Séance du 1er décembre 1999
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
[...]
Article additionnel avant l'article 24 quinquies (p. 17)
Amendement n° I-158 de M. Bécart. - MM. Jean-Luc Mélenchon, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jacques Oudin, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques-Richard Delong, Bernard Angels, Joël Bourdin, Mme Gisèle Printz, MM. Yves Fréville, Paul Loridant, Charles Descours, Hilaire Flandre, Philippe Arnaud. - Rejet par scrutin public.
[...]
Article
additionnel avant l'article 24 quinquies
M. le président.
Par amendement n° I-158, MM. Bécart, Bel, Mmes Bergé-Lavigne,
Bidard-Reydet, Borvo, Boyer, MM. Bret, Carrère, Charzat, Collin, Debarge,
Delfau, Mme Derycke, MM. Fischer, Haut, Lefebvre, André Lejeune,
Loridant, Mme Luc, MM. Mélenchon, Miquel, Pastor, Piras, Plancade, Mmes
Pourtaud, Printz, MM. Renar, Saunier, Mme Terrade, M. Verges, M. Auban,
Mme Beaudeau, MM. Dreyfus-Schmidt, Duffour, Foucaud, Labeyrie, Lagauche,
Le Cam, Moreigne et Ralite proposent d'insérer, avant l'article 24 quinquies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après
l'article 985 du code général des impôts, il est inséré un article
ainsi rédigé :
« Art...
- Il est institué une taxe spéciale sur les opérations, au comptant ou à terme,
portant sur les devises, dont le taux est fixé à 0,05 %.
« Sont
exonérées de cette taxe les opérations afférentes :
« - aux
acquisitions ou livraisons intracommunautaires ;
« - aux
exportations ou importations de biens et services ;
« - aux
investissements directs au sens du décret n° 89-938 du 29 décembre 1989
modifié réglementant les relations financières avec l'étranger ;
« - aux opérations
de change réalisées par les personnes physiques et dont le montant est
inférieur à 500 000 francs.
« La taxe est due
par les établissements de crédit, les institutions et les services
mentionnés à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative
à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, les
entreprises d'investissement visées à l'article 7 de la loi n° 96-597
du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières et par les
personnes physiques ou morales visées à l'article 25 de la loi n°
90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes
financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant du
trafic de stupéfiants.
« La taxe spéciale
est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et
sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du code général
des impôts. Elle est due pour les opérations effectuées à compter du
1er juillet 2000.
« Un décret
fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole
est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, vous l'avez sans doute appris, dix-sept sénateurs ont décidé
de se regrouper pour se constituer en un comité ATTAC - association pour
la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens - lié
à cette association nationale dont le président est M. Bernard Cassen,
pour se faire l'écho auprès de vous des initiatives citoyennes qui sont
prises en faveur notamment de la taxation des mouvements de capitaux qui déstabilisent
l'économie mondiale.
Ces sénateurs
ont pris l'initiative de proposer un amendement allant dans ce sens. Ils
ont été rejoints par un certain nombre de leurs collègues. En sorte
que, à cette heure, ce sont quarante-six sénateurs qui ont l'honneur de
vous faire cette proposition et qui m'ont désigné pour vous la présenter.
Il s'agit
de taxer les mouvements de capitaux qui, aujourd'hui, perturbent l'économie
mondiale. J'ose le dire, lorsque ces quarante-six sénateurs s'expriment,
en vérité, ils font état d'un sentiment bien plus largement répandu
et, en tout cas, je le sais, unanime sur les travées de la gauche, même
s'il arrive que, sur l'appréciation des moyens à mettre en oeuvre, les
avis puissent diverger.
C'est un état
d'esprit qui proteste contre un ordre du monde où la toute-puissance de
l'argent peut jeter à bas des années d'efforts, d'économies, de
travail, d'application et de peine de peuples entiers dès que, ici ou là,
un profit semble à portée d'un mouvement d'ordinateurs ou d'une spéculation.
Nous constatons ainsi que ce sont plus de 1 500 milliards de dollars qui
s'échangent chaque jour, dont une proportion infime correspond à des
transactions réelles et à des richesses réelles, et le reste est
exclusivement à vocation spéculative.
On le sait,
sur la masse de ce qui s'échange, 80 % des placements de cet ordre sont
au maximum d'une durée de sept jours. En réalité, ces mouvements se déroulent
pour l'essentiel en une seule journée. C'est assez dire leur vocation spéculative
!
C'est
pourquoi nous proposons que ces mouvements, que l'on dit erratiques et que
je qualifierai moi, de hautement intéressés, soient taxés à proportion de
0,05 % de leur montant. Ainsi, ceux qui se placeraient avec une vocation
productive et correspondraient à une transaction matérielle réelle se
trouveraient fort légèrement taxés, tandis que ceux qui ont vocation à aller et venir d'une
place à une autre, d'un jour sur l'autre, se trouveraient bien évidemment,
du fait même de la répétition de ces mouvements, taxés jusqu'à 20 % au
maximum pour des mouvements quotidiens.
Ce
dispositif que je soumets au Sénat a déjà été présenté non
seulement à l'Assemblée nationale mais aussi au Parlement européen.
En
l'adoptant, le Sénat adresserait un message en étroite conjonction
temporelle avec ce qui se déroule, ici et là, dans le monde entier, et
tout spécialement à Seattle, autour du nouveau round, dit-on dans
ce franglais maintenant devenu habituel, autour de cette nouvelle manche
de négociations qui visent à transformer le monde entier en une
marchandise négociable et à laquelle s'opposent des gouvernements, des
formations politiques, des syndicats et une masse immense de citoyens.
En
l'adoptant, le Sénat serait en phase avec ceux qui veulent un monde plus
juste, où la peine, l'effort et le travail productif ne se trouveraient
pas sans cesse sous la menace d'une décision individuelle à caractère
purement spéculatif.
En
l'adoptant, le Sénat s'inscrirait dans la démarche citoyenne qui anime
le monde sur ces questions aujourd'hui.
Le vote qui
va avoir lieu dans un instant, sur votre initiative, monsieur le président,
sera entendu - et c'est bien le sens de ce que nous entreprenons - comme
un appel à la lutte et, peut-être plus encore, comme un signal du refus
de la résignation.
C'est le rôle
des parlementaires que de se faire ici l'écho des préoccupations de nos
concitoyens et de leur montrer en retour qu'il n'y a rien d'inéluctable
ou de fatal à ce que les choses soient ainsi, et que l'action législative
peut les corriger. (Applaudissements sur certaines travées socialistes
ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe
Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à
cette proposition qu'elle considère comme mauvaise dans son principe et
inopérante dans son dispositif.
Elle est
mauvaise dans son principe, car on ne peut pas réguler l'économie
d'aujourd'hui avec des effets de manches. On ne peut pas nier que nos économies,
en particulier celles du monde développé, communiquent librement, sont
interconnectées et que la prospérité de nos différents pays est
proportionnelle à l'ouverture des frontières et à l'amplification des
flux économiques et financiers.
