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La Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) et la menace sur les programmes sociaux, l'environnement et la justice sociale au Canada et dans le reste du continent américain.

Maude Barlow

Maude Barlow est présidente bénévole du Conseil des Canadiens, le groupe de défense des intérêts citoyens le plus important, et directrice du forum international sur la mondialisation Elle est auteure et co-auteure de 12 livres. Son dernier livre, Global Showdown : Comment les nouveaux activistes sont en train de lutter contre le pouvoir des corporations, dont elle est co-auteur avec Tony Clarke, sera publié par Stoddart en février 2001.

Stan Gir, Jean-Paul Scherman, Brigitte Cassigneul, Francis Codron, Marie von Cotzen, Jean-Pierre Cavalier, Julie Duchatel, traducteurs bénévoles & Sophie Devin coorditrad@attac.org

 

Résumé

La Zone de libre-échange des amériques (ZLEA), actuellement en cours de négociation entre 34 pays des Amériques est considérée par ses architectes comme l’accord commercial destiné à avoir les répercussions historiques les plus étendues. Bien qu’il soit construit sur le modèle de l’accord de libre-échange d’Amérique du Nord (ALENA) il va beaucoup plus loin en termes d’objectifs et de puissance. La ZLEA telle qu’elle est maintenant introduirait dans l’hémisphère ouest toutes les règles des accords proposés en matière de services par l’OMC – l’Accord général en matière de commerce des services (AGCS) – et cela, avec les pouvoirs qui étaient prévus dans l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI) qui avait été repoussé et qui permettaient de créer un nouveau siege de pouvoir commercial doté d’une autorité discrétionnelle sur pratiquement tous les aspects de la vie au Canada et dans le reste du continent américain. 

L’ AGCS actuellement en cours de négociation à Genève, libéraliserait le commerce mondial des services, y compris pour les services publics, et permettrait l’abolition progressive des barrières gouvernementales auxquelles est confrontée la concurrence étrangère dans ce domaine. Le comité de négociation de la ZLEA, dirigé par le Canada dans la période initiale et cruciale de sa conception, travaille à une série d'accords sur les services équivalent applicable sur le continent américain. Il se propose également de conserver et même peut-être de développer la notion d’Etat-Investisseur de l’ ALENA qui donne aux sociétés des droits sans précendent jusqu’alors, en matière de défense de leurs droits commerciaux auprès des tribunaux de commerce légalement compétents. 

Le fait de combiner ces deux droits dans un même accord donnera aux compagnies transnationales de l’hémisphère un droit sans équivalence de concurrencer et de défier tous les services publics des gouvernements concernés : la santé publique, l’éducation, la sécurité sociale, la culture et la protection de l’environnement. 

En tous cas, la proposition de la ZLEA comporte des dispositions nouvelles sur la politique en matière de concurrence, les marchés publics, le libre-accès au marché et le réglement des conflits qui si l’on y ajoute celles sur les services et les investissements, pourraient priver les gouvernements de tous les pays des Amériques de la possibilité de légiférer, de maintenir les normes et réglements en vue de protéger la santé, la sécurité, le bien-être de leurs citoyens et l’environnement dans lequel ils vivent. En outre, les négociateurs de la ZLEA semblent avoir choisi de suivre les règles de l’ OMC plutôt que celles de l’ALENA dans des secteurs clé comme la fixation des normes et le réglement des conflits ; points pour lesquels les règles de l’OMC sont beaucoup plus dures. 

Essentiellement, ce que les négociateurs de la ZLEA ont fait, sous la pression des représentants des grandes sociétés dans chacun des pays, a été de prendre les éléments les plus ambitieux de chacun des accords (existants ou proposés) sur le commerce et les investissements globaux et de les réunir dans ce pacte ouvertement ambitieux ouvert à tout l’hémisphère.

Une fois de plus, ainsi que cela a été le cas dans les accords commerciaux précédents, l’ALENA et l’OMC, cet accord de libre-échange ne contiendra aucune clause sur la protection des travailleurs, les droits de la personne, la sécurité sociale ou les normes en terme de santé publique et l’environnement. Une fois de plus, la société civile et la majorité des citoyens qui veulent un autre type d’accord auront été exclus des négociations et le seront des discussions qui auront lieu dans la ville de Québec en avril 2001. 

Toutefois, les enjeux pour les pays du continent américain n’ont jamais été aussi élevés et une confrontation semble inévitable.

La ZLEA … Qu’est ce que c’est ?

C’est le nom donné à l’extension de l’ALENA à tous les autres pays de l’hémisphère ouest à l’exception de Cuba. Avec une population de 800 millions d’habitants et un PNB global de 11 000 milliards de dollars (américains), la ZLEA serait la zone de libre-échange la plus vaste du monde. Si les rapports en provenance des groupes qui négocient actuellement les points principaux sont exacts, la ZLEA sera l’accord commercial ayant la portée la plus étendue au monde et aura un impact sur tous les éléments de la vie des citoyens des pays du continent américain.

La ZLEA a été lancée par les dirigeants de 34 pays du continent américain, lors du Sommet des Amériques qui s’est tenu en décembre 1994 à Miami en Floride. Au cours de cette réunion le Président Bill Clinton s’engagea à réaliser le rêve du précédent président Georges Bush d’une zone de libre-échange allant d’Anchorage à la Terre de Feu et reliant les économies du continent, favorisant l’intégration sociale et politique des pays suivant le modèle du marché libre de l’ ALENA. 

Toutefois, peu de progrès réels furent accomplis jusqu’au sommet suivant, celui de Santiago du Chili d’avril 1998 au cours duquel les pays établirent le Comité des négociations commerciales (CNC) compose des vice-ministres du commerce de chacun de ces pays. 

Avec le soutien d’un comité tripartite composé de la Banque de développement inter-américaine, de l’Organisation des Etats américains, de la Commission economique des nations unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes, neuf groupes de travail ont été établis pour étudier les principaux points à négocier : services, investissements, marchés publics, accès aux marchés (droits de douanes et autres, procédures douanières, règles d’origine des marchandises), normes et barrières techniques au commerce, agriculture, droits de la propriété intellectuelle, subventions, anti-dumping et droits de compensation, politique de la concurrence, réglement des conflits.

En outre, trois comités spéciaux sans responsabilités dans les négociations ont été créés pour traiter des économies mineures, de la société civile et du commerce électronique. Ces comités et groupes de travail se sont réunis de plus en plus souvent tant au long des années 1999 et 2000 que durant la première partie de 2001, faisant converger 900 négociateurs commerciaux et des tonnes de documents à Miami où la plus grande part de ces réunions se tiennent.

Dès le début, les grandes firmes, leurs associés et groupes de pression les représentant ont été partie intégrante de ce processus. Aux Etats-Unis, une quantité de comités représentant les grandes firmes apportent leurs conseils aux négociateurs américains et, dans le cadre du « Système de comité de conseil commercial », plus de 500 représentants de ces sociétés ont un accès permanent aux documents confidentiels des négociations de la ZLEA. Lors de la réunion ministérielle de Toronto en Novembre 1999, les ministres du Commerce des pays du continent américain se sont mis d’accord pour mettre en oeuvre 20 mesures de simplification des échanges dans l’année afin d’accélérer l’intégration douanière.

Une des tâches des négociateurs est de comparer et de faciliter l’intégration des composantes principales de l’ensemble des accords concernant le commerce et les investissements dans la zone et particulièrement :

-  L’ALENA : Accord de libre-echange et investissements entre Canada, Etats-Unis et Mexique 

- Mercosur : Marché commun du cône Sud : Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay

- Le Pacte Andin

- CARICOM : Marché commun de la Communauté Caraïbe et Traités bilatéraux d’ investissement (TBI) basés sur le modéle de « l’Etat Investisseur » de l’ALENA qui prévoient que les grandes firmes peuvent attaquer en justice les Gouvernements pour de soient-disantes violations du droit de propriété sans avoir dû porter le conflit devant leurs propres gouvernements. 

Quelques différences existent entre ces différents accords ; le but du MERCOSUR par exemple est de devenir un Marché Commun, alors que l’ALENA n’a pas cherché à établir des normes du travail communes à ses trois membres et les Etats-Unis ne tolèreraient en aucune façon la libre-circulation des travailleurs à partir du Mexique alors que le MERCOSUR contient bien certaines clauses sociales en faveur des travailleurs migrants, clauses, qui font totalement défaut à l’ ALENA. 

Toutefois, les similarités entre ces traités l’emportent et de beaucoup sur les différences. L’ALENA, tout comme le MERCOSUR comportent des mesures en vue de déréguler les investissements étrangers et d’accorder les mêmes droits aux investisseurs étrangers que ceux dont bénéficient les investisseurs locaux. Tous les deux interdisent les « Obligations de Résultats » selon lesquelles les investisements étrangers doivent avoir un impact positif sur l’économie locale et les conditions de vie des travailleurs locaux.

Tous deux sont également basés sur un modèle de libéralisation du commerce et des investissements assurant la pérennité des Programmes d’ajustements structurels (PAS) introduit précédemment en Amérique latine par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) aux termes desquels la plupart des pays en développement furent forcés :

- D’abandonner les industries nationales en faveur des intérêts des compagnies transnationales 

- De cultiver sur leurs meilleures terres des cultures pour l’exportation afin de financer le remboursement de la dette nationale 

- De réduire considérablement les dépenses publiques en faveur des programmes sociaux, d’abandonner Les services de santé publique, d’éducation nationale et de sécurité sociale

- De privatiser l’électricité, les transports, l’énergie et l’exploitation des ressources naturelles 

- Enfin de supprimer toutes barrières aux investissements étrangers

Certaines tensions pour l'appropriation du rôle prépondérant dans les négociations ont toutefois été ressenties. Depuis 1995, l’Administration des Etats-Unis n’a pas réussi a faire renouveller la loi de « Voie Rapide », qui autorise le Congrès à adopter lui-même directement des accords de libre-échange. Le Brésil, première puissance économique incontestée d’Amérique latine, a ainsi pu défier la suprématie des Etats-Unis dans la négociation du processus d’intégration économique du continent.

De la même façon, la pénétration de la communauté des affaires de l’Union Européenne en Amérique latine particulièrement dans la banque, les télécommunications, l’industrie automobile et les produits de grande consommation a permis aux Etats-Unis de réaffirmer leur rôle directeur sur le continent. L’Union Européenne a intensifié sa présence dans la région en négociant des accords individuels de libre-échange et et d'investissements avec des pays comme le Chili, le Brésil et le Mexique. Les Etats-Unis quant à eux, comptent sur le succès de la ZLEA pour maintenir la prépondérance de leurs grandes firmes dans la région.

Des pressions supplémentaires ont été exercées pour assurer le succès de la ZLEA du fait de l’échec de l’ AMI (Accord multi-latéral sur les investissements) lors du premier Conseil des Ministres de l’ OMC en 1996 et à l’ OCDE en 1998 ainsi que du « Cycle du Millénaire » de l’ OMC à Seattle en décembre 1999. En fait les fonctionnaires de l’ OMC éprouvent même certaines difficultés à réussir à organiser une nouvelle rencontre ministérielle. Le Forum Economique Asie-Pacifique (APEC est lui-même en difficulté et bien peu sont ceux qui pensent qu’il réussira à se transformer comme on l’espérait en une zone de libre-échange et d'investissements.

De nombreux observateurs et jusqu’à des sortes de « gourous » en économie commerciale pensent que la ZLEA est l’héritière naturelle de ces projets ratés et craignent qu’un nouvel échec ne mette le concept généralisé d’accords massifs de libre-échange au rancart pour de nombreuses années. En fait, le représentant adjoint au Commerce des Etats Unis, Peter Allegaier, déclara même en Janvier 2000 que la ZLEA avait acquis une nouvelle importance après le fiasco de Seattle et pourrait aller plus loin que l’ OMC, étant donné qu’elle était libre de tous les antagonismes des accords passés.

Le prochain sommet pan-américain à niveau ministériel se tiendra dans la ville de Québec en avril 2001. A ce sommet, un premier projet d’Accord de libre-echange pour les Amériques sera présenté, à partir duquel un texte définitif devrait être élaboré. L’Accord était originellement prévu comme devant être prêt à être appliqué dès 2005, mais différents pays tels que le Chili et les Etats-Unis poussent afin que cet accord soit ratifié dès 2003 si les négociations ont suffisamment avancé au Sommet de Québec.

Quel est le contenu de la Z L E A ?

