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SYNTHESE La plus grande partie des échanges et transactions boursières sont des opérations à court terme, les investisseurs conservant leurs valeurs moins d’une année, et souvent moins d’une journée. Ces transactions relèvent par nature des jeux de hasard. Cet article propose la mise en place d’une taxation modeste de ces échanges, de l’ordre de 0.25%, sur la vente et l’achat d’actions, et le prélèvement d’un droit comparable sur les autres valeurs telles qu’obligations, valeurs à terme, options et devises. Cette taxe serait pratiquement insensible pour les investisseurs à long terme, mais affecterait sérieusement les spéculateurs. Elle pourrait produire chaque année un revenu de 120 milliards de dollars. Pour une famille type de salariés, cette taxe permettrait une réduction de 40% de l’impôt sur le revenu. Par exemple, dans le cas de figure que cet article présentera, un salarié célibataire ayant un revenu de 12000$ verrait ses impôts baisser de 280$. Une famille, avec deux enfants et un revenu de 20000$ gagnerait un crédit d’impôt de 800$ ; le même ménage, avec un revenu de 50000$ cette fois, récupérerait 1900$. Une autre option serait d’affecter cette cagnotte à couvrir des besoins de la nation jusqu’à présent ignorés. Le revenu produit par une telle taxe représenterait plus d’un tiers de la somme que le budget fédéral consacre aux besoins intérieurs*; on s’attend par ailleurs à ce que cette dotation budgétaire, exprimée en part du PIB, diminue de près de 30% dans les dix années à venir. La collecte d’une taxe sur les transactions financières permettrait au gouvernement de maintenir et accroître ses dépenses en matière d’éducation, de santé, de protection de l’enfance et autres programmes essentiels. Le déplacement du fardeau fiscal devrait également donner d’importants résultats en terme de croissance économique. En réduisant le nombre des transactions, la taxe améliorerait l’efficacité des marchés financiers. La taxe diminuerait en effet de 12 milliards de dollars par an le gaspillage en coûts de fonctionnement des places boursières, ce qui permettrait d’utiliser ces ressources de façon plus productive. En outre, si les sommes économisées étaient employées, soit à des allègements fiscaux, soit à des investissements publics, il en résulterait un bénéfice en terme de croissance. On peut estimer avec prudence à 150 milliards de dollars le volume de cette croissance pour les dix années à venir. En clair, pour cette même période, le bénéfice en croissance, ajouté aux gains d’efficacité des marchés financiers, approcherait un total de 300 milliards de dollars. Un gain bien supérieur à celui que l’on peut attendre de toute autre politique économique, telle que réduction de la dette, accords tarifaires ou déréglementation de l’industrie. TAXER LA SPECULATION FINANCIERE : DEPLACER LES CHARGES FISCALES DES SALAIRES VERS LES JEUX BOURSIERS On peut débattre de l’importance du rôle à impartir à l’Etat. On peut discuter sur le fait que le secteur public doive ou non assurer les services de santé, de l’éducation et de l’enfance. Néanmoins, quelle que soit l’importance de l’Etat, on ne saurait remettre en cause le fait que celui-ci doit collecter l’impôt qui lui est nécessaire de la façon la plus équitable et la plus efficace. Notre étude s’attache à montrer que le système actuel pourrait être considérablement amélioré par un simple déplacement du fardeau fiscal. Le prélèvement d’un pourcentage sur la spéculation financière, l’échange d’actions, d’obligations, de valeurs à terme, d’options, de devises et d’autres produits financiers permettrait soit de financer une importante réduction d’impôt, soit de satisfaire certains manques des services publics. Une faible taxe sur la spéculation, par exemple de 0.25% sur l’achat et la vente de titres, affecterait fort peu les personnes qui achètent ces valeurs dans une optique d’investissement à long terme. L’essentiel de cette taxe serait payé par ceux qui spéculent sur les valeurs financières, souvent en effectuant des allers-retours au cours d’une même journée. Ce type de spéculation a explosé, à mesure que de nouvelles technologies permettaient, via l’Internet , de boursicoter 24 heures sur 24. Cette spéculation n’est qu’un jeu de hasard, et mérite d’être traitée comme telle. Il serait beaucoup plus efficace pour le gouvernement de taxer une telle activité, non productive, que de taxer le travail. Dans la mesure du possible, il s’agit donc de déplacer sur les activités non productives le fardeau fiscal qui pèse actuellement sur les activités productives. Reconnaissant le bien-fondé de ce principe économique