PRÉCARITÉ ACCRUE...
Le projet de loi affirme corriger certaines rigidités
des lois Pasqua pour trois catégories d'étrangers
privées en 1993 du droit à un titre de
séjour et en partie juridiquement inexpulsables.
Il prévoit de leur accorder une carte de séjour
temporaire, dont l'obtention dépend du bon vouloir
des Préfectures sur des critères assez
flous (production d'un visa et justification des moyens
d'existence). Elle est susceptible de ne pas être
renouvelée. Sous couvert d'humanité,
cette disposition précarise encore plus ces
catégories en les rendant otages de l'administration.
Les bénéficiaires en seraient d'abord
les jeunes entrés en France hors du regroupement
familial entre 6 et 10 ans. Pour l'instant, la loi
ne prévoit la délivrance d'une carte
de séjour temporaire que pour ceux entrés
avant 6 ans. Mais cette nouvelle disposition dépend
de la capacité des jeunes à justifier
de l'impossibilité de suivre une vie familiale
normale dans leur pays d'origine. Pour les autres,
entrés en France irrégulièrement,
la situation reste totalement bloquée puisque
depuis 1993, l'octroi d'une carte de résident
ou temporaire dépend de la régularité
du séjour.
Les étrangers résidant en France depuis
15 ans devraient eux-aussi en bénéficier.
Inexpulsables, ils ont perdu en 1993 le droit à
la carte de résident. Mais leur séjour
reste précaire.
Pour les conjoints de français, l'irrégularité
de leur séjour ne pourra plus leur être
opposé lors du dépôt de la demande
d'un titre de séjour au bout d'un an de mariage.
Ne rêvons-pas, seule une carte temporaire leur
sera accordée en contradiction avec la vocation
d'insertion durable manifestée par le mariage.
Rappelons qu'actuellement la carte de résident
n'est délivrée qu'au bout d'un an de
mariage à condition que la communauté
de vie n'ait pas cessé: condition difficile
à remplir lorsque le conjoint étranger
est en situation irrégulière, donc expulsable.
Les parents d'enfants français, entrés
clandestinement en France, ne pouvaient plus être
régularisés depuis 1993. Ils devraient
pouvoir bénéficier d'une carte temporaire
soumise aux conditions de l'exercice de l'autorité
parentale et de ressource jusqu'au seizième
anniversaire de l'enfant. Après, c'est le chemin
direct vers le charter!
... EXPULSION PLUS RAPIDE !
Le projet de loi réglemente plus sévèrement
la délivrance des certificats d'hébergement
qui permettent à l'étranger d'obtenir
un visa pour un court séjour en France ou pour
rejoindre son conjoint. Le certificat est accordé
par le maire qui peut le refuser si les conditions
d'hébergement lui semblent anormales (l'enquête
est confiée à l'OMI, Office des migrations
internationales). Deux nouveaux motifs de refus devraient
être introduits: en cas de non déclaration
du départ de l'étranger précédemment
accueilli ou si un détournement de la procédure
a été opéré (par exemple
par l'accueil d'un membre de la famille qui aurait
préféré s'installer dans notre
beau pays...) En tout état de cause, le pouvoir
de contrôle et de sanction reconnu aux maires
leur accorde tacitement le droit de constituer un fichier
des hébergeants et d'intimider ainsi les éventuelles
personnes prêtes à loger des étrangers.
A l'image des mairies, préfectures et commissariats
voient leur prérogatives augmenter. Ils disposeront
du pouvoir de confisquer les passeports des étrangers
interpellés en situation irrégulière.
L'objectif est là d'intensifier les expulsions
et de limiter la vie sociale et la liberté de
circulation de l'étranger.
Mais l'innovation décisive du projet Debré
réside dans les améliorations apportées
à la procédure de reconduite à
la frontière, "rendre plus efficace le
dispositif d'éloignement" en limitant la
mise en liberté de l'étranger placé
en rétention. Sa présentation au juge
judiciaire ne devrait intervenir qu'au bout de 48 heures
(actuellement 24 heures): temps nécessaire pour
rendre plus présentables les procès-verbaux
d'interpellation (souvent cause de mise en liberté
par leur caractère non conforme) et préparer
dans de meilleures conditions les charters. Cette disposition
fragilise les possibilités de recours contre
la décision d'expulsion, qui doivent être
déposées dans un délai de 24
heures, donc souvent au moment de l'audience avec
le juge.
D'autre part, si le juge persiste à demander
la remise en liberté, dans l'attente du jugement
statuant sur le recours de l'étranger contre
son expulsion, le Procureur aura la possibilité
de faire un appel suspensif de cette décision.
N'oublions pas que si l'appel est formulé par
l'étranger, il n'a pas d'effet suspensif: le
maintien en rétention est la règle. Les
raffinements du Droit sont décidément
sans limites. L'inégalité reconnue ainsi
dans les textes de loi entre les étrangers et
les agents de l'État place définitivement
le droit en matière d'immigration du côté
des expulseurs.