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Carte de score de la mondialisation 1980-2000 : Vingt ans de régression.

Mark Weisbrot, Dean Baker, Egor Kraev and Judy Chen
Mark Weisbrot et Dean Baker sont les co-directeurs du Center for Economic and Policy Research (CEPR), Egor Kraev et Judy Chen sont des chercheurs associés. Les auteurs tiennent à remercier Robert Maiman, Gila Neta, Lisa Smith et Andrea Blatchford pour leurs commentaires, leurs recherches et leur assistance dans l’édition de ce document..

Publié en collaboration avec le CEPR- Center for Economic and Policy Research
cepr@cepr.netwww.cepr.net 
Phone: (202) 293-5380, Fax: (202) 822-1119

Format PDF

Julie Duchatel, Stan gir & Beatrice Byer; Jean-Pierre Schermann, Olivier Perrotel & Jean-Pierre Renard; traducteurs bénévoles. Sandrine Caquineau coorditrad@attac.org

Résumé

Il est généralement admis que l’ouverture croissante au commerce international et aux mouvements financiers qui s’est produite dans la plupart des pays du monde a été un vaste succès. Les critiques même de la mondialisation ont reconnu, de façon générale, que les réformes entreprises ces deux dernières décennies dans les pays aux revenus faibles et intermédiaires, ont stimulé les taux de croissance économique. Ils ont également mentionné que cette croissance avait laissé de nombreuses personnes hors de son atteinte et qu’elle a souvent existé aux dépens de l’environnement.

Cette étude considère les indicateurs sociaux et économiques majeurs pour tous les pays dont les données sont disponibles, et compare les 20 dernières années de mondialisation (1980-2000) avec les vingt années précédentes (1960-1980). Ces indicateurs incluent : la croissance du revenu par personne, l’espérance de vie, la mortalité des nouveau-nés, des enfants et des adultes, le taux d’alphabétisation et d’éducation.

En ce qui concerne la croissance économique et presque tous les indicateurs, les vingt dernières années tendent à prouver un très net déclin si on les compare aux vingt années antérieures. Pour chaque indicateur, les pays ont été regroupés en 5 groupes approximativement égaux, suivant le niveau atteint par ces pays au début d’une période (1960 ou 1980). Voici les conclusions à tirer :

Croissance : la chute du taux de croissance économique est flagrante et se remarque à tous les niveaux pour tous les groupes ou pays. Le groupe le plus pauvre voit la croissance du  taux de PIB par tête passer d’un taux de 1,9% annuel entre 1960 et 1980, à 0,5% par an (1980-2000). Pour le groupe du milieu (qui inclut la plupart des pays pauvres), on peut observer un sérieux déclin du taux de croissance par tête, passant de 3,6% à un peu moins de 1%. Sur une période de vingt ans, cela représente la différence entre doubler le revenu par personne contre l’augmenter de juste 21%. Un déclin sensible est également à constater dans les autres groupes.

Espérance de vie : l’espérance de vie a diminué pour 4 des 5 groupes de pays, avec une exception pour le groupe où elle est la plus élevée (espérance de vie de 69-76 ans). Le plus grand recul est à remarquer du deuxième groupe au groupe le plus pauvre (espérance de vie entre 44 et 53 ans). Ces diminutions et les autres résultats portant sur la santé ne peuvent pas être expliqués par l’épidémie du SIDA.

La mortalité des nouveau-nés et des enfants : les progrès concernant la réduction de la mortalité des nouveau-nés ont été également plus ralentis pendant la période de la mondialisation (1980-1998) que durant celle des vingt décennies précédentes. Les plus grands déclins des progrès sont à noter du groupe du milieu au groupe le plus pauvre des groupes. Il en est de même pour les progrès réduisant la mortalité infantile (enfants ayant moins de 5 ans).

Education et taux d’alphabétisation : les progrès dans le domaine de l’éducation ont été ralentis pendant le période de la mondialisation. La plupart des groupes ont vu le taux de croissance de l’inscription à l’école primaire, secondaire et tertiaire (enseignement supérieur) diminuer. Quelques exceptions font face, mais elles paraissent être concentrées parmi les groupes de pays les plus performants. Le groupe du milieu et les groupes les plus pauvres ont constaté que la période de la mondialisation a engendré des progrès moins rapides en ce qui concerne l’éducation et les taux d’alphabétisation, comparé aux deux décennies précédentes. Les taux de croissance des dépenses publiques pour l’éducation, en tant que partage du PIB, ont aussi diminué pour tous les groupes de pays.

Dans cette étude, les pays sont regroupés suivant le niveau de leur indicateur (PIB, espérance de vie, etc.) au début de chaque période. Nous comparons ainsi les pays qui commencent chaque période avec un niveau similaire, plutôt que comparer le même pays sur les quatre dernières décennies. Cette méthode permet d’éliminer quelques difficultés comme, par exemple, celle pour un pays d’atteindre le même niveau de progrès en allant au-delà d’une espérance de vie moyenne de 65 ans, comme il aurait pu le faire pour une espérance de vie de 50 ans (voir l’introduction pour plus d’informations).

Ces deux dernières décennies sont témoins d’un certain nombre de changements importants en matière de politique économique dans le monde entier, et surtout parmi les pays aux revenus faibles et intermédiaires. Beaucoup de ces mesures font partie de la définition usuelle de la mondialisation : c’est-à-dire la suppression des barrières tarifaires et non-tarifaires au commerce, et la libéralisation des mouvements des capitaux (la suppression des restrictions sur les flux des investissements internationaux).

D’autres politiques directement reliées à la mondialisation ont aussi été mises en place ces deux dernières décennies. Par exemple, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale ont, pendant cette période, de plus en plus exigé un nombre de mesures devant être adoptées par les pays emprunteurs comme conditions de leur accès aux crédits internationaux. Cela a eu pour conséquence d’inclure des politiques monétaires contradictoires (des taux d’intérêts plus élevés et des crédits plus restreints), des coupures dans les dépenses publiques, la privatisation des entreprises publiques, l’accentuation des obligations de réserve de devises et une longue liste de « micro-interventions », allant des frais d’utilisation pour avoir accès à l’éducation primaire et aux soins médicaux, à la suppression de nombreuses subventions gouvernementales. De nombreux pays pauvres ou au revenu intermédiaire ont dû affronter des niveaux de dette extérieure et un service de la dette sans précédent historique.

