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GROUPES LOCAUX Moselle (57) - Documents

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LES FONDS DE PENSION

Synthèse réalisée par Attac 57 à partir du dossier «fonds de pension» présenté sur le site ATTAC

I - RÉPARTITION ET CAPITALISATION

Actuellement, le système de retraite par répartition prévaut en France : les pensions versées aux retraités sont financées par les cotisations sociales prélevées sur les actifs ayant un emploi, selon un principe de solidarité intergénérationnelle. Les cotisations que les actifs paient ne sont pas mises en réserve, mais immédiatement versées à des retraités : on ne cotise donc pas pour sa propre retraite, mais pour celles des autres. C'est pourquoi il s'agit bien d'un contrat social entre actifs et inactifs. L'équilibre financier du régime de retraite par répartition est à chaque moment : taux de cotisation x rémunération moyenne des actifs x nombre d'actifs = pension de retraite moyenne x nombre de retraités (éq. 1). La pérennité d'un régime de retraite par répartition dépend donc avant tout de l'évolution des salaires et du nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités.

En revanche, les fonds de pension, ou retraite par capitalisation, constituent un système fondé sur l'accumulation d'une épargne individuelle. Un individu touchera à l'âge de la retraite - en une seule fois ou par versements périodiques - la somme du capital qu'il aura épargné et les intérêts produits par ce capital.

Les gestionnaires des fonds de pension privilégient deux types de placements. En premier lieu, ceux sous forme de titres de la dette publique et d'obligations émises par les Etats de par le monde, notamment dans les pays industrialisés. Dans la première moitié des années 90, ceux-ci ont représenté 20 % à 25 % des actifs des fonds américains, et environ 15 % de ceux des fonds britanniques. La seconde forme majeure de placement consiste en portefeuilles d'actions cotées dans les principales Bourses de valeur. Elle représente quelque 45 % à 50 % des actifs des fonds de pension américains, mais jusqu'à 65 % de ceux des fonds britanniques.

II - POURQUOI INSTAURER DES RETRAITES PAR CAPITALISATION ? DES ARGUMENTS FALLACIEUX

A - FAIRE FACE À UN CHOC DÉMOGRAPHIQUE


1 - Les chiffres avancés

La part des personnes âgées (+ de 65 ans) dans la population totale va fortement augmenter au cours des prochaines décennies. Dans l'Union européenne elle passera de 15% à 20% entre 1995 et 2020.

Conséquence mécanique, le nombre de personnes d'âge actif (entre 15 et 64 ans) par personne âgée va fortement diminuer. Il passera de 4,4 actifs en 1995 pour une personne âgée à 3,2 en 2020.

y aura donc proportionnellement de moins en moins d'actifs pour financer les retraites. Le ratio "dépendance vieillesse" mesure l'accroissement de la charge économique, toutes choses égales par ailleurs - c'est à dire avec les même règles qu'actuellement et à partage des richesse constant -, qui pèsera sur les actifs à cause des changements démographiques. Il augmentera de 35% entre 1995 et 2020.

En France, le nombre de cotisants est aujourd'hui deux fois supérieur à celui des retraités. Ce rapport devrait se dégrader fortement à partir de 2010 pour descendre, selon certaines prévisions, jusqu'à seulement 1,3 ou 1,2 cotisant pour un retraité en 2040 avant de remonter ensuite.


2 - Et si l'on comptait autrement ?

Actuellement, le nombre de personnes en âge de travailler est trois fois plus élevé que celui des personnes âgées (35,3 millions de 15-60 ans pour 12 millions de plus de 60 ans). Si l'on prend la seule population active face à l'ensemble des retraités et des personnes âgées, le rapport n'est plus que de 2 (25,8 et 13,2 millions de personnes). Si l'on prend la population active occupée face à l'ensemble des retraités, des personnes âgées et des chômeurs, le rapport tombe à 1,4 ! On compte en effet 22,7 millions d'actifs occupés et 16,3 millions de retraités, personnes âgées et chômeurs. On voit à ces chiffres, calculés sur la base des données de l'enquête emploi de l'INSEE de mars 1998, que la situation dont on nous menace pour 2030 est en fait voisine de celle d'aujourd'hui si l'on prend en compte le chômage. En conséquence, une remontée de l'emploi, qu'elle résulte de la croissance ou d'une autre répartition du travail tout le long de la vie, suffirait à modifier l'équation des retraites.