Il s’agit essentiellement d’une extension de l’ALENA actuel aussi bien en termes d’élargissement à de nombreux nouveaux pays-membres qu’à de nouveaux secteurs commerciaux en se basant sur les dispositions agressives de l’ OMC. Lors du sommet de Miami en 1994, les ministres émirent une série de recommandations sous forme de déclaration débouchant sur un accord sur divers « Principes et objectifs » tels que : 

- L’intégration économique de l’hémisphère

- La promotion de l’intégration des marchés des capitaux

- La compatibilité avec l’ OMC 

- L’élimination de toutes barrières au commerce y compris les barrières non douanières 

- Elimination des subventions aux exportations agricoles 

- Elimination de toute barrière aux investissements

- Mise en place d'un cadre juridique destiné à protéger les investisseurs et leurs investissements 

- Libéralisation des marchés publics 

- L’inclusion des services dans la libération des échanges 

Depuis lors, peu d’informations sur ce que contiennent les documents de la ZLEA a filtré Toutefois, il ressort des réunions tenues entre le Bureau des Représentants du Commerce des Etats-Unis et des membres de « Public’s Citizen Global Trade Watch » que les Etats-Unis entendent libéraliser les services y compris : la santé publique, l’éducation la protection de l’environnement et la distribution de l’eau. De la même façon, la ZLEA inclura les dispositions sur les investissements identiques à celles du défunt AMI et au chapitre 11 de l'ALENA, qui permettront aux sociétés d' attaquer directement en justice les gouvernements pour manque à gagner du fait de lois ayant pour objectifs la protection la santé et la sécurité des travailleurs, les conditions du travail et la protection de l’environnement.

Le « Groupe de Miami » – Etats-Unis, Canada, Argentine et Chili - ont en plus l’intention de forcer tous les pays des Amériques d’accepter les bio-technologies et les aliments génétiquement modifiés (OGM) promouvant ainsi les intérêts des grandes compagnies biotech telles que Cargill, Monsanto, Archer Daniels Midland à l’encontre du droit à l'autosubsistance des petits fermiers des paysans et des communautés dans toute l’Amérique du Sud. Finalement, « Public Citizen… » signale que les Etats-Unis essaient d’étendre les règles inscrites dans le traité de l'ALENA du protectionnisme d’entreprise en matière de brevets à tout le continent ; ces règles donnent à une société, ayant acheté un brevet dans un pays, le monopole des droits de commercialisation dans toute la région, privant ainsi par exemple les autochtones du libre-accès aux medicaments génériques ou traditionnels. 

Enfin, des documents établis par les négociateurs eux mêmes sont par inadvertance tombés dans le domaine public, un rapport confidentiel du 7 octobre 1999 provenant du groupe de négociation sur les Services vient de faire l’objet d’une fuite. Ce rapport contient les plans détaillés des dispositions en matière de Services prévues par la ZLEA. Sherri M Stephenson, directrice adjointe pour le commerce à l’Organisation des Etats d’Amérique, a préparé un document pour la conférence de mars 2000 à Dallas (Texas) dans lequel elle faisait rapport sur le mandat et les progrès de chacun des neuf groupes par secteur. Le site web de la ZLEA et les documents du gouvernement canadien contiennent également de très importantes informations. 

Mis ensemble, tous ces documents constituent le plan de l’accord commercial le plus ambitieux jamais négocié. La combinaison d’un accord complètement nouveau sur les services dans la ZLEA avec les dispositions existant déjà (et qui seront peut-être étendues) à ce sujet dans l’ALENA représentent une menace globale pour tous les aspects de la vie pour les Canadiens. En effet, cette combinaison donnera aux sociétés transnationales du continent des nouveaux droits particulièrement importants même en ce qui concerne des secteurs que l’on pourrait supposer protégés comme la santé publique, la sécurité sociale, l’éducation, les services de protection de l’environnement, la distribution de l’eau, la culture, la protection des ressources naturelles et tous les services publics à l’échelle fédérale, provinciale ou municipale.

Les mandats des 9 groupes de négociations

1 . Les services

Le mandat du groupe de négociation sur les services est gigantesque : « Etablir des règles de disciplines pour libéraliser progressivement les échanges dans les services afin de permettre la réalisation d’une zone de libre-échange à l’échelle du continent dans des conditions de certitude et de transparence » et développer un cadre « incorporant de vastes droits et obligations dans les services. » C’est un nouvel accord qui est prévu pour être compatible avec l’Accord général en matière de commerce des services (AGCS) et les négociations en cours de l’OMC.

L’Accord général en matière de commerce des services a été établi en 1994, en conclusion de l’ « Uruguay Round » du GATT et était l’un des accords d’échange adopté prévu pour être inclus dans l’OMC à sa création en 1995. Les négociations devaient commencer cinq ans après, en vue de « progressivement élever le niveau de libéralisation. » Ces discussions se sont déroulées comme prévu en Février 2000, présidées par Sergio Marchi (ambassadeur du Canada à l’OMC et auparavant ministre du commerce international). Le but commun de l’Europe, des Etats-Unis et du Canada est d’arriver à un accord général en décembre 2002. 

Cet accord est appelé « accord-cadre multilatéral », ce qui signifie que sa mission au sens large était définie à sa création et que, par la suite, au travers de négociations permanentes, de nouveaux secteurs et de nouvelles règles pourraient être ajoutées.

Essentiellement, l'AGCS a été conçu pour restreindre le champ des actions gouvernementales en ce qui concerne les services, via un ensemble de contraintes légales renforcées par des sanctions économiques de l’OMC. Son but le plus fondamental est de contraindre toute entité gouvernementale pour tout achat de services et de faciliter l’accès des firmes transnationales aux marchés publics dans une multitude de domaines, incluant la santé, les soins hospitaliers, les soins à domicile, des soins dentaires, la prise en charge des enfants et des personnes âgées, l’éducation (primaire, secondaire et enseignement supérieur), les musées, les bibliothèques, la justice, l’assistance sociale, l’architecture, l’énergie, les services de l’eau, les services de protection de l’environnement, les biens immobiliers, l’assurance, le tourisme, les services postaux, les transports, la presse, la radio, la télé et beaucoup d’autres.

L’accord de négociation sur les services de la ZLEA est encore plus étendu que celui de l'AGCS. En plus de contenir « de vastes droits et obligations », il s’appliquera à « toutes les mesures [définies par le Canada comme lois, règles et autres actes de réglementation] touchant les échanges de services effectués par les autorités gouvernementales à tous les niveaux de gouvernement. » De même, il devrait s’appliquer « à toutes les mesures relatives au commerce des services » prises par des institutions non-gouvernementales à toute entité gouvernementale lorsqu’elles opéreront en application de pouvoirs qui leurs seront conférés par des autorités gouvernementales. 

Les accords de services, précise le Groupe de négociation, devraient « recouvrir de façon générale tous les secteurs de services. » Les gouvernements gardent le droit de réguler ces services mais seulement de façon compatible avec les « règles de discipline établies dans le contexte de l’accord ZLEA. » Le cadre de cet accord de services contient 6 éléments de consensus. Ils incluent :

- Une couverture sectorielle (« couverture de tous les secteurs de services »)

- Le traitement de nation la plus favorisée (les accès accordés aux investisseurs/entreprises de n’importe quel pays de l’accord ZLEA doivent être accordés aux investisseurs/entreprises à tous les pays de l’accord ZLEA)

- Le traitement national (investisseurs/entreprises de tous les pays ayant ratifié l’accord ZLEA doivent être traités comme les fournisseurs de services locaux)

- L’accès au marché (« des règles de discipline additionnelles pour prendre des mesures qui restreignent la possibilité des fournisseurs de service d’accéder au marché »)

- La transparence (des règles de discipline « rendant publiquement disponibles toutes mesures concernées incluant, entre autres, nouvelles lois, réglementations, lignes de conduites administratives et accords internationaux adoptés à tous les niveaux de gouvernement qui affectent l’échange de services »)

- Le déni d’avantages (les membres de la ZLEA devraient pouvoir dénier les avantages de l’accord sur les services à un fournisseur de service qui ne satisfait pas de tels critères. Les critères devraient inclure (« le propriétaire, le contrôle, la résidence et de substantielles activités commerciales »)

Tout ceci sous-entend une légitimité étendue des instances de la ZLEA pour passer outre les réglementations gouvernementales et l'attribution d'immenses pouvoirs à des sociétés de service en vertu d’un accord étendu. Par exemple, si une clause sur les services est incluse dans l’accord de la ZLEA, tous les services publics, quelle que soit l'entité gouvernementale concernée, devraient être ouverts à la concurrence, c'est-à-dire à des firmes privées. Cet accord empêcherait tout instance gouvernementale de subventionner des fournisseurs de service dans des domaines aussi divers que la santé, la prise en charge des enfants, l’éducation, les services municipaux, les bibliothèques, la culture, les services de l’eau et l’assainissement.

La combinaison de cet élargissement de l’accord sur les services et de la proposition d’extension des règles d’investissement fournit de nouveaux pouvoirs sans précédent à la ZLEA et aux intérêts privés qu’elle sert. Pour la première fois dans un accord d’échange international, des sociétés de service transnationales obtiendront des gains compétitifs couvrant l’ensemble des marchés publics et auront le droit de poursuivre tout gouvernement qui résisterait, et exiger une compensation financière. Il apparaît clairement dans les propos du Directeur Adjoint de l’OAS pour le Commerce Stephenson que le but réel de ce raz-de-marée sur les services et l’investissement est de réduire ou détruire la possibilité des gouvernements du continent d'assurer un service public (considérés comme des « monopoles » dans le monde du commerce international) :

« Etant donné que les services ne rencontrent pas de barrières sous la forme de droits de douane, ce sont les réglementations nationales qui limitent l'accès au marché. Par conséquent, la libéralisation des échanges dans les services implique des modifications des lois et règlements nationaux, ce qui rend ces négociations d’autant plus difficiles et sensibles pour les gouvernements. »

Le Groupe de négociation sur les services du ZLEA a requis l’organisation d’inventaires nationaux des mesures affectant, c’est à dire inhibant, le libre-échange dans les services.

2. Les Investissements

Le mandat du groupe de négociation sur l’investissement est d’établir « un juste et transparent cadre légal pour promouvoir l’investissement au travers de la création d’un environnement stable et prédictible qui protège l’investisseur, son investissement et les mouvements de capitaux qui s’y relient, sans créer d’obstacles aux investissements en dehors de l’hémisphère. » Ceci se fonde sur le chapitre concernant l’investissement de l'ALENA, chapitre 11, qui, comme l’explique l’expert en échanges légaux, Barry Appleton, « constitue le cœur-même et l’âme de l'ALENA. »

L'ALENA était le premier accord d’échange international qui autorise des intérêts privés, généralement une entreprise ou un secteur industriel, à court-circuiter son propre gouvernement, et qui, bien qu’il ne soit pas signataire de l’accord, défis les lois, les politiques, et les règles d’usage d’un autre gouvernement de l'ALENA si ces lois, politiques et règles d’usage empiètent sur les « droits » de l’entreprise en question. Le chapitre 11 donne à l’entreprise le droit de poursuivre pour obtenir compensation des pertes de profit actuelles et futures dûes à des actions gouvernementales, indépendamment de la légalité de ces actions ou quelle que soit la raison pour laquelle elles ont été décidées.

Le chapitre 11 a été utilisé avec succès par la société basée en Virginie, Ethyl Corporation, pour forcer le gouvernement canadien à revenir sur sa législation interdisant la vente à l’étranger de son produit, MMT, un additif à l’essence interdit dans de nombreux pays et que le premier ministre Jean Chrétien a qualifié de « neurotoxine dangereuse. » S.D.Myers, une société de récupération de déchets, a également utilisé avec succès une menace du chapitre 11 pour forcer le Canada à revenir sur son interdiction d’exportation des produits PCB, une interdiction que le Canada a prononcée en accord avec la Convention de Bâle qui bannit les transports de déchets dangereux. Elle a, à la suite d'une action en justice contre le gouvernement canadien, reçu pour 50 millions de dollars (américains) de dommages et intérêts en compensation des profits qu’elle n'a pas pu réaliser pendant que l’interdiction était en place.

Sun Belt Water Inc. de Santa Barbara en Californie poursuit le gouvernement canadien pour 14 milliards de dollars parce que la province de Colombie-Britannique a interdit l’exportation d’eau en vrac en 1993, supprimant ainsi toute possibilité pour cette société de rentrer dans le commerce de l’eau dans cette province.

