Ubi Free - Revue de Presse

 

Le Point 20 mars 1999 - n°1383 
Par Virginie Mairet
 
Jeux vidéo
Les créateurs disent pouce

Les fantassins des jeux vidéo veulent dorénavant de meilleures conditions de travail. Designers programmeurs et testeurs exigent de leurs jeunes patrons qu'ils apprennent à gérer leurs troupes.

Les CDD à répétition... des horaires infernaux... pas de délégués du personnel... pas de direction des ressources humaines. » 15 décembre 1999. Un message électronique s'imprime sur les écrans d'Ubi Soft, l'un des leaders mondiaux du jeu vidéo. De Montreuil, le siège du groupe, au Canada, l'ensemble des salariés découvre avec stupeur Ubi Free (1), le premier syndicat virtuel français.

Quelques semaines plus tard, Ubi Free fait des clones. Dernier syndicat virtuel en date,Cryosecours (2), un site destiné à dénoncer la politique sociale d'un autre producteur de jeu, CryoInteractive. Les caractéristiques de ces sites : ils sont créés et gérés, sous le sceau de l'anonymat, par des salariés en rébellion contre leur entreprise. « Très peu syndiqués, les salariés du secteurdu jeu vidéo se vivent eux-mêmes comme en dehors du droit du travail et n'ont d'autre moyen de faire émerger leur amertume », constate Marie-Noëlle Blancheteau, professeur de ressources humaines à l'Institut national des télécommunications. C'est que, dans ce secteur, les conditions de travail sont dures. Les entreprises grossissent com- me des champignons et ont du mal à maîtriser tout à la fois croissance du chiffre d'affaires et management des hommes. Les horaires sont faramineux, le travail désorganisé et le personnel trop souvent traité comme de la valetaille. Résultat, derrière les consoles, la rancoeur s'accumule. « Ras-le-bol de mes nuits blanches et mal payées, pour lesquelles on refuse de me rembourser le taxi quand je quitte la boîte à 4 heures du matin », se plaint Christophe, programmeur chez Cryo Interactive. « On m'appelle dès qu'il y a un surcroît d'activité... et on m'oublie jusqu'à la prochaine charrette », renchérit Isabelle, programmeur qui multiplie les CDD, notamment chez Infogrammes, l'un des poids lourds du secteur. Son rêve ? Il est écrit en gros, tout en haut de son curriculum vitae : « Objectif : un poste stable et valorisant. » Malheureux, certains s'en vont, comme Olivier, 25 ans, qui vient de démissionner de son poste de programmeur chez Cryo Interactive : « Après quatre ans de boulot acharné, de déception en déception, et sans aucun remerciement, je m'en vais. Et je ne suis pas le seul. Depuis décembre, c'est pot de départ sur pot de départ. J'ai dénombré plus de dix démissions ces derniers mois. »

Mais les départs se font la mort dans l'âme. Qu'ils soient « designers », programmeurs ou testeurs, les fantassins du jeu vidéo hésitent à quitter leurs consoles. Le développement de l'Intranet, le passage à l'euro et l'an 2000 sont pourtant autant d'opportunités de négocier ailleurs de bons salaires et d'obtenir de meilleures conditions de travail. « Dans le secteur bancaire, on m'a offert 3 000 francs de plus par mois », reconnaît Alfred, de Cryo. Mais il a décliné l'offre. Car le jeu vidéo est une passion : « J'ai toujours voulu faire ce job. C'est un rêve d'enfant que de pouvoir faire ses propres jouets », soupire François, lui aussi programmeur chez Cryo. Comme le souligne Alain Le Diberder, directeur des nouveaux programmes de Canal + et coauteur d'un livre sur l'univers des jeux vidéo (3), « ils se vivent avant tout comme des artistes. Ils s'investissent sur un jeu en particulier et ne sont pas prêts à quitter le projet en route. Pour un patron, c'est un peu pousse-au-crime ». Et beaucoup de dirigeants ne résistent pas à la tentation...