Mes chers
collègues, si vous examinez les cycles d'activité de notre pays, vous
constatez que les périodes les plus prospères ont correspondu à des périodes
d'ouverture et d'amplification des échanges internationaux et que les périodes
de tristesse, de repli, ont souvent été les périodes de fermeture,
d'autarcie, de protectionnisme.
Certes,
vous nous parlez des transactions financières et vous utilisez le mot «
spéculation », qui est facile à employer mais difficile à définir.
Naturellement,
en y mettant un contenu moral, la spéculation est quelque chose
d'horrible. Mais si l'on regarde les ressorts de l'activité économique,
les ressorts de la prise de risque, les ressorts de l'esprit d'entreprise,
ne faut-il pas toujours anticiper, c'est-à-dire prendre des paris,
accepter de se situer dans un environnement dur, difficilement prévisible,
pour aller de l'avant, pour créer, investir et développer.
Tout
entrepreneur est quelque part et à un moment donné un spéculateur, dans
le bon sens du terme. Où commence, où s'arrête, où devrait s'arrêter
la spéculation frappée d'un opprobre moral ou politique ? Je pose la
question. Il existe maints traités sur ce sujet, il y a des écrits extrêmement
savants dans tous nos pays. Il va de soi que l'on ne peut pas trancher un
tel débat en quelques mots.
Au nom de
la commission, je considère que cette initiative est largement démagogique
(Exclamations sur les travées socialistes) car elle vise à
utiliser les insatisfactions et les frustrations pouvant exister dans une
partie de l'opinion publique et à les retourner contre des boucs émissaires.
(Protestations sur les mêmes travées.) La stratégie du bouc émissaire
a toujours servi à tout moment de la vie politique, mais ce n'est
certainement pas une bonne méthode ; en tout cas, elle n'est pas digne de
l'action politique telle que, les uns ou les autres, nous pouvons
souhaiter la mener. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. N'y allez-vous pas un peu fort ?
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Non, je n'y vais pas un peu fort !
Utiliser l'ignorance pour braquer l'opinion publique contre des boucs émissaires
quels qu'ils soient, mes chers collègues, porte en germe tous les
totalitarismes. (Protestations sur les travées socialistes et sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Croyez-moi,
c'est ainsi qu'ils procèdent et qu'ils commencent ! Utiliser l'ignorance
pour chercher des boucs émissaires, je le répète, porte en germe tous
les totalitarismes !
M. Marcel
Charmant. C'est scandaleux !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Qu'avez-vous mangé, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe
Marini, rapporteur général. C'est vous qui me donnez les ingrédients
!
M. Jean-Luc
Mélenchon. Moi, je n'ai pas utilisé ce vocabulaire, monsieur Marini !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Cet amendement, en termes
parlementaires, pardonnez-moi de vous le dire - ne le prenez pas mal -
c'est de la « mal-bouffe ». (Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Michel
Sergent. Il y a des limites !
Mme
Marie-Claude Beaudeau. Ça, ce n'est pas de la démagogie ?
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Quant au dispositif lui-même, il est
inopérant, c'est clair. Vous le savez bien, ce n'est pas un Etat qui va,
à lui tout seul, changer les règles du jeu mondiales ni même européennes.
Puisque
vous vous intéressez à ces sujets...
M. Marcel
Charmant. Vous n'êtes pas les seuls à vous y intéresser !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous nous y intéressons mais nous ne sommes pas intéressés
!
M. Philippe
Marini, rapporteur général. ... je voudrais vous indiquer des
pistes, peut-être un peu plus constructives. Au sein de la commission des
finances, nous avons, depuis le début de cette année, un groupe de
travail totalement pluraliste, qui s'est souvent réuni et qui se
concentre sur les questions de régulation financière et monétaire
internationale. Siègent dans ce groupe des représentants de tous les
groupes politiques, en particulier des vôtres. M. Massion, pour le groupe
socialiste, et M. Loridant, pour le groupe communiste républicain et
citoyen, peuvent témoigner du caractère objectif et ouvert des travaux
que nous conduisons.
Mme Danièle
Pourtaud. Nous n'avons pas encore eu ses conclusions !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Quelle piste pouvons-nous proposer à
votre sagacité ? Cette piste est meilleure sans doute que celle qui est
proposée dans votre amendement et que j'ai qualifiée, sans doute de manière
un peu excessive (Exclamations sur les travées socialistes),...
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous m'avez traité de démagogue, d'indigne et
d'autoritariste !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Mais nous nous connaissons
suffisamment pour qu'il y ait un peu de fantaisie dans nos discussions.
Mme Danièle
Pourtaud. Vous êtes fidèle à votre réputation ! Ça c'est sûr !
M. Marcel
Charmant. Vous appelez ça de la fantaisie !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Si c'est de la fantaisie, j'accepte !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie.
Monsieur le
rapporteur général, aux termes du règlement du Sénat, votre temps de
parole n'est pas mesuré. Mais, pour répondre au souhait exprimé par M.
le président de la commission des finances, et que je partage, je vous
demande d'être aussi concis que possible, afin que nous puissions achever
nos travaux dans le délai prévu.
Veuillez
poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Monsieur le président, moins je
serai interrompu et plus je serai bref !
M. Marcel
Charmant. Il ne faut pas provoquer !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Ne me provoquez pas, sinon je
continuerai à développer d'autres arguments.
M. Jean-Luc
Mélenchon. C'est vous qui provoquez !
M. Marcel
Charmant. Chantage !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Parmi les pistes que vous seriez
inspirés d'explorer et, peut-être, de suggérer au Gouvernement, je vous
en propose une.
Un peu
partout, notamment en Europe, il est des territoires un peu particuliers
du point de vue de la réglementation, que l'on qualifie soit de paradis
fiscaux, soit de places offshore. Il serait sans doute opportun
qu'au sein de l'Union européenne une action s'exerce de manière
volontariste sur ce qui est à nos portes et sur quoi nous pouvons peut-être
avoir une certaine influence. En effet, il existe - je ne détaillerai pas
- sur le continent européen ou en marge de celui-ci un certain nombre de
territoires où ne s'applique certainement pas la transparence telle que
nous pourrions la souhaiter.
Au lieu de
lancer ainsi des slogans, de mobiliser et de manifester sur des choses
illusoires, peut-être faudrait-il s'assigner des objectifs concrets dans
ces domaines, ce que peut faire le Gouvernement dans le cadre de la nécessaire
concertation au sein de l'Union européenne. Sans doute serait-ce plus
utile, sans doute serait-ce plus opportun, plutôt que d'imaginer que
seuls, nous pourrions nous entourer, comme un village gaulois, de
palissades, qu'elles s'appellent « loi Tobin » ou
autrement ?
Vous le
savez bien, de telle propositions sont illusoires et inopérantes, mais
vous les utilisez en exploitant l'ignorance de ceux qui ont le tort de
vous soutenir. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes et sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène
Luc. Vous n'avez pas le droit de dire cela !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-158 ?