Le groupe de négociation sur l’investissement a fait des progrès substantiels en incluant dans le traité de la ZLEA les mêmes droits ou des droits accrus existant déjà dans l'ALENA, comprenant :

- Les définitions de base de l’investissement et de l’investisseur

- Le champ d’application (très large)

- Le traitement national (par lequel aucun pays ne peut effectuer de discrimination par respect pour le marché national)

- Le traitement de la nation la plus favorisée (par lequel l’accès autorisé aux investisseurs de l’un des pays ZLEA doit être fourni aux autres pays signataires du ZLEA)

- L’expropriation et la compensation pour pertes (par lesquelles un « investisseur » ou une société peut réclamer une compensation financière pour perte de profit à la suite de la création ou de la mise en œuvre d'un règlement (par exemple une loi sur l’environnement), de la part du gouvernement de l’un des pays signataires du ZLEA)

- Le personnel-clé (la possibilité pour les sociétés de déplacer leurs professionnels et techniciens au travers des frontières en dehors du processus normal d’immigration)

- Les conditions préalables de performance (limites ou élimination du droit d’un pays de mettre des obstacles à l’investissement)

- L'accord sur le règlement des conflits (par lequel un groupe de bureaucrates peut supplanter la législation gouvernementale ou peut forcer le gouvernement en question à apporter une contribution financière s'il veut maintenir la législation en vigueur)

L’inclusion de si importantes dispositions est un moyen d'introduire dans la ZLEA une forme d’accord général sur l’investissement, une proposition de traité de l’OCDE sur l’investissement qui avait été abandonnée devant d’une résistance massive de la société civile. Une fois combinées avec les dispositions renforcées sur l’accès au marché, l’agriculture et les droits de propriété intellectuelle, de nouvelles dispositions sur les services et l'ouverture des marchés publics, ces dispositions sur l’investissement donneront de nouveaux pouvoirs aux entreprises du continent américain. De tels pouvoirs leur permettront de défier tous les règlements et activités gouvernementaux et saperont la possibilité de tous les gouvernements à fournir la sécurité sociale et la protection de santé de leurs citoyens.

3. Marchés publics

Le mandat du groupe de négociation sur les gouvernements est très clair : « Augmenter l’accès aux marchés publics des pays de la ZLEA » au moyen d’un nouvel accord. Ceci sera effectué en formant un « cadre normatif qui assure l’ouverture et la transparence des politiques d’achat des gouvernements », assurant « la non-discrimination dans les achats publics », et « un examen juste et impartial pour le règlement des plaintes concernant ces achats. »

Le mandat de la ZLEA sur les achats publics semble aller plus loin que celui de l’OMC, dont le but est d’empêcher les gouvernements de favoriser l'économie nationale lors d’achat de biens. Les mesures visées par l’OMC sont le favoritisme accordé aux fournisseurs locaux ou nationaux, mettant en place des standards nationaux l'imposition de règles d’investissement communautaire. Pour l’instant, l’OMC n'a rien prévu sur les règles d’accès au marché ou le traitement des achats publics concernant les biens et services touchant les entités gouvernementales directement.

Néanmoins, le groupe de négociation ZLEA semble aller beaucoup plus loin et ouvrir tous les contrats gouvernementaux, services et biens par le biais d'appel d'offres adressés à des entreprises d'autres pays signataires de l'accord de la ZLEA. Le groupe de négociation a demandé un inventaire des systèmes de classification internationaux pertinents et une compilation des statistiques d’achat public de chaque gouvernement.

4. Accès aux marchés

Le groupe de négociation pour l’accès aux marchés a été mandaté pour sélectionner une méthodologie et un plan d’exécution pour l’élimination des toutes les barrières « tarifaires et non tarifaires » avec un rythme de mise en place des réductions de droits de douane. Les droits de douane sont des taxes aux frontières ; comme le veulent l’ALENA et l’OMC, ils ont été largement éliminés au Canada et en Amérique.

Les barrières non tarifaires correspondent à toutes les règles, politiques et pratiques des gouvernements, autres que les droits de douanes, qui ont un impact sur le commerce. Les barrières non tarifaires peuvent potentiellement inclure tout ce que font les gouvernements, ceci comprenant les services de distribution, de protection de la santé et de protection de leurs citoyens. Leur inclusion dans le mandat du groupe de négociation étend considérablement le domaine des dispositions de l’accès aux marchés de l’ALENA.

Ces dispositions sont étendues dans une autre direction importante. Selon l’ALENA, l’accès aux marchés est sujet au traitement national. Ceci signifie que tous les biens importés d’un pays de l’ALENA doivent être traités « pas moins favorablement » que les les produits locaux. Mais le traitement national dans l’ALENA ne s’étendait pas aux achats publics ou aux subventions nationales et n’était appliqué aux services que de façon limitée. Ceci protégeait les programmes gouvernementaux d'une concurrence entre nations.

Cependant, selon les règles proposées dans la ZLEA, il apparaît que les services seront encore plus soumis aux règles d’accès aux marchés. De même, les restrictions qui permettent aux gouvernements de protéger les fournisseurs locaux s'assoupliront pour laisser la place à la mise en concurrence. La possibilité des entreprises étrangères à utiliser les dispositions du traitement national pour défier les monopoles gouvernementaux sur les services sera développée dans le cadre d'un nouvel accord sur les services. 

De plus, le groupe de négociation sur l’accès aux marchés a été également chargé d’identifier et d’éliminer toutes « entraves techniques au commerce » inutiles en ligne avec l’OMC.

L’Accord sur les entraves techniques au commerce de l’OMC (TBT) est un régime international pour harmoniser les normes environnementales ou autres, qui crée dans les faits le plafond mais non le socle pour ce genre de réglementation. Selon ces règlements, une nation doit être préparée à montrer, le cas échéant, que ses normes environnementales et ses normes en terme de sécurité, sont à la fois, « nécessaires » et « les moyens les moins restrictifs aux échanges commerciaux » pour atteindre les objectifs désirés en terme de préservation de l'environnement, de sécurité alimentaire ou de niveau de santé. Ceci signifie qu’un pays porte le poids de prouver de façon négative qu’aucune autre mesure en accord avec l’OMC n'est raisonnablement disponible pour protéger tout ce qui touche l'environnement. L’accord TBT de l’OMC met aussi sur pied un coûteux code de procédure pour établir de nouvelles lois et règlements, code tellement ardu qu’il est difficile pour un pays de l'appliquer. 

Alors qu’il y a des mesures sur les normes techniques dans l’ALENA, elles ne sont pas aussi astreignantes que celles de l’accord TBT de l’OMC. L’ALENA impose que les entraves techniques ne constituent pas « un obstacle inutile au commerce ». Néanmoins, l’ALENA reconnaît le droit pour toutes les parties de maintenir des normes et des mesures de régulation qui conduisent à un meilleur niveau de protection que celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur des normes internationales, tant qu’elles appliquent ces normes de façon à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre produits locaux et étrangers. En choisissant les dispositions les plus dures de l’OMC, les négociateurs de la ZLEA ont introduit des contraintes plus sévères sur les gouvernements du continent américain et sur leurs droits de réagir au mieux des intérêts de leurs concitoyens.

5. L’agriculture

Le mandat du groupe de négociation sur l’agriculture est d’éliminer les subventions à l’exportation des produits agricoles sur le continent régie par l’Accord sur l’agriculture de l’OMC (AOA) ; de « discipliner » les autres pratiques de l’agriculture qui perturbent le commerce ; et s’assurer que les « mesures sanitaires et phytosanitaires » ne sont pas utilisées comme une entrave déguisée au commerce, prenant l’OMC comme modèle.

Les mesures concernant l’agriculture de l’accord AOA de la ZLEA établissent des règles pour le commerce des denrées alimentaires et réduisent le champ d’action des politiques agricoles domestiques, jusqu'au soutien des fermiers, à la possibilité de conserver des réserves alimentaires de secours et à la sécurisation de l'approvisionnement en nourriture.

L’accord de l’OMC sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (MSP) impose aux gouvernements un cadre concernant la sécurité alimentaire, la santé des animaux et plantes, depuis les pesticides et contaminants biologiques jusqu’à l’inspection alimentaire, l’étiquetage des produits et les aliments génétiquement modifiés. Comme pour le TBT, l’Accord MSP de l’OMC va plus loin que l’ALENA.

Les directives de l’ALENA indiquent une approche générale pour assurer que les mesures du MSP sont utilisées pour de vraies raisons scientifiques et non pas comme des entraves déguisées au commerce. Les pays membres sont toujours autorisés à prendre des mesures pour protéger la vie et la santé humaine des hommes, animaux et plantes au niveau qu’ils considèrent comme « approprié ». Alors que l’ALENA « encourage » les parties à harmoniser leurs décisions fondées sur des normes internationales pertinentes, l’OMC cherche à enlever aux gouvernements nationaux leur pouvoir de décision concernant la santé, l’alimentation et la sécurité et à les déléguer à des organismes internationaux de standardisation tel le Codex Alimentarius, un club élitiste de scientifiques situé à Genève, largement contrôlé par les grandes compagnies de l’alimentation et du commerce agricole.

L’accord MSP de l’OMC a été utilisé pour combattre l’utilisation du « principe de précaution », qui n'est pas considéré comme une base justifiée sur laquelle établir des contrôles réglementaires. Le principe de précaution autorise des actions de contrôle quand il y a risque de dommages, même s’il subsiste des doutes scientifiques quant à l’ampleur et la nature des impacts potentiels d’un produit ou d’un usage. En choisissant les directives de l’Accord MSP de l’OMC plutôt que celles de l'ALENA, les rédacteurs de l’accord ZLEA s'acheminent vers la suppression du droit de chaque gouvernement du continent américain d’établir des standards dans les secteurs cruciaux de la santé, la sécurité alimentaire et l’environnement.

6. Les droits de la propriété intellectuelle

Le mandat du groupe de négociation sur les droits de propriété intellectuelle est « de réduire les disparités des échanges dans l’hémisphère et de promouvoir et d’assurer la protection adéquate et effective des droits de propriété intellectuelle. »

La propriété intellectuelle se réfère aux types de propriétés intangibles tels que les brevets qui garantissent généralement à ceux qui les détiennent un pouvoir exclusif. Les règles de commerce portant sur la propriété intellectuelle étendent ce droit exclusif, souvent détenu par des entreprises privées, aux autres pays signataires de l’accord. A partir de janvier 2000, tous les pays signataires de l'accord de la ZLEA sont maintenant assujettis aux règles de l’Accord de l’OMC sur les aspects liés au commerce des droits de propriété intellectuelle (TRIPS).

Cet accord met en place des mesures exécutoires sur les brevets, les droits d’auteurs et marques déposées. Il est allé beaucoup plus loin que son champ d’application initial qui était de protéger les inventions originales et les produits culturels ; il autorise maintenant la pratique qui consiste à breveter le vivant (plantes, espèces animales aussi bien que semences). Il encourage les droits privés des entreprises face aux droits des communautés locales, en ce qui concerne le patrimoine génétique et les médecines traditionnelles. Il permet aux sociétés pharmaceutiques transnationales de pratiquer des prix de médicaments élevés. Récemment, le TRIPS a été invoqué pour interdire aux pays en développement de fournir des médicaments génériques, moins chers, pour les patients atteints du SIDA dans le Tiers-monde.

Le groupe de négociation de la ZLEA sur la propriété intellectuelle a émis l’idée qu’il puisse aller plus loin que l’accord TRIPS de l’OMC dans certains domaines non spécifiés. Certainement, par l’intermédiaire des pouvoirs additionnels du Chapitre 11, la clause investisseur-état, les droits de propriété intellectuelle dans l’accord ZLEA auront la possibilité d’être mis en vigueur et respectés par le biais d’amendes et de sévères pénalisations.

