[ SAMIZDAT ]


Pasqua + Debré
= immigration zero zéro !




Le projet de loi sur l'immigration modifiant certaines dispositions des lois Pasqua a été présenté le 7 octobre 1996 en Conseil des ministres. Les objectifs du Ministère de l'intérieur sont doubles. D'abord, calmer les ardeurs de la frange la plus réactionnaire de la droite libérale à travers la Commission Philibert-Sauvaigo en reprenant certaines de ses propositions. Ensuite casser les mouvements de sans-papiers grâce à quelques "ouvertures" pour une infime minorité d'étrangers et l'accroissement de la répression pour le reste. "L'ouverture" consiste non pas à régulariser mais à précariser plus encore des catégories qui avant 1993, recevaient une carte de résident: il ne leur sera délivrée qu'une carte de séjour temporaire d'un an. Le volet "répression" porte atteinte à la conception démocratique de la liberté individuelle et rend plus difficile la mise en liberté d'étrangers en instance de reconduite à la frontière: l'ouragan Saint-Bernard est passé par là.

PRÉCARITÉ ACCRUE...

Le projet de loi affirme corriger certaines rigidités des lois Pasqua pour trois catégories d'étrangers privées en 1993 du droit à un titre de séjour et en partie juridiquement inexpulsables. Il prévoit de leur accorder une carte de séjour temporaire, dont l'obtention dépend du bon vouloir des Préfectures sur des critères assez flous (production d'un visa et justification des moyens d'existence). Elle est susceptible de ne pas être renouvelée. Sous couvert d'humanité, cette disposition précarise encore plus ces catégories en les rendant otages de l'administration.

Les bénéficiaires en seraient d'abord les jeunes entrés en France hors du regroupement familial entre 6 et 10 ans. Pour l'instant, la loi ne prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire que pour ceux entrés avant 6 ans. Mais cette nouvelle disposition dépend de la capacité des jeunes à justifier de l'impossibilité de suivre une vie familiale normale dans leur pays d'origine. Pour les autres, entrés en France irrégulièrement, la situation reste totalement bloquée puisque depuis 1993, l'octroi d'une carte de résident ou temporaire dépend de la régularité du séjour.

Les étrangers résidant en France depuis 15 ans devraient eux-aussi en bénéficier. Inexpulsables, ils ont perdu en 1993 le droit à la carte de résident. Mais leur séjour reste précaire.

Pour les conjoints de français, l'irrégularité de leur séjour ne pourra plus leur être opposé lors du dépôt de la demande d'un titre de séjour au bout d'un an de mariage. Ne rêvons-pas, seule une carte temporaire leur sera accordée en contradiction avec la vocation d'insertion durable manifestée par le mariage. Rappelons qu'actuellement la carte de résident n'est délivrée qu'au bout d'un an de mariage à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé: condition difficile à remplir lorsque le conjoint étranger est en situation irrégulière, donc expulsable.

Les parents d'enfants français, entrés clandestinement en France, ne pouvaient plus être régularisés depuis 1993. Ils devraient pouvoir bénéficier d'une carte temporaire soumise aux conditions de l'exercice de l'autorité parentale et de ressource jusqu'au seizième anniversaire de l'enfant. Après, c'est le chemin direct vers le charter!

... EXPULSION PLUS RAPIDE !

Le projet de loi réglemente plus sévèrement la délivrance des certificats d'hébergement qui permettent à l'étranger d'obtenir un visa pour un court séjour en France ou pour rejoindre son conjoint. Le certificat est accordé par le maire qui peut le refuser si les conditions d'hébergement lui semblent anormales (l'enquête est confiée à l'OMI, Office des migrations internationales). Deux nouveaux motifs de refus devraient être introduits: en cas de non déclaration du départ de l'étranger précédemment accueilli ou si un détournement de la procédure a été opéré (par exemple par l'accueil d'un membre de la famille qui aurait préféré s'installer dans notre beau pays...) En tout état de cause, le pouvoir de contrôle et de sanction reconnu aux maires leur accorde tacitement le droit de constituer un fichier des hébergeants et d'intimider ainsi les éventuelles personnes prêtes à loger des étrangers.

A l'image des mairies, préfectures et commissariats voient leur prérogatives augmenter. Ils disposeront du pouvoir de confisquer les passeports des étrangers interpellés en situation irrégulière. L'objectif est là d'intensifier les expulsions et de limiter la vie sociale et la liberté de circulation de l'étranger.

Mais l'innovation décisive du projet Debré réside dans les améliorations apportées à la procédure de reconduite à la frontière, "rendre plus efficace le dispositif d'éloignement" en limitant la mise en liberté de l'étranger placé en rétention. Sa présentation au juge judiciaire ne devrait intervenir qu'au bout de 48 heures (actuellement 24 heures): temps nécessaire pour rendre plus présentables les procès-verbaux d'interpellation (souvent cause de mise en liberté par leur caractère non conforme) et préparer dans de meilleures conditions les charters. Cette disposition fragilise les possibilités de recours contre la décision d'expulsion, qui doivent être déposées dans un délai de 24 heures, donc souvent au moment de l'audience avec le juge.

D'autre part, si le juge persiste à demander la remise en liberté, dans l'attente du jugement statuant sur le recours de l'étranger contre son expulsion, le Procureur aura la possibilité de faire un appel suspensif de cette décision. N'oublions pas que si l'appel est formulé par l'étranger, il n'a pas d'effet suspensif: le maintien en rétention est la règle. Les raffinements du Droit sont décidément sans limites. L'inégalité reconnue ainsi dans les textes de loi entre les étrangers et les agents de l'État place définitivement le droit en matière d'immigration du côté des expulseurs.

[ Extrait du journal Des papiers pour tous, numéro 3, 20 novembre 1996 ]




			
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