Rapport sur les négociations commerciales multilatérales
JUILLET 1999
Catherine LALUMIÈRE
Députée européenne
Jean-Pierre LANDAU
Inspecteur général des Finances
Rapporteurs : Emmanuel GLIMET,
Conseiller référendaire à la Cour des Comptes
Olivier BAJALUNA,
Chargé de mission au Parlement européen
SOMMAIRE
1ère
partie : La mondialisation, l’économie, la société et la
coopération internationale
I - Mondialisation et commerce
international
- La libéralisation du commerce international
- La transformation du commerce international
II - La mondialisation et la société
française
- Mondialisation, inégalités, emploi
- Mondialisation et identité culturelle
- La mondialisation et le rôle de l’Etat
III - Mondialisation et coopération
internationale dans le domaine commercial
- Quel système institutionnel pour la
mondialisation ?
- Quelle hiérarchie des règles de droit international ?
- Un renforcement de la coopération entre institutions
internationales
- Une conception " large " de la négociation
commerciale multilatérale
2ème partie : Une négociation
différente des précédentes
I - L’environnement du système
commercial
- Instabilité financière et ouverture économique
- Déséquilibres et conflits commerciaux ; les
difficultés transatlantiques
- Le développement des ensembles régionaux
- L’intégration des pays en développement dans le
système commercial
II - Le contenu du débat commercial
- Les sujets traditionnels de négociation
- Les droits de douane industriels
- L’agriculture
- Les services et la diversité culturelle
- La propriété intellectuelle
- L’inscription de nouveaux sujets à l’ordre du
jour des négociations
- L’investissement
- La concurrence
- L’environnement et les questions de santé
publique
- Les normes sociales
III - La réforme de l’OMC
- Une structure plus étoffée
- Des procédures plus transparentes
- Conforter la légitimité de l’Organe de règlement
des différends
3ème partie : Eléments
pour une approche française et européenne
I - La France a trois raisons
d’aborder les prochain cycle dans un esprit positif
II - Un ordre du jour large et
ambitieux
III - Un format de négociations adapté
Annexe : liste des personnes
rencontrées
Avant-propos
Au cours des dernières décennies, le développement
du commerce international a contribué à la croissance économique
globale. Dans ce processus, les cycles successifs de négociations
multilatérales ont joué un rôle moteur.
Mais l'interdépendance économique atteint
aujourd'hui une dimension nouvelle. Au delà des flux commerciaux, elle
s'exprime également par les mouvements de capitaux, de personnes et,
surtout, d'informations et d'idées.
C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier
l'opportunité, la forme et le contenu d'une nouvelle négociation
commerciale multilatérale. La mondialisation peut apparaître à nos
concitoyens tout à la fois pleine d'opportunités et source de vives
inquiétudes. La négociation doit permettre d'exploiter les premières
et d'apaiser les secondes en traitant des sujets qui préoccupent les
citoyens. Pour cela, il est nécessaire, au delà du cercle des négociateurs
et des professions concernées, que toute la société civile puisse
participer. Tel est l'objet de la consultation à laquelle le Premier
Ministre nous a demandé de procéder, et qui a donné lieu à ce
rapport.
Il est aujourd'hui acquis qu'un nouveau cycle de négociations
commerciales multilatérales sera lancé en décembre 1999 lors de la
conférence ministérielle de l'OMC, à Seattle. A ce jour, l'ordre du
jour des négociations n’est pas défini. Ce sont les 134 pays membres
de l’OMC qui en décideront en arrêtant ensemble le calendrier, le
contenu et le format du futur cycle.
Il est hors de question que la France puisse se désintéresser
de cette négociation. Elle y sera présente au travers de l’Union
européenne qui négociera au nom des Quinze. Et son rôle direct ou
indirect peut être important non seulement pour les intérêts français
mais aussi pour la recherche d’un équilibre entre les différentes
parties du monde en tenant compte notamment des pays en voie de développement.
Un désengagement de la France et de l’Europe risquerait de laisser le
champ libre à d’autres influences, ne serait-ce que celle des
Etats-Unis d’Amérique.
Dans cette perspective, la France doit définir avec
les autres pays de l’Union Européenne, les bases du mandat de
négociation qu’elle entend confier à la Commission qui représentera
les intérêts européens à l’OMC au nom des Etats membres.
C'est naturellement au Gouvernement qu'il appartient
de définir la position française. Sur la base des consultations que
nous avons conduites, ce rapport a pour but d’identifier les
principaux enjeux, pour l'économie et la société françaises, de ces
négociations. Il s'organise en trois parties : une discussion générale
des effets de la mondialisation économique et de ses conséquences sur
l'environnement de la négociation ; un examen des principaux
enjeux ; enfin, la présentation des éléments d'une approche française
et européenne de la négociation.
[...]