7. Les subventions, les droits anti-dumping et compensations

Le mandat du Groupe de négociations sur les subventions, droits anti-dumping et compensations est « d'examiner les moyens d'approfondir les disciplines existant fournies par l'OMC sur les subventions, droits anti-dumping et compensations et ... d'aboutir à une compréhension mutuelle avec l'objectif d'améliorer, chaque fois que c'est possible, les règles et les procédures concernant la création et l'application de lois pour améliorer les échanges afin de ne pas créer de barrières injustifiées au commerce sur le continent. »

L'accord de l'OMC pose des limites sur ce que les gouvernements peuvent et ne peuvent pas subventionner. Cela a été très fortement critiqué par beaucoup de pays en voie de développement comme favorisant le Nord et les intérêts des grands empires agro-alimentaires. Egalement, l'Article XXI du GATT exempte les activités dans le domaine militaire, y compris les aides massives des gouvernements pour les questions de recherche et d'export, ceci afin de protéger les « intérêts essentiels de sécurité » des gouvernements. C'est parce que la clause d’exemption portant sur la sécurité protège l'industrie de l'armement de l’intervention de l'OMC, que les gouvernements sont poussés à augmenter les dépenses dans les industries militaires et toute autre industrie en rapport avec la sécurité nationale. Comme la majorité des dépenses militaires globales est concentrée dans les économies nationales des pays du Nord, la clause d'exception de l'OMC donne à ces pays une énorme avance compétitive sur les autres, les petits pays.

8. La politique de concurrence

Le mandat du Groupe de négociations sur la politique de concurrence est de « garantir que les bénéfices de la ZLEA du processus de libéralisation ne seront pas détruits par des pratiques commerciales anti-compétitives. » Le Groupe de négociations est d'accord pour « faire avancer le processus de l'établissement d'une couverture juridique et institutionnelle au niveau national, local ou régional, qui proscrit des pratiques de commerce anti concurrence » et « de développer des mécanismes qui facilitent et promeuvent le développement d'une politique de concurrence et garantissent le renforcement de règles sur la libre compétition parmi et à l'intérieur des pays du continent. »

Tout simplement, l'objectif de la politique de concurrence relativement récent dans les négociations commerciales, est de réduire ou d'éliminer des pratiques qui semblent protéger des monopoles nationaux. Le Canada propose que chaque pays adopte des mesures et en « prenne acte » afin de « proscrire des conduites commerciales anti-concurrence. »

Évidemment, le but est de promouvoir la libre-concurrence, mais le résultat, particulièrement pour les pays en voie de développement, est qu'ils sont souvent forcés de détruire leurs monopoles existant, seulement pour se rendre compte qu'ils ont donné à des sociétés multinationales dont le siège est dans un autre pays, des opportunités en or de s'installer et de racheter de petites sociétés nationales et de mettre en place un monopole complètement nouveau protégé par les règlement de l'OMC comme le TRIPS et l’Accord sur les services financiers qui tous les deux protègent ces énormes conglomérats.

9. Règlement des conflits 

Le mandat du Groupe de négociations sur le règlement des conflits est « d'établir un mécanisme juste, transparent et efficace pour régler les désaccords entre les pays de la ZLEA » et de « montrer des façons de faciliter et promouvoir la pratique de l'arbitrage et d'autres mécanismes de règlements de désaccords, de résoudre des litiges dans le commerce privé à l'intérieur du cadre de la ZLEA. »

Il reste à vérifier si le mécanisme du règlement des différends de la ZLEA reflétera le modèle ALENA ou celui de l'OMC. Cependant, le mandat du Groupe de négociation inclut « la prise en compte inter alia du chapitre de l'OMC Comprendre les règles et les procédures à gérer les conflits. » Si c'est le cas, alors le système de règlement des conflits de la ZLEA entre gouvernements se rapprochera beaucoup plus du système le plus sévère de l'OMC que de celui de l’ALENA.

Selon l’ALENA, un pays qui perd la partie devant un jury de règlement des conflits doit ou bien accepter le jugement et faire une « compensation adéquate » à l'autre gouvernement ou risquer une aliénation d' « avantages équivalents ». L'ALENA ne crée pas un ensemble de lois pour les membres d'un pays. Le jury de l’ALENA pour la gestion des conflits rend ses avis sur la base des lois commerciales internes du pays importateur.

Le rôle d'un tel jury pour l'OMC, cependant, est de décider si les pratiques du pays en question ou sa politique sont une « entrave au commerce » et de renverser la pratique de défense ou la politique si elle est jugée comme telle. Selon l'ensemble du Règlement des conflits de l'OMC, un pays, qui agit la plupart du temps pour défendre les intérêts de ses compagnies nationales, pourrait contester les lois en vigueur, les politiques et programmes d'un autre pays et passer outre ses lois nationales. Le pays perdant n'a que trois possibilités : changer sa loi pour se conformer aux règlements de l'OMC, payer une amende au pays gagnant ou faire face à des sanctions permanentes et très dures de la part du pays gagnant.

Des douzaines de lois concernant la santé publique, la sécurité alimentaire et l'environnement ont été réduites à néant à cause de l'OMC. Inutile de le dire, mais ces règles affectent beaucoup plus les pays pauvres que les pays riches. Les sanctions contre un pays dépendant d'une ou deux exportation de récoltes pour survivre peuvent être catastrophiques. Il n'est pas surprenant que la majorité des plaintes de l'OMC soient initiées par les pays le plus riches. En fait, les Etats-Unis sont à l'origine de 117 plaintes à l'OMC, déposées entre 1995 et 2000.

Bien sûr, le recours à des « investisseurs » (c'est-à-dire à des entreprise privées) dans le Chapitre 11 de l’ALENA n'existe pas à l'OMC. Il est à prévoir que les négociateurs de la ZLEA opteront pour le règlement de différends privé comme cela est prévu dans l’ALENA, alors qu'ils opteront pour les conditions les plus dures de l'OMC pour régler les différends entre Etats. Cela serait cohérent avec les autres propositions de la ZLEA : le modèle existant (ou même proposé) qui aura les plus fortes « règles de disciplines » sera le modèle choisi par la ZLEA.

Les 3 comités consultatifs se sont réunis.

Le « Comité pour l'économie des petits pays » a reconnu les différences entre les différents pays des Amériques et le besoin d'avoir un planning « afin de créer des possibilités pour une pleine participation de ces pays et d'augmenter leur niveau de développement. » Cependant, le plan semble très vague, il consiste essentiellement en la création d'une « base de données de recensement d'assistance technique des économies locales. » A aucun endroit, dans les recommandations de ce comité, on ne mentionne l'énorme disparité entre les riches et les pauvres du continent, à la fois entre les différents pays et au sein d'un même pays.

Le « Comité sur la société civile » reconnaît que « la société civile existe en tant que nouvel acteur dans le dialogue sur le commerce. » Bien que son mandat soit de « recevoir les informations de la société civile, de les analyser et de présenter une synthèse de ces opinions aux ministres du commerce de la ZLEA », le but de tout dialogue est de « garder une transparence dans le processus de négociation et de la mener de telle façon que le public puisse comprendre l'ensemble et soit un support pour la ZLEA ». Il semble que le rôle réel du Comité ne soit pas d'être à l'écoute, mais de maintenir l'apparence d'un dialogue. En fait, selon Stephenson, la valeur ajoutée de ce Comité « est de rendre public les requêtes concernant les questions d'emploi et d'environnement. »

Le « Comité des experts du secteur public et privé » sur le Commerce electronique, d'un autre côté, est un comité très important dont le champ d'investigation a toutes les caractéristiques d'un secteur émergent. Le Commerce electronique a explosé ces dernières années. Les ventes du Commerce electronique aux Etats-Unis ont avoisiné les 30 milliards de dollars (américains) en 2000, augmentant de 75% en un an, et représenteront 25% des transactions mondiales en 2005, l'année où l'accord de la ZLEA doit être ratifié Les Etats-Unis ont l'objectif de faire adopter des règles pour un régime non régulé d'un marché international orienté E-commerce. Beaucoup de milliards de dollars chaque année pourraient être perdus si on supprimait les taxes sur ce genre de commerce, laissant les gouvernements avec encore moins de ressources pour leurs programmes gouvernementaux.

Ce comité, très fortement dominé par les sociétés les plus puissantes dans le domaine de l'internet (hardware, software) et d'équipements de communication, telles que Microsoft et AT&T, ont déjà réalisé des études et analyses exhaustives sur les questions de E-commerce. Elles ont beaucoup d'échanges de vues avec d'autres organisations comme l'OMC et l'OCDE. Le comité a commandé différentes études très importantes sur tous les aspects du commerce international et l'E-commerce, et c'est une véritable mine parmi toutes les entités de la ZLEA.

Finalement, le comité de la ZLEA sur les Négociations Commerciales a identifié trois domaines pour l'établissement d' « accords de la première heure » - sur les forêts, l'énergie et la pêche - pour lesquels on espère un accord en avril 2001 pendant le Sommet des ministres, dans la ville de Québec. Ceci veut dire que, dans ces secteurs, un accord pourrait être conclu avant la date limite de 2005, date de la ratification de la ZLEA pour supprimer les taxes sur ces ressources très sensible d'un point de vue environnement, ne laissant aucune chance pour une information du grand public.

Quelle est la position du Canada sur la ZLEA ?

Le Canada a pris le rôle de leader dans le processus de la ZLEA (comme il l'a eu dans l'AMI, dans l'OMC et l'AGCS). Le gouvernement canadien est devenu un champion enthousiaste de l'ALENA et de son développement. Il a réalisé des accords bi-latéraux de libre-échange et des accords d'investissement avec de pays d'Amérique latine comme le Chili, le Salvador, le Guatémala, le Honduras et le Nicaragua. Le Canada a présidé la phase de 18 mois des négociations de la ZLEA commencées à Santiago en avril 1998, et il est train d'étendre ce modèle de commerce libre et de privatisation à l'Amérique Latine.

Durant la réunion de mars 1999 du Comité permanent sur le commerce international", George Haynal, ministre adjoint, Ameriques, ministere des Affaires etrangeres et du commerce international (MAECI), a dit : « Le continent doit agir de concert. Il y a encore du chemin à faire, mais notre engagement est tel que nous sommes prêts à nous engager sur ces questions. » Bob Anderson, vice-président, Ameriques, l’Agence canadienne de developpement international (l’ACDI) a ajouté : « Virtuellement tous les pays se sont ralliés au consensus de Washington d'une façon ou d'une autre. Ce consensus de Washington implique un ensemble de réformes. Ce que, nous, au l’ACDI avons essayé de faire est d'identifier des types de réformes où le Canada a une expertise spécifique, un certain avantage comparatif. »

Le MAECI a été très sévèrement critiqué par la société civile, les organisations de travailleurs, des droits de l'homme et d'autres organisations non gouvernementales pour avoir, dans le passé, négligé les consultations sauf avec le monde des affaires. Par exemple, quand des groupes de citoyens, au Canada entendirent parler de l'AMI fin 1996, le MAECI leur a dit qu'aucun traité de ce genre n'existait ... Une fois qu'ils ont obtenu une copie du texte en mars 1997, les groupes ont obtenu une liste des consultations tenues par le gouvernement au sujet de l'AMI ; ce document prouvait que MAECI avait eu des réunions avec la Chambre de Commerce du Canada et aussi avec le « Canadien Council on International Issues » - le bras armé du BCNI et ceci dès 1993, soit quatre ans avant que le gouvernement n'admette plus tard qu'il avait été engagé dans de telles négociations.

Si bien que le 13 décembre 2000, quand le MAECI a annoncé qu'il rendait public la position du gouvernement sur la négociation de la ZLEA, le considérant comme un acte de transparence sans précédent beaucoup de groupes se sont réjouis. Enfin, une vraie consultation pouvait commencer. Cependant, il manquait tellement de choses dans le document que, à quelques mois de la rencontre dans la ville de Québec, il est impossible d'évaluer la position du Canada sur les questions les plus controversées.

Quatre secteurs - investissement, services, règlement des conflits et droits de propriété intellectuelle - manquent complètement et beaucoup de questions demeurent sans réponse dans un grand nombre de secteurs.

Secteurs concernés

- Investissement

Le Gouvernement du Canada dit qu'il n'a fait aucune proposition au Groupe de négociations sur l'investissement à ce jour. C'est difficile à croire. Le Canada était pilote du processus durant la période pendant laquelle le Groupe de négociations sur investissement a reçu son mandat et a mis en avant une position très ambitieuse sur l'investissement (expliquée en détail ci-dessus) qui comportait un traitement national, des services et des provisions de compensation pour des investissements de l'Etat.