M.
Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'intéresse
à ces sujets...
M. Jean-Luc
Mélenchon. Très bien !
M.
Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et il est préoccupé
par les thèmes qui ont été évoqués tout à l'heure.
La
situation monétaire et financière internationale et la spéculation
internationale posent en effet de tels problèmes, qui dépassent
d'ailleurs l'aspect économique car il s'agit d'un problème de
civilisation, l'avenir de la société humaine étant en question, qu'il
est normal que cette interrogation soit évoquée, même au détour d'un
amendement déposé à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de
finances, par la Haute Assemblée.
S'agissant
de la spéculation sur les marchés de capitaux, je dois ici rappeler les
efforts que le Gouvernement de Lionel Jospin a engagé dès son accession
aux responsabilités. En effet, dès 1997, mais plus encore en septembre
1998, nous avons pris un certain nombre d'initiatives tout à fait
notables.
Permettez-moi
de les résumer brièvement.
D'abord,
l'imposition de contraintes de transparence aux entités non régulées,
telles que les hedges funds ; le forum de stabilité financière créé
par le G 7 doit faire ses premières propositions, monsieur Mélenchon, au
cours du printemps 2000. C'est la première disposition obtenue par le
Gouvernement de M. Jospin.
La mise en
place de normes internationales de régulation prudentielles et de lutte
contre le blanchiment de l'argent sale : groupe d'action financière
internationale et le forum de stabilité financière travaillent
actuellement pour faire des propositions l'année prochaine sur cette
question. C'est la deuxième mesure que le Gouvernement de Lionel Jospin a
obtenu de ses partenaires internationaux et des six autres membres du G7.
La troisième
mesure, c'est le soutien aux pays émergents dans leur choix du régime de
change. Il s'agit d'une action de coopération et de longue haleine, à
laquelle jamais la France n'a failli.
La quatrième
mesure, c'est la création de dispositions de régulation prudentielles
des mouvements de capitaux, telle celle qui a été utilisée par le
Chili.
Ces mesures
pour lesquelles la France a milité sont désormais acceptées par la
communauté internationale et promues par le Fonds monétaire
international, le FMI. Leur objectif rejoint celui de la taxe que vous préconisez.
Enfin,
faut-il mentionner la réorientation du rôle du FMI - ce point a récemment
été évoqué à l'occasion du départ de son directeur général - vers
la prévention des crises spéculatives et vers une action de régulation
pour réduire le dommage, en particulier le dommage au milliard
d'habitants de la planète les plus pauvres, les plus modestes, qui
subissent de plein fouet les conséquences de la spéculation financière
internationale ?
Mme Hélène
Luc. Eh oui !
M.
Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Toutes ces mesures
auxquelles la France a pris une large part sont efficaces, plus efficaces
que la création éventuelle d'une taxe qui, même si votre projet dépasse la seule interpellation des autorités
monétaires, financières et politiques internationales, ne paraît pas réaliste
aujourd'hui.
Votre idée,
issue d'un véritable souffle d'analyse et de générosité, ne vaudrait,
tout le monde le comprendra, que si elle était appliquée à l'échelon
mondial. La France ne peut pas la mettre en oeuvre seule, dans
l'isolement. Or, en ce domaine, le consensus international étant, force
est de le reconnaître, inaccessible à court terme, elle ne serait pas
vraiment immédiatement efficace, elle détournerait de la France non
seulement des flux de capitaux, avec des conséquences non maîtrisées,
mais aussi des flux économiques réels, que vous entendez, bien sûr, préserver,
mais qui sont intimement liés au niveau des taux de change.
Je le répète,
la France veut agir, et elle agit efficacement au niveau des instances
mondiales adéquates. S'agissant, par exemple, de la lutte contre les
paradis fiscaux, la France a lancé et soutenu des initiatives multilatérales
en la matière. Elle a donc été certainement parmi les pays développés
celui qui a le plus clairement dénoncé ces travers de la société
financière internationale.
Ainsi, dans
le cadre des travaux de l'OCDE, la France a eu un rôle déterminant dans
la préparation et l'élaboration du rapport adopté le 9 avril 1998 sur
ce que l'on appelle « la compétition fiscale dommageable »
M.
Jacques-Richard Delong. Elle est contre !
M.
Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce rapport prévoit que les
Etats membres s'engagent à élaborer une liste de paradis fiscaux commune
à l'OCDE - c'est un progrès considérable par rapport à une situation
que nous critiquions depuis des années - à adopter ou à renforcer dès
maintenant des mesures de rétorsion à l'égard des paradis fiscaux et à
appliquer les principes du rapport.
Cela dit,
la réflexion n'est pas close sur le sujet. C'est la raison pour laquelle
le Gouvernement a soutenu un amendement du président de la commission des
finances et du rapporteur général, adopté en première lecture à
l'Assemblée nationale, aux termes duquel le Gouvernement déposera sur le
bureau de chaque assemblée parlementaire, avant le 15 juin 2000, un
rapport qui comprendra trois éléments déterminants allant parfaitement
dans le sens préconisé voilà un instant par les auteurs du présent
l'amendement.
La première
partie du rapport comportera un élément de diagnostic. Ce dernier complétera
le travail d'évaluation des pertes de recettes publiques résultant de la
concurrence fiscale internationale, travail qui a été entamé par les
parlementaires et par le Gouvernement.
La deuxième
partie du rapport établira une liaison entre le diagnostic et l'action
par une évaluation précise de l'incidence que pourrait avoir sur les
finances publiques l'instauration de prélèvements assis sur les
mouvements de capitaux, car, au fond, c'est la question qui est posée.
On ne peut
pas trancher dans un sens ou dans un autre sans avoir préalablement simulé
ou évalué les conséquences concrètes d'une telle taxe sur les
transferts de capitaux à l'échelle mondiale. J'ai bien relevé qu'ils étaient
à la hauteur de 1 500 milliards de dollars par jour. Il faut connaître
et évaluer les détournements et changements que la création d'une taxe peut entraîner
dans les circuits financiers internationaux.
La troisième
partie du rapport que le Gouvernement vous fournira avant le 15 juin 2000
comprendra la présentation d'un programme d'actions de la présidence
française de l'Union européenne dans des domaines précisément énumérés
: la régulation internationale des mouvements de capitaux, la lutte
contre la spéculation financière, la définition de nouvelles modalités
de lutte contre la concurrence fiscale dommageable et contre les paradis
fiscaux, enfin la nouvelle définition et les moyens de la lutte contre
les pratiques fiscales dommageables entre les différents Etats qui
encouragent des situations inacceptables économiquement et moralement.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, le Gouvernement n'est donc pas inactif. Il a
engagé dès juin 1997, avec résolution, détermination et dans la clarté
politique, une action contre la spéculation internationale.
Il l'a fait
à la mesure des moyens dont dispose un Etat comme la France au sein du
concert des nations. Or, malgré toute l'importance que lui confère sa
place de quatrième puissance économique mondiale, notre pays ne dispose
pas à lui seul des moyens de mettre fin aux travers et aux graves
dommages pour l'humanité que dénonce votre amendement.