Cette étude ne prouve pas que ce vaste déclin des progrès dans le domaine de la croissance économique, de la santé, et d’autres indicateurs sociaux soit le résultat d’une ou plus de ces politiques. Mais elle présente un cas de prima facie conséquent, suivant lequel les changements structurels et politiques appliqués pendant ces deux dernières décennies sont au moins en partie responsables de ces déclins. De plus aucune évidence ne ressort de ces chiffres montrant que les politiques associées à la mondialisation aient provoqué des améliorations pour la plupart des pays aux revenus intermédiaires. Pour avancer cela, il serait nécessaire de prouver que les résultats auraient été pires dans la période de mondialisation, si ces pays n’avaient pas adopté ces politiques.

Si les faits basiques exposés dans cette étude étaient bien connus, les discussions autour de la mondialisation et de la politique internationale économique seraient très différentes de celles que l’on connaît aujourd’hui. Enfin, la charge de la preuve devrait revenir à ceux qui clament le succès – prenant n’importe quelle mesure du bien-être humain - pour les deux dernières décennies de la mondialisation.

Introduction

Les deux dernières décennies ont été témoins d’un nombre important de changements en politique économique adoptée à travers le monde et surtout parmi les pays à revenu faible et intermédiaire. Beaucoup de ces mesures font partie de la définition usuelle de la mondialisation : c’est-à-dire la suppression des barrières tarifaires et non-tarifaires au commerce, et la libéralisation des mouvements des capitaux (la suppression des restrictions sur les flux des investissements internationaux). En général, ces politiques ont entraîné une participation croissante à l’économie globale des pays au revenu faible et intermédiaire.

D’autres politiques directement reliées à la mondialisation ont aussi été mises en place pendant les deux dernières décennies. Par exemple, le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale ont, pendant cette période, requis un nombre de mesures devant être adoptées par les pays emprunteurs comme des conditions de leur accès aux crédits internationaux. Cela a eu pour conséquence d’inclure des politiques monétaires récessionistes (des taux d’intérêts plus élevés et des crédits étroits), des coupures dans les dépenses publiques, la privatisation des entreprises publiques, l’augmentation des obligations de réserve de devises et une longue liste de « micro-interventions », depuis les frais de participation demandés aux utilisateurs pour l’éducation primaire et les soins médicaux jusqu’à la suppression de nombreuses subventions gouvernementales. De nombreux pays pauvres ou au revenu intermédiaire ont dû affronter des niveaux de dette extérieure et un service de la dette sans précédent historique.

L’ère de la mondialisation contraste avec la trajectoire du développement suivie lors des décennies précédentes, qui était en général introverti. Avant 1980, plusieurs pays ont adopté, de façon plutôt délibérée, des politiques destinées à isoler leurs économies du monde afin de permettre à leurs industries nationales de se développer jusqu’à ce qu’elles soient compétitives. Les politiques de développement, via la substitution de produits nationaux aux importations, par exemple, étaient souvent associées à des droits de douane protecteurs et des subventions favorisant l’émergence de leurs industries clés. Les exigences de performance des investissements étrangers étaient aussi courants. Ces mesures exigeaient souvent des investisseurs étrangers d’employer des nationaux dans des positions qualifiées et d’acheter les biens intermédiaires de producteurs nationaux, comme des moyens d’assurer le transfert de technologie. Il était aussi d’usage pour les pays en voie de développement de restreindre nettement les flux de capitaux, afin, entre autre, d’augmenter la stabilité des monnaies, d’encourager à la fois les entreprises étrangères et les holdings nationales détenant de grandes quantités de monnaie locale d’investir dans le pays, et d’utiliser l’allocation et le prix des devises étrangères comme des outils de politique de développement ou de politique industrielle.

Il est communément admis que le tournant vers la mondialisation s’est réalisée avec succès, au moins en ce qui concerne la croissance. Un certain nombre d’études ont essayé de mesurer l’effectivité de ces politiques et leurs résultats ont été pour les moins ambiguës. [1] Les efforts pour mesurer l’effectivité de toute politique individuelle sont généralement extrêmement difficiles, due aux problèmes rencontrés pour isoler son impact. Cependant, une question plus simple et fondamentale existe et peut être facilement évaluée : les pays aux revenus faibles et intermédiaires ont-ils réalisé plus de progrès pendant la période de la mondialisation que lors des deux décennies précédentes ?

En d’autres termes, de par les indicateurs standards de la croissance économique, des impacts sur la santé, de l’éducation et du taux d’alphabétisation, l’ère de la globalisation a-t-elle apporté plus ou moins de progrès que pendant l’ère précédente ? Cette étude examine cette question en comparant les progrès observés lors de la période de 1980-2000 avec les progrès accomplis durant les décennies 1960-1980.

Comme cela est démontré plus bas, pour presque chaque indicateur, les progrès réalisés pendant les deux décennies de la mondialisation ont été considérablement inférieurs que les progrès de la période de 1960-1980. Ce résultat ne prouve pas que les politiques associées avec la mondialisation sont nécessairement les causes de ces progrès diminués (voire l’absence de progrès) dans les pays aux revenus faibles et intermédiaires. Les promoteurs de ces politiques peuvent soutenir que d’autres facteurs sont responsables et que sans les bénéfices de la mondialisation, la détérioration des performances de ces pays aurait été pire. Si cela est possible, il est alors nécessaire d’identifier quelles forces dans l’économie mondiale ont conduit la période 1980-2000 à être pire pour les pays à revenu faible et intermédiaire que la période 1960-1980. De toute façon, les données présentées dans cette étude contredisent certainement les analyses qui dépeignent les deux dernières décennies du vingtième siècle comme une époque de progrès extraordinaire pour les peuples vivant dans les pays les plus pauvres – cela n’était pas le cas.