Il ne faut pas non plus oublier que les jeunes sont également à la charge des actifs et si l'on retient le rapport nombre d'inactifs (jeunes + personnes âgées) / nombre d'actifs celui-ci n'augmentera que de 8 % d'ici 2020.

Enfin, il ne faut pas oublier que si la productivité horaire de chaque salarié continue à croître au rythme de 2 % par an (rythme moyen constaté sur la période 92-94), elle aura en 2040 été multipliée par 2,4. Et ce à durée de travail égale. Autrement dit en 2040, la production de 1,7 salarié sera égale à celle de 4 salariés de 1995 : elle pourra donc financer davantage de retraites.

Cette approche permet de relativiser la prétendue catastrophe démographique qui nous est annoncée!


3 - Et si on discutait des termes de l'équation (1) ?

Rappel : taux de cotisation x rémunération moyenne des actifs x nombre d'actifs = pension de retraite moyenne x nombre de retraités

Les taux de cotisations pourraient être accrus, on nous dit que c'est insupportable. Ceci est un autre débat - mettons le de coté.

Pourquoi l'assiette de ces cotisations n'est elle constituée que de la rémunération du travail ? Il serait fort intéressant de l'élargir aux revenus du capital ! (« Au sein de l'Union européenne où, rapportée à l'ensemble des recettes du fisc, la part provenant de l'imposition des revenus du capital et des travailleurs indépendants n'a cessé de baisser - de 50 % en 1980 à seulement 35 % en 1994 - tandis que celle provenant de la fiscalité des salaires augmentait de 35% à 40% au cours de la même période » Howard M. Wachtel, Trois taxes globales pour maîtriser la spéculation - Le Monde diplomatique, octobre 1998). Au-delà, l'ensemble de la richesse produite (valeur ajoutée, par exemple) pourrait participer au financement.

On ne discutera pas des autres termes de l'équation : le nombre des actifs et des retraités sont des données démographiques ; il ne semble pas souhaitable d'abaisser le montant moyen de la pension de retraite (quoi qu'un plafonnement de certaines pensions soit envisageable).

B - ASSURER UN MEILLEUR TAUX DE RENDEMENT


1 - Ce qui est dit : le rendement du système par capitalisation est supérieur au rendement du système par répartition

« La "compétitivité" d'un système de retraite s'apprécie à partir de son "rendement", c'est-à-dire du rapport de la valeur actualisée des prestations promises à la valeur actualisée des cotisations versées au cours de la vie active. Dans les régimes de retraite par répartition, ce rendement est proche, en longue période, du taux de croissance de l'économie. Dans les régimes par capitalisation, il est égal au rendement des actifs financiers et supérieur en longue période au taux de croissance de l'économie. » (Retraites et épargne, Conseil d'analyse économique, 1998 )

En résumé, le taux de rendement ( montant des pensions reçues / montant des cotisations versées) de la capitalisation serait supérieur à celui de la répartition.


2 - A condition que les titres de créances détenus par les retraités ne se déprécient pas !

Or, les causes de dépréciations sont extrêmement nombreuses :

- si l'inflation est quasi inexistante aujourd'hui, qu'en sera-t-il dans 20 ans et après ?

- les risques de krach boursiers ne peuvent pas être écartés et ils auraient pour effet de priver, en quelques jours, des millions (voire des dizaine de millions) de retraités de l'essentiel sinon de la totalité de leur revenu. (ex : Quelle rente verserait un fonds de pension dont les capitaux auraient été placés en titre de dette mexicaine, en immobilier de bureau à Tokyo, en actions des firmes des pays asiatiques - investissements considérés comme très sûrs il y a peu)

- les retraités vont vendre leurs actions pour financer leur retraite, les cours des actions vont donc inévitablement baisser. Alors qu'aujourd'hui, la hausse des cours de bourse s'explique en partie par une augmentation de la population en âge d'épargner (entre 40 et 60 ans).