Egalement, dans son introduction à sa position sur la négociation qu'il a rendue publique, le MAECI affirme son support sans équivoque pour un accord d'investissement dans la ZLEA : « En reconnaissant que l'investissement est le principal moteur de la croissance, les leaders s'engagent à créer des mécanismes renforcés pour promouvoir et protéger le flot d'investissement productif dans le continent. » Ensuite, dans son propre projet de Préambule, le MAECI appelle tous les gouvernements à s'engager à « établir un cadre juste et prévisible pour promouvoir et protéger l'investissement. »

Le Ministre du commerce international, Pierre Petigrew, a dit qu'il ne signera pas l'accord de la ZLEA s'il contient la clause de l'état-investisseur (Cf Chapitre 11 de l'ALENA). Ceci semble en totale contradiction avec les engagements qui ont été pris par les négociateurs de son département. Il y a un besoin urgent pour le gouvernement de clarifier immédiatement sa position exacte sur l'investissement.

- Services

De la même façon, le MAECI dit qu'il n'a fait aucune proposition au Groupe de négociations sur les services non plus. Dans ce cas également, le Canada était le président du Groupe de négociations pour le continent qui a donné les définitions radicales de services, incluant le traitement national, une couverture universelle et un accès élargi au marché.

Il est clair depuis le début que le Canada a rendu public sa position, que le gouvernement canadien serait tout à fait favorable à l’inclusion des services dans la ZLEA : « Spécifiquement, ils (les leaders) ont noté que l'élimination des entraves à l'accès au marché pour les biens et les services dans notre pays va développer une croissance économique collective. » Dans le projet de préambule, le Canada souhaite « un accès facilité au marché pour les biens et les services » et reconnaît « l'importance d'une réforme de régulation pour faire avancer la libéralisation du commerce. »

En effet, si le Canada adopte une position à la ZLEA semblable à sa position à l'AGCS, il va promouvoir des négociations dans lesquelles, comme sa propre déclaration écrite concernant l'OMC le précise : « rien n'est exclu de la discussion, a priori, pas même les questions politiquement sensibles de santé et d'éducation. »

Pour avoir une idée de ce que le Canada semble vouloir promouvoir, nous pouvons examiner l'accord existant de l'AGCS ainsi que les amendements proposés. L'AGCS couvre à l'heure actuelle tous les secteurs de service et les moyens énergétiques tout comme la plupart des mesures gouvernementales, y compris les lois, pratiques, règles et recommandations - écrites et non écrites. Aucune mesure gouvernementale qui a trait au commerce dans les services, quel que soit son but, même pour la protection de l'environnement ou la protection du consommateur, pour la couverture universelle ou pour l'emploi, est en dehors du ressort de l'AGCS.

L'accord interdit principalement la discrimination contre un fournisseur étranger dans les secteurs mentionnés en dépit des conditions dans lesquelles ces services sont fournis et sans tenir compte des droits de l'homme ou de l'environnement dans le pays d'origine du fournisseur. Les différentes parties sont aussi d'accord pour que ces règles s'appliquent horizontalement ou transversalement, que ce secteur ait déjà été listé ou non dans l'AGCS. L'une des règles « horizontales » est que toutes les obligations dans un secteur donné, y compris les services sociaux, doivent être les moins restrictives possibles au commerce, et que tous les pays membres de l'OMC doivent être prêts à inclure les mécanismes du marché dans tous les domaines où c'est possible, même dans les programmes sociaux.

A l'heure actuelle, les services publics qui sont du ressort d'un gouvernement peuvent bénéficier d'exceptions. Aussi, certains pays ont demandé à être exemptés pour leur programme de sécurité sociale quand ils sont subventionnés. Mais d'après l'article 1.3C de l'AGCS, pour qu'un service soit considéré comme étant sous l'autorité d'un gouvernement, il doit être « entièrement gratuit. » Ce qui signifie que le secteur en question doit être complètement financé par le gouvernement et n'avoir aucun but commercial. Tous les services gouvernementaux offerts sur une base commerciale - même s'ils sont à but non lucratif - sont susceptibles de se voir appliquer les règles de l'AGCS, comme le seront aussi les services gouvernementaux publics mais en concurrence avec fournisseurs commerciaux. Comme pratiquement aucun secteur de service au monde n’est entièrement gratuit, cette exception se vide progressivement de tout sens.

Dans ce nouveau tour de négociations, les officiels de l'AGCS vont essayer d'élargir leur accès aux marchés domestiques et les gouvernements vont avoir une forte pression pour mettre davantage de services sur la liste et en soustraire un moins grand nombre. Les pays du Nord les plus puissants vont faire pression pour accéder à plus de marchés jusqu'alors interdits ; ils exerceront davantage de pression sur les pays en voie de développement pour obtenir d’eux un accès garanti et irréversible à leurs marchés et pour éliminer un grand nombre d’autres options politiques possible.

En même temps, les officiels de l'AGCS cherchent à mettre en place de sévères limitations aux réglementations intérieures des états, limitant ainsi les possibilités des gouvernements d'agir sur les standards de l'environnement, de la santé et d’autres standards qui gênent le libre-échange. L'article VI:4 appelle à un développement de toutes les « disciplines nécessaires » pour s'assurer que toutes les « mesures relatives aux exigences de qualification et aux procédures, standards techniques et brevets, ne constituent pas d'inutiles entraves au commerce » Cette décision s'appliquerait horizontalement. Les gouvernements seront obligés de prouver que leurs règles, standards et lois sont parfaitement « nécessaires » pour atteindre un objectif de l'OMC , et qu'aucune autre alternative commerciale moins restrictive n'est disponible.

De plus, les nouvelles négociations ont pour but de développer de nouvelles règles et restrictions de l'AGCS, avec pour objet de restreindre encore plus l'utilisation de subventions gouvernementales, comme celles des travaux publics, des services municipaux et des programmes sociaux. Un développement particulièrement inquiétant est la demande d'extension des règles de « présence commerciale ». La présence commerciale permet à un « investisseur » d’un pays de l'AGCS d'établir sa présence dans un autre pays de l'AGCS et d'entrer en concurrence pour les affaires non seulement contre les fournisseurs locaux mais aussi contre les fonds publics, contre institutions et services nationaux recevant des subventions.

Tout cela s'est mis en place sous la présidence du Canada. L'Ambassadeur du Canada auprès de l'OMC, Sergio Marchi, préside les négociations de l'AGCS à l'OMC. Il n'y aucune raison de croire que le Gouvernement du Canada adoptera une position très différente sur les services dans la ZLEA.

- Droits de propriété intellectuelle et gestion des conflits

Ici encore, l'absence de prise de position du Canada dans ces deux domaines cruciaux du document est très inquiétante. Comme pour les services et l'investissement, le Canada assurait la présidence lors des négociations qui ont abouti à la proposition mentionnée ci-dessus. L'affirmation que le gouvernement Canadien n'est pas d'accord avec le Groupe de négociations sur les droits de propriété intellectuelle et le Groupe de gestion des conflits n'est pas crédible.

- Les barrières techniques au Commerce

Le Canada propose un chapitre nouveau à part sur la question des barrières techniques au Commerce (TBT) basée sur projets TBT de l'OMC. (Ce sont les règles qui précisent qu'une nation doit être prête à prouver, si on lui demande, que les standards sur l'environnement et la sécurité sont tous deux « nécessaires » et représentent la façon la « moins restrictive pour le commerce » d'atteindre les buts souhaités de conservation, sécurité alimentaire ou de standard de santé). Ces règles représentent un important sujet de préoccupation pour les « Verts » Canadiens et les groupes qui se préoccupent de la sécurité des aliments et des animaux, dans la mesure où elles ont été utilisées pour abaisser le niveau des exigences réglementaires en matière de santé et de nourriture partout dans le monde.

Le MAECI dit qu'il y a un besoin de « cadre de travail plus large » à la discussion et à l’engagement que celui qui est proposé dans la ZLEA. Il recommande qu'on établisse un nouveau comité sur le TBT qui se réunirait régulièrement et fournirait une assistance technique pour les pays en voie de développement du continent amériacain afin de les assister dans la suppression de « l'usage injustifié des pouvoirs de réglementation des gouvernements, lorsque ceux-ci ont un impact injustifié (plus restrictif que nécessaire) ou discriminatoire sur le commerce. »

Le discours du préambule du Canada exprimant son espoir de trouver des façons « d'améliorer la protection de l'environnement » sont contredits par le discours très « anti-environnement » de sa position sur le TBT.

- L’ agriculture

Le Gouvernement du Canada a une position inflexible sur les questions touchant l'agriculture. II demande la suppression totale des aides à l'exportation pour les produits de l'agriculture « le plus vite possible » et souhaite empêcher leur réintroduction « sous n'importe quelle forme. » Il demande aussi le « maximum de réduction possible ou l'élimination de la production et les aides domestiques qui altèrent le commerce » même si l'élimination des subventions agricoles a eu un impact dévastateur sur les fermiers Canadiens, et il veut « accélérer l'élimination de tarifs douaniers pour les produits agricoles d'origine. » Il est intraitable sur les mesures et régulations tarifaires, demandant une politique de tolérance zéro sur les restrictions des importations.

Le MAECI adhère complètement à l'accord de l'OMC sur l'application des Mesures sanitaires et phytosanitaires (MSP) au sein de la ZLEA. (L'accord de l'OMC sur les MSP impose des contraintes aux politiques gouvernementales relatives à la sécurité alimentaire et animale et aussi à la sécurité des plantes, depuis les pesticides et les contaminants biologiques jusqu'à l'inspection de la nourriture, marques de produits et les aliments obtenus par génétique). Comme les TBT, ces règles sont considérées par beaucoup comme une façon de réduire ou d'éliminer les règlements gouvernementaux qui protègent la santé des humains et des animaux pour favoriser des intérêts privés.

Comme pour les TBT, le Gouvernement du Canada veut « faciliter » les activités de MSP au jour le jour dans tout le continent et propose la création d'un « Groupe consultatif sur les MSP » pour mettre en place un « forum régulier pour les consultations, la résolution de problèmes et la coopération institutionnelle. » Le comité s'occuperait d'harmonisation, d'évaluation de risques et de transparence, parmi d'autres choses. Le très solide leadership du Canada sur cette forme de déréglementation, particulièrement à la lumière de la détérioration de l'environnement des pays du continent, tout comme la baisse des standards résultant des grandes exploitations agricoles, sont une cause importante de préoccupation.

- Les marchés publics

Le Gouvernement du Canada a une position intransigeante sur la question des marchés dans la ZLEA, demandant une complète transparence et la publication de toutes les lois, régulations, décisions judiciaires et procédures administratives dans ce domaine. « Le Canada confirme que le fait de rendre publiques les règles et les mesures administratives concernant le commerce pratiqué avec un gouvernement est un aspect important de l'Accord de la Zone de libre-echange des Amériques. »

Mais le MAECI va encore plus loin, appelant à une interdiction de « tout type » de compensation. Les compensations, explique le MAECI, sont des « mesures imposées ou considérées par une entité, antérieurement ou au cours de ces processus d’entremise, et qui encouragent le développement local ou améliore sa balance des paiements au moyen d'un contenu local, de brevets technologiques, d'investissement, d'échanges entre pays ou de transactions similaires. » En d'autres termes, le MAECI souhaite l'élimination de tous les moyens par lesquels des gouvernements s'assurent qu'un investissement étranger fournit un bénéfice quelconque à une communauté en échange du profit que les sociétés transnationales gagnent au travers de cet accès.

Si le Canada appliquait la formule proposée par le MAECI, toutes sortes de d'actions auto-affirmatives, d'investissements communautaires et de programmes locaux devraient être supprimés lorsque l'on traite avec des multinationales basées à l'étranger.

- Concurrence

Le Canada demande qu’on s’exprime avec force au sujet de la politique de concurrence dans la ZLEA « pour s'assurer que les bénéfices du processus de libéralisation de la ZLEA ne soient pas sapés par des pratiques commerciales anti-concurrentiels ». Cependant, le MAECI est étrangement muet sur la question des « monopoles officiels et entreprises nationalisées. » Sa position catégorique sur les marchés publics associée à une très forte position sur la concurrence, tout comme sa partialité en faveur des services, pourraient mettre les institutions publiques canadiennes, tel Radio-Canada, dans une posture hasardeuse.

Quel impact sur le Canada aura la ZLEA?

La sécurité sociale

Les pouvoirs étendus proposés pour la ZLEA, combinés à l’introduction de la « couverture universelle de tous les secteurs des services », posent une menace grave aux programmes sociaux du Canada. La couverture maladie universelle, l’éducation, les soins aux enfants, les retraites, l’assistance sociale et beaucoup d’autres services sociaux sont en ce moment assurés par les gouvernements sur une base non lucrative 

Jusqu’aux négociations récentes de l’Accord general sur le commerce des services (AGCS), et maintenant celles de la ZLEA, le Canada a toujours maintenu que ces programmes sociaux étaient des droits fondamentaux de tous les citoyens canadiens, et les a exclus des accords de commerce. Cependant, avec ces deux accords, le gouvernement canadien s’expose, lui-même ainsi que tous entités gouvernementales, à des menaces de sanctions commerciales de la part de sociétés de services transnationales impatientes de briser les monopoles du continent.

