à jeter les bases d’une alliance large et profonde appuyée sur la construction «d’alternatives viables et concrètes à la ZLEA »

Par la suite, les principales coalitions nationales ont réussi à organiser, en marge du Deuxième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des Amériques, le premier Sommet populaire des Amériques, tenu à Santiago du 14 au 17 avril 1998. Ce sommet avait été convoqué à l’instigation de cinq coalitions nationales d’opposition au libre-échange, dont quatre issues du Nord, Alliance for Responsible Trade (ART) aux États-Unis, la Red mexicana de accion frente al libre comercio (RMALC) au Mexique, Common Frontiers au Canada et le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) au Québec, ainsi que par une coalition issue du Sud, la Red Chile por una Iniciativa de los Pueblos (RECHIP), la coalition hôte. D’autres organisations sont bientôt venues se joindre aux premières, dont l’ORIT, de même que des associations environnementales, féministes, autochtones, et l’Instituto Brasileiro de Analise Social e Economica (IBASE). 

À cet égard, le premier Sommet des peuples a non seulement représenté un moment fort de l’opposition au libre-échange dans les Amériques, il a surtout permis de rassembler des opposants venus des horizons les plus divers et d’établir un consensus autour d’un document intitulé: «Des Alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent». Ce document réunit et rassemble les déclarations et prises de positions issues des dix forum réunis autour du Sommet des peuples. 

Les réactions

Face à ces initiatives politiques et sociales, les gouvernements ne sont pas demeurés passifs, loin de là. Inquiets devant la montée des oppositions au projet de ZLEA et tirant d’amères leçons du ratage des négociations menées à l’instigation de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en vue d’en arriver à un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), les chefs d’État et de gouvernement des Amériques ont mis sur pied un Groupe consultatif sur la participation de la société civile qui a été placé sous la responsabilité de l’OEA. L’idée générale qui court derrière cette initiative, c’est que les négociations de l’AMI, en particulier, ont péri faute d’information de sorte que, si l’on réussissait à remédier à cette lacune, les populations adhéreraient sans réticence au projet des Amériques. Cependant l’initiative en question rallie les deux extrêmes, à savoir les deux pays les plus riches, les États-Unis et le Canada d’une part, la plupart des 21 plus petits pays d’autre part, tout en rencontrant une opposition très forte de la part d’un seul, le Mexique, mais dont on sait par ailleurs qu’il sert de porte-voix à quelques autres qui préfèrent demeurer passifs sur toute cette question. 

Étant donné que le processus de négociation, dans le cadre de la ZLEA, est mené sur la base de consensus, chaque partenaire dispose, dans la pratique, d’un droit de veto. La position mexicaine vis-à-vis de la société civile est d’autant plus difficile à défendre que l’ABF est dûment reconnu et accrédité, et que les pays soutiennent activement et financièrement sa participation. En revanche, la position mexicaine s’explique aisément : au niveau formel, elle s’appuie sur une vision exclusive du rôle des pouvoirs législatif et exécutif en tant que seuls représentants dûment mandatés pour parler au nom de la société civile ; au niveau stratégique ou tactique, elle veut éviter les affrontements avec une opposition politique qui occupe une place réduite au sein des institutions officielles. On aura alors compris que cette position de principe rallie essentiellement les pays qui vivent sous l’empire de régimes autoritaires, mais cette qualification ne peut évidemment pas être utilisée dans le contexte d’une négociation menée entre chefs d’États et de gouvernement «démocratiquement élus», l’exigence qui a servi à exclure Cuba des négociations en cours.

