[ SAMIZDAT ]

Circulons librement
pour partager les richesses !


«Toute personne a le droit
de circuler librement et de choisir
sa résidence à l'intérieur d'un État»
Article 13, Déclaration universelle
des droits de l'homme - et de la femme - de 1948.

En cette fin de siècle, la liberté de circulation et d'installation n'est pas respectée pour la grande majorité des êtres humains. Femmes et hommes d'Algérie en quête d'un asile temporaire loin des carnages de leur pays sont refoulés à nos frontières; les déserteurs serbes refusant de servir dans l'armée de la purification ethnique et les réfugiés bosniaques ont connu, en leur temps, le même sort Ces régions ne sont pourtant pas lointaines. Qu'en est-il alors de l'étudiant somalien obligé de mourir à petit feu chez lui en échange d'un sac de riz ? Qu'en est-il du citoyen rwandais poursuivi par des milices racistes armées par l'État français ? La liste est encore longue...

Ici, à l'intérieur de la forteresse Europe, tout étranger est suspect. Qu'il se marie, qu'il inscrive ses enfants à l'école, il doit franchir toute une série d'obstacles administratifs. Qu'il utilise les transports en commun, on le contrôle. On construit des prisons spéciales pour ceux et celles qui n'ont pas leurs papiers en règle : les centres de rétention. On va même jusqu'à les dénoncer. Ceux et celles qui osent les héberger commettent un délit...

Ces pratiques ne s'institutionnalisent pas sans réveiller le souvenir de périodes sombres de l'histoire européenne.

Les États capitalistes dominants développent des politiques qui se veulent de plus en plus répressives en matière de liberté de circulation. Les États-Unis ont construit un véritable mur interdisant le passage avec le Mexique. L'Europe se dote d'outils de plus en plus répressifs (visas, fichiers d'étrangers, restriction du droit d'asile...). Le Japon ou les monarchies pétrolières du Golfe Persique ne tolèrent que la venue de main d'uvre qui devra rentrer chez elle, expulsée de force si nécessaire une fois leur labeur terminé.

Quand 20% de la population mondiale possède 80% des richesses planétaires, quand 358 milliardaires possèdent à eux seuls une fortune équivalente à celle d'un milliard de personnes vivant dans les pays pauvres, il semble évident que ceux et celles qui détiennent ces richesses vont chercher à se protéger. Ils se protègent au niveau mondial en ne cessant de fermer les frontières avec les pays pauvres. Mais aussi sur le plan national : il faut bien empêcher les 100 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dans les pays du Nord de se réapproprier les richesses sociales (logement, santé, éducation, alimentation, plaisirs). Ils font d'une pierre deux coups quand les formations politiques directement influencées par les discours de l'extrême-droite agitent le spectre de l'invasion et exacerbent les sentiments xénophobes et racistes : les regards se tournent vers les étrangers, les migrants, et non vers ceux qui détiennent réellement les richesses. En trente ans, les richesses mondiales ont été multipliées par six. Paradoxalement, la liberté de circulation n'a cessé de régresser : les pauvres sont repoussés et cantonnés dans les cités-ghettos des métropoles des États du Nord, les SDF sont interdits de séjour dans plusieurs communes... Les pauvres de tous les pays n'ont plus qu'un choix : crever là où ils gênent le moins, loin des caméras et des opinions publiques.

Voilà pourquoi la liberté de circulation intégrale des hommes et des femmes est la seule alternative possible pour ceux et celles qui refusent le monde tel que les plus riches sont en train de le construire. La liberté de circulation est contraire à la volonté néo-libérale qui souhaite faire de la population mondiale une main d'oeuvre corvéable à merci et au moindre coût. Liberté de circulation et d'installation signifie réappropriation et partage des richesses.

Le gouvernement français, qui regroupe les composantes de la gauche parlementaire, refuse de l'admettre. En refusant de régulariser l'ensemble des sans-papiers, en excluant l'abrogation des lois Pasqua-Debré, en élaborant le projet de loi Chevènement qui nie la liberté de circulation, le gouvernement Jospin fait le jeu de ceux qui repoussent toute idée de partage des richesses.

En contrôlant les frontières, en réglementant le droit au séjour, le gouvernement crée des travailleurs clandestins et permet ainsi aux employeurs de recruter de la main d'uvre précaire. Pour le seul bénéfice de qui ? Ni des migrants, ni des travailleurs. Les premiers sont exploités, les seconds voient la législation du travail et leur emploi se fragiliser. A qui sert donc la précarisation du travail ? Aux mêmes qui refusent que ceux et celles qui produisent les richesses en profitent pleinement.




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