La course à l'innovation

Les conditions économiques du secteur sont particulièrement dures et ne favorisent pas un management harmonieux. Le développement du marché est explosif - en 1998, les ménages français ont dépensé plus de 8 milliards de francs dans l'achat de jeux vidéo, contre 5 milliards en places de cinéma -, mais les risques à courir sont gigantesques et les coûts galopent au rythme des avancées technologiques. Alors que produire un jeu coûtait environ 250 000 francs au début des années 90, il faut compter aujourd'hui de 15 à 20 millions de francs. Sans compter les dépenses que requiert la guerre technologique en amont : en trois ans, Infogrammes a multiplié par six son budget de recherche-développement, afin que ses ingénieurs puissent, notamment, étudier les nouvelles consoles Dreamcast du japonais Sega... Objectif : être prêt à lancer des jeux dès l'arrivée de ces consoles dans l'Hexagone.

Le premier qui dégaine est en effet le premier qui gagne. « Cela va très vite, explique Nicolas Gaume, PDG de Kalisto, société de jeux vidéo bordelaise. Alors que la conception d'un jeu nécessite près de deux ans, il ne se vend pratiquement plus trois mois après sa commercialisation. » Les entreprises multiplient donc les créations, sans trop se préoccuper de savoir si leurs troupes suivent. « Dès qu'elles ont un problème de trésorerie, le premier réflexe des sociétés à forte croissance est de partir à la conquête de nouveaux marchés, alors que ce n'est pas leur stratégie qui est en cause, mais le management de l'entreprise », explique Marc Giget, PDG d'EuroConsult, société de conseil en stratégie de croissance. Et Jean-Luc Rivoire, cofondateur de l'association Défi- Start-up, de renchérir : « A leur naissance, ces sociétés occultent complètement la notion de ressources humaines. Ensuite, quand elles passent à la phase industrielle, leur problème est de parvenir à se structurer. Beaucoup n'y parviennent pas. » Ou alors dans la douleur. Ainsi chez Ubi Soft, la première « victime » du « syndicalisme Internet ». En mars 1996, elle comptait 290 salariés... contre 1 300 aujourd'hui. « Tout a été trop vite, concède Yves Guillemot, son PDG. Nous avons probablement négligé d'écouter plus attentivement nos salariés. » Au siège de Montreuil, la direction s'est donc résolue à organiser ce qui jusqu'ici relevait pour elle du gadget : des élections du personnel et une vraie direction des ressources humaines !

La tâche du directeur du personnel ne sera pas facile. C'est généralement toute l'organisation du travail qu'il faut repenser, notamment pour limiter les horaires. « Les fins de projet amènent systématiquement à travailler la nuit et le week-end, pendant près d'un mois », déplore Alexandre, chez Infogrammes. Planning irréaliste ou passion des salariés ? Pour Jean-Martial Lefranc, PDG de Cryo, les programmeurs sont les premières victimes de leur enthousiasme. « Ce n'est pas moi qui les force à rester ici jusqu'à 3 heures du matin. Eux tiennent absolument à rester peaufiner le jeu ! » se défend-il. Mais n'est-ce pas au manager de gérer les horaires ? « La mobilisation permanente n'est pas efficace, n'importe quel militaire vous le confirmerait, rappelle Marc Giget. Inéluctablement, les salariés se sentent floués, trahis, après s'être surinvestis. »

Des talents pas assez reconnus

Autre défi qui se pose au nouveau directeur des ressources humaines : instaurer une vraie gestion des compétences pour mieux valoriser les talents. « On ne répétera jamais assez que, au Japon, Nintendo doit son succès à Shigeru Miyamoto, un créatif que le PDG a su mettre en valeur, puis garder », insiste Alain Le Diberder. Le secteur se prête effectivement aux belles carrières, comme le rappelle Stéphane Castaing, 31 ans, actuellement chargé de production chez Canal + Multimédia : « J'ai commencé par un stage chez Cryo, puis je suis passé intermittent du spectacle, CDD et finalement CDI : en quatre ans, je suis devenu responsable son de tout le studio de Cryo, avant d'arriver chez Canal. » Mais trop de dirigeants ont tendance à considérer que leurs salariés sont; interchangeables, du fait notamment qu'il n'y a pas de formation spécifique et que tous apprennent sur le tas même si, au départ, certains sont diplômés d'une grande école; d'ingénieurs, comme Centrale, ou de graphisme, comme celle des Gobelins. Des patrons en viennent même à penser que le turnover nourrit l'innovation...