Toutefois,
étant donné les avancées politiques qui ont été obtenues par la
France grâce à son attitude résolue au sein des différentes instances
internationales auxquelles elle participe, étant donné l'attachement du
Gouvernement à la philosophie qui sous-tend votre amendement, je
souhaiterais, monsieur Mélenchon, que vous acceptiez de retirer celui-ci.
Nous allons
dans le bon sens et vous nous aidez par vos prises de position :
continuons à défendre notre point de vue devant toutes les instances
internationales, notamment l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement
économique, où la France est partie prenante et exerce une influence de
plus en plus grande sur ces sujets qui concernent en effet l'avenir de
l'humanité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Hélène
Luc. C'est bien, mais cela ne suffit pas !
M. le président.
Monsieur Mélenchon, l'amendement est-il maintenu ?
M.
Jacques-Richard Delong. Allez jusqu'au bout ! Il ne faut pas « se dégonfler
» !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur le président, je ne me prononcerai pas avant que ma
collègue Mme Bidard-Reydet ait pu s'exprimer. Donc, pour l'instant, je le
maintiens.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-158.
M. Jacques
Oudin. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques
Oudin. J'ai écouté avec intérêt le plaidoyer vibrant et chaleureux de
M. le secrétaire d'Etat mais je n'ai toujours pas compris s'il était
pour ou contre cet amendement !
M.
Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'ai demandé son retrait !
M. Jacques
Oudin. Vous avez fait état de toutes les actions menées par le
Gouvernement.
Si vous
nous autorisez une suggestion à propos d'un amendement dont chacun
comprend le caractère totalement irréaliste et inopérant dans les
circonstances actuelles - compte tenu de l'existence de 64 à 70 pays dits
paradis fiscaux sur les 182 pays au monde, chacun imagine l'efficacité de
la mise en oeuvre de ce dispositif dans un Etat, voire dans les quinze
Etats européens... - je me permets de vous donner un conseil : pourquoi
la France, qui semble avoir entamé cette démarche, ne proposerait-elle
pas aux instances internationales de faire éventuellement financer l'ONU
par l'impôt ? Cela nous soulagerait d'un certain nombre de fardeaux
fiscaux ou financiers.
Créer un
impôt mondial, pourquoi pas ? Mais là, la tâche est rude, monsieur le
secrétaire d'Etat, et je vous souhaite bonne chance !
Mme
Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme
Danielle Bidard-Reydet. Cet amendement n° I-158, aujourd'hui soumis à
notre vote, est original quant à son objet et quant à ce qu'il représente,
comme le démontre la discussion qui vient de s'ouvrir dans cette
enceinte.
La passion
de M. le rapporteur général du budget en souligne à la fois
l'importance et l'opportunité. La longue réponse de M. le secrétaire
d'Etat confirme ce que pensent tous les signataires de cet amendement. En
effet, cet amendement a été cosigné - chose rarissime au Sénat - par
un nombre important de sénateurs de sensibilités politiques différentes.
Il illustre
donc à sa manière une forme de prise de conscience collective des
dangers de la spéculation financière effrénée, dénoncés par
l'Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide
aux citoyens dont chacun sait qu'elle a une audience grandissante.
L'étonnement
de M. Marini quant à la définition de la spéculation est tout à fait
surprenant.
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Et la définition du totalitarisme,
cela vous intéresse aussi ?
Mme Hélène
Luc. Qu'est-ce que cela à voir ?
Mme
Danielle Bidard-Reydet. Oui, monsieur, cela m'intéresse, car je suis de
celles et de ceux qui ont toujours combattu le totalitarisme !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Elle est bien bonne ! C'est vrai que
la chute du mur de Berlin date de dix ans !
Mme
Danielle Bidard-Reydet. Je ne pense pas, monsieur, que ce genre de réflexions
soit de nature à vous grandir dans le débat important qui nous occupe.
Je suis étonnée
de la rédaction de M. le rapporteur général du budget au mot « spéculation
» alors que, chacun le sait, la spéculation financière n'a aucun lien
avec la production ni avec le travail des hommes. Et c'est bien cela que
nous combattons !
Les sénateurs
du groupe communiste républicain et citoyen se sont donc associés à
cette démarche. Ils ont d'ailleurs déposé, à l'automne 1997, sur le
bureau du Sénat, une proposition de loi tendant à instituer une taxation
des mouvements spéculatifs menés sur les marchés financiers et dont le
montant, cela a été rappelé, est de l'ordre de 1 500 milliards de
dollars par jour.
Bien
entendu, cet amendement rejoint pleinement nos préoccupation antérieures.
Il trouve de surcroît, dans la période récente, une acuité toute
particulière.
L'ouverture
du cycle de négociations de Seattle sur les conditions de fonctionnement
de l'Organisation mondiale du commerce est en effet marquée par une forte
prise de conscience face au développement de la mondialisation et à la
globalisation des échanges.
Ce développement,
qui tend à faire de tout une marchandise, porte donc en germe une
aggravation des inégalités économiques entre les diverses parties de la
planète. Or, chacun de nous sait que ces inégalités sont porteuses de
frustrations et d'explosions de violences.
La taxation
des mouvements spéculatifs menés sur les marchés monétaires est une
revendication portée par un mouvement grandissant de l'opinion publique.
Il nous importe de prendre en compte clairement ces aspirations nouvelles
et déterminées.
Ce que vous
appelez, monsieur Marini, un slogan, la taxe Tobin, comme on a coutume de la désigner, du nom de cet Américain
Prix Nobel en 1972...
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Il y en a bien d'autres !
Mme
Danielle Bidard-Reydet. ... est donc pour nous un des moyens d'atteindre
un but clairement défini : la recherche d'un nouvel équilibre du développement
de l'ensemble de l'humanité, pour que soient plus justement partagés les
fruits de la croissance économique et que ceux qui en sont exclus, êtres
humains ou nations, en deviennent bénéficiaires.
Dans notre
proposition de loi déposée en 1997, nous avions souhaité que le produit
de cette taxation des mouvements monétaires soit affecté au financement
de la politique française de développement et de coopération.
La taxation
des mouvements spéculatifs, qui engage ces sommes tout à fait
importantes, n'est certes pas une panacée.
Cependant,
on notera à ce propos que le Président de la République du Brésil, M.
Cardoso, s'est fait l'écho de la mise en place de cette taxe lors de la
rencontre de Florence des chefs d'Etat et de gouvernement, marqué par la
présence du Premier ministre français.
La taxe Tobin n'est ni
le seul outil de financement de notre politique de coopération, ni le
seul moyen pour obtenir des échanges commerciaux et économiques équilibrés,
soucieux de développement durable de l'ensemble de l'humanité, mais elle
en constitue l'un des maillons essentiels.
Il serait
donc, selon nous, tout à fait significatif que notre pays décide de la
mettre en place pour impulser clairement sur cette question un mouvement
à l'échelon international.
