Le sigle de NON
Pochette de l'album "TG" de Throbbing gristle
Thee Grey Wolves
Thee Grey Wolves
Thee Grey Wolves
La Totenkopf emblême des SS revue par Death In June
Laibach

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Non, ce níest pas un article sur Test Dept., pour ceux qui síy attendaient
! Plutôt inspiré par Thee Grey Wolves, jíaimerais me pencher
sur líimagerie fasciste dans la musique ìindustrielleî et expérimentale.
Comme vous avez pu le constater, ce genre de musique est envahie par
cette imagerie, tantôt ouvertement, tantôt plus subtilement.
Des musiciens expérimentaux tels Throbbing Gristle, ont utilisé
la symbolique du fascisme en affirmant que leur but était de síattaquer
aux préconceptions et de créer une audience plus ouverte
díesprit. Les punks firent un usage immodéré de la swatiska.
Dans leur démarche de rejet nihiliste des valeurs établies
de la société, ils prirent le parti de líinacceptable afin
díexprimer le dégoût quíils éprouvaient pour le monde
dans lequel ils vivaient. Victimes de ce quíils ressentaient comme une
agression autoritaire, ils répondirent instinctivement en opposant
à la violence sociale un choc antisocial.
Le groupe de rock avant-gardiste Laibach adopta líapparence du totalitarisme
à la fois pour explorer notre société autoritaire
et la nature autoritaire de la musique ìrockî. Souvent accusés díêtre
fascistes, leur humour franchement ironique est là pour rappeler
quíils ne sont pas ce quíils ont líair díêtre. Leur usage de symboles
à la fois nazis et religieux ainsi que leur opinion que pour subvertir
et détruire un état mieux vaut díabord le connaître.
Díautres ne se contentent pas díadopter une imagerie superficielle et
vont jusquíà adopter un comportement dictatorial afin de provoquer
une réaction et montrer les mécanismes de contrôle.
NON en est un exemple, qui faisait des concerts au début des années
quatre-vingts consistants en des musiques rythmées à un niveau
insupportablement fort. Líaudience avait le choix entre fuir cet assaut
autoritaire ou bien accepter et explorer les plaisirs de la soumission.
Beaucoup de groupes au son martial se comportaient différemment
quant à leur manière díimiter un fascisme chic et la discipline
extrême à travers leur présentation. Étant donné
que la plupart díentre eux étaient opposés à líordre
social existant, ils passaient beaucoup de temps à recopier ses
symboles et styles. Des groupes comme Manufacture, Front 242 et díautres
utilisaient des rythmes militaires agressifs, accouplés avec des
discours de leaders politique díextrême droite et autres extrémistes
religieux, présentant des informations brutes de leur environnement
sans commentaire. Nous sommes ìsupposésî comprendre que ces groupes
apparemment fascistes sont en réalité opposés au fascisme.
Ils attirèrent inévitablement des néo-nazis vers
leur musique, quíils aiment leur musique ou non. Même des socialistes
comme Test Dept. ont été décrits comme les ìThugs
de la nouvelle gaucheî en raison de leur apparence masculine colérique
et violente.
Díautres sont encore plus duplices. Death in June parsème ses
albums de crânes, díimagerie runique et de style paramilitaire,
et sont apparus sur scène dans le passé avec des chemises
brunes. Leur goût pour les comportements et líimagerie fasciste síest
étendu à ce qu'ils décrivent avec passion comme le
ìrêve européenî, une supernation pan-continentale. Selon votre
point de vue, cela peut être considéré comme un noble
but, une insanité díextrême droite, ou juste une preuve de
romantisme particulièrement naïf. Dans la même clique
musicale, Whitehouse et leur label Come Organisation ont utilisé
une rhétorique suffisamment extrême, en public comme en privé,
pour que même les consciences les plus libérales refusent
de leur accorder le bénéfice du doute. Le racisme flagrant
du leader de Whitehouse William Bennet semble avoir quelques prétentions
à être une critique culturelle sophistiquée, en dépit
des illusions de quelques fans. Les concerts de Whitehouse sont fréquemment
le théâtre de fougueuses incitations à des actes racistes,
dégoûtant la plupart de ceux qui étaient suffisamment
libéraux pour leur accorder une chance.
