ÉTATS GÉNÉRAUX, POUR QUOI FAIRE ?


Le 22 mars à St. Malo, devant la Conférence des Présidents d'Université (CPU) François Bayrou ouvrait (à huit clos !), ses "États généraux de l'université". Il y rendait public son questionnaire, plate-forme officielle pour le "large débat sur l'avenir de l'Enseignement supérieur" que les présidents d'université sont chargés d'organiser jusqu'au 25 mai. Auparavant, le 15 juin, la Commission Fauroux lui aura remis son rapport. Après une phase de synthèse, le Ministre prendra des décisions...

Ce calendrier dérisoirement étriqué (2 mois, vacances de Pâques comprises) comme le choix des "acteurs principaux" du débat (les présidents d'université), et la phase ultérieure de "synthèse politique" (avec le rapport Fauroux ?) ne peuvent laisser place à aucune illusion sur les réelles intentions du Ministre.

En fait, les réponses au questionnaire du Ministre sont d'ores et déjà clairement formulées dans le (futur) rapport de la commission Fauroux... ainsi que dans la politique économique et sociale menée par le gouvernement Juppé ! Dans ces conditions et même si certains problèmes réels sont évoqués dans la synthèse des travaux de la CPU, il ne s'agit en aucun cas de solliciter notre avis ; États généraux et questionnaire participent d'une même opération médiatique derrière laquelle se profile une politique réactionnaire pour l'Enseignement supérieur, dans la droite logique des propositions Fauroux.

Pourtant l'enjeu paraît immense pour l'Enseignement supérieur. "Deux millions d'étudiants, c'est une chance pour notre pays. L'élévation du niveau de formation de la jeunesse est une aspiration de la population qu'il serait irresponsable de décourager" (Synthèse des travaux de la CPU). Il faut mettre au débat les missions de l'Enseignement supérieur : droit aux études supérieures, lutte contre l'échec, formation qualifiante, consolidation des liens enseignement-recherche, etc...

Les présidents d'université ne semblent pourtant guère enclins à impulser ce fameux "plus large débat" démocratique. Le président de Paris XIII, par exemple, encadre les commissions de travail par l'intermédiaire des présidents de commissions (CEVU, CS, Commission des moyens, filières étudiantes, etc.). Pourtant, de tels États généraux concernent a priori toutes les composantes des universités: étudiants, personnels IATOSS et enseignants-chercheurs... Le flou et la vacuité des dix questions ministérielles n'enflamment en fait guère l'imagination (!), d'autant que le point épineux des moyens politiques et financiers en jeu y est bien entendu parfaitement occulté : on nous propose "un financement à la hauteur d'une grande ambition" (loi de programmation ? Collectivités locales ? Droits de scolarité ? Taxe d'apprentissage ? Politique contractuelle ?)... Qui tranchera ce noeud gordien ?


  • Précarité de la formation étudiante
  • Précarité d'emploi des personnels IATOSS
  • Précarité d'emploi des enseignants-chercheurs
  • Précarité de la recherche publique civile

  • Précarité de la formation étudiante

    Les mesures prévues s'articulent autour de la notion de "trousse de survie" ("Survival Kit" !) en guise de savoir minimal des futurs étudiants-chômeurs. C'est la tentative de conformer leur formation au vieux rêve des entreprises : bénéficier d'un vaste réservoir de main d'oeuvre à bon marché, peu qualifiée et adaptée aux besoins d'une économie en crise (flexibilité, précarité d'emploi). L'objectif est donc de professionnaliser les formations à l'échelle nationale

    "Dans la crise, (...) l'université a une mission nouvelle : celle de faciliter l'entrée des étudiants dans la vie professionnelle. Ceci vaut pour toutes les formations qu'elles relèvent de la voie générale ou de la voie technologique. C'est un changement en profondeur" (L'insertion professionnelle, point 5 du questionnaire Bayrou).

    Alors que plus d'un jeune sur 4 est au chômage (plus de 25% des 16 à 25 ans), le pouvoir a choisi la déqualification à outrance des étudiants. Il n'est pas question d'en débattre mais de combattre.

    Les étudiants sont invités à venir discuter des revendications syndicales dans l'Enseignement supérieur avec toutes les catégories de personnels.

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    Précarité d'emploi des personnels IATOSS

    Le chômage (3 millions de chômeurs en 1995 : 11% à 12% de la population active) touche d'abord les emplois précaires et non qualifiés : 20% des non qualifiés sont au chômage et un million de travailleurs peu ou pas qualifiés parmi ces trois millions de chômeurs. L'économie française compte 4,1 millions d'emplois non qualifiés (précaires, pénibles et mal payés) occupés à 58% par des femmes ; 70% des embauches se font désormais à titre précaire et les salariés stables ne représentent plus que 55% de la population active, contre 76% en 1970 (Alternatives économiques, mars 1996, chiffres de 1994).

