[ SAMIZDAT ]



 
IL N'Y A PAS DE "PROBLEME DE L'IMMIGRATION"
 
Autour du mouvement des sans-papiers, se font entendre des discours de «soutien» qui ne sont pourtant rien d’autre que des légitimations d’une gestion douteuse du soi-disant « problème de l’immigration». Prenons par exemple deux phrases souvent entendues : «la France, conformément aux principes républicains, doit accueillir les étrangers» et «la France a besoin des immigrés». Ces deux propositions semblent contradictoires, même si elles peuvent se retrouver au sein d’un seul discours de soutien. Ce que nous voudrions montrer, ce n’est pas qu’il faut choisir entre ces deux propositions ; c’est, bien plutôt, que chacune est à rejeter, en tant qu’elle étouffe par avance la direction qu’est susceptible de prendre le mouvement.
 
Dans le premier cas (la France doit accueillir...) ce qui est mis en avant, c’est une «tradition d’hospitalité» que la France aurait entretenue, fidèle au principe de la «terre d’asile». Or, une telle référence à l’idéal républicain ne fait qu’occulter la réalité : loin d’être «accueillis», les immigrés sont au contraire, et ce depuis au moins les années 30, utilisés dans des travaux pénibles et sous-payés, et à ce titre, ils sont les premiers exploités. Dès lors,la «petite phrase» de Michel Rocard («La France ne peut pas accueillr toute la misère du monde mais elle peut en soulager une partie») est obscène non seulement par sa prise de position, mais aussi et surtout par sa manière de falsifier les problèmes.
 
Dans le second cas (la France a besoin...) est jouée au contraire la carte du réalisme économique, contre le fantasme irréalisable de l’immigration zéro, qu’une certaine droite vend actuellement à ses clients. Mais la logique reste la même, car l’on ne dit pas ce qui se cache derrière ces «besoins». Autrement dit, là encore on ne fait que recouvrir une logique d’exploitation que beaucoup ne sont pas prêts, y compris dans les milieux dits «progressistes», à contester radicalement.
Dire que l’on a «besoin» des immigrés, c’est dire qu’il faut une main-d’oeuvre sous-payée, sans laquelle l’économie nationale ne peut survivre, et au-delà d’elle, tout un système-monde impérial qui ne peut vivre que des différences de conditions de vie toujours plus criantes.
 
En somme, voilà les vrais problèmes, que d’aucuns s’ingénient encore à masquer en faisant mine de «soutenir» : la logique immanente au mouvement des sans-papiers met en crise et la référence que l’on a longtemps crue indépassable, à l’État-Nation, et la logique libérale qui est en train de construire un monde absurde, fondé sur l’inégalité, le profit et la bassesse des désirs. C’est en ce sens que nous rejetons les propositions évoquées plus haut, et nous les rejetons, ainsi que ceux qui les colportent, en tant qu’éléments de falsification et de cassure du mouvement. Il faut aujourd’hui affirmer : l’État-Nation n’est, au mieux, qu’une fiction servant à légitimer une répression toujours plus brutale ; le libéralisme est une destruction de tout ce qui fait la véritable richesse de ce monde, qui n’est pas celle des profits. Et ceux qui, dans les couloirs du pouvoir, essaient encore de gérer ce qu’ils croient être le «problème de l’immigration» ne sont que les valets d’un système mortifère. Les véritables problèmes sont ceux posés par ce système économico-politique, et ils ne seront résolus que grâce à des luttes comme celle des sans-papiers.
 
C’est donc tout un ensemble indissociablement politico-économique, dont on voulait nous faire croire qu’il était indépassable, qui se trouve contesté, dénoncé dans sa fausseté par les sans-papiers. Car il faut bien comprendre toute la portée du mot d’ordre «régularisation de tous les sans-papiers» : face à une telle exigence, il n’est d’autre réponse qu’une libre circulation de tous, qui ne sera conquise qu’après l’ouverture des frontières et la remise en cause de ce que l’on continue d’appeler «les rapports Nord-Sud».
			
			
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