élémentaire, les autorités (principalement au niveau local mais également au niveau des Etats de l’Union) imposent déjà très lourdement la plupart des formes de jeux de hasard. Par exemple, les paris sur les courses hippiques sont taxés entre 3 et 10% www.toba.org/crossref.htm. Les jeux de casino, dans les Etats où ils sont autorisés, sont imposés à un taux allant de 6.25 à 20% www.americangaming.org/Media/Impact/taxpayment.html. Les loteries des Etats sont imposées à près de 40% (1998 US Statistical Abstract) [1]. La spéculation boursière est le seul jeu d’argent qui échappe dans une large mesure à l’impôt. Cet état de fait est doublement inefficace. Premièrement, parce que le gouvernement n’a aucune raison de favoriser une catégorie de jeu de hasard vis-à-vis des autres. Et deuxièmement, parce qu’il est plus rationnel de taxer les activités improductives que les activités productives. Cela serait en outre plus équitable. En effet, lorsque les pauvres et les classes moyennes jouent, ils le font vraisemblablement plus par l’intermédiaire des jeux les plus lourdement imposés, tels que billets de loterie ou courses hippiques. En revanche, les classes les plus aisées sont sur-représentées parmi les particuliers qui jouent en bourse. Il n’est donc pas juste que leurs jeux puissent s’effectuer virtuellement hors taxe. Par ailleurs, le volume d’échange d’actions et autres valeurs financières demeure si important qu’un prélèvement, aussi modeste fût-il, produirait un revenu considérable. Une taxe de 0.25% sur chaque achat ou vente de titres, ainsi que le prélèvement d’un droit comparable sur le transfert d’autres valeurs telles qu’obligations, valeurs à terme, options et devises pourraient facilement produire un revenu annuel de 120 milliards de dollars. Une taxe de ce type aurait un impact minime sur les personnes qui achètent et gardent des titres en vue de leur retraite ou pour financer les études de leurs enfants. Seuls ceux qui spéculent en multipliant les transactions percevraient de façon sensible l’effet d’une telle taxe. Un impôt de cette ampleur s’avérerait suffisant pour permettre une baisse de plus d’un tiers de l’impôt des contribuables à revenu moyen, tout en dégageant un revenu supplémentaire pour les programmes publics. Pareille diminution d’impôt constituerait une extraordinaire aubaine pour les familles à faibles revenus, qui ont des difficultés à assurer le quotidien. Une baisse d’impôt de cette ampleur, ou une augmentation égale des dépenses publiques, devrait de plus stimuler considérablement l’économie, étant donné qu’elle donnerait davantage d’incitation au travail, tout en diminuant l’intérêt à boursicoter. ARITHMETIQUE FONDAMENTALE DE LA TAXE SUR LES JEUX BOURSIERS Une grande incertitude entoure le chiffre exact du revenu que pourrait produire une taxe sur les transactions financières; mais il ne fait aucun doute que les sommes concernées sont immenses. Sur les marchés américains, le volume annuel des échanges d’actions dépasse actuellement 10 000 milliards de dollars. Si chaque échange faisait l’objet d’une taxe de 0,50% (soit 0,25% payé respectivement par le vendeur et par l’acheteur), cette taxe rapporterait chaque année plus de 33 milliards de dollars, même si le nombre des échanges devait diminuer d’un tiers. Le volume d’échanges d’obligations et de bons du Trésor fédéral est encore plus important, avec plus de 40 000 milliards de dollars par an. Si ces échanges étaient taxés selon un taux moyen de 0,10% (soit 0,05% payé respectivement par le vendeur et par l’acheteur), l’opération dégagerait plus de 27 milliards de dollars par an, même en tenant compte d’une réduction d’un tiers du volume des échanges. [2] La valeur notionnelle des contrats à terme échangés chaque année dépasse 100 000 milliards de dollars. Si ces échanges étaient taxés au taux minime de 0,02% de leur valeur notionnelle, cela rapporterait encore 13,3 milliards de dollars. Le marché mondial des devises dépasse 200 000 milliards de dollars. Si un quart seulement de ces échanges était assujetti à une taxe aux Etats-Unis (l’idéal étant que les autres pays appliquent des droits similaires), cela produirait chaque année plus de 33 milliards de dollars. Outre les échanges cités, il faut compter avec les transactions d’obligations, d’options, et de contrats de gré à gré . En tenant compte de ces éléments, et en définissant une taxe pondérée vis-à-vis des différents marchés, taxe de 0,25% sur chaque achat de titres, on peut aisément dégager plus de 120 milliards de dollars par an, ainsi que le montre le tableau suivant. Ces chiffres prennent en compte l’hypothèse d’une diminution d’un tiers du volume des échanges.