Le prochain chapitre décrira en détail la méthodologie utilisée pour les comparaisons, mais cela vaut la peine de commenter brièvement les deux décennies de 1960-1980, période fournissant les bases pour une comparaison avec l’ère de la mondialisation. En principe, l’intention de cette étude était de mettre en relation la performance de pays durant les années où ils suivaient des politiques associées à la mondialisation avec les années où ces pays suivaient un modèle de développement moins ouvert sur l’extérieur. Alors que quelques pays en voie de développement adoptent, en pleine conscience, un modèle de développement tourné vers l’intérieur pendant les premières années après la Seconde Guerre Mondiale, il n’a pas été possible d’obtenir des données pertinentes pour la plupart des autres pays en voie de développement. Nombre de ces pays acquirent leur indépendance dans les années 50 ou 60. Même pour les pays déjà indépendants durant la période d’après-guerre, la qualité des données est plutôt faible pour la période antérieure à 1960. S’il avait été possible d’inclure de telles données, l’image portant sur les années de pré-mondialisation aurait été sûrement meilleure, puisque les années 50 étaient une décennie de croissance économique rapide dans la plupart du monde en voie de développement.

Les deux décennies restantes pour la comparaison, 1960-1980, ne doivent pas être accompagnées d’une image de décennies particulièrement prospères suivant les standards de l’histoire économique moderne. Alors que les années 60 constituent une période de performance économique extraordinaire, les années 70 sont considérées comme une période de faible performance. Cette décennie est, en effet, témoin de deux chocs pétroliers majeurs qui ont débouché sur deux récessions mondiales : pendant les années 1974-1975, et une autre à la fin de la décennie. Les années 70 ont été aussi marquées par une inflation importante chez les pays développés et en voie de développement. Le fait d’inclure les années 70 dans la période de comparaison assure que le point de référence ne sera pas trop placé trop haut pour la période de la mondialisation.

Le prochain chapitre décrit la méthodologie utilisée pour ces comparaisons. Le troisième chapitre s’attache à exposer brièvement le rapport comparatif de la croissance économique dans les deux périodes. Le quatrième chapitre examine les statistiques portant sur la santé de la population et le cinquième chapitre fait part des chiffres sur l’éducation. Le dernier chapitre constitue une brève conclusion.

Critères de comparaison

Cette étude met en place les outils de mesure les plus simples qui peuvent être utilisés pour comparer les performances entre les pays, dans les deux périodes, pour chacun des critères examinés. Pour chaque critère (soit la croissance du PIB, l’espérance de vie, la mortalité infantile), les pays ont été divisés en cinq groupes de tailles approximativement égales. Chaque groupe contient tous les pays qui se trouvent entre certaines limites (soit par exemple, l’espérance de vie de 44-53 ans, 53-64 ans, etc.) pour chaque critère, au début de chaque période. Le but est de comparer les progrès d’un pays qui débuta lors de la première période (1960) à un certain niveau, avec ceux tels que constatés au début de la seconde période (en 1980).

Par exemple, dans le cas de la croissance par tête du PIB, des données pour la première période dont disponibles pour 116 pays. Pour la seconde période, des chiffres sont aussi connus pour 116 pays, soit un total de 232 données portant sur les taux de croissance annuelle moyens. [2] Ces pays ont été divisés en cinq groupes de 46 ou 47 pays, suivant le montant du PIB par tête pour chaque période. Par exemple, la catégorie de revenu intermédiaire (ou la troisième catégorie) (voir schéma n°1) comprend les pays qui ont commencé chaque début de période avec un PIB par tête se situant entre $1 826 et $3 364, soit 2000 dollars. En 1960, 29 pays tombaient dans cette dernière catégorie, en 1980,  ils étaient 17. [3] Nous pouvons donc comparer si le revenu de ces pays qui débutent la période dans cette catégorie de revenu (PIB par tête entre $1 826 et $3 364) a augmenté plus vite, en moyenne, dans les années 1960 à 1980 ou s’il a été plus important entre 1980-2000. Des comparaisons similaires peuvent être réalisées pour les autres 4 groupes.

Cette méthodologie conduit à regrouper plus de pays dans les catégories les plus basses dans la première période et plus de pays dans les catégories les plus hautes dans la deuxième, puisque la plupart des pays ont enregistré des progrès dans la majorité des critères. Cependant, elle assure que les pays sont comparés à des étapes comparables du développement économique. Est ainsi éliminé le problème suivant lequel le taux d’amélioration pour chaque critère doive inévitablement se ralentir comme un résultat des progrès antérieurs. Par exemple, il peut être plus difficile pour des pays de doubler leur PIB par tête de $10 000 à $20 000 plutôt que de passer de $5 000 à $10 000. De la même façon, il peut être plus difficile d’augmenter l’espérance de vie de 65 à 70 ans plutôt que de 60 à 65 ans. La méthodologie utilisée dans cette étude élimine de tels problèmes. Cette étude compare les pays à des niveaux similaires de performance en 1960 et 1980 et examine s’ils ont fait mieux pendant la première ou la seconde période.

En effet, cette méthodologie devrait influencer les données en direction de meilleurs résultats pour la seconde période. Il devrait exister des possibilités pour des pays en bénéficiant des technologies et des pratiques d’autres pays plus riches ou qui ont atteint des niveaux des divers indicateurs sociaux plus élevés. Suite aux progrès réalisés pendant la première période, les pays auraient eu beaucoup de possibilités pour une amélioration plus importante pendant la seconde période. Par exemple, dans le cas de l’espérance de vie, seulement 50 pays au début de la première période (1960) avaient une espérance de vie de plus de 72 ans. Cela signifie que les pays situés dans le groupe précédant ce dernier groupe, avec une espérance de vie de 66 à 72 ans, auraient eu un nombre limité de pays dont ils auraient pu adopter de meilleures mesures de santé publique ou de meilleures pratiques médicales. Cependant, au début de la seconde période (1980), on comptabilise 51 pays avec une espérance de vie de plus de 72 ans. Les pays appartenant au second groupe (avec une espérance de vie entre 66 et 72 ans) auraient pût adopter un éventail de pratiques beaucoup plus important pour améliorer les soins sanitaires dans leur pays pendant la seconde période. Cela aurait dû être aussi vrai pour tous les pays au fur et à mesure que l’on descend l’échelle de l’espérance de vie.