Et il y en a díautres : des artistes travaillant sur cassette dans le
même domaine tel le AWB group, des racistes díextrême droite
qui ont choisit de síexprimer dans le genre experimental eletronics, et
Con-Dom, un projet solo en provenance des îles britanniques qui explore
les domaines du contrôle et de la domination grâce à
un mur de son primitiviste. Le monde des cassettes underground compte nombre
díexemples díartistes qui exploitent ce genre de territoires, et bien que
ce soit un moyen díexpression valide, cela commence à devenir un
peu uniforme et privé díimagination au bout díun moment.
Throbbing Gristle montra a quel point un stylisme nazi de surface pouvait
être élégant. Le noir, le rouge et líargent produisent
un mélange de couleurs très plaisant, et les insignes fascistes
sont des symboles extrêmement puissants. Líimagerie a des antécédents
dans le mouvement futuriste italien, avec son goût pour líart dynamique
et brutal. Beaucoup de ceux qui utilisent des motifs tels que la swatiska,
comme Jim Thirlwell du groupe Foetus justifient leur usage simplement en
terme de désir díutiliser les visuels librement, en particulier
ceux quíils trouvent psychiquement résonnant. Quatre décennies
après que les alliés aient stupidement clamés la mort
du fascisme, líimagerie conserve sa puissante fascination. Les extrémismes
de toutes sortes se réverbèrent profondément dans
notre esprit: cela touche une partie de notre inconscient que les philosophies
modérées sont incapable díatteindre.
Et, bien sûr, les punks nous rappelèrent à quel
point la swatiska demeurait aussi provocatrice après toutes ces
années. Rejeter les excréments de líestablishment dans sa
propre gorge était destiné à provoquer un réaction
nauséeuse. Pour les groupes qui souhaitaient outrager la société,
le fascisme était une arme puissante. Le temps finit par retourner
cet usage contre son auteur, même si ces méthodes sont semblables
à celles que la société lui a appris.
Il est cependant discutable que de telles pratiques soient jamais fécondes.
Elles ne changent certainement pas le système, mais renforcent ses
désirs répressifs. La volonté de choquer semble fréquemment
due davantage à un rejet nihiliste quíà un désir de
construction díune alternative positive. Maman ne nous laisse pas jouer,
alors nous nous mettons à hurler ó voici à quoi ressemblent
toutes ces provocations. Cíest basé sur les mêmes émotions
que celles qui déclenchent les pleurs de líenfant. Notre environnement
est déplaisant et destructeur mais nous ne nous sentons pas le pouvoir
de faire quelque chose contre ça. Dans cette situation, le nihilisme
est la seule option viable, mais cela reste une supposition fausse. Nous
ne sommes pas impuissants, et accepter de líêtre, ne rien faire sinon
se plaindre, ne peut que repousser les chances de réaliser nos véritables
désirs. Le nihilisme est contre-révolutionnaire, rend impuissant,
et líusage intensif de líimagerie fasciste comme stratégie de choc
a misérablement échoué.
De plus, en adoptant les tactiques agressives des oppresseurs, les
punks et autres rebelles ont admis quíils níavaient pas díautres alternatives
à proposer que celle de valider líoppression initiale. Líétat
autoritaire se nourrit des rébellions, síen servant comme justification
à ses propres exactions.