Il est important de garder à l’esprit qu’une taxe de cet ordre serait à peine sensible pour celui qui achète des actions, ou tout autre produit financier, avec l’intention de les conserver durablement. Un simple exemple permet de le démontrer. Imaginons une personne qui achète 10 000$ d’actions et les garde dix années. Dans la perspective proposée, cette personne paiera une taxe de 25$ au moment de l’achat. Dix ans plus tard, on peut raisonnablement estimer que le cours de l’action aura pris 60%. La valeur de son portefeuille sera donc de 16 000$ ; la taxe payée à la revente sera donc de 40$, soit un total de 65$. Par comparaison, la plus-value sur cette période aura été de 6000$, ce qui signifie que la taxe représente moins de 1% du gain réalisé sur les titres. Au cours de sa dernière session, le Congrès a abaissé de 8 points le taux général d’imposition des plus-values boursières. Pour un investisseur à long terme, la taxe ici proposée reprendrait 1 point sur cette baisse, mais laisserait le taux d’imposition bien en dessous de ce qu’il était encore récemment, en 1996. En résumé, bien que personne n’aime à payer l’impôt, l’effet de cette taxe sur ceux qui investissent durablement serait très faible. Ceux qui paieront le plus d’impôts seront les particuliers ou les établissements financiers qui spéculent activement sur les actions et autres valeurs. Ils sont certes libres de s’engager dans ces spéculations, mais le public est en droit de demander que leur activité soit soumise à l’impôt exactement de la même manière que tout autre forme de pari et de jeu d’argent. Il est injustifiable de taxer les billets de loterie d’un salarié à hauteur de 40%, tandis que le jeu boursier échappe à toute taxation. Il est un principe auquel les économistes se tiennent fermement : des activités comparables doivent être traitées de façon comparable. Par exemple, si le pays décidait de taxer l’alcool pour lutter contre l’alcoolisme et augmenter ses revenus (ce qu’il fait déjà), il serait saugrenu de taxer toutes les boissons sauf le whiskey. Cela encouragerait simplement les consommateurs à se tourner vers le whiskey pour échapper à l’impôt. Ceux qui par malheur n’aiment pas le whiskey seraient traités de façon inéquitable, tandis que le gouvernement perdrait des revenus, du fait de ceux qui se tourneraient opportunément vers le whiskey. C’est exactement la même logique qui devrait s’appliquer aux paris sur les produits financiers. Il n’y a aucune raison de traiter cette activité différemment des autres formes de jeux de hasard. D’un point de vue économique, la nation ne se trouve pas mieux du fait que certains jouent à Wall Street plutôt qu’à Atlantic City ou Las Vegas. En réalité, nous avons toutes raisons de croire qu’elle s’en trouve même moins bien, car jouer à Wall Street peut déstabiliser les marchés financiers. De nombreux économistes affirment que l’action des spéculateurs conduit le cours des actions à s’écarter de leur valeur fondamentale. Ceci crée un risque supplémentaire sur les marchés financiers, appelé “ risque de bruit boursier ”. Ce phénomène augmente la probabilité pour les investisseurs de se voir contraints de vendre leurs actions ou autres actifs à un cours temporairement affaibli. Un nombre considérable d’études économiques montrent que ces écarts des cours des titres par rapport à leur valeur fondamentale sont à la fois possibles en théorie, et observables en pratique. Nombreux sont les économistes américains, parmi les plus réputés, qui ont contribué à ces recherches, y compris Lawrence Summers, actuel secrétaire du Trésor, et Joseph Stiglitz, économiste en chef à la Banque Mondiale.