C - FINANCER LES ENTREPRISES FRANÇAISES


1 - Ce qui est dit : les entreprises françaises ont besoin de capitaux

Selon le patronat, les entreprises françaises manqueraient de capitaux. Le supplément d'épargne constitué par les versements aux fonds de pension français permettrait de renforcer la capitalisation des entreprises françaises et d'éviter qu'elles passent sous le contrôle des fonds de pension anglo-saxons. Il est vrai que, dans certaines grandes entreprises, ces fonds de pension détiennent jusqu'à la moitié du capital.

L'instauration des fonds de pension serait dans ce cas moins justifiée par le problème des retraites que par celui des entreprises françaises.


Forum de Davos 1999


2 - Leur taux d'autofinancement est proche de 120 %

D'une part, les entreprises françaises s'autofinancent largement (leur bénéfice net ajouté aux dotations aux amortissements et provisions couvre largement leurs dépenses d'investissement). Cette abondance de capitaux est telle que certaines entreprises les utilisent pour racheter leurs propres actions, afin d'en faire monter le cours et, ainsi, se protéger des raids possibles de leurs concurrents.

D'autre part, le volume d'épargne est déjà important en France (la capacité de financement des ménages français était de 449 milliards en 1997, le taux d'épargne de 14,6 %, le taux d'épargne financière 7,6 % - INSEE, L'économie française 88-99, le livre de poche), mais, par exemple, les quelque 2 500 milliards de francs de l'assurance-vie ne sont que marginalement investis en actions. Ce qui est en cause n'est donc pas l'absence d'épargne en France, mais sa mauvaise orientation. De plus, cette injection d'argent "frais" ne se produira que pendant la phase de montée en puissance du système. Ensuite, les nouveaux retraités liquideront leur patrimoine mobilier, un patrimoine que se mettront précisément à accumuler les futurs retraités : il s'agira donc d'un transfert et non plus d'une création.

En outre, il est fort probable que l'épargne-retraite se substituerait simplement aux formes d'épargne déjà existantes, notamment à l'assurance-vie.

Enfin, un surcroît d'épargne freinerait la consommation, alors que l'insuffisance des débouchés explique la faiblesse de l'investissement. La croissance déjà extrêmement incertaine en serait encore fragilisée.


III - LES CONSÉQUENCES DE L'INSTAURATION DES FONDS DE PENSION

A - LE DÉPÉRISSEMENT DU SYSTÈME PAR RÉPARTITION

Pour que les salariés préfèrent verser aux fonds de pension plutôt que cotiser davantage dans le système de répartition, il faut qu'ils y soient encouragés financièrement. Les allégements fiscaux, parce qu'ils coûtent chers à l'état, ne sont en général pas assez incitatifs. La loi Thomas votée sous le gouvernement Juppé - les décrets n'étant jamais parus pour cause d'élection, cette loi est inapplicable - prévoyait donc des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui abondaient à un fonds de pension. Cette mesure aurait entraîné une série de conséquences en chaîne. L'exonération de charges sociales aurait entraîné une baisse de ressources pour le système par répartition. Celle-ci aurait donc générée des prestations moins importantes, ce qui aurait nécessité pour les individus qui le peuvent de souscrire encore plus à la capitalisation. La boucle aurait été ainsi bouclée et la capitalisation se serait progressivement substituée à la répartition. Selon les syndicats, les avantages concédés à l'épargne orientée vers les fonds de pensions représenterait pour le système de répartition, une perte de cotisations de 17 à 18 milliards de francs

B - LA FINANCE CONTRE L'EMPLOI ET LA CROISSANCE

Les fonds de pension ne peuvent qu'avoir une logique de court terme (aux Etats-Unis, la durée moyenne de détention d'un titre par les fonds de pension ne dépasse pas sept mois.). Payant les retraites de leurs affiliés, ils sont obligés d'avoir des critères de rentabilité immédiate (un accroissement des performances financières des entreprises et des taux d'intérêts réels élevés) pour pouvoir faire face à leurs échéances de paiement. Ils sont donc amenés à exiger des rendements élevés pour leur capitaux avec la menace de se retirer si tel n'était pas le cas.