En revanche, certains rejetons de la culture industrielle affirment
que leur intention de choquer allait plus loin quíun hurlement de protestation.
lls affirment, comme SPK par exemple lorsquíils exhibent une imagerie sexuelle
agressive dans leurs oeuvres, que le fait de choquer sert à sortir
les gens de leur quotidien ennuyeux, à réveiller en eux líidée
que ce matériau extrême peut être envisagé objectivement,
et non pas uniquement sujet à des réactions de rejet instinctif
comme cíest habituellement le cas. Personnellement je trouve cela équivoque,
car la répétition díune image tend seulement à perpétuer
les associations quíelle éveillait auparavant. En díautres termes,
les gens qui trouvaient déjà répugnante cette imagerie
ne vont pas changer díidée juste parce quíils voient cette imagerie
à nouveau. Je garderai pour une autre occasion une considération
à propos de líadoption díun style agressif, apparemment fascisant
chez des groupes comme Laibach, Test Dept. et consort. A la place, nous
avons en face de nous un exemple díusage díune imagerie extrême conduisant
à une conclusion logique: Thee Grey Wolves. Aujourdíhui, après
un siècle díexpériences variées en matière
díextrémisme brise-tabou dans líart et la littérature, cela
ressemble à un recyclage de comportements devenus redondants. Cela
peut sembler positif de critiquer ceux qui explorent encore les côtés
sombres de líhumanité en substituant à líoriginalité
par une formule connue pour attirer líattention. Est-ce un bon commentaire
sur Thee Grey Wolves ? Ainsi dénommé, si je ne míabuse, díaprès
un groupe terroriste díextrême droite turc (de même que les
individus du groupe électronique extrême Terre Blanche ont
adopté le nom de famille du leader fasciste des commandos A.W.B.
Eugene Terre-Blanche; ou SPK nommé díaprès le Sozialistisches
Patienten Kollektiv), Thee Grey Wolves fut créé en 1985.
Ses deux membres ont aussi travaillés sur des projet solo comme
Tactical Aid Group et Nails ov Christ, et distribuaient leurs cassettes
via les labels Artaman Tapes et Strengh Though Awareness .
Déclarant être une manifestation du ìréseau de terrorisme
culturelî, Thee Grey Wolves tentent díadopter une attitude uniformément
extrême pour tout ce quíils enregistrent. Leur catalogue de vente
par correspondance est parsemé de symboles crypto-fascistes, díimages
de nazis et consort. Leur enregistrements contiennent ìRed Terror Black
Terrorî, ìAtrocity Exhibitionî, et ìLegion of Hellî. Parmi les projets
réguliers de David Padbury (alias Crystal Knight) figure ì120 days
of Sodomî, une exposition extrême (et probablement illégale)
de mail-art. Líintention semble être de tester les limites autant
que possible ó briser les tabous par un traitement de choc ó mais il est
discutable que cela puisse supporter la comparaison avec líinfâme
nouvelle du Marquis de Sade. ll est plus question de ìSodomî que de volonté
de choquer.
La musique ? oh oui, la musique ! Comme beaucoup díautres groupes produisant
de líîextreme eletronicsî, leur son est celui de líintérieur de
la tête díun animal sur lequel une expérience est pratiquée,
des hurlements des chambres à gaz, et de líagonie díune civilisation
síeffondrant. Ceci est une interprétation. Autrement, je pourrait
succinctement la décrire comme un ìbruit inécoutableí. En
réalité, la musique se situe quelque part entre les deux.
Âpres, douloureux, chaotiques paysages bruitistes, pas suffisamment
disjoints ou extrêmes pour être tout à fait inaudibles:
une structure latente dissimulée existe au-delà du déluge
sonore. Par delà le chaos vous vous pensez capables díextraire des
thèmes et des éléments subliminaux ó mais il est possible
quíil ne síagisse que díhallucinations.
Malgré ce qui a été dit pour repousser líauditeur,
la musique est suffisamment écoutable pour sembler magnifique une
fois quíon a rééduqué ses oreilles. En temps que musique
atmosphérique cíest sympathique, bien quíun peu rude, si le genre
díatmosphère que vous aimez est celle que líon trouve dans les abattoirs.
Comme soundtrack de líapocalypse, cíest un coup manqué, jamais vraiment
proche de refléter les horreurs qui se cachent dans la vie réelle.