[3] Il est par ailleurs difficile de contester que ce qui se passe sur les marchés financiers n’est, dans une large mesure, qu’un jeu de hasard et d’argent. Quand un investisseur achète une action d’une société qu’il a analysée et évaluée, et qu’il la garde 10 années, ce n’est pas un jeu de hasard. Mais quand un daytrader** achète une action à 14h00 pour la revendre à 15h00, c’est bel et bien un jeu de hasard. De la même façon, quand des hedge funds*** misent d’immenses capitaux sur de petites variations dans les taux ou le cours des devises, c’est un jeu de casino. Comme le remarquait Alan Greenspan, président de la Fed****, acheter à des prix faramineux des actions de sociétés liées à l’Internet, sociétés qui n’ont pas encore fait un sou de bénéfice, revient à acheter un billet de loterie. Reconnaître que ce type de transactions n’est qu’une forme de jeu de hasard ne signifie pas pour autant que ces transactions soient immorales. Ce n’est qu’une étape nécessaire dans l’établissement d’un système d’imposition qui soit juste et efficace. Financer des allègements fiscaux et/ou des programmes publics Dans la mesure où une taxe sur les transactions financières pourrait rapporter 120 milliards de dollars par an, elle pourrait financer soit une forte baisse de l'impôt sur les revenus les plus faibles, soit une augmentation conséquente de l'investissement public dans des secteurs actuellement négligés, tels que l'enfance ou l'éducation. Pour donner un ordre de grandeur des montants en jeu, le montant total de l'impôt fédéral perçu sur les revenus inférieurs à 50 000$ a été en 1997 de 141.8 milliards de dollars. Quant à la contribution des revenus inférieurs à 100 000$, elle a été globalement de 332.2 milliards de dollars, ce qui signifie que le produit d'une taxe sur les transactions financières permettrait d'abaisser de plus de 35% l'impôt sur le revenu de cette couche de la population. Au niveau du contribuable, un allégement fiscal de cet ordre permettrait de ramener le taux de l'impôt de 15 à 9% pour les plus faibles revenus. Une autre possibilité serait de ramener de 15 à 11% le taux inférieur de l'impôt, et de 28 à 26% le taux appliqué à la majorité des revenus intermédiaires. Cela entraînerait pour ces contribuables de substantielles économies. Dans le premier cas de figure, un travailleur célibataire avec un revenu annuel de 20000$ économiserait ainsi 780$ par an. Dans le deuxième cas, un ménage avec deux enfants et un revenu global de 50000$ économiserait environ 1900$ par an. Des allègements fiscaux de cette ampleur amélioreraient de façon sensible le niveau de vie des intéressés. Ces deux scénarios pourraient être associés à un relèvement de 30% du revenu minimum imposable, de façon à ce que même les revenus les plus modestes bénéficient de cette opération. Le tableau suivant présente les différents scénarios possibles et leur impact sur les individus et les familles en fonction de leur revenu: HYPOTHESE 1 : Réduction du taux à 9% pour la première tranche Contribuable célibataire
Ménage avec deux enfants
HYPOTHESE 2 : Première tranche 11%, deuxième tranche 26% Contribuable célibataire
Ménage avec deux enfants
L'autre possibilité consisterait à affecter le produit de cette taxe à des programmes publics prioritaires. Par exemple, l'investissement fédéral dans le programme "Head Start"***** ne représente que 3 milliards de dollars chaque année. Les sommes allouées à l'aide maternelle, à la protection de l'enfance et à la nutrition des enfants sont encore plus faibles. La dernière mesure prise par le Président Bill Clinton contre la pauvreté n'a été dotée que de 980 millions de dollars sur 5 ans. Le budget alloué aux services publics en 1999 dépasse à peine 270 milliards de dollars. Cela signifie que la taxe sur les transactions financières serait suffisante pour permettre une augmentation de 40% de ces dépenses, ou une augmentation encore plus forte pour des programmes tels que "Head Start" qui manquent cruellement de fonds. A l’heure qu’il est, le minimum alloué par le budget fédéral prévisionnel aux services publics a été réduit de plus de 25% (en part du PNB) pour les dix prochaines années. En clair, si