[ SAMIZDAT ]



 
COMMENT "ÊTRE AVEC" LES SANS-PAPIERS
 
Le mouvement des sans papiers marque une rupture radicale par rapport à la logique traditionnelle de l’antiracisme. Il s’agit d’une lutte politique essentielle, dans la mesure où elle engage une conception du "vivre ensemble". Il faut toujours avoir à l’esprit que le débat juridique, entre autres sur les lois Pasqua, tout comme le débat économique sur l’immigration qui se cristallise autour de la maîtrise des "flux migratoires", ne font que refléter des affects et des désirs beaucoup plus primitifs et essentiels.
 
Le tiers-monde, (l’Afrique en particulier, mais pas uniquement) est fantasmé par une grande part des français comme une masse misérable, à la fois confuse et effrayante, dont le seul but serait de venir grignoter quelques lambeaux de richesse. C’est donc par un réflexe communautaire que la France cherche à se barricader; il est d’ailleurs assez tristement ironique que l’on reproche parfois aux étrangers leur communautarisme, comme cela a été le cas envers les foyers maliens de Montreuil. Il serait par conséquent erroné de dissocier la logique du "réalisme économique" de la logique raciste car elles relèvent en dernière instance toutes deux des mêmes affects fondamentaux, ceux-ci étant parfois inconscients d’ailleurs. Cette distinction est en effet purement idéologique, exploitée aussi bien par les partis de "gauche" que de droite, qui ne peuvent que détourner de son sens la lutte des sans papiers.
 
La question devient alors de savoir comment lutter avec ou du côté des sans-papiers, ayant pleinement conscience de se placer sur le véritable terrain politique, tout en se détournant de la "gauche".
 
Deux types de logique peuvent alors apparaître. Tout d’abord une volonté de reprise de ce mouvement, qui serait encadré et pris en charge par une ou des associations, jouant le rôle de représentant (s) et assignant son sens politique à ce mouvement. Cette approche a été clairement écartée par les sans-papiers eux-mêmes qui ont volontairement assumé toute la responsabilité politique de leur lutte, refusant avec courage tout paternalisme de la part d’autres groupes militants. C’est d’ailleurs sans doute une des raisons de l’isolement qui a gagné le mouvement lillois, et des scandaleuses mais prévisibles déclarations de Pierre Mauroy.
Une seconde logique, plus modeste, consiste à vouloir simplement soutenir la lutte des sans-papiers (en leur fournissant par exemple des moyens matériels) dont la direction est établie de manière entièrement autonome par ceux-ci. Cette approche se heurte également à une contradiction majeure, car, sous prétexte de laisser aux sans-papiers une complète autonomie, elle traduit une démission politique, considérant que cette lutte ne concerne pas directement les non sans-papiers
D’une certaine manière, on refuse alors de voir dans ce mouvement la position d’un problème politique, au sens vrai du terme.
 
Plus cohérent est alors un mouvement politique direct, parallèlement à l’action des sans-papiers. Ce parallélisme consiste évidement en des rencontres, traduisant un objectif, et donc également des désirs politiques communs. Cela semble être la condition pour véritablement lutter ensemble, en fondant le sens de la lutte, non dans une similitude de situations (être sans-papiers), mais dans une volonté forte de vivre ensemble. Dans le fond, un seul principe est à l’oeuvre: le refus d’un certain communautarisme à l’européenne au nom d’un internationalisme. Refus et engagement qui doivent se traduire aussi bien dans les objectifs de cette lutte que dans sa pratique.
 
			
			
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