Jusquíà un certain point, on peut affirmer quíun fois quíon a entendu
un mur de bruit on les a tous entendus, mais cela níest pas juste. La
musique bruitiste recèle bien plus de possibilités díexpression
quíil ne semble au premier abord. Ce peut être sans esprit, violent,
serein, odieux, magnifique. Si líon considère que le bruit fait
partie de la musique, díautres artistes sont allés beaucoup plus
loin que Thee Grey Wolves dans cette direction, mon favori personnel étant
le musicien américain PBK, qui a réussit à créer
une esthétique bruitiste attractive. Et comme je líai dit auparavant,
si líon tient le bruit pour un principe, je crois quíaucune sorte de musique
soit jamais capable de présenter les choses autrement que sous une
forme dégradée díextrémisme réel. Cíest facile
de réagir à líimagerie díun groupe à un degré
simple, instinctif et immédiat. Líimagerie est répugnante
(pour toute personne raisonnable avec une conscience sociale) et pourquoi
devrait-on supporter díaller voir plus loin ? Si vous êtes opposés
au fascisme et êtes incapables de déterminer si ce que dit
tel groupe est fasciste ou non, pourquoi donc devriez-vous être intéressés
par cette imagerie déplaisante ? Si, comme il líaffirment, Thee
Grey Wolves considère que son rôle est de nous présenter
des informations que nous préférerions ignorer, nous rappeler
quel est le vrai visage du fascisme, ne serait-il pas plus sensé
de dire: ìDíaccord, cíest le vrai visage du fascisme ó je sais ce que cíest,
et je ne veut rien avoir à faire avec celaî ? Et si jíai envie de
savoir quelque chose à propos du fascisme, je níai pas besoin de
Thee Grey Wolves pour me líapprendre: il ne manque pas díexemples réels
sans avoir besoin de leurs reproductions. Briser les tabous est habituellement
considéré comme une activité méritoire. Un
groupe comme Thee Temple ov Psychick Youth líencourage afin de se débarrasser
de líendoctrination sociale et de redécouvrir notre ìvraie volonté
intuitiveî. Du moment que ce sont les tabous qui sont concernés,
cíest positif, puisque la plupart de ces action ne sont en réalité
pas antisociales. Les tabous contre la violence sont des sujets différents
puisquíils cristallisent ce que même des briseurs de tabous considèrent
comme des principes à utiliser. Jusquíoù allez vous dans
votre recherche sur vous-même ? Pouvez vous justifier un comportement
ìmauvaisî parce que vous pensez nécessaire díexplorer à la
fois les côtés sombres et clairs de votre personnalité
? Les résultats de votre auto-exploration sont-ils si importants
quíils dépassent les effets sur les autres de votre exploration
?
Beaucoup des artistes pionniers ìindustrielsî explorèrent ces
domaines: Throbbing Gristle et Monte Cazazza en sont parmi les meilleurs
exemples. ll est probable que leur exploration de líextrême aille
plus loin que celle de Thee Grey Wolves puisque ces derniers se contentent
de flirter avec une imagerie, ils ont personnellement expérimenté
et accomplit en public nombre díactivités sadiques et taboues,
dont les poses de Cosey Fanni Tutti dans des magazines pornographiques
sont sûrement les plus connues. Et ils sont loin díêtre les
seuls.
En dehors du ghetto musical, des artistes tel Rudolf Schwarzkogler ont
exploré des domaines extrêmes en profondeur. Schwarzkogler,
un autrichien, mourût en 1969 à la suite de performances incluant
des auto-mutilations. Son compatriote Hermann Nitsch est particulièrement
connu pour ses projets dans les années 70, dans lesquels le public
participait à des rituels cathartiques impliquant des sacrifices
réels díanimaux, afin de renouer avec des instincts anesthésiés
par líaliénation sociale occidentale.