le budget n'est pas modifié, les dépenses fédérales consacrées à tout ce qui va de l'éducation à la protection de l'environnement seront réduites de 25% entre 1999 et 2009. Des coupes sombres de cette ampleur auront des conséquences graves sur la qualité des services publics, des infrastructures et de l'environnement. Le revenu issu d'une taxe sur les actifs financiers peut rendre inutiles ces économies budgétaires. LES CONSEQUENCES MACROECONOMIQUES Une taxe sur les mouvements d'actifs financiers devrait avoir un effet très positif sur l'économie. L'effet le plus immédiat de cette taxe serait d'éliminer un important gaspillage dans la conduite des marchés financiers, en réduisant le volume des opérations. Il est important de reconnaître que la raison d’être du secteur financier n'est pas de faire commerce des actifs financiers, mais de transférer l'épargne des investisseurs vers les entreprises, individus ou gouvernements qui ont des besoins d'emprunt. Si cette fonction peut être remplie avec moins d'opérateurs et d'opérations, l'efficacité du secteur financier en sera améliorée. D’ailleurs, le secteur financier a perdu de son efficacité avec le temps. En 1977, 0,4% de la population active suffisait à gérer les marchés financiers des USA. En 1997, le secteur des banques d'investissement et des maisons de courtages employait plus de 0,7% de la population active. Cela signifie que transférer l'argent des épargnants vers les emprunteurs demande beaucoup plus de force de travail en 1997 qu'en 1977. Si on avait seulement la preuve que le secteur remplissait mieux sa mission aujourd'hui -- par exemple si les marchés étaient moins volatils ou s'il y avait des signes d'une meilleure allocation des fonds -- alors pourrait-on prétendre que le rendement de ce secteur a augmenté. Dans les faits, nous avons de bonnes raisons de croire que l'augmentation spectaculaire du volume des échanges et la complexité des nouveaux instruments financiers développés ces 25 dernières années ont rendu le marché encore plus volatil. En tout cas rien ne laisse à penser que la volatilité ait été réduite. Enfin, chacun sait que les marchés financiers engloutissent en ce moment des dizaines de milliards de dollars dans des compagnies Internet qui ne savent pas le moins du monde comment dégager un bénéfice. Il serait difficile de prétendre qu'il s'agit là d'une utilisation efficace des capitaux. En tout état de cause, si les marchés financiers répartissent mieux les capitaux qu'il y a 25 ans, cela ne ressort pas en terme de productivité. La croissance de la productivité, dans le cycle économique actuel (après corrections pour tenir compte du changement du mode de mesure) a été pratiquement identique à celle des années 70 et 80. En résumé, il n'existe pas de preuve que les marchés financiers soient plus performants aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a un quart de siècle. Par conséquent, si une taxe sur les transactions financières avait pour effet de réduire le nombre d'opérations sur les marchés et donc le travail et le capital qui sont consacrés à la gestion de ces opérations, elle ne ferait qu’éliminer un gaspillage économique. Cela serait aussi bénéfique pour l'économie que si l'on pouvait se débarrasser de tous ces bureaucrates gouvernementaux qui n'ont jamais rien fait d'autre que de déplacer du papier. Dans le cas présent, si la taxe amenait une économie de 10% des coûts de fonctionnement des marchés financiers, cela dégagerait une économie de 11 milliards de dollars par an. Il est aussi important de noter que les allègements d'impôts ou les investissements publics pourraient avoir un effet très positif sur l'économie. Les économistes conservateurs tels que Martin Feldstein ont longtemps soutenu que les impôts constituent un frein à la volonté de travailler et d'épargner, et de ce fait réduisent le rendement économique. On relèvera que les allègements