Cette démarche
n'est d'ailleurs pas contradictoire avec celle de l'article 24 quinquies
du projet de loi de finances.
M. le président.
Madame Bidard-Reydet, veuillez conclure s'il vous plaît !
Mme
Danielle Bidard-Reydet. Nous voterons donc cet amendement sur lequel nous
demandons un scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur
certaines travées socialistes.)
M.
Jacques-Richard Delong. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M.
Jacques-Richard Delong. Monsieur le président, mes chers collègues, je
ne vous cache pas que les exposés successifs de M. Mélenchon, de M. le
rapporteur général et de M. le secrétaire d'Etat ont quelque peu troublé
bon nombre d'entre nous.
Monsieur Mélenchon,
vous avez qualifié « d'attaque » cette taxe de 0,05 % sur des
mouvements de capitaux internationaux. J'ai peur que ce soit non pas une
attaque, mais une simple piqûre de moustique !
Selon M. le
rapporteur général, dont l'argumentation semble assez fondée, cette
mesure ou une mesure de cet ordre ne saurait être purement nationale et
ne pourrait être valable qu'à la condition d'être étendue à l'échelon
international.
Monsieur le
secrétaire d'Etat, vous avez longuement répondu à la fois à M. Mélenchon
et à M. le rapporteur général. Vous avez dit être en parfait accord
avec l'initiative de M. Mélenchon... Moyennant quoi, vous lui avez demandé
de retirer son amendement...
C'est un
système tout à fait politique, je le conçois. Sachez simplement qu'un
certain nombre d'entre nous ont éprouvé quelque trouble en entendant
l'expression de ces opinions variées dont nous imaginons tous qu'elles
sont, bien entendu, sincères...
Personnellement,
j'étais plutôt tenté de sous-amender l'amendement de M. Mélenchon et
de porter le système qu'il préconisait de 0,05 % à 10 %, à condition
qu'il soit étendu au monde entier. Mais cela semblerait mettre le
Gouvernement dans une position difficile, ce dont je me garderai bien.
Dans ces
conditions, et compte tenu de la diversité des opinions, je m'abstiendrai
courageusement !
M. Bernard Angels. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
je ne m'exprimerai pas sur le même ton que M. le rapporteur général.
J'ai d'ailleurs été très étonné par certains de ses propos.
Le sujet
abordé par cet amendement est important et mérite un débat serein. En
effet, l'idée de la taxe Tobin est intéressante
car elle se situe dans le combat nécessaire pour que la mise en place de
mécanismes de régulation des capitaux spéculatifs.
Le groupe
socialiste ne peut donc qu'être d'accord sur la philosophie de cet
amendement. Mais cette taxe est
inapplicable dans la situation actuelle.
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Bernard
Angels. En effet, l'instauration de cette taxe dans un pays ou dans une zone monétaire entraînerait
une simple délocalisation des transactions.
De plus,
les seuls qui pourraient respecter le jeu ainsi défini par cette taxe Tobin seraient
les investisseurs institutionnels. Les autres pourraient contourner la taxe par des délocalisations,
des opérations de change ou par des innovations financières permettant
de dissimuler certaines opérations.
En fait,
pour que cette idée soit réalisable, il faudrait qu'elle soit adoptée
sur tous les marchés internationaux en même temps, autrement dit qu'il y
ait accord de tous les pays. Il faudrait, comme l'a dit M. Tobin lui-même, faire
de l'application de cette taxe l'une des conditions de l'adhésion au FMI et interdire
les centres offshore. Inapplicable dans le monde sans une profonde
modification du système financier international, cette taxe l'est, par conséquent,
en Europe et encore plus en France.
Bien que
nous acceptions l'idée de lutter contre la spéculation, nous ne pourrons
donc pas adopter cet amendement, la vraie question étant, pour nous,
d'avancer dans la lutte contre la déstabilisation issue des mouvements
des capitaux spéculatifs.
En conséquence,
tout comme M. le secrétaire d'Etat, nous souhaitons que les auteurs de
l'amendement veuillent bien le retirer, faute de quoi le groupe
socialiste, dans sa grande majorité, s'abstiendra. (Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. Joël
Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël
Bourdin. On peut effectivement vouloir lutter contre la spéculation, en
tout cas une certaine forme de spéculation, ce qui demande un effort de définition,
et, de ce point de vue, je serais plutôt d'accord pour que l'on prenne
des mesures.
Seulement
voilà : ce qui nous est proposé n'est pas approprié ! Que ferait-on, en
effet, si l'on imposait les mouvements de capitaux, même simplement ceux
qui ne sont pas engendrés par les transactions sur les biens et les
services ? On gênerait la plupart de nos entreprises et de nos banques,
qui, chaque jour, sur le terrain, se trouvent engagées par des emprunts,
par des achats, en dollars, en yens, etc., qui induisent des mouvements de
capitaux.
L'opération
la plus classique du banquier qui est engagé en quelque domaine que ce
soit - biens, services ou capitaux - c'est le swap, c'est-à-dire un crédit
croisé qui se traduit par des entrées et des sorties. La plupart de nos
grandes entreprises, de nos banques, sont obligées chaque jour, pour des
raisons techniques, de déplacer des capitaux, parfois même plusieurs
fois par jour, précisément pour se protéger de la spéculation.
Proposer une taxe visant à pénaliser
ceux qui cherchent à se couvrir contre la spéculation, ce serait le
monde à l'envers !
Il est de
bon ton, en France, de toujours critiquer les marchés à terme. On me
permettra de rappeler que ces marchés, même s'ils ont attiré, même
s'ils attirent encore des spéculateurs, ont d'abord été créés pour
protéger un certain nombre d'entreprises, étant entendu que,
lorsqu'elles sont engagées en devises, engagées sur des marchandises, la
meilleure façon, pour elles, de stabiliser leur prix, c'est d'intervenir
sur un marché à terme. Là encore, il y a une logique inéluctable
tenant à des raisons techniques et, là encore, je ne vois pas pourquoi
on pénaliserait ceux qui veulent se couvrir.
Dès
l'instant où l'on ne peut pas faire le tri, dans les mouvements de
capitaux, entre ceux qui sont bons, induits qu'ils sont par la volonté de
se protéger contre la spéculation, et les autres, il faut se garder de
mettre le doigt dans l'engrenage.
Je me
souviens d'une époque où l'on pensait que la France pourrait être une
grande place financière, ce que - on peut le déplorer - elle n'est pas.
On a essayé de monter un marché à terme du café, du cacao, de différents
produits, on a monté le MATIF, le marché à terme d'instruments
financiers, toutes choses qui engendrent des mouvements capitaux. Si l'on
retire, dans le fonctionnement du MATIF, dont on peut se réjouir, les
mouvements de capitaux qui viennent de l'étranger, on n'a plus
grand-chose !
En conséquence,
je le répète, au regard de la nécessité de la couverture ou de la défense
des marchés à terme, qui servent précisément à assurer cette
couverture, on n'a pas le droit de pénaliser les mouvements de capitaux,
qui sont techniquement nécessaires, sauf à s'enfermer chez soi, à se
cadenasser, à se placer en dehors des mouvements internationaux.