Avec le temps, les membres de líunderground musical expérimental
intéressés par Charles Manson, Jim Jones, Hitler et les autres
icônes populaires du mal extrême, se mirent à justifier
leur intérêt dans des termes simplistes et imbéciles
tels ìcíest ce qui me plaît, donc ça doit être bienî,
appelant chacun à suivre ses désirs les plus profond selon
líidée anarchiste libertaire. Lorsque ces désirs les conduisent
à exprimer une fascination pour les meurtriers de masse, je commence
à me demander où fixer les limites. Connaître son ennemi
est très bon, mais líintérêt montré par Boyd
Rice (NON) semble souvent dépasser la frontière qui sépare
le morbide du maniaque et du dangereux. Ce níest pas uniquement la question
de comment je, vous, ou les groupes réagissent aux allusions fascistes
et violentes. Comment les autres réagissent-ils au contact de ces
groupes ? Des gens sont attirés simplement par le fait que le fascisme
síexprime à travers des groupes comme Front 242, Last Few Days et
beaucoup díautres. La rhétorique fasciste attire les fascistes ó
une simple équation. Si vous níavez pas envie díattirer un tel public,
alors vous ne devez pas utiliser leurs signes de ralliement dans votre
publicité. Cela implique que quiconque utilise une telle imagerie
est satisfait díêtre associé avec les fascistes, et díêtre
considéré comme tel. lls ne trouvent pas cela insultant,
sinon ils y réagiraient.
Díautres y sont très hostiles. Si vous avez déjà
souffert des effets du racisme, vous devez être plutôt récalcitrant
à toute sympathie libérale envers les supposés créateurs
sophistiqués qui encombrent leurs pochettes avec des swatiskas.
Vous pourriez penser que ce níest que le résultat díune incapacité
à explorer et à dominer son conditionnement idéologique.
Ce que jíaccepte. Mais je soupçonne les gens qui pensent ainsi díêtre
incapable de bien comprendre ce qui a produit ce conditionnement
Jíai appris à faire le rapprochement entre les affiches du National
Front collées sur ma porte et les chiffons enflammés fourrés
dans ma boite à lettres, jíestime que je níai pas de temps à
perdre à revoir ma conception sur ce problème lorsquíon me
présente un disque avec une couverture pseudo-nazie.
ll est peut-être raisonnable díaffirmer que cíest au public de
tirer lui-même des conclusions en ce qui concerne les informations
que les groupes présentent, plutôt que díavoir les opinions
ìsans détourî du groupe enfoncées dans la gorge. Personne
níaime quíon lui prêche la bonne parole. Les échanges furieux
entre un groupe et une audience socialiste ne vont jamais déclencher
une réflexion bien profonde, mais au contraire consolident des idées
figées. Mais les groupes doivent-ils être effrayés
díexprimer leurs propres idées au point de se cacher derrière
une prétendue ìobjectivitéî de líinformation ? Jíaccepte
avec joie un peu de subjectivité du groupe que jíécoute.
Si je veux de líinformation brute, je vais voir la presse. Ce problème
est spécifique à Thee Grey Wolves, qui essaie de présenter
son travail comme de la simple documentation. Leurs propres opinions sont
rarement exprimées parce quíils pensent quíil est préférable
de laisser líinformation jaillir sans distorsion due à une coloration
subjective.
Cependant, même Thee Grey Wolves a été forcé
de se déclarer opposés au fascisme, parce quíil était
devenu clair pour eux que si une mise au point níétait pas faite,
ils perdraient toute leur audience. Cela signifie que, comme Laibach, ils
doivent tempérer leur confusion délibérée par
un discours justificatif, et le résultat fait diminuer le degré
de provocation de leurs oeuvres. Si nous savons que ce ne sont pas de véritables
fascistes, alors líambiguïté de leur présentation síen
trouve changée ó nous savons quíils désapprouvent ce de quoi
ils traitent, et nous savons comment nous sommes ìsupposésî réagir.