En d’autres mots, il est raisonnable d’attendre que les pays débutant à un niveau donné (par exemple, de revenu ou d’espérance de vie) amélioreront leur performance pendant la seconde période (1980 à 2000), simplement car les progrès de la technologie et du savoir sur 20 ans ont créé des pratiques plus nombreuses et meilleures qui ont pu être adoptées.

Croissance ralentie en Période de Mondialisation

La première comparaison et aussi la plus fondamentale est simplement celle du taux de croissance du Produit National Brut par habitant durant les deux périodes ainsi que cela est montré dans le schéma n° 1.

Les chiffres indiquent le taux moyen de cet indicateur pour les pays dans chaque fourchette de revenu au début des deux périodes. Il en ressort que pour chacun des 5 groupes retenus, la croissance du PNB par habitant est considérablement inférieure durant la seconde période que durant la première (cf Weisbrot etc, 2000 pour une présentation plus détaillée du ralentissement de la croissance [4]).

Le ralentissement est particulièrement spectaculaire pour les pays les plus pauvres. Le groupe de pays n°2, dont la moyenne du PNB par habitant se situe au départ entre 1.121$ et 1.826$ (en $ de l’an 2000), a vu la croissance annuelle de cet indicateur passer de 2,1% à 0,8%.

Parmi les 26 pays qui commencèrent la première période (en 1960) dans cette tranche de revenu, se trouvaient l’Egypte, les Philippines, la Corée du sud et la République Dominicaine. Au début de la seconde période (en 1980), cette catégorie incluait le Kenya, la Chine et le Zimbabwe parmi 20 pays.

Le ralentissement de la croissance est encore plus aigu pour les pays du 3ème groupe avec un PNB par habitant compris entre 1.826$ et 3.364$ en dollars 2000. Le taux annuel moyen de croissance du PNB/habitant tombe de 3,6% dans la première période (1960-1980) à un peu moins de 1% durant la seconde (1980-2000). Ce groupe comprenait 29 pays à ce niveau de revenu en 1960, incluant Taiwan, le Panama, la Turquie et l’Afrique du Sud. En 1980, 17 pays étaient dans cette tranche de revenu, incluant l’Indonésie, la Côte d’Ivoire et la Thaïlande.

Sur une période de 20 ans, l'écart entre le taux de croissance réalisé par les pays dans la première période comparée à la seconde correspond à une différence considérable : c'est la différence entre le doublement du revenu par personne, contre une augmentation de 21%.

La situation la plus tragique est celle des pays les plus pauvres, avec un PNB par habitant entre 375$ et 1.121$. Durant la première période de 1960 à 1980, l’augmentation moyenne du PNB/h a été de 1,9%. Bien que cela était inférieur à celle des 4 autres groupes, cela était au moins positif et non négligeable.

Dans la seconde période de 1980 à 2000, au contraire, les 17 pays appartenant à cette tranche de revenu ont connu en fait une croissance moyenne négative. [5] Parmi les pays de ce groupe pour la première période (commençant en 1960) sont l’Ethiopie, la Roumanie, l'Indonésie et le Tchad. Dans la seconde période (commençant en 1980), le Burkina Faso, l’Ouganda et le Niger sont parmi les pays qui débutèrent à ce niveau de revenu. Si l’on récapitule les signes de l'évolution du PNB par habitant, les pays à tous les niveaux de PNB/h, ont une plus mauvaise moyenne durant la période de mondialisation que durant la période de 1960 à 1980. La décroissance la plus avérée s'est produite pour les pays qui se situent près du milieu du classement dans la répartition des revenus.

Bien que ce soit le milieu des 5 groupes parmi lesquels les pays sont divisés, il est intéressant de noter que ces pays commencèrent la seconde période à un niveau assez bas du PNB/h (de 1.824$ à 3.364$); et qu’il s’agit de pays pauvres si on les compare aux chiffres US pour la même période (en dollars 2000) : $22.331 en 1980.

Pour ces pays, le fait de ne pas pouvoir compter sur la même croissance que pendant les deux décennies précédentes signifie que de nombreux millions de personnes qui éventuellement auraient pu sortir de la misère y demeurèrent. Mais le fait le plus inquiétant est que ces pays les plus pauvres soient passés d’une modeste croissance positive à une diminution du PNB/H dans la seconde période.

Bien que dans cet article nous ne nous proposions pas de fournir une explication à ce ralentissement de la croissance, cela vaut quand même la peine de noter au passage une explication communément retenue bien que loin d’être évidente. En effet, bien que certains économistes aient reconnu l’existence d’une croissance relativement forte dans les pays durant la période pendant laquelle ils s’orientent vers une recherche interne de la croissance, ils ont prétendu que ce type de croissance tendait vers une limite pour des raisons dépendant de ce type de stratégie de développement (ex : substitution des importations).

En d’autres termes, ils prétendent qu’il existe des limites inhérentes au potentiel de croissance de ces stratégies et qu’après avoir atteint un certain point tout développement ultérieur serait sérieusement réduit. Si tel était le cas, nous devrions nous attendre à ce que si certains groupes de pays sont confrontés à des taux de croissance plus lents après avoir atteint les limites des stratégies “internes“ de développement et s’être retrouvés dans un groupe jouissant d’un niveau de revenu plus élevé, d’autres pays plus pauvres auraient du continuer à bénéficier d’une forte croissance étant donné qu’ils n’avaient pas encore atteint les limites de ce genre de développement économique .

