[Tract du 15 Juin 1996, du Collectif "Des papiers pour tous"]
Les trois derniers rapports parlementaires ont un point commun : leur xénophobie affichée. Selon eux, des hordes de clandestins nous auraient envahis (rapport Philibert-Sauvagio sur l'immigration) et seraient responsables du déficit de la sécurité sociale et du budget de l'État (rapport Courson-Leonard sur les fraudes). Les foyers de travailleurs immigrés constitueraient des « zones de non-droit », en proie aux trafics comme aux maladies (rapport Cuq sur les foyers de résidents). Cette logique ne date pas d'hier. Depuis 20 ans, les gouvernements de droite comme de gauche durcissent la législation xénophobe. Les lois Pasqua et les nouveaux projets de loi Toubon-Debré ne font qu'entériner les pratiques administratives.
Le discours sur l'intégration des immigrés ne doit pas nous leurrer, c'est l'administration qui fabrique des clandestins : par le refus du renouvellement des papiers, par la remise en cause du regroupement familial ou du droit du sol pour les enfants nés en France. Les projets Toubon-Debré permettraient même de retirer la nationalité française sous le vague motif de trouble à l'ordre public et pénaliseraient quiconque oserait aider un réfugié à qui l'État aurait retiré ses papiers. Si certains accueillent leurs parents, enfants ou amis sans-papiers, en prison ! La machine a expulser fonctionne parfaitement. Le principe de la double-peine permet d'expulser les auteurs de délit après leur séjour en prison. Sans oublier la triple-peine qui frappe les malades : emprisonnement en France, expulsion vers leur pays d'origine où, trop souvent, les traitements ne sont pas accessibles. L'État français extrade des opposants politiques sans se soucier du respect des procédures judiciaires comme ce fut récemment le cas pour des militants basques livrés arbitrairement à l'État espagnol. A quand le tour des zaïrois anti-Mobutu ou des kurdes...
Alors que nous sommes bombardés de grandes causes humanitaires et médiatiques, le rapport Cuq préconise de détruire plusieurs dizaines de foyers de travailleurs étrangers. Pourtant leurs cantines servent des repas aux personnes victimes de la précarité, quelle que soit leur nationalité. Le gouvernement veut-il les envoyer aux restos du coeur ? Les caisses de solidarité, mises en place par les résidents pour financer des projets de développement dans leur pays d'origine, sont accusées de favoriser l'immigration clandestine. Le gouvernement veut-il supprimer l'aide au « tiers-monde » que les puissances occidentales ont contribué à affamer ?
Le rapport Courson-Léonard sur les fraudes dénonce le travail au noir. Mais au lieu de pénaliser les patrons qui profitent de ce système, ce texte propose de poursuivre les sans-papiers contraints au travail non déclaré. La commission évalue les clandestins à 800 000 tandis que la fraude liée au travail au noir totalise, selon elle, 100 à 160 milliards de francs. Ces chiffres sont cités sans aucune source et pour cause... Comment compter précisément ce qui légalement n'existe pas ? Tout en reconnaissant que les sans-papiers ne représentent que le quart de cette main d'oeuvre, ce rapport les montre du doigt. La logique de ces députés est pourtant simple : désigner des boucs-émissaires, les étrangers, pour renforcer la précarisation de tous et de toutes. En plaçant les travailleurs immigrés dans une situation très vulnérable, l'État les contraint à accepter de conditions de vie encore plus difficiles ou à partir. Parallèlement, sous couvert d'insertion, l'État impose des emplois au rabais. La récente création de zones franches, dispensant les entreprises de cotisations sociales, ne correspond-elle pas à une légalisation du travail au noir ? Bas salaires, logement de fortune, impossibilité de se défendre sur son lieu de travail, restriction de l'accès à l'école et aux soins, autant de situations soigneusement construites pour renforcer l'inégalité, accroître la concurrence de tous contre tous.
Des sans-papiers en lutte, apparus à Paris, Versailles, Morlaix, Toulouse, Lille, Saint-Denis, Bayonne, etc., des foyers de résidents qui entrent en résistance, peuvent être renforcés par des initiatives déterminées. Paralysons les administrations où délation et xénophobie sont monnaie courante ! Le Collectif s'est d'ores et déjà attaqué à certaines d'entre elles : une ANPE (ou un sans-papier avait été arrêté après dénonciation), les locaux d'Air France (qui accepte de déporter des réfugiés), une annexe de la préfecture (qui délivre, ou plutôt refuse, des titres de séjour aux étudiants étrangers) ont été occupés. Hier (le 14 juin), nous avons envahi le siège de la CAF en France afin de protester contre le refus des CAF de verser des prestations sociales à des dizaines de milliers d'étrangers en toute illégalité. Exigeons l'abrogation de l'ensemble de l'arsenal juridique xénophobe, les lois Dufoix, Joxe et Pasqua compris ! Le Collectif « Des papiers pour tous » ne distingue pas de "bons" ou "mauvais" réfugiés. Il n'est pas question "d'accueillir toute la misère du monde" mais de la combattre. Pour notre part, nous défendons la liberté absolue de circulation, l'égalité et la totalité des droits démocratiques (sociaux et politiques) pour chacun, sans discrimination aucune, quelle que soit son sexe, sa nationalité ou sa provenance.
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Marc
Champesme
Dernière mise à jour le : Dim 23
Février 1997