Soucieux de
voir la France se développer dans une mouvance internationale, de la voir
développer ses échanges, le groupe des Républicains et Indépendants
votera résolument contre l'amendement.
Mme Gisèle
Printz. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle
Printz. Au-delà des dispositions techniques, qui peuvent se discuter,
l'idée d'une taxe sur les
mouvements de capitaux a cristallisé de manière tout à fait étonnante
les mécontentements, les révoltes même, des citoyens, écoeurés par la
brutalité de cette nouvelle économie néo-libérale, par les mouvements
des grands groupes transnationaux échappant à tout contrôle, pour qui
le capital n'a plus de capitale ; on ouvre ici l'usine qu'on a fermé là-bas,
on fusionne, on s'entre-dévore sans autre logique que celle des coûts et
des profits, laissant aux Etats, c'est-à-dire au contribuable, le loisir
de régler l'addition sociale. Les démocraties devraient être consternées
; les électeurs ne contrôlent plus rien.
Mais, à
Seattle, quelque chose se passe. Alors que, jusqu'ici, les économistes,
les experts, négociaient en catimini les règles qui touchaient à la vie
quotidienne de millions de personnes, à Seattle, les opinions publiques,
les citoyens se sont invités.
Le monde
n'est pas qu'une marchandise, les citoyens ne sont pas que des
consommateurs. Les mots d'ordre, les propos des manifestants expriment
parfaitement le déficit de démocratie ressenti, le besoin pour eux
d'intervenir, d'être considérés comme des êtres humains, comme des
citoyens et non pas seulement comme des consommateurs.
Les négociateurs
de Seattle devront être attentifs à la demande de cette internationale
des citoyens balbutiante : réguler à l'échelon mondial ce qui a été dérégulé
au niveau local, avec, au coeur des débats, non pas l'idée du profit à
tout prix mais le besoin partagé de justice sociale.
Pour
conclure, je citerai cette parole d'un mineur d'Afrique du Sud manifestant
à Seattle : « Nous avons besoin du commerce international, mais celui-ci
doit être juste ! » (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
J'ai écouté, avec beaucoup d'intérêt, notre collègue Joël Bourdin,
dont je partage tout à fait l'analyse.
Je suis
personnellement tout à fait hostile aux taxes sur les
transactions. Une taxe sur les
transactions, le Gouvernement, à juste titre, en a supprimé ou réduit
une en abaissant les droits de mutation sur les immeubles.
Pour les
mouvement de capitaux, c'est le même principe qui joue. En effet, comme
l'a très bien dit Joël Bourdin, on ne peut faire le tri entre les bons
mouvements de capitaux, ceux qui rééquilibrent, et les mauvais. Et des
mouvements de capitaux, il y en a sans arrêt, parce qu'il y a des échanges,
parce qu'il faut se placer sur les marchés à terme, parce qu'il faut égaliser
les taux d'intérêt, d'autant que, très souvent, les marchés de
capitaux rééquilibrent !
Quant aux
mauvais mouvements de capitaux, comme disent certains, les mouvements de
capitaux spéculatifs, la taxe Tobin peut-elle les enrayer ? A cet égard, on me permettra de
faire deux remarques.
D'abord, si
l'on fixe le taux de la taxe à 0,5 % ou quelque chose de similaire, ce sera un cautère
sur une jambe de bois. Rappelons-nous que certains mouvements spéculatifs,
comme nous en avons connu dans notre pays avant l'euro, lorsque le franc
était attaqué, ont provoqué des dévaluations pouvant atteindre 10 %.
Face à un gain possible de 10 %, une taxe de 0,5 sera un rempart de papier qui sera emporté du
premier coup.
Faut-il,
pour autant, mes chers collègues, ne rien faire ? Pas du tout ! C'est là
que le Gouvernement, la Banque de France et, maintenant, la Banque européenne
devraient intervenir, en fixant des règles prudentielles d'obtention du
crédit.
Pourquoi un
mouvement spéculatif se développe-t-il ? Parce que, avec un franc, on
peut en emprunter dix et qu'avec les dix francs empruntés on peut en
emprunter 100. Il y a un mouvement multiplicateur. C'est à ce niveau que
les gouvernements et les banques centrales doivent intervenir, en bloquant
la croissance des crédits qui sont illégitimes parce que non fondés sur
la propriété réelle des capitaux de ceux qui interviennent.
Si les
propositions de M. Tobin, qui datent des années soixante-dix, étaient peut-être adaptées aux
mouvements de capitaux très faibles que l'on connaissait à l'époque,
elles seraient tout à fait inefficaces à l'heure actuelle.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Paul
Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul
Loridant. Il est des sujets qui dérangent, et l'instauration de la taxe Tobin est de
ceux-là. En effet, il vient bousculer le monde de la pensée unique, où
il y a une seule façon de produire, une seule façon de diriger les
entreprises, une seule façon d'avoir des références, les actionnaires
étant les seuls à même de diriger, de dicter leur conduite aux chefs
d'entreprise.
Eh bien, il
faut parfois que des parlementaires, des militants associatifs ou des
personnalités du monde civil prennent des initiatives pour bousculer les
idées et amener les responsables politiques et économiques à réagir,
à réfléchir, à donner du sens, de la durée, à ce que nous faisons
dans ce monde !
Si,
aujourd'hui, le monde de l'économie a pour seul objectif la rentabilité
financière, la satisfaction des actionnaires, si l'emploi devient une
variable d'ajustement, alors, effectivement, tout ce qui viendra perturber
cette façon unique de penser et de diriger le monde, tout ce qui ne sera
pas conforme au modèle devra être rejeté.
L'instauration
de la taxe Tobin sur les
mouvements financiers vient déranger le modèle économique bien-pensant.
On me rétorquera
que c'est utopique. C'est vrai, M. Bourdin a raison, l'instaurer tout seul
serait utopique ; cela mettrait la France au ban du monde économique, au
ban du monde financier.
Mais, en
l'occurrence, vous aurez noté, mes chers collègues, que nous excluons
toutes les opérations intracommunautaires. Je ne sais pas si vous mesurez
l'effort conceptuel que cela a nécessité, puisque nous ne sommes pas
tous d'accord sur la façon d'aborder la construction européenne !
La taxe se situe
donc aux frontières de l'Europe, telle qu'elle est présentée dans notre
amendement.
M. Charles
Descours. Alors, qui contrôle ?
M. Paul
Loridant. En toute logique, cela ne remet pas en cause la conception que
peuvent avoir les uns ou les autres de la construction de l'Europe.
C'est un
travail de longue haleine. Mais, mes chers collègues, nous qui sommes au
Sénat, rappelons-nous combien de batailles ont été gagnées qui étaient
perdues d'avance, qui paraissaient utopiques !
Avant 1940,
quelle était l'institution qui freinait le vote des femmes au suffrage
universel ? Le Sénat.
