
Tribune
Raves : les irresponsables ne sont pas ceux que l’on
croit
Le
Collectif 663 et le Réseau Voltaire ont été conjointement
auditionnés à l’Assemblée nationale, lundi 25 juin 2001,
par le rapporteur Bruno Le Roux. Ils ont fait valoir leur
volonté de respecter la législation en vigueur et mis en
évidence que les problèmes actuels découlent d’une défaillance
des pouvoirs publics.
Le
projet de loi sur la sécurité sera examiné par l’Assemblée
nationale en seconde lecture, mardi et mercredi.
Des
élus locaux se sont inquiétés, à juste titre, des dangers
encourus par les participants à des rave-parties, souvent
improvisées dans des lieux inappropriés. Ils ont aussi dû
répondre aux récriminations de riverains puis, une fois
la fête finie, ont dû remettre les lieux en état aux frais
de leur commune.
L’État
ne leur apportant aucun secours, l’un d’eux, Thierry Mariani,
a profité de la discussion du projet de loi sur la sécurité
quotidienne pour préconiser des mesures répressives. À défaut
d’organiser les raves, on les empêchera en menaçant les
musiciens de saisir les matériels de sonorisation. Cette
apparente solution a été soutenue en séance par le rapporteur,
Bruno Le Roux et par le ministre de l’Intérieur, Daniel
Vaillant, tous deux socialistes.
Thierry
Mariani, député RPR d’une circonscription où le vote FN
est massif, se montrait volontiers sécuritaire. Daniel Vaillant
en rajouta à son tour pour parfaire son image. Au Sénat,
il affirma la nécessité de compléter cet arsenal répressif
avec des sanctions fiscales à l’encontre des sociétés organisatrices.
Après un vote quasi-unanime en première lecture, l’opinion
publique s’alarma de cette dérive du débat. De la question
initialement posée, on est arrivé par glissements successifs,
à la reproduction de l’affrontement stérile entre vieux
insomniaques et jeunes irresponsables. Face aux protestations
de leurs électeurs, les députés socialistes furent les premiers
à faire demi-tour. Le ministre se crispa sur sa position,
et soutenu publiquement par Lionel Jospin, en vint à parler
d’autorisation préalable des raves.
On
ne peut que s’étonner de la mauvaise foi du ministère de
l’Intérieur.
La
saisie de matériel de sonorisation est contraire à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme. La France ne
manquerait pas d’être condamnée si elle adoptait une telle
législation. Au demeurant, la saisie est généralement impraticable
car la plupart des musiciens louent des sonos dont ils ne
sont pas propriétaires. Et la Déclaration de 1789 interdit
d’appliquer une sanction pénale à des tiers, les loueurs.
Le
projet de sanctions fiscales est ubuesque, dans la mesure
où les raves sont des manifestations désorganisées, sans
responsable hiérarchique. Sauf bien sûr à pénaliser la fête,
à raffler tous les participants à une rave et à dresser
à chacun une contravention.
On
imagine avec effroi ce que serait notre pays si l’on appliquait
le projet Mariani-Vaillant aux défilés syndicaux et politiques,
en saisissant les sonos et en verbalisant les militants.
Au
demeurant, la question fondamentale posée par les élus locaux
est celle de la responsabilité en matière de sécurité, d’hygiène
et de propreté. Les raves sont des rassemblements non marchands,
parfois de grande ampleur, animés par des bénévoles. Elles
sont régies par le droit commun des manifestations qui dérive
du droit constitutionnel d’expression.
En
démocratie, les manifestations ne peuvent faire l’objet
d’autorisation, mais peuvent être soumises à déclaration.
Ainsi, la loi fait obligation aux personnes qui appellent
à manifester d’en informer les autorités préfectorales sous
quarante-huit heures, de sorte que celles-ci puissent mettre
en place la logistique nécessaire à la sécurité des participants
et à l’entretien du domaine public. Si le préfet constate
l’inadéquation du lieu, il peut interdire la manifestation.
Mais il lui incombe dès lors d’indiquer aux appelants un
lieu de substitution.
Il
en va différemment pour les manifestations musicales commerciales
qui sont, elles, soumises à autorisation préalable. Elles
nécessitent une mise à disposition contractuelle, temporaire
et payante, du domaine public. C’est à leur endroit seul,
et dans le but de définir des conditions identiques pour
tous, que le ministère de l’Intérieur peut rédiger une charte
déontologique.
Mais
aucune charte, aucun contrat, ne peut régir les manifestations
non marchandes en se substituant à la loi.
La
situation actuelle n’est pas imputable aux raveurs, mais
découle de l’incompréhension des pouvoirs publics et de
leur fuite des responsabilités
Les
raveurs demandent à entrer dans le droit commun et à exercer
leurs droits constitutionnels, de sorte que les forces de
l’ordre assurent la sécurité des free-parties au lieu de
les verbaliser, voire de les matraquer. Les élus locaux
souhaitent ne pas être rendus responsables d’éventuels accidents
survenus dans leur commune, ni devoir payer la facture de
la remise des lieux en état. Tous rappellent que, dans cette
situation, l’Etat républicain n’est légitime que lorsqu’il
assure un service public et non quant il méprise et discrimine.
Tous attendent que le ministère de l’Intérieur assume enfin
ses responsabilités. Il n’est pas besoin pour cela d’adopter
de nouvelles lois.
Collectif
663 et Réseau Voltaire
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