Alain Le Diberder, lui, s'inquiète. « Un programmeur qui a du talent à 19 ans en aura à 30 comme à 40. Il est dommage de le laisser partir. » Les compétences ne représentent-elles pas le capital immatériel de la société ? A Bordeaux, chez Kalisto, Nicolas Gaume, 28 ans, l'a parfaitement compris en mettant la culture des talents au coeur de sa stratégie : « La valeur ajoutée de l'entreprise, ce sont les salariés qui l'apportent. C'est ce qui m'a poussé à mettre en place des bilans de compétence tous les six mois, suivis d'entretiens pour discuter de leur évolution de carrière. » En investissant 2,5 millions de francs dans la formation, Kalisto permet aussi aux graphistes et autres programmeurs de perfectionner leur anglais ou leur japonais, mais également de se familiariser avec la finance ou le marketing. Quant aux plus brillants de ses créatifs, ils sont promus, avec primes à la clé.

Résultat, depuis sa création, en 1991, 9 personnes seulement ont quitté Kalisto, qui emploie aujourd'hui 200 salariés. « Ce n'est peut-être pas le paradis, mais ici, au moins, on a la chance d'apprendre et de produire des jeux dont on est fier », explique François, 26 ans, un ancien de Cryo devenu programmeur chez Kalisto. Nicolas Gaume croise les doigts : il n'a pas encore vu fleurir chez lui de syndicat rebelle.

1. Ubi Free : perso. club-internet.fr/ubifree/
2. Cryosecours : www. multimania.com/cryosecours/
3. « L'univers des jeux vidéo », d'Alain et Frédéric Le Diberder 
(LaDécouverte, « Cahiers libres », 270 p.).
 
 
L'Humanité 23 mars 1999
LE SYNDICAT VIRTUEL DES CREATIFS D'UBI SOFT

On se doutait bien que le monde du jeu vidéo était un enfer, on n'imaginait pas qu'il l'était à ce point pour ceux qui suent sang et eau dans ce secteur économique en plein boum. Or, on vient de retrouver les exploités du multimédia ludique: ils sont sur Ubi Free, un site créé sous le couvert de l'anonymat (gare aux mesures de rétorsion!) par une poignée de salariés d'Ubi Soft, un des poids lourds français du secteur, auteur de quelques jolis succès comme Rayman ou Pod.

Tel qu'ils le décrivent eux-mêmes avec une pointe d'ironie, les profil-type de ces nouveaux forçats est le suivant: "jeunes, intelligents, corvéables à merci et sans soucis ou velléités de revendications". Sans velléités certes, du moins jusqu'à la création de ce premier "syndicat virtuel" grâce auquel les "ubisoftiens" se lâchent.

Le canal idéal de la rebellion

Puisque "la précarité des emplois rend impossible toute forme d'expression individuelle" et que "le personnel n'a aucun moyen de se faire enttendre", dans le monde réel de l'entreprise, Internet est devenu le canal idéal et naturel de la rébellion aux yeux d'une génération qui a grandi en regardant l'île aux enfants et qui salive encore à l'évocation de la recette du Gloubiboulga...

C'est que chez Ubi Soft - un gros millier de collaborateurs avec une moyenne d'âge de vingt-sept ans, 632 millions de francs de chiffre d'affaires et une entrée remarquée sur le second marché de la Bours de Paris - on a le tutoiement facile, la hiérarchie est cool. La preuve, le patron, Yves Guillemot, envoie à tours de bras des e-mail qu'il signe de son seul prénom, c'est tellement plus sympathique.

