L'alibi de l'intégration face
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Seulement, en ne prenant ne serait-ce qu'un demi-pas de recul, l'alibi de l'intégration apparaît sous son vrai jour. Apartheid social et désintégrationOù ces braves gens voient-ils que nos sociétés intègrent ? Il est tout de même clair pour chacun que le système économique et social dans lequel nous vivons se présente plutôt sous la forme d'un modèle de désintégration sociale. Oui, le contraire du mot intégration, c'est le mot exclusion. D'autant plus quand une société ne fait reposer le statut social que sur le Travail, et qu'il y a de moins en moins d'emplois, cela commence à poser un sérieux problème. Il est donc gonflé d'évoquer le mot intégration, et ce aussi bien au niveau de l'immigration que des populations autochtones. Nos sociétés n'intègrent que ceux dont elle a besoin. Notons que les catégories d'étrangers éventuellement autorisés à résider sur notre sol, le projet de loi Chevènement le confirme, sont les scientifiques, les intellectuels, les travailleurs qualifiés, les investisseurs, etc. Et aller raconter que les immigrés piquent le boulot des Frankaouis, c'est passer un peu vite sur la crise économique mondiale. Toutes les études montrent qu'il n'y a pas plus d'immigrés dans l'état français qu'avant, que chômage et immigration ne sont pas liés (rapport OCDE juillet 97). Le néo-libéralisme impose la rentabilité comme dogme et se contrefout des conséquences sur le plan humain, qu'on se le dise. Des responsables, il y en a, et les solutions à nos problèmes ne sont certainement pas dans la désignation de boucs-émissaires. De l'identitéLe repli communautaire est également souvent cité comme un frein à l'intégration. Si ce processus de fermeture ne nous est pas sympathique, il est clair que nous sommes tout aussi contre la dissolution des identités dans un moule national-républicain unique. Une identité communautaire n'est pas malfaisante a priori. Si on assiste à une manière fermée de vivre son identité, c'est parce que ses particularismes sont confrontés quotidiennement à une société déstructurante: agressive (racisme, répression, précarité, ...), uniformisatrice par l'imposition d'un modèle de consommation le même pour tous, marchandisation des rapports sociaux, etc. S'en suit une perte globale de repères ou alors une non reconnaissance par le modèle «intégrateur» de fonctionnements culturels différents, souvent à la base des rapports humains intra et extra communautaires (par exemple l'esprit de solidarité entre africains dans les foyers, ne jamais laisser quelqu'un à la rue dans une cité, l'entraide, l'accueil, l'asile chez les Bretons, ...). Ce qui semble le plus intéresser les fanatiques de l'intégrationnisme, c'est plutôt l'acculturation des populations et des individus. En effet, il s'agit plus d'obtenir l'adhésion des gens au modèle dominant de docilité, de consommation, d'individualisme et de contrôle. Pourtant, la plupart des publicité vantent les mérites de la tradition, des ancêtres. Dans ce cadre-là, le FN a beau jeu de proposer un communautarisme franchouillard au rabais pour donner l'illusion de recréer des liens sociaux et humains que la société marchande a détruit. L'interculturalité contre les exclusionsFondre toutes les identités culturelles et sociales dans un modèle unique, indivisible et centralisateur ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c'est de voir de quelle manière des individus d'origines diverses peuvent être capables d'organiser ensemble l'égalité des droits et la satisfaction des besoins. En ce sens, l'interculturalité, comprise comme mélange, échange et partage entre cultures doit participer pleinement de la transformation sociale. Notre engagement dans l'organisation et l'accueil des caravanes de sans-papiers ou la défense des foyers de travailleurs immigrés est le reflet concret de cette réflexion. Favoriser des luttes sociales sans frontières communautaires afin de mieux résister aux mesures anti-sociales et à la xénophobie d'État. De plus, nous n'entendons pas les termes culture et identité comme réservés à des groupement nationaux ou ethniques. Il s'agit de prendre en compte tout ce qui relève de la culture ouvrière notamment mais aussi de l'identité urbaine moderne. Nos grandes agglomérations sont des lieux cosmopolites par excellence et jamais monoculturels. Ainsi, à titre d'exemple, notre travail au côté du Mouvement de l'Immigration et des Banlieues, mouvement qui réclame une justice égale pour tout citoyen et le droit à des conditions de vie décentes, se comprend dans le cadre de l'interculturalité comme modèle de construction d'un mouvement social. Enfin, à la croisée des chemins entre le mouvement ouvrier et les mouvements issus de l'immigration se trouve la solidarité internationale. C'est le pendant dialectique de la lutte contre l'ordre mondial économique et politique qui génère misère, destruction des cultures et migrations forcées. Une réflexion et une action existe au sein du réseau No Pasaran, particulièrement autour du groupe Breizh Etrevroadel, internationaliste, qui milite pour une Bretagne libre et métissée. Organiser l'émancipation de tous et toutes au travers d'actions de solidarités avec des pays d'Amérique centrale et caraïbe, avec le Burkina Faso, la Kanaky ou l'Euskadi. Le droit à l'existence des cultures et à la libre circulation des individus pose impérativement le problème des rapports Nord-Sud. Donc celui du partage des richesses. PlaidoyerVous l'aurez compris, «l'intégration» dont on nous rabat les oreilles est un concept bien creux et stérile, voire destructeur. Nous lui opposons une idée positive, dynamique et effective: l'interculturalité. Nous lui donnons un contenu citoyen fort, essentiel. C'est une des clefs pour affronter le racisme et construire un mouvement antagoniste. | |
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