Les prochaines élections municipales vont être moment de débat extrêmement important pour toutes celles et ceux qui entendent se conduire en citoyens, qui veulent prendre leur part à la réflexion, à l’élaboration et à la conduite de l’intérêt public au plan local. En la circonstance, Attac n’a pas vocation - et s’interdit de le faire – à décerner quelque label que ce soit à quelque liste ou candidat que ce soit. L’association ne présente personne à aucun scrutin et condamne par avance toute tentative plus ou moins adroite de l’instrumentaliser sur ce terrain. Forte de cette indépendance, Attac entend, en revanche, jouer pleinement son rôle dans la réflexion collective sur les enjeux, à partir de ses préoccupations propres, qui visent à contrer les visées hégémoniques de la mondialisation libérale. Il y a tout juste un an, le colloque de Morsang-sur-Orge, mettait en évidence les conséquences de cette mondialisation sur la vie locale et l’enjeu que constituent, dans ce contexte, la gestion des collectivités, communes et conseils généraux. Souvent amenées à se comporter en relais plus ou moins dociles des politiques de libéralisation, ces collectivités peuvent également, dans le cadre de la décentralisation et de l’intercommunalité, y opposer leurs propres choix, articulés aux résistances citoyennes. Ce choix de résistance n’a rien de facile, et il ne suffit évidemment pas à lui seul à inverser le rapport de forces ; il n’est pas non plus exempt de contradictions, d’autant qu’en démocratie, il peut être conduit par des formations politiques très diverses dont Attac, en tant que telle, n’est évidemment pas partie prenante. Mais la solidité et la pérennité de ce choix sont largement déterminées par la qualité des débats qui précèdent l’élection, et l’investissement citoyen qu’ils permettent. La démocratie participative peut déboucher de manière créative sur des aspirations sociales et culturelles originales et des résistances solidaires et novatrices. En éclairant les choix en présence à partir de ses propres constats et préoccupations, Attac a pour seule ambition de s’inscrire dans ce processus de réappropriation citoyenne. Que constatons nous ? Les collectivités locales souffrent de tensions sociales et économiques, d’exclusions et d’inégalités. Les territoires sont mis à mal par les logiques de la mondialisation financière ; les délocalisations d’entreprises s’opèrent dans un arbitraire total, meurtrissant l’emploi et les finances locales ; les élus sont invités à organiser la concurrence des communes et territoires entre eux et, dans un moins disant social et écologique sans fin, à dégrader l’environnement, la solidarité, la sécurité. Dans ce cadre, on enregistre des tensions croissantes entre collectivités et prestataires de service (eau, déchets urbains, transports et restauration scolaire, etc.). Finalement, l’emploi, la formation, la culture, la santé, le logement, les infrastructures sont profondément fragilisés et deviennent autant d’enjeux de civilisation. Les services publics sont pris pour cible, promis à l’étau des privatisations ou délibérément placés en situation de faiblesse pour dégrader leur capacité de réponse aux besoins, et de conduite de leurs missions. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) entend pousser plus loin cette politique de “ marchandisation ” de la ville avec l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), véritable programme d’ouverture des marchés publics à la concurrence mondialisée. Dans ce contexte, la maîtrise des différents réseaux qui font la ville apparaît comme un enjeu central pour la démocratie, le développement. Enfin, l’exclusion perdure. Dans un contexte économique renouvelé où chacun parle de reprise, la fracture sociale s’inscrit au paysage, voire s’aggrave, sans qu’on lui oppose une nouvelle redistribution des fruits de la croissance. Les sans-droit, sans-papiers, sans-logis, sans-travail apparaissent comme autant de laisser pour compte. Que voulons nous faire ? La résistance locale aux tenants de la mondialisation financière est possible. Elle s’est