Mme Hélène
Luc. Absolument !
M. Paul
Loridant. Avant 1967, la bataille pour la contraception aurait-elle été
gagnée s'il n'y avait pas eu quelques courageux, dont le sénateur Lucien
Neuwirth d'ailleurs,...
Mme Hélène
Luc. Absolument !
M. Paul
Loridant. ... aidé par les parlementaires de gauche ? Il a bien fallu à
un moment qu'un certain nombre de parlementaires progressistes siégeant
sur les différentes travées se mobilisent pour faire avancer une idée.
Le problème a été semblable pour l'interruption volontaire de
grossesse. De même, avant guerre, l'adoption de la législation sur le
divorce n'allait pas de soi. (M. Descours s'exclame.) Des personnes
absolument opposées à l'institution du divorce siégeaient en effet sur
les bancs conservateurs !
Il y a donc
des batailles qu'il faut mener, et, au moment où elles s'engagent, cela dérange
! Eh bien oui, mes chers collègues ! Les signataires de cet amendement
veulent déranger le monde de la pensée unique, et c'est la raison pour
laquelle nous avons déposé cet amendement. (Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Charles
Descours. Je pense qu'après cela M. Soros ne dormira pas cette nuit !
Mme Hélène
Luc. Un amendement, c'est important !
M. Charles
Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles
Descours. Nous sommes face à une situation extraordinaire : en effet, si
la majorité sénatoriale voulait pratiquer la politique du pire, elle
s'abstiendrait, et l'amendement serait voté par les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen.
Mme Hélène
Luc. Chiche !
M. Charles
Descours. Certains collègues de mon groupe vont d'ailleurs s'abstenir !
Et qui serait gêné ? Le Gouvernement, évidemment ! En effet, ce qu'ont
dit nos collègues Loridant et Bourdin montre bien que, dans un monde où
la France n'est pas un îlot isolé, dans un monde qui serait vertueux, ce
type de disposition pourrait être néfaste si elle entrait en vigueur.
Mais je
sais bien que le processus n'ira pas jusqu'à son terme et que, même si
l'amendement est adopté, le Gouvernement demandera à sa majorité, à
l'Assemblée nationale, de repousser la mesure !
Je crois
donc qu'il faut raison garder. Croyez-vous que, parce que l'on adopte un
amendement relatif à la taxation des capitaux à dix-sept heures quinze,
au détour de l'examen du projet de budget, les grands spéculateurs
internationaux ne dormiront pas cette nuit ?
Mme
Marie-Claude Beaudeau. Et si l'Assemblée nationale faisait pareil ?
M. Charles
Descours. Soyons sérieux !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Très bien !
Mme
Marie-Claude Beaudeau. Donnons ce signal !
M. Charles
Descours. Cela ne signale rien du tout !
Mme
Marie-Claude Beaudeau. Alors, 250 millions d'enfants qui travaillent dans
le monde, cela ne vaut pas la peine ?
M. Charles
Descours. M. Loridant lui-même, y compris au travers de son amendement,
dit que cette taxe devra être
perçue en dehors de la communauté. Qui va contrôler la perception de
cette taxe ?
Mme Hélène
Luc. On mettra en place un mécanisme !
M. Charles
Descours. A l'instar de la police de l'immigration ? Il faudrait alors
instituer une police pour les transferts de capitaux !
Mme
Marie-Claude Beaudeau. La technique, on la trouvera !
M. Charles
Descours. Je ne suis pas spéculateur, mais je crois très sincèrement
que cette proposition sympathique est irréaliste, romantique et -
excusez-moi de vous le dire - profondément démagogique !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Totalement !
Mme Hélène
Luc. Heureusement qu'il y a du romantisme !
Mme
Marie-Claude Beaudeau. Les grandes idées apparaissent d'abord comme des
utopies !
M.
Jacques-Richard Delong. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
Je suis désolé, monsieur Delong, mais le règlement m'interdit de vous
redonner la parole pour explication de vote. (M. Delong s'exclame.)
Mme Hélène
Luc. Que tout le monde veuille parler témoigne de l'importance de cet
amendement !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Bien des choses ont déjà été dites, et j'aurais mauvaise
grâce à allonger un débat. Je ferai toutefois quelques remarques.
Tout
d'abord, je tiens à remercier ceux de nos collègues qui, sur l'ensemble
des travées, ont bien voulu opposer d'autres arguments aux nôtres. Le déroulement
du débat ne permet pas que les réponses techniques aux questions et aux
problèmes soulevés soient apportées avec le détail qu'elles
appelleraient à cet instant. Je leur suis cependant reconnaissant de bien
avoir voulu opposer des arguments plutôt que des invectives, comme cela a
été malheureusement le cas de la part à M. le rapporteur général au début
de cette discussion. Mais, étant donné qu'il a indiqué lui-même qu'il
considérait son propos comme de la fantaisie, je ne veux pas en rajouter
! Je constate simplement qu'à nos divergences d'opinions il faut ajouter
à présent des divergences de goût concernant la plaisanterie !
En effet,
je ne pense pas que nous méritions, face aux problèmes que nous avons
soulevés, d'être traités de démagogues, de personnes utilisant
l'ignorance de leurs compatriotes et présentant, devant le Sénat, des
propositions indignes du travail parlementaire. Non, je ne le pense pas !
J'ai plutôt le sentiment que l'ordre des préoccupations que nous
exprimons ici rejoint le sentiment de beaucoup de collègues siégeant sur
de nombreuses travées. Ce qui me frappe, en effet, c'est que de plus en
plus nombreux dans cette enceinte sont ceux qui pensent qu'un tel ordre de
choses n'est pas acceptable et qu'à tous ces désordres il faut opposer
de la règle.
Il y a deux
discussions différentes : certains nous disent que nos propositions sont
mauvaises par principe, et d'autres considèrent qu'elles ne seraient pas
efficaces.
A ceux qui
nous disent qu'elles sont mauvaises par principe, nous n'objecterons qu'un
argument : ce qui est mauvais par principe, c'est l'ordre du monde dans
lequel nous nous trouvons et auquel nous ne nous résignons pas.
Ensuite
commence la discussion à propos de l'efficacité des mesures qui doivent
être prises. Monsieur le rapporteur général, nous n'avons jamais nié
que ce monde fût interconnecté. C'est au contraire parce que nous
partons du constat de cette interconnexion et de cette ouverture que nous
essayons d'y apporter de la règle. Rien d'autre ! En cela, nous
rejoignons d'ailleurs les préoccupations de nombre d'entre vous, et
notamment de M. le secrétaire d'Etat que je tiens à remercier pour son
ouverture d'esprit et pour la compréhension dont il a témoigné. Si j'ai
bien compris, il nous annonce que, d'ici peu, notre pays, exerçant la présidence
de l'Union européenne, sera conduit à prendre des initiatives. (M.
Descours s'exclame.)