Cependant, les statistiques économiques montrent que le ralentissement s’applique à tous les pays quelque soit leur niveau de revenu durant la seconde période. Ceci exclut la possibilité que le ralentissement soit dû aux pays atteignant les limites des stratégies de développement poursuivies pendant la première période. La plus lente croissance dans la période de mondialisation ne peut être attribuée aux contraintes créées par la croissance économique entre 1960 et 1980. Ceci indique que la cause du déclin de la croissance était un résultat des changements structurels et politiques qui ont affectés la majorité des pays durant les vingt dernières années.

Moins de Progrès en matière de Santé en Période de Mondialisation

La plupart des indicateurs de progrès social suivent généralement l’augmentation du revenu par habitant tout au moins si l’on prend en compte une période assez longue. On ne devrait donc pas être surpris si le ralentissement de la croissance en période de mondialisation s’accompagnait d’une diminution de l’amélioration des progrès de la santé dans la plupart des pays. Si l’on considère la mortalité infantile, celle des enfants et des adultes ainsi que l’espérance de vie, l’amélioration a généralement été meilleure durant la première période (1960-1980) que durant la période de la mondialisation.

Le schéma n°2 indique l’amélioration de l’espérance de vie durant les deux périodes pour les 5 groupes de pays. Il en ressort que les pays du groupe le plus haut, avec des espérances de vie allant de 69 à 76 ans (en 1960 et en 1980), ont eu une amélioration plus rapide de l'espérance de vie dans la période de 1980 à 1998 que pendant la période de 1960 à 1980. La moyenne annuelle de l’augmentation était de l’ordre 0,19 années durant la seconde période, comparée à 0,15 années durant la première période. Toutefois, c’était le seul groupe avec une amélioration de l’espérance de vie.

Le groupe suivant avec une espérance de vie de 64 à 69 ans, en 1960 et en 1980, ont connu un taux quelque peu plus lent de l'augmentation de l'espérance de vie durant la seconde période : de 0,18 ans/an, comparés à 0,20 années dans la période de 1960 à 1980.

Le ralentissement était légèrement plus grand pour le groupe du milieu, avec une espérance de vie entre 53 et 64 ans aux dates de départ. Pour ces groupes, l’amélioration est passée de 0,43 ans/an pour la première période à 0,38 ans/an pour les pays qui ont commencé les années 80 dans cette tranche.

La diminution est plus élevée encore pour l’avant dernier groupe (espérance de vie de 44 à 53 ans) qui avait un taux d’amélioration de 0,56 ans dans la première période et de 0,18 ans dans la période de 1980 à 2000.

Cette perte est frappante. Dans la première période ces pays bénéficiaient d’un progrès substantiel rapprochant des espérances de vie des pays plus riches et en meilleure santé; de 1960 à 1980, le pays type dans ce groupe a ajouté plus de 11 années à son espérance de vie moyenne.

Le groupe avec le niveau de santé le plus bas a également vu un déclin substantiel dans le taux d’augmentation de l’espérance de vie, descendant de 0,40 ans/an durant la période de 1960 à 1980 à 0,32 années durant la période de 1980 à 2000.

Il est important de reconnaître que même de petites différences dans cette mesure ont de grandes conséquences appliquées à un intervalle de 20 ans. Par exemple, une différence de 0,05 années dans l'amélioration des espérances de vie pour des pays du groupe médian (espérance de vie de 53 à 64) entre les deux périodes se traduit par une différence d’une année entière au bout de 20 ans. La diminution de 0,38 années dans l'amélioration annuelle pour les pays de l’avant dernier groupe (espérance de vie de 44 à 53 ans) correspond à une réduction d’environ 8 ans par rapport à ce qu’aurait été leur espérance de vie si le taux d’augmentation précédent s’était maintenu durant la période 1980-2000.

Les schémas n°3 et 4 indiquent l’augmentation de l’espérance de vie respectivement pour les hommes et les femmes durant ces deux périodes. Il en ressort clairement que si l’amélioration pour les deux sexes est plus réduite durant la seconde période, dans la plupart des groupes, la perte pour les hommes est inférieure à celle pour les femmes.

En fait, dans le groupe le plus haut, l’amélioration annuelle de l’espérance de vie des hommes dans la seconde période excède celle de la première période d'environ 0,06 années alors que dans le groupe immédiatement inférieur (espérance de vie de 61 à 66 ans) elle reste à peu près inchangée durant les deux périodes.

Le contraste est assez frappant en ce qui concerne les femmes dont l’amélioration de l’espérance de vie a diminué pour tous les groupes durant la seconde période quoique cette diminution soit faible pour les deux groupes les plus élevés.

Le ralentissement de l’augmentation d’espérance de vie est plus élevé pour les femmes que pour les hommes dans les trois groupes les plus bas tout en suivant le même modèle.

Comme il en va pour les hommes, la diminution la plus importante pour les femmes concerne l’avant dernier groupe dont l'espérance de vie varie de 45 à 54 ans au départ. L’espérance de vie pour les femmes dans les pays de ce groupe augmenta à un taux d’environ 0,54 ans/an de 1960 à 1980. Dans la période de mondialisation, l'espérance de vie pour les femmes dans ces pays augmenta à une moyenne de 0,20 ans/an.

Le schéma n°5 indique la baisse de la mortalité infantile durant les mêmes périodes. Pour tous les groupes le taux de cette baisse a été inférieur durant la mondialisation vis à vis de la première période. quoique pour les deux groupes de pays avec les meilleures performances, le taux de mortalité infantile soit resté sensiblement égal durant les deux périodes. La variation est la même pour les enfants en dessous de 5 ans (voir schéma n°6).

Ces tendances suivent pratiquement celles observées pour l’augmentation de l’espérance de vie. Pour les pays avec les meilleures performances, le ralentissement est relativement faible. Toutefois pour les pays moins performants, il y a une baisse plus grande pendant la période de la mondialisation.

Par exemple, pour le groupe médian des pays en terme de mortalité des enfants (de 80 à 151/1000 naissances), l’amélioration annuelle a été d’environ 20% plus rapide dans la première période que pendant la seconde. Il y a une baisse similaire pour ce groupe de pays en termes de mortalité infantile.