déjà manifestée, avec des succès non négligeables. Toute délocalisation empêchée – comme dans le cas d’Elf Aquitaine-, tout refus collectif, comme dans le cas de Michelin ou de Danone, tout mouvement d’opinion publique, comme pour les suites de l’Erika, constituent déjà des victoires contre la fatalité et pèsent sur les stratégies des multinationales et des marchés financiers. Il est possible de multiplier ces démarches et de les décliner dans un esprit de reconquête de l’emploi et de la démocratie dans de nombreux domaines. Face au racket des opérateurs de la distribution de l’eau, du ramassage de déchets et des transports urbains et de la restauration collective, les conseils municipaux peuvent jouer un rôle majeur dans cette dynamique. Par exemple, en interdisant les OGM et en promouvant l’amélioration de la restauration scolaire en liaison avec l’agriculture locale, en s’inscrivant dans le développement de la démocratie participative, en signant et appliquant la Charte des droits de l’homme dans la ville adoptée en mai 2000 à Saint-Denis. Quatre grandes préoccupations Les thèmes qui suivent ne sont évidemment pas exclusifs. Par définition, la vie locale connaît des situations qui varient sensiblement. Mais, indépendamment de cette diversité, Attac distingue cinq grandes priorités qu’elle souhaite voir mises en débat tout au long de la campagne. 1.- Répondre aux besoins de démocratie locale Le développement de la démocratie participative et de proximité, avec des comités ou conseils de quartier gérés par les intéressés, des enveloppes financières dont ils ont la maîtrise, et ce dans le cadre de budgets participatifs respectant les responsabilités spécifiques des élus. Seul un tel effort est susceptible d’armer les collectivités face aux menaces de délocalisations d’entreprises, en associant la population aux réactions et en créant les conditions d’une interpellation vigoureuse des décideurs économiques et des pouvoirs publics. Participer à la vie de la cité requiert du temps. La commune est, par définition, le lieu où devraient s’articuler tous les temps sociaux : temps de travail, de repos et de loisir, temps consacré à la famille et à la vie de la cité. Cette problématique, jusqu’ici portée principalement par les femmes, doit l’être maintenant par tous ceux qui souhaitent concrètement favoriser l’expression démocratique du plus grand nombre. 2.- Répondre aux besoins de financement L’une des conséquences de la financiarisation de l’économie, c’est qu’une partie essentielle de la richesse réelle des grandes entreprises échappe à l’impôt. Intégrer les actifs financiers dans l’assiette de calcul de la taxe professionnelle serait une source de rentrées fiscales conséquentes pour les collectivités locales. La plupart d’entre elles sont lourdement endettées et incitées à l’être davantage. Ces dettes devraient être renégociées. 3.- Répondre aux besoins de développement La coopération intercommunale et la fiscalité locale devraient être massivement mises au service d’un développement articulant les ressources et besoins de l’économie et de la population locales avec les opportunités ouvertes, notamment, par les nouvelles technologies de la communication. Les services publics devraient être placés au centre de cette construction. 4.- Répondre aux besoins d’échanges et de coopérations Les collectivités locales ont une responsabilité à assumer au-delà du seul territoire dont elles ont la responsabilité. Elles ont un devoir d’inquiétude et d’alerte face à la dégradation de la vie de peuples et de nations. C’est le sens de la décision prise par un grand nombre d’entre elles, en France et dans le monde, de soutenir l’idée d’une taxe Tobin, de demander le relèvement de l’aide publique au développement, et de saisir sans relâche les pouvoirs publics sur la nécessité d’un autre développement mondial. Telles sont ces priorités qu’Attac entend placer au cœur de ses interventions pendant la campagne électorale. Il s’agit bien, en penser et agir “ glocal ”, et en agissant en réseau, de se “ se réapproprier ensemble l’avenir de notre monde ”.