En attendant, le processus de formation de coalitions s’étend et s’approfondit. Après le Brésil et la formation là-bas de la REBRIP, ce fut au tour de l’Amérique centrale de se doter de sa propre coalition, la Iniciativa de la sociedad civil sobre la integracion centro-americana (ICIC), tandis que le Congrès latino-américain d’organisations rurales (CLOC) se joignait à l’ASC. À leur tour et au niveau interne, chacune de ces coalitions rallient un nombre croissant d’organisations. Elles sont activement engagées dans la formation au niveau de chacune des sociétés civiles, tout en travaillant à la constitution d’un front large d’opposition au projet des Amériques. Ceci dit, ces coalitions ne visent pas à établir une quelconque hégémonie sur les organisations issues de la société civile puisque certaines d’entre elles, les organisations des femmes et des autochtones, pour ne citer que ces deux-là, préfèrent conserver leur autonomie, leur marge de manœuvre ainsi que leur propre stratégie d’internationalisation.

Des alternatives à la mondialisation des marchés

Prenant acte des échecs consécutifs aux stratégies poursuivies par les coalitions nord-américaines contre les accords de libre-échange durant les deux étapes successives de négociations de l’ALE, puis de l’ALENA, d’une part, et prenant acte des acquis, aussi réduits soient-ils, obtenus par suite des pressions et négociations menées par les syndicats et autres acteurs sociaux dans le cadre du MERCOSUR, d’autre part, les membres des diverses coalitions d’opposition au projet des Amériques ont convenu de défendre une approche alternative face au projet des Amériques. Cette approche vise à accroître l’implication des opposants et à en élargir le nombre en travaillant sur des alternatives au Plan d’action, au lieu de se contenter d’un refus pur et simple. 

Devant la démultiplication des lieux d’opposition, devant l’accroissement des effets pervers de la mondialisation des économies et devant la prolifération des critiques, le temps était venu d’engager la convergence la plus large possible en vue de dégager des pistes de réflexion et d’action susceptible d’offrir des alternatives, et non plus une alternative, à la mondialisation des économies. Il s’agissait désormais de proposer des alternatives sociales, populaires et soutenables face au projet préparé par les chefs d’État et de gouvernement. À leur tour, ces alternatives prenaient appui sur les recommandations issues de toute une panoplie de forum couvrant toutes les dimensions des sociétés.

La diffusion, dans les quatre langues officielles, au lendemain de la tenue du Premier Sommet des peuples des Amériques, du document intitulé Des Alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent, marquait à la fois l’aboutissement d’un travail amorcé à Belo Horizonte et un jalon important dans cet ambitieux projet de constitution d’un alliance sociale embrassant le plus grand nombre de secteurs et d’acteurs issus des 35 sociétés civiles des Amériques, y compris Cuba. 

Au point de départ, le document sur les alternatives définissait les principes généraux suivants, à savoir que « le commerce et l'investissement ne doivent pas constituer des fins en soi, mais bien des moyens susceptibles de nous mener vers un développement juste et durable. il est essentiel que les citoyens et les citoyennes exercent leur droit de participer à la formulation, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques sociales et économiques du continent. Les objectifs centraux de telles politiques doivent être la promotion de la souveraineté économique, le bien-être collectif et la réduction des inégalités à tous les niveaux ».

Or, en attendant cet autre événement majeur qui fournira une nouvelle occasion de rassembler les forces sociales des Amériques dans la ville de Québec lors de la tenue du troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement en 2001, quelque deux cents représentants de l’Alliance sociale continentale s’étaient réunis à Toronto du premier au cinq novembre, en marge de la cinquième Réunion ministérielle. Cette réunion a permis de consolider l’Alliance et de préparer le terrain en prévision du deuxième Sommet des peuples des Amériques. Une des revendications centrales autour de laquelle l’unanimité s’est faite, c’est la dénonciation de la clandestinité du processus de négociation et l’exigence de transparence. Nous sommes dès lors encore loin de l’établissement d’une consultation en bonne et due forme.

Des Alternatives pour les Amériques (extraits)

Droits humains : Les nations des Amériques doivent accepter un programme commun sur les droits humains qui fera partie intégrante de tout accord d'envergure continentale, comprenant les mécanismes et les institutions susceptibles d'en assurer la mise en œuvre, le respect et la sanction. Ce programme devra promouvoir une définition des droits humains la plus large possible, englobant les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux, l'égalité entre les sexes, ainsi que les droits applicables aux collectivités et aux peuples autochtones.