En tant que souscripteurs à un fonds de pension, les salariés réclameront des taux d'intérêt réels élevés et une amélioration du rendement financier de leurs actions, quitte à ce que l'entreprise sacrifie ses employés ou son développement de long terme, alors que, comme salariés, ils souhaiteront une politique de croissance et de soutien au pouvoir d'achat, qui peut passer par une baisse des taux d'intérêt ou de moindres dividendes pour les actionnaires.

Cela entraîne une domination de la logique de court terme dans les entreprises où la rentabilité financière immédiate est préférée aux investissements sur le long terme, avec toutes les conséquences connues en matière d'emploi. A coups de restructurations, de "dégraissage" (downsizing) des effectifs et d'austérité salariale, les investisseurs institutionnels sont parvenus, dans le cadre du corporate governance, à accroître le rendement des actions au rythme de 13 % par an depuis le début des années 90.

On assiste donc à l'instauration d'un capitalisme privilégiant la rente au détriment du capital productif, avec comme conséquence logique le comportement spéculatif des capitaux. La Grande-Bretagne, pays dans lequel les fonds de pension ont un poids considérable, a vu ainsi son tissu productif quasi détruit en quelques années.

C - UN ACCROISSEMENT DES INÉGALITÉS

1 - La mise en place de fonds de pension risque d'aggraver les inégalités entre individus :

inégalités entre les riches et les pauvres, puisque leurs capacités respectives d'épargne sont très différentes, inégalités entre ceux qui ont un emploi stable toute leur vie et ceux qui alternent des emplois précaires, inégalités aussi entre les salariés des grandes entreprises, qui verseront des cotisations supplémentaires, et les salariés des petites entreprises ne bénéficiant pas d'un tel avantage.

Les fonds de pension concernent actuellement moins de la moitié des salariés en Grande-Bretagne (essentiellement les hommes qualifiés dans les grandes entreprises), alors qu'aux USA 10% des salariés possèdent les 2/3 des actifs des fonds de pension.

La mise en place d'un système par capitalisation aura pour conséquence un accroissement des inégalités. Seuls les plus aisés qui ont les moyens d'épargner souscriront de façon significative à un tel système.

2 - La mise en place de fonds de pension permettrait d'exploiter les pays en développement :

« Le véritable apport des fonds de pension, c'est de permettre de prélever une partie de la croissance extérieure. A travers les fonds de pensions anglo-saxons, américains entre autres qui possèdent, par exemple, 30% de capital de Renault, les travailleurs domiciliés en France participent déjà au financement des retraites américaines. Si nous ne bougeons pas, dans dix ans, à travers les fonds de pensions, une part de la croissance intérieure financera les pensions de non-résidents, alors que nous n'aurons que notre propre croissance pour financer nos propres pensions.
Les régimes de répartition s'appuient exclusivement sur la croissance intérieure. Seuls les fonds de pension permettent de prélever sur la croissance externe.(...)
En participant par exemple au financement de la croissance d'un pays comme la Chine, les fonds de pension prélèveront sur la production intérieure brute chinoise. Cette idée n'a rien de "néo-impérialiste". » (Jean-Claude Boulard, député PS de la Sarthe dans Le Monde, vendredi 13 novembre 1998)

« Dans sa grande sagesse, le socialiste Boulard vient de redécouvrir le fonctionnement du capitalisme : tu avances un fonds, tu fais bosser des mecs, et tu récupères la mise. "Le fonds de pension permet de prélever une partie de la croissance extérieure". En 1900, les Français espéraient pomper le Russe à travers les emprunts. Ils ont été largement baisés. Boulard, qui connaît l"Histoire, réclame donc une régulation mondiale des fonds de pension. Bref, une "moralisation du capital" (...) » (Oncle Bernard - Charlie Hebdo, 18 novembre 1998)

« Hier, l'impérialisme consistait à importer des produits primaires ou des matières premières à vil prix. Demain, il consistera à rapatrier des revenus tirés du travail des exploités du monde entier » (J.M. Harribey - Le Monde , 5/11/98)

Illustrations : Le Monde, Alternatives Economiques

 

 

 

 

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