Les données sur la mortalité des adultes sont moins claires encore qu’elles ne contredisent pas la tendance générale à un ralentissement de l’amélioration de la santé pendant la seconde période. Quatre des 10 groupes étudiés (hommes et femmes mesurés séparément) donnent des résultats meilleurs pour la seconde période que pour la première.

Pour les hommes adultes (voir schéma n°7), il y a une baisse très importante dans le taux d’amélioration pour les deuxièmes et troisièmes groupes à partir du bas – respectivement 65 et 60 %.

Mais les deux meilleurs groupes bénéficient d’une amélioration substantielle alors que le groupe le moins performant montre également quelques améliorations de la première à la seconde période.

Pour les femmes adultes (voir schéma n°8), l’avant dernier groupe voit une perte d’amélioration de plus de 5 (pour 1000 femmes adultes) et cela empire en terme de mortalité féminine pendant la période 1960-1980. Le groupe le plus favorisé a vu sa situation s’améliorer alors que le second a vu la sienne empirer. Les autres sont plus ou moins restés dans la même situation.

Pour résumer les données en matière de santé, presque toutes les mesures de la plupart des catégories de pays indiquent une amélioration moindre dans les statistiques de la santé pendant la période de la mondialisation par rapport aux deux décennies précédentes. Les plus grandes diminutions ont affecté les pays les plus pauvres. Par ailleurs les femmes semblent avoir été plus touchées que les hommes. Tandis que les groupes des pays les plus performants enregistraient également moins d'amélioration durant la seconde période que pendant la première, ce déclin était relativement mineur dans la plupart des groupes.

Avant de conclure cette section, il faut commenter l’impact du SIDA sur ces statistiques. Alors que la pandémie de SIDA constitue une crise aux proportions énormes, elle ne peut pas être tenue responsable de la détérioration du progrès en termes de santé ressortant de ce que nous avons constaté plus haut. Tout d’abord, cette détérioration se manifeste dans tous les pays à revenus moyens ou faibles et non pas seulement dans ceux affectés de façon majeure par le SIDA.

Il faut noter également que la dissémination du SIDA est en partie due à l’augmentation du commerce et des voyages, des migrations et de l’exportation de main d’œuvre liée à la mondialisation. Pour tous les bénéfices que les pays peuvent gagner en résultat de l'augmentation du commerce, un inconvénient majeur est la dissémination plus rapide des maladies. En outre, la capacité et la volonté des gouvernements à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour juguler les pandémies comme le SIDA sont fonctions d’un ensemble de variables politiques et économiques. Par exemple, l’Ouganda a réussi assez bien à limiter l’expansion du virus du SIDA[6] ainsi d’ailleurs que le Sénégal grâce à des mesures prises suffisamment tôt. [7]

Nous ne pouvons pas évaluer combien de pays auraient pu contenir la diffusion du VIH et à quel niveau d’infection si la croissance de leur revenu, de leur niveau d’instruction, de leur dépenses de santé et de leur infrastructure avaient continuer à croître comme durant la période 1960-1980. Même une chose aussi simple et vitale que la disponibilité de préservatifs (à des prix abordables), et leur utilisation afin de prévenir la diffusion du SIDA est liée à des variables politiques et économiques. La réponse à la pandémie de SIDA est aussi affectée par l’accès que les pays en développement peuvent avoir à des médicaments génériques équivalents aux médicaments brevetés comme cela a été démontré avec succès au Brésil. La disponibilité des médicaments génériques dépend totalement de décisions politiques nationales et internationales. Pour toutes ces raisons, ce serait une erreur de considérer l’impact du SIDA sur les résultats en termes de santé comme quelque chose de complètement étranger aux choix économiques et politiques des pays concernés.

Moins de progrès dans l’éducation pendant la mondialisation

Dans une large mesure le bilan de l’éducation ressemble à celui de la santé. La plupart des mesures ont montré que la majorité des groupes de pays ont de moins bons résultats pendant la période de mondialisation qu’au cours des deux décennies précédentes. Néanmoins la situation n’est pas aussi noire que ce que montrent les mesures sur la santé. Certaines indications montrent des améliorations pendant la période de mondialisation, bien que la plupart de ces progrès concernent les pays affichant les meilleurs résultats.

Le schéma 9 compare les taux de croissance des dépenses vers l'éducation calculés comme part du PIB au cours des deux périodes.[8] On constate dans tous les groupes que la croissance des dépenses est plus lente pendant la période de mondialisation. Selon ces données la plus grande baisse est enregistrée pour les groupes de pays enregistrant les meilleurs résultats. Le premier groupe présente une baisse de la moyenne de la part du PIB réservée pour l’éducation. Les résultats déficients de ces pays sont partiellement expliqués par la chute démographique. Les enfants en âge de scolarité représentent une part de la population bien plus importante au début de la période analysée. Cette explication est moins pertinente pour expliquer cette baisse dans les pays qui ne consacraient pas déjà une part importante de leur PIB à l’éducation.

En associant le rapport de l’évolution des dépenses pour l’éducation présenté dans le schéma 9 avec le ralentissement de la croissance exposé dans le schéma 1 on ne s’étonne pas de voir que la majorité des pays ont moins amélioré leurs systèmes éducatifs pendant la période de mondialisation qu’au cours des deux décennies antérieures. Considérant les dépenses réduites, ce résultat était prévisible. Il aurait fallu contrebalancer cette perte par un progrès énorme dans l’efficacité des systèmes éducatifs à travers le monde.

Le schéma 10 présente le taux de progression de l’alphabétisation des cinq groupes de pays au cours des deux périodes. Le résultat de ces chiffres est mitigé. Les deux derniers groupes affichent une baisse considérable du taux d’alphabétisation depuis la mondialisation. Le dernier groupe présente une chute de plus de 0,3% du taux de progression annuel, la hausse annuelle de 1,1% au cours de la première période étant tombée à 8,8% pour la second période. L’avant dernier groupe présente une détérioration analogue. Toutefois le groupe intermédiaire fait meilleure figure. Le taux de progression de l’alphabétisation était de 0,9% durant la première période. Ce taux est monté à 1,1% au cours de la seconde période. Affichant de meilleurs résultats, le taux de progression de l’alphabétisation du second groupe a peu changé entre les deux périodes. On enregistre une très légère chute pendant la période de mondialisation. Le premier groupe enfin, celui qui présente le taux de progression le plus élevé, montre une légère hausse pendant la seconde période.