Les impératifs de la vie réelle les empêchent díadopter
une attitude parfaitement conforme à leurs intentions. La confusion
comme arme révolutionnaire possède une longue histoire. Elle
a été largement abordée durant ce siècle, depuis
Dada et díautres jusquíà Fluxus et au-delà. À Zürich
et à Berlin provoquaient de vastes tumultes à travers leur
audience, rejetaient líart du passé, et utilisaient systématiquement
tous les paradoxes quíils pouvaient. pendant que Kennedy et Khroutchev
se faisaient face en 1962, líartiste Fluxus Robin Page transforma ce qui
semblait être un concert rock en une impressionnante performance
lorsquíil jeta ses instruments de líimmeuble dans la rue devant une audience
ébahie. Ne jamais laisser líaudience deviner ce qui va se passer,
sinon il ne peut y avoir de défi. Ce principe a été
utilisé par un grand nombre díartistes du passé, et appliqué
à des idéologies controversées et ambiguës peut
mener à un intéressant et vigoureux résultat. Si les
gens sont sûrs de ce que vous leur affirmez, on peut penser quíils
síen feraient une idée sans vraiment y réfléchir.
Si vos déclarations ne sont pas claires, ils doivent juger de
ce que cela signifie, et cela les oblige immédiatement à
considérer les choses de plus près. En díautres termes, la
confusion entraîne la réflexion. Thee Grey Wolves y ont réussit,
en dépit de líapparent manque díoriginalité de leur sujet.
Au contraire des groupes industriels qui ont trempé dans líextrémisme,
(à líexception possible de Whitehouse) Thee Grey Wolves en font
líunique objet de leur art, ainsi quíà tout ce qui síy rapporte.
Il níest pas inutile de préciser que toute situation extrême
entraîne une réponse extrême. Les gens qui continuent
à penser que nous ne vivons pas dans des situations extrêmes
gardent depuis toujours leurs yeux fermement clos. (Ö)
Une réponse extrême níimplique pas nécessairement
une violence extrême ou une réponse nihiliste. ll y a díautres
formes díextrémisme. Si votre seul désir est díattirer líattention
des gens en dehors de la télévision vers la réalité
pour montrer à quel point ce monde est une honte, alors le nihilisme
correspond à cette démarche. La sombre attitude adoptée
par la plupart des artistes industriels représente une expression
de mécontentement difficilement récupérable par la
pensée dominante, comme le fut le mouvement punk, par exemple. Mais
il est aussi discutable que cela ait aboutit à quoi que ce soit.
Une critique négative ne peut jamais être satisfaisante. Un
certain nombre de groupes rassemblés sous le vocable industriel
líont réalisé. Test Dept., dont les brutales et originales
performances scéniques étaient líexpression díune colère,
ont adoucit leur travail à mesure quíils progressaient, cherchant
à adopter une position plus mâture. Sur leur album ìTerra
Firmaî, ils prirent des positions écologistes, bien quíen général
ils se maintiennent confortablement dans une position critique au lieu
de síavancer à chercher des solutions. Cíest probablement une crainte
de devenir didactique, de devoir expliquer à líaudience comment
elle doivent réagir plutôt que de la laisser se faire un idée
par elle-même. Cíest aussi parce que le groupe nía aucun programme
politique à offrir, simplement une forme simpliste de conscience
socialiste.
Dans la même veine, Nocturnal Emissions est passé díune
tactique de déluge díinformation présenté en réaction
agressive à la société, à un style musical
plus atmosphérique ces dernières années. Nocturnal
Emissions essaye díexplorer un paysage plus personnel, se servant de líinstinct
et de líinconscient comme une voie vers une philosophie plus positive et
moins impulsive.
En définitive, il y a une difficulté à créer
une réponse plus positive à la société post-industrielle.
Tout ceux qui ont rejeté les démarches extrêmes craignent
de devoir soutenir leurs opinions personnelles. Peut-être níont-ils
tout simplement pas le courage de leurs propres opinions, et sont récalcitrants
à les exposer à la critique. Ou bien encore ils apprécient
le fait de partager ouvertement le même point de vue que les auditeurs,
font en sorte que cela se passe ainsi, et se retrouvent piégés
dans une idéologie à laquelle ils ne peuvent plus échapper.