Pas question de se syndiquer

Mais en contrepartie, chacun bosse dur. On ne compte pas ses heures, CDD ou autres contrats "Kleenex" en guise de vademecum. Il ne saurait par ailleurs être question de se syndiquer. De toute façon, il n'y a même pas de direction des ressources humaines. Un petit miracle rendu possible par l'organisation du groupe en une nébuleuse de micro-sociétés de moins de 49 personnes.

Un peu à la surprise de ses auteurs, Ubi Free suscite un réel émoi au sein de l'entreprise. Et une réaction rapide du PDG qui a promis d'examiner point par point les insatisfactions soulevées. Une annoncefaite par e-mail. Signée Yves.

Emmanuel Raynal.

 

Chroniques de Cybérie
http://cyberie.webdo.ch/#3
 
Journal du Net
http://www.journaldunet.com/99mars/990317bref.shtml
 
L'Entreprise mars 1999
Des salariés mécontents inventent 
le syndicalisme "virtuel"!
par Lamia Oualalou 
 
Le Devoir  Montréal, mercredi 17 février 1999
 
Syndicats virtuels 
Ubi Free, l'union libre 
par Hélène Buzzetti 
 

Les jeunes génies d'Ubi Soft auraient-ils accouché d'une nouvelle forme de solidarité ouvrière ou d'un simple pamphlet cybernétique anti-entreprise?

Faute de syndicat et de vis-à-vis patronal pour discuter de leurs litiges, les employés d'Ubi Soft, en France, ont utilisé internet pour faire pression sur l'employeur.

A mi-chemin entre le "syndicat virtuel" et le site de dénonciation, Ubi Free a permis aux travailleurs d'effectuer quelques gains quant à l'organisation du travail. Mais ce n'est pas demain la veille que les syndicats traditionnels troqueront les assemblées générales de personnes en chair et en os pour les octets et les électrons d'internet.

 

Le pamphlet cybernétique a eu l'effet d'une bombe. Le 15 décembre dernier, sans avoir consulté les collègues au préalable ni tenté d'instruire autrement la Direction de leur mécontentement, des employés de la compagnie française de jeux vidéo Ubi Soft lançaient sur internet, à l'intention de leur patron, le site Ubi Free, "une alternative à l'absence de structure sociale au sein d'Ubi Soft"

Dans le plus grand anonymat, un certain Albert, localisé en France, déboulonnait le mythe "de la grande famille ubitienne dont les salariés seraient les membres indispensables" en dressant la liste des sources d'insatisfaction qu'éprouveraient les employés. Manque de formation, rémunération arbitraire du temps supplémentaire, manque de planification dans le déploiement des effectifs, précarité des emplois, politique de communication interne s'apparentant plus à de la publicité que de l'information stratégique, "improvisation permanente qui règne à Ubi Soft", tout y passait.

Ubi Free s'en prennait en particulier à la propagande corporatiste des cinq frères Guillemot propriétaires, qui "laisse croire à un état d'esprit unanime, celui d'une collectivité d'imbéciles prêts à tout pour assurer la réussite commerciale de l'entreprise", et déplorait "l'absence, voire le mépris, de toute action ou politique visant à encadrer le personnel et à le gérer en tant que ressource humaine. 1120 collaborateurs et pas de Service du Personnel, pas de comités d'entreprise, pas de représentants ou délégués du personnel et évidemment pas de syndicats."

Un peu à la blague, parlant même de "l'éloquente absurdité de sa désignation", les instigateurs du site vitriolique l'ont baptisé "syndicat virtuel". Reste que devant le battage médiatique dont a fait l'objet l'initiative, le président de la compagnie Yves Guillemot a répondu la semaine dernière en promettant que la direction allait "s'entourer pour chacun des métiers de plusieurs responsables des ressources humaines.(...) Ces personnes seront chargées de coordonner la publication des annonces de recrutement, collecter les candidatures, définir les postes et établir les organigrammes. Elles seront des interlocuteurs privilégiés pour toutes les questions relatives aux ressources humaines."

