[ SAMIZDAT ]



 
CIRCULEZ, IL Y A TOUT A VOIR!
 
La lutte engagée par les sans-papiers il y a maintenant six mois ne fait, depuis l’intervention spectaculaire de la police à Saint-Bernard, que s’étendre. La revendication de régularisation générale qu’elle véhicule depuis le début, opposée à toute tentative de règlement humanitaire des situations au cas par cas, ferme plus généralement la porte à toute « solution politique » du soit-disant « problème de l’immigration ». Il s’agit à présent de ne pas rester sourds au mot d’ordre principal du mouvement : revendiquer des papiers pour tous c’est vouloir la fin de l’arsenal règlementaire qui, depuis plus de vingt ans, sous le nom de « politique de l’immigration », vise à rendre de plus en plus difficile l’entrée dans ce pays et de plus en plus invivable son séjour.
En réclamant le titre de séjour qu’on leur refuse, et en le réclamant pour tous, les étrangers transgressent l’interdit où ils sont d’avoir part à la parole, et entrent dans la visibilité. En se remettant pour lutter à circuler librement sur le territoire qu’on leur interdit, ils manifestent qu’il est plus dangereux aujourd’hui de se terrer que de sortir, ensemble, au grand jour.
 
Si cette lutte est aussi la nôtre, c’est que l’appareil à créer de la clandestinité n’est que l’autre face du système, économique et policier, qui produit partout précarité et peur de l’autre. Loin d’être pour les autres une cause de chômage, les travailleurs étrangers sont les producteurs très rentables d’une richesse dont on ne leur concède pas la moindre part. Les secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie et du textile (dans le Sentier à Paris, dans les ateliers de Roubaix et ailleurs...) sont aujourd’hui structurés autour de l’exploitation des travailleurs clandestins. Et la tentative de liguer contre eux les travailleurs « réguliers » ne vise qu’à masquer la grandissante précarisation de tous. Contre la voix de la raison d’Etat qui prône le contrôle des «flux migratoires», c’est donc aussi pour nous, habitants réguliers du pays, que nous devons revendiquer la libre circulation de tous. En faisant apparaître l’arsenal des lois anti-immigrés comme un appareil de contrôle, ici et maintenant, d’une force de travail docile (rappelons que la plupart des sans-papiers en lutte arrêtés n’ont pas été expulsés mais le plus souvent invités par la police à se cacher), la lutte des sans-papiers nous rappelle que leur exploitation est un moyen d’accroître la nôtre. Et en réclamant les droits matériels qui leurs sont dûs (droit à l’instruction, à la santé, à la subsistance...), les sans-papiers s’attaquent à la précarisation en cours d’une grande partie de la population (dégressivité des allocations de chômage, RMI interdit aux moins de 25 ans...).
 
Loin d’appeler une réforme de l’actuelle politique de l’immigration, le mot d’ordre « Des papiers pour tous!» se suffit donc à lui-même. Il ne réclame rien de cette « intégration » qui ne fonctionne qu’en créant autant d’« exclusions », mais porte le refus de tous les dispositifs de contrôle de nos vies. A la place de la liberté de circulation des marchandises et des capitaux, il appelle la libre circulation des humains. Dès lors que la rationalité économique dicte partout une loi qui ne s’accorde qu’au profit, il n’y a plus de sens à opposer réfugiés politique et réfugiés économiques; c’est chacun de nous qui tend à devenir un réfugié dans « son » pays. Assumons à présent ce devenir
 
 
			
			
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