Les services sont le secteur du commerce international jouissant de l’expansion la plus rapide, et parmi tous les services la santé, l’éducation et l’eau se dessinent comme étant potentiellement les plus lucratifs de tous. Les dépenses globales pour la distribution d’eau dépassent maintenant 1000 milliards de dollars (américains) par an, 2000 milliards pour l’éducation et 3500 milliards pour la santé. Au Canada, le secteur des services représente 75% des emplois. 

Ces services, et d’autres, sont la cible de puissantes sociétés transnationales prédatrices qui ne visent rien moins que le démantèlement complet des services publics par leur soumission aux règles internationales de concurrence et à la discipline de l’OMC et de la ZLEA (déjà plus de 40 pays, y compris tout l’Europe, ont inclus l’éducation dans l'AGCS, ouvrant leur éducation nationale à la concurrence de sociétés étrangères, et presque 100 pays ont fait de même pour la santé).

Aux Etats-Unis, la santé est devenue un immense marché, et les sociétés de santé géantes sont cotées à la bourse de New York. Rick Scott, le président de Columbie, la plus importante société hospitalière privée au monde, affirme que la santé est un commerce comme un autre, au même titre que le transport aérien ou l’industrie des roulements à billes ; et il a juré de détruire chaque hôpital public en Amérique du nord, au prétexte que ce ne sont pas de « bonnes firmes citoyennes libérales. » Les sociétés d’investissement comme Merrill Lynch et Lehman Brothers prévoient que l’éducation sera privatisée sur le continent d’ici 10 ans comme la santé l’a été, et que des profits insoupçonnés seront à faire une fois cela effectué.

Si les services sont inclus dans la ZLEA, ce qui semble clair, des sociétés privées étrangères de santé, d’éducation, et autres services sociaux, venant de n'importe où sur le continent, seront autorisées à établir une « présence commerciale » n’importe où au Canada. Elles auront le droit de concurrencer des institutions publiques comme des hôpitaux, écoles et centres de soins pour les fonds publics. Les standards pour la santé, l’éducation, les soins aux enfants et les travailleurs sociaux seront assujettis aux règles de la ZLEA, et revus pour qu'ils ne soient pas un frein au commerce. L’autorité pour la délivrance des diplômes sera donnée à toutes les sociétés d’éducation basées sur le continent. Les services de médecine à distance situés à l’étranger deviendront légaux au Canada. Et le Canada sera incapable d’arrêter la concurrence de professionnels transfrontaliers de la santé ou de l’éducation bon marché.

Si un gouvernement canadien à un quelconque niveau tente de résister à ces développements et essaie de maintenir ces services sous contrôle national, toute société de services du continent aura légalement le droit de le poursuivre et d'exiger une compensation financière pour perte de revenus, en accord avec les clauses état-investisseur de la ZLEA. Ceci n’est pas de la spéculation ; dans les secteurs couverts par l’ALENA, il y a maintenant de nombreux précédents de gouvernements revenant sur leur décisions et payant des compensations importantes aux intérêts privés touchés par les politiques publiques.

De même, les clauses d’investissement existantes de l’ALENA ont donné lieu à un précédent perturbant dans le secteur de la santé. Un jugement légal de mars 2000 de l’expert en commerce canadien Steven Shrybman montre que le vote par l’Alberta de la loi 11, qui permet aux sociétés privées d’entrer en concurrence avec les hôpitaux publics pour la fourniture de soins, a donné le droit commercial aux sociétés privées américaines d’ouvrir des boutiques non seulement en Alberta, mais dans chaque province du Canada, et de réclamer en justice des compensations si cet accès était dénié. 

« Bien qu’en théorie un gouvernement puisse résilier un contrat établi avec des sociétés privées pour la fourniture de services de santé, ce gouvernement devra faire face à la toute puissance des réclamations des investisseurs étrangers pour leurs pertes, non seulement présentes mais futures. Le coût des compensations pour rétablir un système public serait prohibitif »

La réalité est simple :une fois qu’un secteur public aura été privatisé, il sera pratiquement impossible de revenir en arrière. Avec le temps, les gouvernements canadiens n’auront plus les moyens de financer des programmes publics de santé, sécurité sociale et d’éducation puisqu’ils devraient être prêts à donner un accès égal à ce financement aux contracteurs privés des autres pays de la ZLEA.

Les canadiens ont déjà pu observer une érosion régulière de leur sécurité sociale sous les règles de la mondialisation économique et des accords de commerce comme l’ALENA et l’OMC, pendant que l’économie canadienne se fondait dans l’orbite américaine, avec les règles américaines. Sur le plan social, le Canada ressemble plus que jamais aux Etats-Unis, avec son large fossé entre les possédants et les autres. Au Canada comme aux Etats-Unis, pendant que certains baignent dans une prospérité abondante, d’autres s’enfoncent dans une grande pauvreté.

En fait, pendant la dernière décennie, le Canada a vécu la plus forte augmentation du nombre d’enfants pauvres du monde industrialisé. Pendant ces mêmes années de libre- échange, le nombre de millionnaires a triplé et les salaires des cadres ont monté en flèche, en moyenne de 15% par an, alors que la paie des travailleurs augmentait seulement de 2%, moins que l’inflation.

Les coupes dans les programmes sociaux et l’assurance chômage ont été si profondes (seulement un tiers des chômeurs reçoit maintenant les allocations pour lesquelles ils ont cotisé, contre presque 80% en 1989), que Standard and Poor affirme que le mythe du « Canada prévenant » doit être revu. L’institut de classement new-yorkais montre que pour la première fois en 1999, le Canada a dépensé moins pour ses chômeurs et personnes âgées que les Etats-Unis. 

Avec l'accord sur la ZLEA proposé, les attaques contre la sécurité sociale devraient s’amplifier considérablement.

L’environnement

Dans son état actuel, l’ébauche de la ZLEA ne contient aucun garde-fou pour l’environnement. Son mandat original, dessiné au premier sommet des Amériques à Miami en 1994, contenait la promesse de promouvoir l’intégration économique du continent de façon à « garantir un développement durable tout en protégeant l’environnement. » Un sommet majeur sur le développement durable s’est tenu en Bolivie en 1996 pour assurer que les principes du Sommet de la Terre de Rio en 1992 seraient intégrés dans le processus de la ZLEA. De cette rencontre (dont la société civile et les défenseurs de l’environnement étaient absents) sont issues 65 initiatives regroupées sous le nom de « plan d’action de Santa Cruz », et un nouveau groupe, le comité OAS inter-Américain sur le développement durable.

Cependant, tout ce programme a été très mal financé et n’avait pas de clair mandat d’action ; il est largement considéré comme un échec. Par conséquent, l’idée de développement durable a été complètement abandonnée pour le nouveau mandat de la ZLEA au sommet de Santiago en 1998, et les routes du commerce et de l’environnement complètement séparées. Maintenant, la présence de Georges W. Bush à la Maison Blanche rend encore plus certain que les préoccupations environnementales seront ignorées dans la ZLEA. 

Le texte définissant sa position sur la ZLEA récemment publié par le gouvernement canadien contient une référence à l’environnement dans le préambule qu’il propose. Il appelle la ZLEA à s’engager à « mieux protéger l’environnement et à promouvoir un développement durable en adoptant des politiques sur le commerce et l’environnement qui se soutiennent mutuellement. » Cependant, le texte des préambules des accords de commerce n’est pas contraignant, donc aucune promesse dans cette section du traité n’est significative. Dans tous les cas, il est impossible de trouver une quelconque compatibilité entre un accord de commerce contenant des droits pour les sociétés sur les états et le contrôle de l’environnement.

Chapitre 11

Tel qu’il a été brièvement documenté plus haut (voir le chapitre investissement dans « Qu’y a-t-il dans la ZLEA ? »), et de façon plus étendue dans nombre d’autres sources, les clauses état-investisseur de l’ALENA ont déjà eu un grave impact sur les politiques environnementales des gouvernements. Non seulement des sociétés du continent ont obtenu l’annulation d’un certain nombre de régulations sur la santé et l’environnement au Canada, au Mexique ou aux Etats-Unis, mais le Chapitre 11 est utilisé pour « refroidir » les gouvernements, qui sont mis en garde de ne pas envisager certaines nouvelles mesures régulatoires de peur de contrevenir aux clauses sur l’investissement de l’ALENA. 

Comme l’explique l’expert en droit du commerce Steven Shrybman : « les clauses de poursuite d’un état par un investisseur de l’ALENA ne représentent rien moins qu’une séparation radicale d’avec les normes à la fois intérieures et internationales sur au moins trois aspects. D’abord, en offrant aux sociétés le droit de faire appliquer directement un traité international dans lequel elles ne sont pas partie prenante, et qui ne leur impose aucune obligation. Ensuite, en étendant l’arbitrage du commerce international à des plaintes qui n’ont rien à voir avec des contrats commerciaux mais qui concernent bien la loi et la politique publique. Enfin, en créant des droits légaux substantiels, concernant l’expropriation et le traitement national, qui vont bien plus loin que ceux accordés aux citoyens ou entreprises canadiens. » 

N’importe quelle réglementation nouvelle proposée au parlement ou à une assemblée provinciale peut être attaquée par les sociétés américaines ayant des intérêts dans le secteur en question. Fondamentalement, les gouvernements doivent être prêts à payer cher le droit d’exercer leur mandat pour la protection de l’écologie et de la santé humaine ou animale. Comme l’avocat d’affaires Barry Appleton l’explique, « ils peuvent verser du plutonium liquide dans des aliments pour enfant ; si vous l’interdisez et que la société qui les produit est américaine, vous devrez payer une compensation. »

Pour éviter ce scénario, toutes les réglementations pour la protection de l’environnement et des ressources naturelles proposées par les gouvernements provinciaux et fédéral canadiens doivent maintenant être approuvées par la MAECI. Dans un échange d’octobre 2000 à une réunion du comité environnement du parlement, le leader libéral Clifford Lincoln a demandé aux officiels de la MAECI Nigel Bankes et Ken Macartney s’il était vrai que le ministre du commerce international Pierre Pettigrew combattait l’inclusion du principe de précaution dans la législation nationale sur l’environnement, comme dans la proposition de loi sur la protection des espèces menacées, pour assurer que le Canada était en règle avec l’OMC. Les bureaucrates du commerce ont confirmé que tel était bien le cas. 

Les ministres de l’environnement ont maintenant moins de pouvoir sur leur propre juridiction que leurs collègues du commerce. Quand les ministres de l’environnement des trois pays de l’ALENA ont annoncé en décembre 1998 qu’ils allaient autoriser la Commission pour la coopération environnementale (CEC) - l’accord parallèle à l’ALENA devenu un « chien de garde de l’environnement » édenté - à examiner ces cas du Chapitre 11, ils ont franchi la ligne tracée pour eux par la MAECI et ses administrations jumelles à Washington et Mexique. Quelques mois plus tard, les ministres de l’environnement ont retiré totalement ces nouveaux pouvoirs, freinant l’agence si fort en fait qu’ils se sont arrêtés juste avant de la démanteler complètement tout simplement.

Vu ce bilan, et l’abandon de l’objectif de développement durable des principes de la ZLEA, il y a peu de raisons de croire que les préoccupations environnementales seront mieux prises en compte dans le pacte de commerce hémisphérique.

L’énergie

Bien qu’il n’y ait pas de groupe de négociation séparé sur l’énergie dans la ZLEA ni de mention du sujet dans le texte définissant la position du gouvernement canadien, il existe un consensus pour arriver à un accord de préemption sur l’énergie au sommet de Québec en avril. Il est en fait très probable que la ZLEA reproduira les clauses controversées sur l’énergie qui faisaient partie à la fois des accords de libre-échange Canada-Etats-Unis et de l’ALENA. 

Dans ces accords, les négociateurs ont mis au point une politique énergétique continentale dérégulée, anti-environnement, anti-préservation, basée sur les exportations à court terme, à coûts et profits élevés, qui sont contrôlées par des sociétés transnationales prêtant peu d'intérêt à l’augmentation des prix ou aux conséquences sur l’environnement de leurs actions. Si ce régime énergétique dérégulé était étendu à tout le continent, il aurait des conséquences dévastatrices sur la lutte pour réduire l'excès d’utilisation de combustibles fossiles augmentant l’effet de serre dans les pays du continent.