Les jeunes génies d'Ubi Soft auraient-ils accouché sans le savoir d'une nouvelle forme de solidarité et d'organisation ouvrière taillée sur mesure pour l'industrie des nouvelles technologies?

Pour l'instant, le cas Ubi Soft reste unique, du moins au Québec. Ce qui n'en fait pas un événement extraordinaire pour autant, semble-t-il. Chroniqueur informatique à la radio de Radio-Canada ainsi qu'au " Soleil" et vice-président du Forum des inforoutes et du multimédia de Montréal, Michel Dumais dit ne pas accorder beaucoup de crédibilité à la page d'Ubi Free. "Where's the beef", demande-t-il?. Parler de syndicat virtuel, c'est un peu fort. Il s'agit plutôt d'une page de protestation, d'un pamphlet. Combiens de personnes sont derrière la page? Une? Dix? Vingt? C'est une page parmi tant d'autres, mais qui a le mérite d'avoir réussi à attirer l'attention."

Le fait que la page soit anonyme n'augmente en effet en rien la crédibilité d'Ubi Free. Est-elle l'oeuvre d'un groupe de travailleurs représentatif ou celle d'un frustré isolé? Et Albert travaille-t-il bien chez Ubi Soft ou agit-il à la solde d'un concurrent qui cherche à éroder le capital de sympathie dont jouit la société française?

Concepteur de pages web depuis près de deux ans chez Ubi Soft à Montréal, Nicolas Raymond, 24 ans, persiste à croire qu'il s'agit bien de quelqu'un à l'interne, les descriptions de l'organisation de l'entreprise, et de ses faiblesses, étant trop précises. Selon lui, les propos contenus sur Ubi Free se veulent très représentatifs de l'esprit de certaines catégories de travailleurs, en particulier ceux qui doivent coordonner les équipes de travail et qui ne savent pas toujours où et de qui obtenir l'information dont ils ont besoin. Pas surprenant que le site ait causé des remous même dans la métropole québécoise. "Ubi Soft était au départ une entreprise familiale et elle a grossi extrêmement rapidement. Toutes les compagnies qui grossissent très vite doivent avoir une gestion prédisposée à la croissance, ce qui n'est pas le cas d'une entreprise familiale. Ubi Soft est en constante adaptation, ce qui peut avoir été à l'origine de l'insatisfaction exprimée sur Ubi Free." Mais il s'empresse d'ajouter que l'entreprise travaillait déjà à rectifier le tir avant l'arrivée d'Ubi Free, d'où l'étonnement de la Direction devant le geste si spontané du mystérieux Albert.

De son côté, Bastien Beauchamp, associé chez 2B interactive, une agence de publicité internet, prédit la mort hâtive du site. "Je vois en Ubi Free un geste très positif d'employés qui veulent améliorer leur environnement de travail. Mais au-delà de cela, je ne vois pas de volonté d'organisation. C'est essentiellement une offensive qui, en étant anonyme, a donné du piquant et obtenu de la visibilité."

Ainsi, Ubi Free a peut-être frappé l'imaginaire des journalistes et du public, mais n'a pas impressionné outre mesure les habitués d'internet. Le site d'Albert, fait remarquer M. Beauchamp, s'aparente étrangement à un site de dénonciation d'une entreprise comme en regorge désormais la toile mondiale. Il suffit de taper "Microsoft" (ou WalMart ou McDonald's) sur un engin de recherche pour dégoter quelques bijoux en la matière. Tous des sites où employés actuels ou passés déversent leur fiel contre l'entreprise qui leur aurait joué de vilains tours. Au Québec, Hydro-Québec et Bell Canada ont l'insigne honneur de faire couler autant d'encre virtuelle. Point en commun de tous ces sites, hormis le langage cru souvent utilisé, un manque flagrant de sources fiables. Ce par quoi se démarque Ubi Free. Le ton, bien qu'incisif, y est étonnament réfléchi, et les propos sont cohérents, articulés et documentés.