Environnement : Les accords continentaux doivent permettre aux pouvoirs publics d'orienter les investissements vers des activités économiques durables et, parallèlement, d'élaborer des plans permettant «l'internalisation» progressive (la prise en compte) des coûts sociaux et environnementaux des activités de production et de consommation non durables.

Travail : Les accords continentaux doivent prévoir des modalités qui assurent le respect des droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs, offrir une aide suffisante pour permettre d'adapter la main-d'œuvre à l'ouverture des marchés et promouvoir l'amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs et travailleuses, ainsi que de leur famille.

Immigration : Les accords doivent reconnaître la diversité des situations dans chaque pays en matière d'immigration et permettre les modifications aux politiques d'immigration, tout en encourageant le financement des programmes visant l'amélioration des possibilités d'embauche dans les régions qui affichent un taux d'exportation net de main-d'œuvre. En outre, les pouvoirs publics doivent veiller à l'application uniforme des droits syndicaux auprès de tous les travailleuses et travailleurs à l'échelle nationale, quel que soit leur statut aux yeux de l'immigration, et sanctionner sévèrement les employeurs qui violent ces droits.

Rôle de l'État : Les accords continentaux ne doivent pas affaiblir la capacité de l'État-nation à répondre aux besoins sociaux et économiques de leurs citoyens. Cependant, le but des réglementations nationales sur le plan économique ne doit pas conduire à la défense pure et simple d'un protectionnisme classique, mais ces réglementations doivent plutôt promouvoir un développement juste et durable des activités économiques engagées sous l'égide du secteur privé. De même, les accords doivent permettre à l'État-nation de conserver des sociétés du secteur public et des politiques d'approvisionnement qui répondent à des objectifs de développement national, et lui permettre également de combattre la corruption gouvernementale dans le secteur public.

Investissement : Les règles applicables à l'échelle continentale doivent encourager les investissements étrangers qui garantissent la création d'emplois de qualité, une production durable et la stabilité économique, tout en permettant aux gouvernements de refuser les investissements qui ne constituent pas un apport net en termes de développement, plus particulièrement, les mouvements de capitaux à caractère spéculatif. Les groupes de citoyens et tous les paliers de gouvernement doivent avoir le droit de poursuivre les investisseurs qui enfreignent les règles nationales d'investissement.

Finance : Afin de promouvoir la stabilité économique, les accords doivent imposer une taxe sur les transactions effectuées sur le marché des devises qui permettrait de créer un fonds de développement. Les pouvoirs publics doivent imposer les gains spéculatifs, exiger que les portefeuilles de valeurs mobilières demeurent au pays pour un temps déterminé et offrir des mesures incitatives aux investissements directs et productifs. Afin d'uniformiser les règles du jeu, les pays à faible revenu devraient pouvoir renégocier leur dette étrangère, en réduire le capital et les intérêts, et pouvoir également repousser l'échéance des remboursements.

Propriété intellectuelle : Les ententes doivent protéger les droits et les moyens de subsistance des personnes qui pratiquent l'agriculture et la pêche, de même que ceux des collectivités faisant office de dépositaires de la biodiversité. Les intérêts commerciaux ne doivent pas primer ces droits. Les réglementations doivent interdire l'émission de brevets sur la vie et veiller à ce que les droits d'auteurs soient versés aux artistes, musiciens et autres artisans de la culture, et non pas aux seules industries de l'édition et du divertissement.

Développement énergétique durable : L'accord doit permettre aux signataires de déposer des plaintes à l'endroit d'un pays qui chercherait à obtenir un avantage concurrentiel aux dépens d'un développement durable. Les organisations internationales doivent collaborer à la mise en place d'incitatifs en matière d'efficacité énergétique et d'énergie renouvelable. Elles doivent mettre en valeur les technologies alternatives et éliminer les politiques visant à promouvoir ou à subventionner la vente, la consommation ou l'utilisation des combustibles fossiles.