Animation des débats et questions : mode d’emploi L’objectif de ce document est
Dans ce cadre, nous proposons une liste type de questions destinées aux candidats. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, et elle ne prétend nullement être adaptée à tous les terrains, à toutes les situations. Elle couvre la majeure partie des préoccupations locales au regard de la mondialisation financière, des préoccupations d’Attac et des pistes ouvertes lors du colloque de Morsang-sur-Orge. Il faut savoir qu’interpeller un candidat n’est jamais que lui fournir une occasion de répondre et de développer son point de vue. Sans opposer l’un à l’autre, disons que notre objectif est davantage de promouvoir un débat citoyen que de permettre une expression électorale, voire électoraliste. De même, sachons nous méfier des questions convenues, permettant à tel ou tel courant de “ s’adosser ” aux thèmes d’Attac. Pour être efficaces, les interventions autour des grandes priorités rappelées plus haut devraient s’exprimer en questions précises à l’intention des différentes listes en présence, à l’exception, bien sûr, de celles qui affichent une orientation discriminatoire et raciste. Par exemple : - Si, en mars prochain, les électeurs vous confient la gestion municipale, que comptez-vous faire pour développer une démocratie participative et de proximité, des comités ou conseils de quartier gérés par les intéressés, des enveloppes financières qu’ils maîtrisent par la mise en place d’un budget participatif ? - Comptez-vous agir pour le droit de vote local de tous les résidents étrangers et, tant que la législation ne le reconnaît pas, pour des initiatives locales tendant à le faire vivre dans la commune ? - Comment allez-vous associer les citoyens au débat préparant le vote du budget et assurer la transparence des finances locales ? - Comptez-vous – s’il y a lieu - entreprendre la renégociation de la dette communale ? - Comptez-vous prendre une délibération en faveur de la taxe Tobin et/ou poursuivre l’action à ce sujet ? Comment ? - Comment assurerez-vous la transparence de l’utilisation des fonds publics ? Le développent durable de l’économie locale est une responsabilité commune à tous les citoyens, élus ou non. Vous engagez-vous à publier chaque année le détail des aides directes ou indirectes accordées aux entreprises ? A associer les citoyens au contrôle de l’utilisation des fonds publics pour l’emploi ? A obtenir le remboursement des sommes détournées de cet objectif ? - Face aux menaces de délocalisations d’entreprises, comment allez-vous associer la population aux campagnes et aux actions nécessaires pour inscrire toute entreprise dans une relation citoyenne et responsable à l’égard de son territoire ? - Les services publics sont des cibles privilégiées pour la finance privée qui désire s’approprier cet immense marché captif. Comment comptez-vous agir pour que les services publics communaux (eau, déchets, restauration scolaire, etc.) et leurs tarifs restent, ou repassent sous le contrôle démocratique des habitants ? Comment entendez-vous améliorer la qualité de ces services ? - Marchés publics : l’OMC impose la clause dite du traitement national, interdisant, par exemple, de privilégier des entreprises locales, d’introduire des critères de mieux-disant social et d’intérêt général pour la passation de ces marchés. Comment entendez-vous vous vous battre contre cette imposition ? - Protection de l’environnement : quelles actions contre la marchandisation et la dégradation de la qualité de l’eau, pour sa reconnaissance comme bien commun de l’humanité, avec une gestion publique appropriée (bassins d’eau, acquisitions foncières, limitation d’activités …) ? Quelles actions contre la pollution de l’air, le bruit et les autres nuisances ? Quelles mesures pour interdire les cultures transgéniques sur le territoire communal et contre les ravages de l’hyperproductivisme agricole, qu’illustrent les récentes inondations de Bretagne (arasement des talus et des haies, drainage intempestif, monoculture du maïs, utilisation massive de l’eau, abus d’engrais et de pesticides …). Des interventions sur ces questions sensibles élèveront le niveau du débat, réduiront les tendances aux échappatoires et promesses creuses, favoriseront une meilleure prise de conscience des enjeux, et auront une portée allant bien au-delà du seul moment du vote. Elles donneront des bases plus claires et plus solides à la délégation consentie aux futurs élus, et au contrôle citoyen de l’exécution des engagements . Elles favoriseront évidemment le rayonnement local d’Attac. |
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