Les schémas 11, 12, et 13 indiquent le taux de croissance du pourcentage d’enfants inscrits dans les programmes d’éducation primaire. Ces données sont collectives et respectives pour les garçons et les filles.[9] Les comparaisons les plus remarquables de ces figures sont la baisse du taux d’inscription pendant l’ère de la mondialisation des deux derniers groupes de pays affichant les pires résultats. On note également que le taux de croissance du pourcentage de la population inscrite à l’école primaire était beaucoup moins important au cours de la seconde période. La chute la plus importante concerne les pays du dernier groupe. Pendant la première période, les inscriptions scolaires avaient augmenté de 1,9% par an, alors que ce taux dépasse de justesse les 1% depuis la mondialisation. Les pays relevant du pourcentage le plus réduit de filles inscrites à l’école, enregistraient un taux de croissance annuel de 1,8% qui a baissé jusqu’à environ 1%. Le taux de progression des inscriptions à l’enseignement primaire baisse dans presque tous les groupes. Les exceptions sont le groupe intermédiaire pour ses chiffres collectifs (garçons et filles confondus) et le second groupe pour le taux d’inscription des filles ; dans ces catégories, le taux de progression est resté inchangé. Les pays relevant du pourcentage le plus élevé de garçons inscrits à l’école primaire enregistre une légère amélioration pendant la seconde période.

Il faut remarquer que les baisses observées dans les pays les plus performants ne constituent pas forcément un résultat négatif. (Les deux groupes présentant les meilleurs résultats collectifs enregistrent des chutes pendant les deux périodes, et le groupe des pays qui ont le meilleur pourcentage pour les filles seules enregistre des chutes pendant les deux périodes.). Cette baisse pourrait être interprétée par le fait que certains étudiants plus âgés avaient complété des cours de rattrapage et n’avaient ainsi plus besoin de cours d’éducation primaire.

Les schémas 14, 15, et 16 présentent le taux de croissance du pourcentage de la population d’enfants recevant une éducation secondaire, collectivement et respectivement pour les garçons et les filles. Le schéma 14  montre que le pourcentage de la population globale inscrite dans des programmes d’éducation secondaire a baissé dans tous les groupes de pays, à l’exception du dernier groupe qui enregistre les résultats les plus faibles, dont le taux reste inchangé. Les taux ont chuté radicalement pour tous des pays appartenant aux trois groupes intermédiaires. Le schéma 15 montre une croissance très importante des garçons inscrits dans des écoles secondaires dans le dernier groupe (bien que seulement deux pays entrent dans cette catégorie au début de la seconde période). Malgré cela ce schéma illustre des baisses importantes du taux de progression pour tous les autres groupes. Les pays du groupe intermédiaire enregistre la chute la plus conséquente. Au cours de la première période le pourcentage de la population inscrite dans des écoles secondaires avait progressé d’un taux annuel d’environ 1,7%. Pendant la période de mondialisation ce taux de croissance annuel des inscriptions a chuté à 0,7%. Les résultats du groupe intermédiaire représentent également un coup dur pour les filles, puisqu’il enregistre une baisse analogue partant d’un taux progression annuel de 2,2% qui a chuté à 1,3%. Il faut à nouveau observer que dans cette base de données les groupes médians incluent aussi bien beaucoup de pays pauvres que des pays à revenu moyen, dont les besoins d’accès à  l’éducation sont fort importants. Parmi les 19 pays classés pour la seconde période dans le groupe intermédiaire grâce à leur taux d’inscription de filles, on peut citer l’Algérie, le Kenya, le Gabon, le Maroc et la Tunisie.

Le schéma 17 présente le taux de croissance du pourcentage de la population inscrite dans des programmes d’éducation supérieure. Les pays appartenant aux trois derniers groupes affichent tous un ralentissement du taux d’inscription pendant le période de mondialisation par rapport à la première période. Toutefois le dernier groupe enregistrait déjà un taux d’inscription infime durant la première période. Les pays du deuxième groupe affichent une très légère hausse de ce taux de progression, tandis que le premier groupe a vu son taux  annuel augmenter de 0,76% au cours de la première période à 0,85% pendant la seconde période.

En résumant ces données sur l’éducation, on peut déduire de manière générale que les pays enregistrent de moins bons résultats pendant la période de mondialisation, qu’auparavant. Les pays ayant fait exception en progressant au cours de la seconde période appartiennent tous aux premiers groupes. Presque toutes les évaluations de l’éducation indiquent que les pays de revenu moyens et les pays pauvres ont vu une progression plus lente pendant la période de mondialisation.

Conclusion : La mondialisation est associée à une période du moindre progrès

Le but de cette étude est très limité. Elle veut simplement clarifier la toile de fond pour les débats sur l’impact de la mondialisation. Il règne une confusion considérable – au moins au niveau du discourt public, et peut-être également à l’intérieur des professions économiques – sur les véritables archives des deux dernières décennies. Cette étude a été faite à partir d’estimations standardisées du progrès pour la croissance économique, des résultats de la santé et de l’éducation dans le but d’évaluer les archives des vingt dernières années. Les résultats tendent en grande majorité vers une direction : dans toutes les catégories analysées les comparaisons de l’ensemble des données montrent une diminution du progrès depuis la période dite de mondialisation comparée à la période précédente. Les rares comparaisons ayant enregistré une croissance des taux de progression durant le seconde période concernent essentiellement des pays qui affichaient déjà au début des périodes examinées un progrès relativement élevé. Il n’existe pratiquement aucun exemple démontrant que les pays pauvres depuis le début de la période analysée aurait enregistré une amélioration pendant l’ère de la mondialisation.