Conclusion
Les prochaines négociations commerciales multilatérales,
dans le cadre de l’OMC, s’inscrivent dans un long processus qui vise
à réaliser le développement et la croissance par la libéralisation des
échanges entre tous les pays et par l’ouverture vers l’extérieur des
économies nationales.
Certains redoutent cette ouverture au point de chercher
à la ralentir, voire à la bloquer. Le rapport qui précède ne
s’inscrit pas dans cette démarche non seulement parce qu’il ne semble
pas souhaitable de revenir à des attitudes fermées ou protectionnistes,
mais encore parce que ce refus semble techniquement illusoire et
finalement impossible.
Par contre ce rapport a cherché à analyser de façon
réaliste les données des problèmes afin de dégager les conditions qui
doivent être satisfaites pour que la libéralisation se fasse en tenant
compte des aspirations des populations.
Réaliser cet équilibre a toujours été difficile.
Mais aujourd’hui, le défi est plus aigu que jamais. La mondialisation
imprègne l’ensemble de la vie économique et sociale. Elle paraît, à
travers l’affaiblissement des instruments traditionnels
d’intervention, mettre en cause la capacité des Etats à définir et à
maîtriser leur destin.
D’où un changement d’attitude vis à vis des
organisations internationales. A tort ou à raison, celles-ci sont de plus
en plus perçues par la société civile comme le lieu du débat
politique, là où se discutent et se tranchent les grandes questions de
l’avenir. Ces institutions suscitent donc à la fois beaucoup
d’espoirs, d’appréhensions, et de rejets, alors même que leur légitimité
et leur capacité d’action restent étroitement liées à celles des
Etats qui les composent.
L’OMC n’échappe pas à cette ambiguïté. Héritière
de la tradition libre-échangiste, elle est aussi devenue, par la force de
son mécanisme de règlement des différends, une machine à produire des
normes et des règles de droit international. Les limites s’effacent
parfois entre le champ de la négociation et celui de la jurisprudence.
L’OMC suscite ainsi, selon les perspectives des uns et des autres, des
craintes ou des espoirs sans doute excessifs. Car elle reste, avant tout,
l’expression de la volonté de ses membres, dont l’histoire la plus récente
montre qu’elle s’exprime difficilement de manière cohérente.
Il dépend donc de la future négociation que l’OMC
assume ou non un rôle important dans la conduite de la mondialisation. Ce
rapport défend, à cet égard, une approche ambitieuse mais réaliste. Il
s’éloigne de la vision réductrice que certains voudraient imposer, à
travers un ordre du jour étroit et limité aux seules questions d’accès
aux marchés. Il est important que les négociateurs se penchent sur le
système commercial lui-même, son fonctionnement, sa configuration, son
évolution, et son impact sur l’équilibre de nos sociétés. En même
temps, il serait dangereux de croire que l’OMC peut tout régler. Son
mandat est de libéraliser les échanges, pas de définir les normes de la
coopération internationale dans des domaines aussi variés que
l’environnement, les régimes sociaux, voire les politiques de la
concurrence. C’est seulement quand des accords auront été conclus
ailleurs dans ces divers domaines qu’il sera possible d’en tirer les
conséquences pour les politiques commerciales.
Quant aux Etats, leur rôle reste essentiel. C’est
eux qui doivent assurer la tâche de veiller à l’harmonie de
l’ensemble.
Pour l’heure, les Etats, principaux décideurs pour définir
le cadre dans lequel la vie économique va se développer, ont la lourde
responsabilité de surmonter leurs divergences, de coordonner leurs
efforts, et de prendre des décisions. La question qui leur est posée est
finalement de savoir comment libéraliser les échanges internationaux
selon des règles qui s’appliquent à tous, tout en tenant compte de la
diversité du monde.
Ce faisant ils doivent arbitrer entre les multiples intérêts
divergents qui traversent leurs sociétés, entre le court et le long
terme, entre le développement économique, et la prise en compte de
points de vue très variés (santé, environnement, protection sociale,
diversité culturelle,…). Bien évidemment ceci implique que les Etats
soient à l’écoute des représentants de la population :
parlementaires, syndicats, associations, organisations professionnelles…
Dans ce contexte, la France a non seulement ses intérêts
à défendre. Avec l’aide de ses quatorze partenaires au sein de
l’Union européenne, elle peut aussi favoriser un meilleur équilibre
entre les différents parties du monde, en renforçant l’Europe face aux
Etats-Unis, en aidant les pays en développement à trouver leur place, en
soutenant les pays émergents, bref en ayant un rôle ouvert, dynamique et
généreux dans un monde commercial de plus en plus divers et
multipolaire. Elle ne peut réussir seule. Mais la France peut contribuer
à instaurer un climat de confiance au sein de l’OMC, et promouvoir
cette mondialisation à visage humain qui est aujourd’hui nécessaire.
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