Mais recopier le fascisme peut-il jamais conduire à sa destruction
? Ces supposés libéraux font-ils la sale besogne des nazis
en créant un climat où líexpression des désirs fascistes
est devenue acceptable ? La violence ne génère-t-elle pas
que de la violence ?
Nombreux sont ceux qui estiment ó et parmi eux Thee Grey Wolves ó que
la violence est le seul moyen qui nous est offert contre líétat
tout-puissant. Quiconque croit quíune rébellion en ce pays ne conduirait
pas à une répression armée du type de la place Tienanmen,
Jérusalem, Kurdistan, etc., vit en plein rêve. Les émeutes
de Philadelphie, aux USA, entraînèrent une réponse
militaire qualifiée de ìrestauration de líordreî, avec des blindés
dans la rue pour soumettre la population. La seule différence entre
ceci et la Chine est linguistique: nous parlons díîémeuteî si ça
arrive ici et de ìrébellionî si ça arrive ailleurs; ìterrorismeî
ici et ìguerre civileî là-bas. Les enquêtes sur la conspiration
de la loge P2 en Italie dévoilèrent des liens avec líorganisation
díextrême droite Gladio, liée aussi aux forces paramilitaires
britanniques qui se tient prête pour un éventuel coup de force
ìcommunisteî. Le monde dans lequel nous vivons est bien plus violent
que ne veulent bien nous le faire croire les journaux, et líargument selon
lequel un tel état doit être combattu selon ses propres tactiques
est très convaincant.
La violence est inévitablement autoritaire et répressive:
cíest une annihilation de la liberté de líautre, même sans
violence physique. La question níest pas de savoir si líusage díune imagerie
violente est ìbénéfiqueî. La question est d savoir si la
fin justifie de tels moyens. ll y a toujours cette conception que le seul
moyen de détruire líétat est de revêtir ses apparences.
Est-ce le seul choix ou avons nous díautres alternatives ? Je serais ravit
díavoir des réactions à ce sujet. Pour finir, voici la réponse
de Crystal Knight, à qui jíavais écrit:
ìDans votre lettre, vous semblez suggérer que Thee Grey Wolves
ont une approche nihiliste de la vie ó ce níest pas le cas du tout. Bien
que notre approche soit à la base anarchique, nous sommes sur le
mode de líambiguïté pour plusieurs raisons: si tout ce que
nous faisons ne mène quíà une réaction du type ìMais
quíest-ce quíils foutent avec ça ?î cela aura été
utile pour que les gens se posent des questions. Si les gens doutent, cíest
quíils pensent. La confusion est la clef. ll mía récemment été
dit díune manière indirecte que la majeure partie de mon travail
traitait du contrôle.î
ìSi je pouvais prendre líexemple du contrôle et de comment nous
utilisons líambiguïté dans une dynamique positive, cela rendrait
les choses plus claires. Nous avons conçu un poster montrant un
type arrêté par des policiers en uniformes ó les bras derrière
son dos, le visage enfoncé dans la terre, et les flics avec leurs
armes pointées ó le commentaire est: ìDites non à la démocratieî.
Certaines personnes pensent que cíest en faveur díune dictature alors que
díautre pensent que cíest ironique comme si nous disions ìvoyez ce quíest
réellement la démocratie!î. Une autre interprétation
nous satisfait: cíest celle de faire réfléchir les gens à
propos de la démocratie, même si ce níest que pour quelques
secondes.î
ìje suis en désaccord avec vous lorsque vous dites que la violence
perpétue les structures de líoppression. Je crois exactement le
contraire (la violence est une arme légitime de changement).î |
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Un article polémique
analysant les rapports entre musique industrielle et connotations idéologiques.
L'auteur fait une critique acerbe de l'usage immodéré et
parfois irresponsable de symboles fascistes. |