Il a été déjà dit plus haut que ces faits ne prouvent pas que les politiques associés à la mondialisation seraient directement responsables pour cette détérioration. Toutefois ces faits manifestent a priori que certaines réformes structurelles et politiques sont partiellement responsables de ces dégradations. Dans certains cas, par exemple celui des économies transitionnelles, le lien entre les politiques et les résultats est assez évident. La Russie a perdu près de la moitié de ses ressources nationales dans une très brève période pendant les années 90, après avoir suivi un programme qui devait restructurer l’économie rapidement. On note également des cas notoires de mauvaise gestion politique ces dernières années, comme celui de la crise économique asiatique où la libéralisation des marchés financiers a engendré un afflux d’argent rapide qui s’est ensuite inversé. La crise a été accentuée par des taux d’intérêts très élevés, une politique fiscale extrêmement rigide et d’autres erreurs. [10]

Pour la plupart des pays à revenus bas et à revenus moyens, le lien entre les politiques appliquées et leurs conséquences doit encore être prouvé. Dans tous les cas, il n’existe dans ces données aucune preuve que les politiques de la mondialisation auraient améliorer l’évolution des pays en voie de développement. Si on voulait démontrer une progression pendant le période de mondialisation, les promoteurs de ces politiques devraient prouver que le développement de ces pays aurait été pire, s’ils n’avaient pas adopté les mesures politiques en question.

Les débats sur la mondialisation et sur la politique économique internationale seraient tout à fait différents si on demandait des preuves à ceux qui clament que l’expérience des deux dernières décennies de mondialisation a été un succès. Ceci peut être évalué sur n’importe quelle appréciation actuellement disponible qui reflète le bien-être humain. Dans la majorité des débats actuels, on assume au contraire que cette expérience a largement réussi, et ceux qui défient cette supposition sont obligés de porter une importante, et parfois insurmontable charge de preuves.

Finalement il faut remarquer que les bases de comparaisons dans cette étude sont limitées. Il aurait été préférable d’exploiter une plus vaste étendue de données. Il serait bienvenu d’évaluer les résultats nationaux sur diverses mesures environnementales. Malheureusement, dans la majorité de ces pays il n’existe pas de bases de données largement disponibles, qui pourraient servir à fonder ce type de comparaison. Le rassemblement de ce type de données fournirait une composante importante pour une évaluation plus complète du progrès international pendant l’ère de la mondialisation.



[1] Voir Rodriguez, Francisco, et Dani Rodrik, “Trade Policy and Economic Growth: A Skeptic’s Guide to the Cross-National Evidence,” dans B. Bernanke and K. Rogoff, NBER Macroeconomics Annual 2000, Cambridge, MA, MIT Press, 2000; et Rodrik, Dani, “Comments on ‘Trade, Growth, and Poverty,’ par D. Dollar et A. Kraay, October 2000, pour un compte-rendu critique sur l’une des recherches les plus importantes affirmant des rapport positifs entre la baisse des taxes douanières et la croissance économique.

[2] Les taux de croissance sont calculés sur la base d’une moyenne annuelle. Le fait que quelques années manquent au début ou à la fin de ces périodes ne modifie pas le nombre de données pour les séries.

[3] Les groupes comprennent 47 pays, plutôt que 46, si le fait d’ajouter un pays à un groupe augmente le nombre de pays pour la période sous-représentée (1960-1980 ou 1980-2000) et donne un pourcentage plus important que si ce pays était placé dans un groupe voisin, supérieur ou inférieur.

[4] Voir Weisbrot, et al, “The Emperor Has No Growth: Declining Economic Growth Rates in the Era of Globalization,” Center for Economic and Policy Research, mai 2001.  Voir aussi Easterly, William, “The Lost Decades: Developing Countries’ Stagnation in Spite of Policy Reform 1980-1998,” Journal of Economic Growth, 2001 (forthcoming).

[5] Il existe une injustice discutable contre les pays enregistrant les pires résultats pendant le seconde période, dans le sens où les pays persistant dans ce groupe après la période 1960-1980 sont des pays défaillant. On peut donc argumenter que les pays dans ce groupe affichent des résultats bien pires pendant la seconde période à cause de cette sélection préjudiciable. Suivant le même raisonnement on pourrait s’attendre que les premiers groupes de pays enregistreraient de meilleurs résultats dans la seconde période. Au cours de cette durée, chaque groupe situé au-dessus du groupe inférieur sera complété de certains des pays mieux placés dans la première période. De même qu’on peut s’attendre à ce que la concentration des pays plus pauvres dans les groupes inférieurs affiche de moins bons résultats au cours de la seconde période, l’addition de résultats positifs de ces groupes devrait améliorer la moyenne des résultats des pays situés dans les groupes plus élevés.

[6] UNAIDS, Report on the Global HIV/AIDS Epidemic, June 2000, (www.unaids.org).

[7] UNAIDS, Acting early to prevent AIDS: The case of Senegal, June 1999, (www.unaids.org).

[8] La série de données des dépenses publiques pour l’éducation comprenaient moins de pays à partir de 1960 que pour les séries précédentes. Cette analyse est basée sur les 91 pays pour lesquels les données sont disponibles pour au moins une des deux périodes.

[9] Ce pourcentage peut dépasser les 100%, puisque le dénominateur est la grandeur de la population en âge de scolarisation primaire. Si des personnes en dehors de ce groupe d’âge reçoivent une éducation primaire (par exemple des classes d’alphabétisation pour adultes), le nombre de personnes inscrites dans programmes d’éducation primaire serait plus important que la population en âge de cette scolarisation.

[10] Voir, e.g., Radelet, Steven and Jeffrey Sachs. “The Onset of the East Asian Financial Crisis. ” Harvard Institute for International Development, March 30, 1998; et Radelet, Steven and Jeffrey Sachs. “The East Asian Financial Crisis: Diagnosis, Remedies, Prospects. ” Harvard Institute for International Development, April 20, 1998.

 

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05/10/01