Au Canada, pour être en conformité avec ces normes de l’ALENA, le Conseil national de l’energie a été dépouillé de ses pouvoirs et la « réserve de secours vitale » qui obligeait le Canada à maintenir un surplus de 25 ans de gaz naturel a été démantelée. Plus aucune agence gouvernementale ni loi n’assure plus aux canadiens des réserves adéquates de notre propre énergie dans le futur. (Les Etats-Unis, en revanche, ont déclaré que leur réserve pour 25 ans était nécessaire pour des raisons de sécurité nationale, et l’ont maintenue).

Il n'a plus été requis, pour es candidats aux exportations, canadiens ou américains, de remplir un dossier d’estimation des impacts des exportations, et le système de distribution de gaz tout-canadien a été abandonné, déclenchant la construction frénétique de pipe-lines nord-sud. Les taxes à l’exportation sur nos ressources énergétiques ont été interdites, faisant perdre aux gouvernements une source de revenus et offrant aux consommateurs américains, qui n’ont pas à payer la TPS, un prix avantageux par rapport aux canadiens.

Plus important, les accords de commerce imposent un système de « partage proportionnel » par lequel la fourniture d’énergie canadienne aux Etats-Unis est garantie à perpétuité. Dans un incroyable abandon de souveraineté, le gouvernement canadien a accepté de ne plus avoir le droit de « refuser d’émettre une licence ou de révoquer ou changer une licence pour l’exportation vers les Etats-Unis de biens énergétiques », même pour la préservation de l’environnement.

Cela a provoqué une augmentation spectaculaire des ventes de gaz naturel sur le marché des Etats-Unis ; depuis 1986, les exportations ont plus que quadruplé pour plus de 8,5 milliards de pieds cubes par jour. Environ 55% de la production totale de gaz du Canada est exportée vers les Etats-Unis où les compagnies de distribution américaines, fournissant une population bien plus importante, ont pu signer des contrats à long terme à prix bradés. Les consommateurs canadiens n’ont plus qu’à batailler pour leurs propres ressources énergétiques avec une économie 10 fois plus importante, dont les réserves s’épuisent rapidement et la demande s’accélère. L’histoire est la même pour le pétrole. Le Canada produit maintenant 2,3 millions de barils par jour et en expédie 1,3 millions vers les Etats-Unis.

Les accords de libre-échange ont engagé le Canada dans une politique énergétique pilotée par des exportations massives garanties vers les Etats-Unis, le contrôle des ressources par le secteur privé, et une politique économique plus dépendante que jamais dans l’exploitation des ressources primaires. Comme ils exemptaient de sanctions commerciales les subventions du gouvernement Canadien pour la prospection de pétrole et de gaz, ils ont assuré que les fonds publics canadiens continueraient à financer la recherche de réserves de combustibles fossiles incontrôlée et destructrice pour l’environnement, un processus qui a déjà détruit de nombreux habitats dans le nord et qui menace des lieux de reproduction sensibles au large de Cap Breton et Terre-Neuve, pour le plus grand bénéfice des sociétés multinationales. 

Dans la ZLEA, ces clauses seront probablement étendues à tous les pays du continent, qui devraient être conscients de la perte de souveraineté résultante sur leurs ressources énergétiques et de leur responsabilité environnementale de ménager ces ressources.

L’eau

Il serait également étonnant que les Etats-Unis ne cherchent pas à inclure dans la ZLEA les dispositions de l'ALENA concernant l’eau et à les étendre aux autres pays du continent. Ces dispositions établissent le cadre d’un marché continental de l’eau dans le cas où commencerait à se mettre en place l’exportation commerciale de l’eau. Pour les pays d’Amérique Latine concernés par la privatisation de l’approvisionnement en eau, ceci est une question qui mérite que l’on s’y intéresse de toute urgence.

Le chapitre 3 de la négociation ALENA établit des obligations, incluant le traitement national des droits, en ce qui concerne l’accès au marché pour le commerce des marchandises. Il reprend la définition qui est donnée du terme « marchandise » dans leGATT, qui établit clairement une liste des « eaux, y compris les eaux naturelles ou artificielles et les eaux gazeuses » comme étant une marchandise, et dans une note explicative additionnelle il stipule que « l’eau naturelle de toutes sortes, autre que l’eau de mer », est incluse.

Quand l’Accord ALENA, et son prédécesseur, l’Accord sur la libre-circulation des marchandises entre le Canada et les Etats-Unis, ont été négociés, les opposants ont expressément demandé que l’eau soit clairement retirée de ceux-ci. Les gouvernements répondirent que non, en argumentant que l’eau ne faisait pas du tout l’objet d’un traitement commercial à ce moment-là dans aucun des pays appartenant à la ALENA. L’eau dans son état « naturel » était donc hors de danger. Les critiques ont avancé qu’une telle protection était au mieux temporaire et à partir du moment où une quelconque juridiction commencerait à commercialiser son eau dans des buts commerciaux, les dispositions clés du ALENA deviendraient applicables, compromettant ainsi le contrôle public de l’eau.

Il y a trois dispositions clés dans l'ALENA mettant l’eau en danger une fois qu’elle sera commercialisée. La première disposition est le traitement national qui stipule qu’aucun pays ne peut faire de choix en faveur de son propre secteur privé dans l’usage commercial de ses ressources en eau. Une fois que le permis est accordé à une compagnie nationale pour exporter de l’eau, les « investisseurs » - par exemple les grandes sociétés des autres pays du ALENA - ont le même « droit d’établissement » pour l’usage commercial de cette eau que les compagnies nationales. Ceci s’applique également aux provinces. Si la Colombie britannique permet l’exportation de l’eau en grosse quantité, toutes les provinces devront aussi donner les mêmes droits de traitement national aux compagnies étrangères.

La deuxième disposition est le Chapitre 11, la clause des états-investisseurs. Cela s’applique à l’eau de deux façons. D’abord, si un pays de l'ALENA, état ou province, ne permet l’exportation de l’eau qu’à des compagnies nationales les sociétés des autres pays de l’ALENA auront le droit de les poursuivre afin d’obtenir une compensation financière. Deuxièmement, si un gouvernement signataire de l'ALENA introduit une législation pour interdire l’exportation d’eau en grosse quantité, par cet acte l’eau deviendra automatiquement une « marchandise ». Les droits des « investisseurs étrangers » mentionnés dans le Chapitre 11 seraient activés, par la loi même qui les exclut, et ils pourraient exiger des compensations financières pour le manque à gagner.

La troisième disposition clé est l’article 315, « le partage proportionnel », la même disposition qui a créé un marché continental pour la fourniture d’énergie du Canada. D’après les articles 315 et 309, aucun pays ne peut réduire ou restreindre l’exportation d’une ressource une fois que le commerce en a été établi. Un gouvernement ne peut pas non plus appliquer une taxe à l’exportation ou appliquer des tarifs supérieurs aux consommateurs d’un autre pays de l'ALENA que ceux appliqués à leurs consommateurs nationaux. Il serait garanti que les exportations canadiennes d’eau puissent rester au niveau qu’elles avaient atteint durant les 36 mois précédents. Plus on envoie d’eau au Sud, plus on doit en envoyer. Même si de nouvelles preuves établissaient que de massifs mouvements d’eau étaient dommageables pour l’environnement, ces dispositions resteraient en place.

La ZLEA propose d'ajouter une autre menace envers la souveraineté sur l’eau et sa conservation. Les « Services environnementaux » sont inclus dans la liste des services négociés en ce moment par l'AGCS. Il est très probable que les services environnementaux, qui incluent les services de l’eau, seront également inclus dans la ZLEA. Ceci signifie que les services publics de l’eau pourraient être concurrencés d’après les dispositions établies pour le traitement national de l’accord proposé, forçant ainsi les services publics, tels que ceux assurant la fourniture de l’eau et le traitement des eaux usées, à être privatisés et sous contrat avec des compagnies transnationales comme Suez-Lyonnaise des Eaux et Vivendi. Si n’importe quel gouvernement essaie de maintenir son service public d’approvisionnement en eau, le Chapitre 11 établit que ces compagnies pourraient toucher d’énormes indemnités de compensation.

Cette perte du contrôle public de l’eau est un problème très sérieux pour le Canada, et d’une urgence encore plus grande pour les pays d’Amérique latine, où la privatisation de l’eau, fortement promue par la Banque mondiale, est en train de s’étendre très rapidement.

Combinée avec les accords TBT et MSP de l’OMC et les plans pour des accords permettant une préemption dans le secteur forestier et de la pêche, la proposition d'accord de la ZLEA apparaît comme désastreux pour le système écologique en Amérique.

Culture

Il n’est fait aucune mention de la culture ou des exceptions culturelles dans les mandats des groupes de négociations. Le Canada mentionne la culture dans le préambule du texte définissant sa position en « reconnaissant que les pays doivent maintenir la capacité de préserver, développer et accroître leur politique culturelle dans le but de renforcer la diversité culturelle, étant donné le rôle essentiel que les marchandises culturelles et les services jouent dans l’identité et la diversité de la société et de la vie des individus. » A nouveau, cependant, ce langage utilisé dans le préambule est largement décoratif. Il est fort probable que la culture soit totalement incluse dans le pacte de l’hémisphère ou bien il y aura une « exception » culturelle semblable à celle existant dans l'ALENA. Et cela est presque aussi mauvais que d’y inclure totalement la culture.

Les termes employés pour la culture ont été clairement exposés dans l’annexe 2106 de l'ALENA. Alors qu’un article (le 2005:1) exclut l’industrie culturelle d’un accord, exception faite de l’élimination des tarifications, la privation d’une acquisition indirecte, et la transmission des droits, un autre (le 2005:2), remet le droit culturel en question en donnant aux Etats-Unis le droit d’user de représailles envers le Canada par des mesures « d’effet commercial équivalent » et de le faire en utilisant des secteurs non reliés à la culture. Cependant, un autre article encore (le 2011:2) permet aux Etats-Unis de contourner la procédure de règlement au cas ou on retournerait contre eux le droit de représailles. D’autres paragraphes de l’accord, en particulier ceux traitant des investissements, de la politique de concurrence et des monopoles enfreignent également le droit des Canadiens de protéger leur politique culturelle. 

Cela signifie que les Etats-Unis ont le droit légal de décider unilatéralement si une mesure culturelle canadienne est « incompatible » avec l'ALENA, pour user de représailles envers le Canada et de choisir la nature et la sévérité de ces représailles. Le Canada n’a pas de droits légaux de toutes façons. Il ne peut même pas demander un arbitrage pour juger si les accusations des Etats-Unis sont justifiées et, si tel est le cas, pour s’assurer que les représailles des Etats-Unis sont en rapport avec le préjudice.

Il ressort du mandat des Comités de Négociations de la ZLEA qu’un risque supplémentaire pour les programmes culturels du Canada apparaît dans le chapitre des services de la ZLEA. Si les services culturels sont inclus dans la définition des services, tels qu’ils apparaissent (« couverture universelle de tous les secteurs des services »), et si les principes de traitement national et ceux des nations les plus favorisées s’appliquent à ces services culturels, comme cela semble parti, alors les subventions allouées aux arts et à la culture par les gouvernements pourraient ne plus être allouées exclusivement aux artistes canadiens, aux publications, aux sociétés de production et autres firmes du même genre.

En réalité, à la suite des règles établies par l’OMC , il y ne reste plus que trois formes de protection culturelle au Canada : les subventions des gouvernements, telles celles allouées à la Radio-Canada ou bien à des éditeurs d’ouvrages canadien, les quotas de contenu, telles que les régulations de contenus de la radio et de la télévision, et le contrôle des investissements limitant le niveaux des investissements non Canadiens dans les émissions de radio, les télécommunications et les sociétés de diffusion par câble.

Sous un régime permettant la concurrence directe avec des programmes gouvernementaux, ces trois possibilités pourraient être considérées comme du commerce illégal. Exactement comme il en est pour les programmes sociaux, pour toute aide attribuée à un « service » canadien par le gouvernement – dans ce cas, les services culturels devraient être mis en oeuvre d’une façon non discriminatoire ; les compagnies américaines et les autres sociétés de l’industrie des loisirs de notre continent pourraient exiger des droits égaux en termes de concurrence et recevoir des fonds du gouvernement. Tout comme il en est des programmes sociaux, tout gouvernement qui continuerait à favoriser le secteur culturel canadien pourrait être poursuivi et se voir réclamer des dommages et intérêts par les compagnies transnationales industrielles, depuis les détaillants jusqu’aux distributeurs de films.