fiscaux décrits ici auraient, pour la majorité des travailleurs, un effet beaucoup plus important par rapport à ces obstacles que les diminutions d'impôts proposées par les Républicains au Congrès. De la même façon, un nombre considérable d'études économiques ont montré que les dépenses publiques dans des domaines tels que l'éducation, la formation professionnelle et la recherche par exemple renforcent la croissance économique. [4] Une estimation prudente fondée sur ces recherches fait ressortir qu'une augmentation des investissements publics égale au revenu de la taxe sur la spéculation financière pourrait se traduire par une augmentation de la croissance économique de plus de 150 milliards de dollars au cours des dix années à venir. Une estimation de l'impact d'une diminution correspondante de l'impôt donnerait un résultat équivalent. Dans tous les cas, ce revenu fiscal devrait donner une importante impulsion à la croissance économique. CONCLUSION Une taxe sur la spéculation financière est à la fois juste et efficace. La grande majorité des transactions sur le marché des actions et les autres marchés financiers relève des paris et des jeux de hasard, et mérite d'être traitée comme telle. Une taxe très modeste, qui n'aurait pratiquement aucun impact sur les investisseurs à long terme, peut rapporter plus de 120 milliards de dollars par an. Un tel revenu serait suffisant pour permettre d'importants allègements fiscaux en faveur des familles et des salariés, ou une augmentation importante des investissements publics dans les domaines de l'éducation, de l'équipement, de la recherche et du développement. Ce transfert fiscal permettrait une distribution des impôts beaucoup plus juste et donnerait un coup de fouet à la croissance économique. Dean Baker est codirecteur du Centre de Recherche Economique et Politique (CEPR) à Washington DC, USA. ________________ * “ discretionary spending ” : il s’agit de la part budgétaire que le Congrès alloue par vote annuel au financement de certains services publics. Par opposition aux “ entitlement programs ”, ce financement n’est pas obligatoire et reste toujours à la discrétion des membres du Congrès.[NdT] ** daytrader : spéculateur qui achète et revend sur les marchés financiers au cours d’une même journée *** hedge funds : fonds spéculatifs, qui se distinguent par une forte prise de risque dans leur gestion (d’où parfois des faillites retentissantes , cf. les hedge funds Tiger et LTCM ) [NdT] ****Fed (Federal Reserve) : Banque centrale des Etats-Unis. [NdT] ***** Head Start : Programme fédéral consacré aux enfants de 0 à 5 ans vivant sous le seuil de pauvreté. Ses domaines d’action s’étendent de la santé physique et mentale à l’éducation et à la culture. [NdT] _______ [1]Ces taux s'appliquent aux revenus provenant des jeux de hasard, à l'exclusion de l'impôt sur le revenu payé par le gagnant. [2]Les taxes sur les titres de dette devraient être établies en fonction de l'échéance de la dette: ainsi la taxe sur un titre à un an pourrait être de 0.01% tandis qu'elle atteindrait 0.3% sur une obligation à 30 ans. [3]cf. Lawrence et Victoria Summers : "When Financial Markets Work Too Well: a Cautious Case for a Securities Transaction Tax", Journal of Financial Services Research, 1989, et Joseph Stiglitz :"Using a Tax Policy to Curb Speculative Short Term Trading" Journal of Financial Research,1989. Voir aussi "A Few Good Taxes" par Larry Summers, New Republic, 30 Novembre 1987, p14 [4]Par exemple, voir Douglas Holtz-Eakin et Amy Ellen Schwartz : “ Infrastructure in a Structural Model of Economic Growth ”,Washington DC National Bureau of Economic Research, Working Paper #4824, 1994, et Alicia H. Munnell : “ How Does Public Infrastructure Affect Regional Economic Performance ? ” dans “ The Third Deficit : The Shortfall in Public Capital Investment ”, Boston MA, Federal Reserve Bank of Boston, Conference Series, No 34, 1994 |