Agriculture : Pour garantir la sécurité alimentaire, les pays doivent pouvoir protéger ou exclure les denrées de base de la portée des ententes commerciales. Des mesures à l'échelle continentale doivent également stimuler l'harmonisation à la hausse de l'aide financière accordée au secteur agricole (en fonction d'un pourcentage du PIB), renforcer la protection des ouvriers agricoles et les droits traditionnels des peuples autochtones de vivre du produit des terres ancestrales.

Accès aux marchés : La définition et l'évaluation de l'accès aux marchés pour les produits et les investissements étrangers doivent se faire dans le cadre des plans de développement nationaux. L'échéancier de réduction des tarifs doit s'accompagner de programmes visant à permettre aux industries nationales de devenir concurrentielles durant la phase de transition. En ce qui concerne les barrières non tarifaires, des mesures s'imposent pour voir à ce que celles-ci répondent bien à des intérêts sociaux légitimes, non à la protection de certaines entreprises.

Mesures d'exécution et règlement des différends : Pour que les règles et les normes proposées ne restent pas lettre morte, elles doivent comporter des mécanismes efficaces de règlement des différends et de mise en application. Ces mesures doivent permettre de réduire les inégalités et elle doivent reposer sur l'application de procédures justes et démocratiques. Enfin, les accords doivent prévoir des mesures de protection pour les pays en difficulté du fait d'une augmentation soudaine des importations.

Conclusion

Les négociations entourant l’instauration de la ZLEA se poursuivent, même si leur issue demeure aléatoire en cette année électorale aux Etats-Unis et au Mexique. La Maison Blanche ne dispose pas encore du mandat de négocier que lui assurerait l’octroi de la procédure dite de fast-track de la part du Sénat, une condition indispensable à la sanction de l’accord par le pouvoir législatif. Pour le moment, cette carence ne semble pas préoccuper leurs partenaires. 

Entre temps, au Canada, une position conciliante a poussé les autorités politiques à reconnaître le rôle de la société civile et de ses représentants ; cette reconnaissance a pris la forme d’un appui apporté à l’organisation du Sommet parallèle qui s’est tenu en même temps que le Sommet ministériel de Toronto en novembre 1999. Bien sûr, on peut penser que cette concession de la part des autorités canadiennes relève moins d’une ouverture d’esprit qu’elle ne répond à un objectif stratégique précis ; en effet, en tant qu’hôte du troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement qui se tiendra à Québec en avril 2001, le gouvernement doit chercher à atténuer du mieux que possible les éventuelles oppositions sociales au projet des Amériques. 

Pour leur part, les coalitions ne font pas relâche non plus. On peut s’attendre à un élargissement des alliances d’un côté, à l’approfondissement des revendications de l’autre. De plus en plus, elles dénoncent la clandestinité de la négociation elle-même, ne serait-ce qu’en comparaison du peu qui se fait déjà dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), par exemple. C’est ainsi que les trois organisations régionales, la BID, l’OEA et la CEPALC préparent documents et autres études sur les effets et retombées de l’intégration économique, mais ces documents demeurent classés et disponibles uniquement pour les négociateurs. Que peut bien signifier la consultation des sociétés civiles dans ces conditions si les organisations sociales et autres n’ont même pas accès à l’information de base produite par les experts sur les sujets qui les intéressent au premier chef?

Face à ces enjeux, la dénonciation des négociations en cours risque de gagner en intensité et ce, malgré les velléités de consultation exprimées par ailleurs. 

Enfin, de plus en plus, l’opposition dans les Amériques noue des liens avec d’autres oppositions et, notamment, avec celles qui ont émergé contre la Ronde du millénaire lors de la réunion des 135 membres de l’OMC à Seattle à la fin novembre 1999. 

En prévision de la tenue du deuxième Sommet des peuples à Québec en avril 2001, il faut pouvoir compter sur toutes les forces d’opposition qui cherchent à définir et à imposer un projet de mondialisation sociale et environnementale encore en chantier, contre l’actuel projet de mondialisation des économies porté par les pouvoirs exécutifs en place et leurs alliés du monde des affaires .