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Quelle hypocrisie !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous allez souffrir, monsieur Marini, car la mauvaise graine
aura germé de tous les côtés ! (Rires sur les travées socialistes,
ainsi que celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ce
qu'annonce M. le secrétaire d'Etat n'est certainement pas le
laisser-faire auquel vous vous référez au point de faire des déclarations
qui, à la vérité, ne vous grandissent pas. En effet, le fait que le
rapporteur général du budget de cette assemblée dise qu'il ne sait pas
ce qu'est une spéculation est assez affligeant pour la qualité du regard
qu'il porte sur les finances de l'Etat et sur l'intervention de ce dernier
dans l'économie.
M. Philippe
Marini, rapporteur général. C'est une caricature ridicule !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je le prends sur le registre sur lequel vous avez situé la
discussion ! Me traiter à présent de ridicule est aussi une fantaisie !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Lisez les rapports de la commission !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur, tout à l'heure, vous m'avez traité de totalitaire.
Et vous avez vu que, contrairement à ce que m'inspire en général mon
sang très chaud, je suis resté calme et ne vous ai pas renvoyé la
balle. Je pense que maintenant cela suffit. Est-ce bien d'accord ?
Vous allez
donc avoir la patience de m'écouter, moi qui ne vous insulte pas !
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Je ne serai jamais du même côté
que vous sur aucun sujet !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Que vous ne soyez jamais du même côté que moi, sachez que
c'est réciproque ! Nous sommes en démocratie, et il est bien normal que
les choses soient ainsi. Mais cela ne vous donne pas le droit de nous
insulter !
M. Gérard
Braun. Il ne vous insulte pas !
M. Jean-Luc
Mélenchon. J'achèverai mon propos en présentant quelques petites
remarques.
M. Fréville
a considéré qu'une taxe de 0,05 % serait une piqûre de moustique. Je n'irai pas
lui dire que nous prétendons porter l'estocade ! M. Tobin lui-même,
à l'époque, proposait un taux de 1 %.
Ce sur quoi
il faut bien nous comprendre, comme l'a dit exactement l'un de nos collègues
tout à l'heure, c'est que la taxe Tobin ne prétend pas enrayer les mouvements spéculatifs qui
effondrent le cours des monnaies et ruinent les économies. Il s'agit de
mettre, selon l'expression consacrée, un grain de sable dans les rouages
pour ralentir un mécanisme général et ne pas laisser impuni, comme
allant de soi, le fait que l'on fasse transiter de l'argent en une journée,...
M. Philippe
Marini, rapporteur général. Mais même en un instant !
M. Jean-Luc
Mélenchon. ... ce qui n'a aucune valeur, aucune signification économique,
quel que soit le cas que vous preniez. Voilà de quoi il s'agit. Pour le
reste, bien sûr, vous avez raison, il faudra d'autres règles.
Notre collègue
M. Fréville a dit tout à l'heure qu'un taux de 0,05 % n'était rien par
rapport à un profit de 10 % ou de 15 %. C'est l'un de mes objecteurs qui
aura fourni le bon argument. Effectivement, 0,05 %, ce n'est rien, y
compris pour ceux qui réaliseront un investissement dans la sphère
productive, quand on sait que ces investissements sont engagés non par
grandeur d'âme, mais pour recueillir un profit, lequel, s'agissant des
exigences de rentabilité financière attendue des différentes
entreprises par les fonds de pension, est aujourd'hui situé à 10 % ou à
15 %.
Notre débat
aura donc montré que l'on peut faire avancer l'esprit public vers l'idée
qu'il est possible de faire quelque chose. Nous maintenons donc bien sûr
cet amendement pour que ce débat n'ait pas eu lieu en vain ! (Applaudissements
sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. Hilaire
Flandre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire
Flandre. Personne sur les travées de cette assemblée n'est à mon avis
insensible aux effets pervers que peuvent avoir les mouvements spéculatifs,
et on ne peut tous les soirs se réjouir d'entendre que le CAC 40 a encore
battu un record ! Depuis le début de l'année, c'est le trentième ou le
quarantième, la progression étant de 30 % !
M. Jean Chérioux.
Attendons la fin !
M. Hilaire
Flandre. Je crois effectivement que l'on ne peut se réjouir de ces phénomènes
quand on sait les conséquences qu'ils peuvent avoir sur la survie
d'entreprises et sur l'emploi.
Si
l'amendement n° I-158 est inspiré d'une idée généreuse, il prend le
problème par un mauvais angle. En effet, s'attaquer aux mouvements de
capitaux et au taux proposé est sans aucune influence. En outre, cela
peut mettre dans la même situation des capitaux circulant très
naturellement selon les règles de l'économie et des capitaux spéculatifs.
Il
conviendrait, pour qu'une telle disposition ait quelques chances d'être
efficace, de taxer non pas le mouvement de capital, mais seulement les
plus-values à l'instant où elles sont réalisées, et ce à un taux
dissuasif.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Volontiers ! Déposez un sous-amendement, et nous vous
suivrons ! (Sourires.)
M. Hilaire
Flandre. Non, je ne présenterai pas de sous-amendement, je voterai contre
l'amendement n° I-158 ! (M. Mélenchon rit.)
M. Philippe
Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe
Arnaud. Notre collègue Yves Fréville a parfaitement analysé le problème
et a esquissé des pistes concernant les moyens qui pourraient être mis
en oeuvre pour y remédier. Il y a bien en effet - nous en sommes tous
convaincus, je crois - un problème.
Les propos
tenus avec une certaine agressivité par notre collègue Paul Loridant -
il a rappelé des histoires anciennes, nous appelant à voter l'amendement
n° I-158 pour ne pas faire du Sénat une assemblée pratiquant en
permanence l'obstruction - ainsi que l'intervention de M. Descours me
conduisent à m'abstenir. En effet, je ne voudrais précisément pas faire
de l'obstruction.
M. Descours
a parfaitement bien dit que la pire des choses pour la gauche plurielle
serait l'adoption de cet amendement. En effet, le gouvernement de gauche
plurielle, dans sa grande sagesse et dans sa grande responsabilité,
serait alors obligé de le faire disparaître à l'Assemblée nationale.
M.
Jacques-Richard Delong. Tout à fait !
M. Philippe
Arnaud. Par voie de conséquence, en nouvelle lecture, M. Loridant saurait
qu'il doit s'en prendre au Gouvernement et non plus à une droite réactionnaire
siégeant au Sénat !
Je
m'abstiendrai donc, espérant quand même l'adoption de cet amendement et
souhaitant bon courage à M. le secrétaire d'Etat ! (MM. Flandre et
Delong applaudissent.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux
voix l'amendement n° I-158, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
Je suis
saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain
et citoyen.
Il va être
procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin
a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin
est clos.
(Il est
procédé au comptage des votes.) M. le président.Voici
le résultat du dépouillement du scrutin n° 19:
Nombre de votants
|
268
|
Nombre de suffrages exprimés
|
260
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Majorité absolue des suffrages
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131
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Pour l'adoption
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53
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Contre
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207
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Mme Hélène
Luc. Dommage ! Ça viendra un jour !
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