Si l'accord de la ZLEA proposé est adopté tel quel, la diversité culturelle canadienne et les industries culturelles canadiennes deviendront une relique du passé.

L’agriculture et la sécurité alimentaire

Les fermiers canadiens ont déjà ressenti les effets extrêmement néfastes de la mondialisation, car le gouvernement canadien a fait des coupes sombres dans les subventions et les aides aux revenus des fermiers avec une ampleur et une rapidité bien supérieure à celle de leurs principaux partenaires commerciaux. Les résultats ne se sont pas fait attendre : 1999 et 2000 ont été les pires années pour les fermiers canadiens depuis 1926, année où le gouvernement canadien a commencé à se distinguer.

En choisissant les accords de l’OMC sur l’agriculture (AOA) et les normes (MSP et TBT), les négociateurs de ka ZLEA projettent de donner par ce pacte de nouveaux pouvoirs afin de restreindre les droits traditionnels des fermiers canadiens et de dévaloriser les lois canadiennes sur la sécurité alimentaire. Sous le contrôle de l’OMC, les fermiers ne peuvent plus négocier collectivement les prix des produits avec les acheteurs nationaux et étrangers. Et l’élimination des aides soutenant les prix des produits agricoles nationaux et destinées à protéger les fermiers les a laissés à la merci des prix du marché international.

L’OMC prohibant le contrôle des importations et des exportations, seuls les très grosses exploitations, les pays puissants, ou les grosses sociétés peuvent survivre. En conséquence, l’Accord de l’OMC sur l’agriculture a presque exclusivement profité aux grandes sociétés d’agrobusiness dans le monde quel que soit leur pays d’origine.

De plus, l’assaut de l’AOA de l’OMC mené contre les mesures non-tarifaires, telles que les normes de l’environnement et les programmes de gestion des ressources a servi à dévaloriser les garanties pour la santé publique et la protection des fermier. Par exemple, à travers l’OMC, les Etats-Unis ont réussi à contourner les tests de détection de résidus de pesticides dangereux pour la santé mis en place par le Japon sur ses importations agricoles. Les pays ne peuvent plus faire des stocks de nourriture pour les situations d’urgence afin d’anticiper d’éventuelles mauvaises récoltes ; ils doivent maintenant acheter ce dont ils ont besoin sur le marché libre. L’autosuffisance alimentaire signifie maintenant avoir assez d’argent pour acheter, et non plus la capacité de le produire.

Le MSP de l’OMC a eu un impact terrible sur le droit qu’ont les citoyens du monde à consommer une nourriture saine. Le Canada et les Etats-Unis ont utilisé avec succès l’accord MSP pour venir à bout d’une interdiction européenne sur le bœuf américain contenant des hormones dangereuses et peut-être cancérigènes. Les Etats-Unis, très sensibles aux rapports insistant sur la maladie de la vache folle, ont mis place une interdiction sur l’usage non thérapeutique des hormones dans leur industrie alimentaire, en citant de nombreuses études liées à cette maladie. Les représentants de l’OMC ont exigé une « preuve scientifique » démontrant que les hormones pouvaient causer le cancer ou avoir d’autres effets néfastes sur la santé, vidant ainsi de son contenu le principe de précaution en tant que base servant à établir les règles de sécurité alimentaire.

L'attitude du ZLEA apparaît comme la promotion d’un modèle d’agriculture dans tout notre continent où la nourriture n’est pas cultivée par les fermiers pour des consommateurs locaux, mais par des sociétés pour le marché mondial.

Quel impact la ZLEA aura-t-il sur les pays d’Amérique Latine ?

Les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du sud, ainsi que les Caraïbes, reçoivent toutes sortes de promesses sur l'accord de la ZLEA : « plus de commerce libéralisé et plus d’investissements vont créer le plus grand dynamisme commercial de toute l’histoire, permettant ainsi aux millions d’habitants de la région, qui sont en majorité sans travail et sans espoir, de connaître la prospérité », leur dit-on.

Les latino-américains devraient examiner ces promesses très soigneusement avant de « faire le saut » dans ce pacte.

La réalité est que l’Amérique latine vit déjà sous le règlement de la ZLEA depuis plus de dix ans. Il est basé sur les programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI, que les Latino-américains connaissent bien. Il a consisté en la déréglementation et les impératifs de privatisation de l’ajustement structurel qui les ont obligés à démanteler leurs infrastructures publiques en premier lieu. Afin d’avoir droit à un allégement de leur dette, plusieurs douzaines de pays des Amériques ont été forcés d’abandonner leurs programmes sociaux, permettant à des sociétés étrangères de s’implanter dans l’unique but de faire des profits et de vendre leur « produits » sanitaires et d’éducation à des « consommateurs » qui ne peuvent se les payer.

A présent, il est permis à ces pays de maintenir leurs services publics de base seulement pour les plus pauvres, mais ces services sont tellement inadéquats qu’ils n’intéressent pas les compagnies étrangères, et les millions de personnes de cette partie de la planète ne disposent pas des services de base indispensables en termes de santé et d’éducation. Il n’est donc pas surprenant que les pays latino-américains soient en train de subir l’invasion des compagnies nord-américaines pour les soins de santé, comme Aetna International et American International, qui affichent une augmentation de 20 % de leur bénéfices par an dans cette région du monde.

Avec la ZLEA, ce processus sera accéléré, balayant ainsi la médecine traditionnelle, l’éducation et la diversité culturelle. « En fait, nos objectifs sont l’économie mondialisée et l’harmonisation culturelle », dit un haut dirigeant nord-américain de l’OMC, qui ajoute "En réalité, cela durera jusqu’à ce que les étrangers finissent par penser comme les Américains, agissent comme les Américains et, surtout, achètent comme les Américains".

La dernière décennie de libéralisation du commerce et des investissements a déjà causé de grandes souffrances en Amérique latine. Les taux d’intérêt sur le paiement de la dette est passé de 3 % en 1980 à plus de 20 % aujourd’hui. L’Amérique latine, en tant que région, a le taux le plus élevé d’inégalité dans la répartition des revenus dans le monde. Après avoir digéré tant bien que mal son marché libre des médicaments, son taux de pauvreté est plus élevé qu’il ne l’était en 1980 et le pouvoir d’achat des travailleurs latino-américains est de 27 % plus bas. Les emplois précaires, sans avantages ni protections, ont augmenté de 85 %. 

Le Mexique, après 8 ans d’adhésion à l'ALENA, a maintenant un taux de pauvreté record qui s’élève à 70 % ; le salaire moyen a perdu plus des trois quarts de son pouvoir d’achat durant ces années. 90 millions de Latino-américains sont maintenant dans l’indigence et 105 millions n’ont pas accès aux soins de santé. Le travail des enfants s’est accru de façon dramatique ; il y a maintenant au moins 19 millions d’enfants qui travaillent dans des conditions terribles. La dégradation massive de l’environnement est le résultat d’une ruée des gens désespérés de la région pour exploiter les ressources naturelles, et l’utilisation de pesticides et d’engrais a triplé depuis 1996 ; il y a maintenant 80 000 substances chimiques produites et utilisées dans les Amériques.

L’exploitation des ressources naturelles par les compagnies canadiennes et les nord-américaines qui a lieu actuellement pourrait augmenter de façon spectaculaire du fait du pacte mis en place dans cet hémisphère. Les compagnies transnationales exploitant les mines, l’énergie, l’eau, l’ingénierie, la forêt et la pêche pourraient avoir un nouvel accès aux précieuses ressources de base de chaque pays et les investisseurs d’état le droit de défier tout gouvernement qui essaierait de leur en limiter l’accès. La possibilité pour les gouvernements de protéger les normes écologiques ou de les mettre en place concernant les ressources naturelles serait grandement réduite, tout comme le droit de protéger les emplois locaux de l’impact de toute activité des compagnies étrangères. 

Une adhésion à la ZLEA dans ces circonstances serait « l’équivalent d’un suicide », dit la coalition des syndicats des pays du Cône sud. En décembre 2000, les plus grands syndicats d’Argentine, du Brésil, du Paraguay et d’Uruguay ont organisé le Sommet des Syndicats du MERCOSUR, et ils ont lancé un appel à leurs gouvernements afin qu’ils soumettent la ZLEA à un référendum national, dont ils pensent qu’il déboucherait sur une défaite. « Le processus du ZLEA est en train d’accroître la pauvreté déjà en augmentation dans la région », ont déclaré les leaders syndicaux, en « limitant le pouvoir des institutions nationales chargées de décider du futur de chaque pays, tandis que les mécanismes qui permettent à la société d’assurer une administration démocratique de l’état sont en train d’être laissés de côté. »

Conclusion

Si les termes et les recommandations des Groupes de négociations du ZLEA représentent la matière essentielle d’un pacte commercial sur le contient, tout le processus est totalement inacceptable et les citoyens des Amériques doivent oeuvrer afin qu’il échoue complètement. En dépit des protestations des gouvernements disant qu’ils ont négocié ces nouvelles règles de commerce et d’investissements en totale collaboration avec leurs citoyens, la proposition d'accord de la ZLEA ne reflète aucunement les voix de la société civile et contient toutes les dispositions considérées comme les plus dommageables par les défenseurs de l'environnement, les groupes défendant la justice sociale et les droits humains, les fermiers, les indigènes, les artistes, les travailleurs et beaucoup d’autres personnes encore. Chaque programme social, chaque réglementation sur l’environnement et les ressources naturelles est mise en danger par l'accord proposé. Tel qu’il apparaît actuellement, il n’y a aucune possibilité de compromis qui puisse rendre ce pacte commercial acceptable.

Cela ne veut pas dire que les citoyens des Amériques sont opposés aux règles régissant les liens commerciaux et économiques entre les pays. A la suite de l’échec de l’AMI, les groupes de la société civile canadienne ont mené une enquête nationale appelée Confrontation sur la Globalisation et maintien de la Démocratie, enquête à laquelle ont participé des centaines de groupes. Les résultats montrent clairement que, basé sur un ensemble de présupposés fondamentaux, telles que la Déclaration universelle des droits de l'homme et des règles fortes sur l’environnement, les citoyens canadiens seraient d’accord pour entrer dans un processus visant à développer des liens plus étroits avec les autres pays des Amériques et du monde entier. Cependant, celui-ci ne peut pas commencer par les pré-requis et les objectifs de la ZLEA.

Ce processus doit commencer par une révision des accords commerciaux internationaux en cours tels que ceux de l’OMC et de l'ALENA. Il est temps d’œuvrer pour un nouveau système commercial international basé sur les fondements de la démocratie, la durabilité, la diversité et le développement, et un très bon travail est actuellement réalisé sur ces alternatives. Pour commencer, le Chapitre 11 doit être retiré de l'ALENA ; l’eau doit faire l’objet d’une exception ; les dispositions sur l’énergie doivent être réécrites avec une attention toute particulière pour la conservation, et la culture doit être totalement exclue du traité.

Et le plus important c’est que le commerce international ne peut plus être laissé exclusivement aux élites protégées, aux bureaucrates commerciaux et aux courtiers regroupés en puissantes corporations. Quand ils comprendront l’enjeu que représente cette négociation dans cette partie du monde, les peuples des Amériques se mobiliseront pour la mettre à bas. C’est le sort qu’elle mérite.

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GATS: How the World Trade Organization's New "Services" Negotiations Threaten Democracy, Scott Sinclair, The Canadian Centre for Policy Alternatives, Ottawa, Ontario, 2000.

The World Trade Organization, A Citizens' Guide, Steven Shrybman, The Canadian Centre for Policy Alternatives, Ottawa, Ontario, and James Lorimer and Co. Ltd, Halifax, Nova Scotia, 1999.

Invisible Government, the World Trade Organization: Global Government for the New Millennium? Debi Barker and Jerry Mander, International Forum on Globalization, San Francisco, 2000.

Avec la collaboration d’Ellen Gould (Vancouver) qui a fait la recherche sur les services, de Sarah Anderson, se l’Institute for Policy Studies (Washington), pour la recherche sur le commerce electronique, et de Karen Hansen-Kuhn, de Development Gap (Washington), pour la recherche sur l’Amerique latine