    Au sein du service public, cette situation développe et aggrave la précarité, la sous qualification, la dévalorisation du travail. Réciproquement, ce terreau de précarité renforce le chômage des classes laborieuses. L'université n'est pas en reste. Tandis que les besoins en personnels IATOSS s'accroissent, leur nombre diminue et la précarité s'intensifie (de nombreux emplois sont désormais des demi-postes, des demi-SMICs, à 1 500F ou 2 000F par mois). Bref, l'enseignement vit au rythme d'un emploi chroniquement déqualifié et dévalorisé, mais le questionnaire ministériel n'en souffle mot ! À cet égard, une des revendications du SNESup est la création de 5 000 emplois de personnels IATOSS, de bibliothèques, de personnels sociaux et de santé, etc.

    Il faut que les revendications syndicales soient largement discutées par tous les personnels (IATOSS et enseignants-chercheurs, titulaires ou non, syndiqués ou non).

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    Précarité d'emploi des enseignants-chercheurs

    L'INSEE recense 800 000 jeunes de moins de 25 ans inscrits au chômage. Ce chômage engendre la précarité et s'en nourrit. Sous prétexte de " formation ", les entreprises (État, patrons) préfèrent embaucher deux jeunes sur contrat à durée déterminée et diminuer la masse salariale pour bénéficier des primes gouvernementales.

    À l'université, la précarité des jeunes enseignants-chercheurs a dépassé la cote d'alerte. Le cap des 11 000 thèses soutenues par an a été franchi en 1995 : une augmentation de 70% depuis 1989. Mais 50% des docteurs sont au chômage et à peine 40% des 18 000 inscrits en thèse (1994) bénéficient d'un financement. Parallèlement, on assiste à une chute vertigineuse (70%) des créations de postes de Maîtres de Conférences : de 2 222 en 1993 à 712 en 1996 (obtenues après le mouvement de novembre-décembre et financé par la suppression des congés de mobilité des enseignants du secondaires). Dans ces conditions, l'emploi précaire ou hors-statut (ATER, moniteurs, vacataires, post doctorants sans poste) ne cesse de croître chez les enseignants-chercheurs, en nombre comme en temps de précarité.

    Simultanément, le recrutement massif de personnels enseignants de type PRAG ou PRCE enclenche un processus de secondarisation des premiers cycles (1 150 postes de PRAG créés en 1996, soit 1,6 fois plus que celui des postes de Maîtres de Conférences). Cette politique porte un coup sérieux au lien enseignement-recherche et pèse très lourdement sur le recrutement de nouveaux titulaires.

    Résultat :

    Face à cette situation qu'il a créée, le Ministère reste muet. L'augmentation des personnels IATOSS et enseignants-chercheurs, la création d'une dizaine de milliers d'emplois par an est absolument vitale pour l'Enseignement supérieur... Le questionnaire Bayrou n'a, là-dessus, ni proposition, ni question à poser : silence total !

    En tout état de cause, il n'est pas question de débattre des modalités d'application du (futur) rapport de la Commission Fauroux.

    Dans ces conditions, la plate-forme revendicative du SNESup - qu'il devient urgent de discuter - réclame (entre autres):

    Il faut que ces revendications syndicales soient largement discutées par tous les personnels (IATOSS et enseignants-chercheurs, titulaires ou non, syndiqués ou non).

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    Précarité de la recherche publique civile

    Le point 6 (La Recherche) du questionnaire Bayrou s'interroge: "Comment mieux assurer la reconnaissance et l'orientation de la recherche universitaire dans l'effort national de recherche ?". Mais le gouvernement et le ministère ont déjà répondu à cette question ! Les crédits des laboratoires du CNRS sont amputés de 15% à 25% et les ressources gelées. L'effort financier pour la recherche est désormais comparable à celui de la Norvège ou de Taiwan ; depuis 1993, en francs constants, tous les organismes publics sont frappés par une chute des autorisations de programme de plus de 20%. Il faudrait augmenter l'effort de recherche civile de 50% pour être à la hauteur du Japon ou de l'Allemagne. Tout récemment, 75% des directeurs de laboratoire du CNRS et de l'INSERM se sont associés à une demande aux pouvoirs publics de "revenir sur toutes les décisions d'annulation ou d'amputation de crédits". Ces mêmes budgets sont d'ailleurs en régression constante.

    En ce qui concerne la recherche universitaire, le SNESup exige un premier bilan public de la contractualisation tripartite à son stade actuel. Un financement récurrent doit être assuré pour les équipes et chercheurs n'entrant pas dans les objectifs de la contractualisation. En particulier, le statut et le financement des UPRES doivent être négociés dès maintenant.

    En tout état de cause, il n'est pas question de discuter les modalités d'application de mesures gouvernementales qui ramènent la recherche plus de dix ans en arrière.

    Le pouvoir a choisi la précarité générale dans l'enseignement et la recherche publique civile. Il n'est pas question d'en discuter mais de lutter.

    Là encore, il faut que les revendications syndicales soient l'objet de larges discussions entre tous les personnels.

    POUR UN LARGE DÉBAT SUR L'UNIVERSITÉ
    CONTRE LE PLAN BAYROU-FAUROUX
    CONTRE LA POLITIQUE DE PRÉCARITÉ
    MOBILISATION DE TOUS LES ÉTUDIANTS ET PERSONNELS
    (IATOSS, Enseignants-chercheurs, titulaires et précaires, syndiqués ou non)

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    Cette page est maintenue par : Marc Champesme
    Dernière mise à jour le : Dim 9 Juin 1996 23:39