A la frontière du terrorisme cybernétique anti-entreprise et du syndicalisme nouveau genre, donc. Ubi Free a récolté quelques victoires vis-à-vis le gourou d'Ubi Soft, mais rien n'indique que l'entreprise acceptera longtemps de satisfaire les attentes d'un interlocuteur invisible. "Il y a une limite à ce qu'une compagnie acceptera de faire pour protéger son image corporative" , croit André Bélanger, directeur de l'information chez Netgraphe, qui tisse notamment la Toile du Québec. "Les dénonciations d'Amnesty International n'ont jamais fait tomber un régime dictatorial."

 

L'outil des syndicats

Les syndicats traditionnels aussi mettent la pédale douce et ne se réjouissent pas outre mesure de l'initiative Ubi Free. Ils préfèrent utiliser la technologie comme outil pour faciliter et accélérer le processus de syndicalisation et celui, par la suite, de consultation et d'information des membres.

Au Syndicat canadien de la fonction publique, par exemple, Louis Cauchy tente présentement de syndiquer les quelque 3000 spécialistes d'Hydro-Québec grâce au courrier électronique. Comme chacun d'eux possède une adresse, il diffuse l'information concernant le processus de syndicalisation et encourage les travailleurs à signer leur carte d'adhésion. La reconnaissance est imminente.

Hydro-Québec a réussi lundi à d'intercepter à l'entrée la dernière série de messages de l'envoyeur, forçant le syndicat à mettre sur pied un site internet que les spécialites devront consulter. Le Code du travail interdit à l'employeur de s'ingérer dans une démarche de syndicalisation, mais il y a une zone d'ombre à savoir à qui appartient le support informatique permettant aux travailleurs de recevoir les messages.

"L'internet pourrait devenir un outil faciliant la syndicalisation en favorisant par exemple la démocratisation de la consultation des membres." Et si le gouvernement modifie le Code du travail pour permettre leur syndicalisation, alors ce sont les travailleurs autonomes que le courriel permettra de rassembler, eux qui sont branchés dans une proportion de plus de 90% selon M. Cauchy. "C'est à peu près la seule façon de les rejoindre." L'avenir syndical, de l'avis de tous, se situe là : de personnes en chair et en os qui utilisent les octets et les électrons d'internet pour briser l'isolement et augmenter leur force de frappe, pas pour se laisser substituer.

Sites mentionnés :
http://www.multimania.com/ubifree/
http://www.aol.com/walmopboy/abuse/
 
 
 
JOYSTICK - 16 février 1999
http://www.joystick.fr

Cryogénisé à la fin du 19ème par Willman.

Le syndicalisme virtuel, tel est le thème de Ubifree. Cantonnés dans un premier temps aux problèmes d'UBI Soft, les rédacteurs d'Ubifree relèvent maintenant une déclaration de Jean Martial Lefranc, à la tête de Cryo Interactive, parue dans le Monde du 3 février : "Nos jeunes employés s'imaginent qu'ils vont pouvoir vivre dans l'entreprise, tout en s'épanouissant d'un point de vue professionnel et personnel. Ils en attendent trop (...) Ils oublient la chance qu'ils ont d'être salariés et de ne pas vivre dans la précarité."

Bon allez, je change juste le contexte de la déclaration, comme ça, pour rire : " Nos jeunes esclaves s'imaginent qu'ils vont pouvoir vivre dans la plantation, tout en s'épanouissant d'un point de vue professionnel et personnel. Ils en attendent trop (...) Ils oublient la chance qu'ils ont d'être esclaves et de ne pas vivre dans la précarité "

Tiens c'est marrant, la phrase tient la route.

Sur le site de Cryo, on peut lire cette belle phrase d'Einstein : "Celui qui a perdu la capacité de s'émerveiller est un homme mort.". Cryo ne devrait donc pas passer l'année.

 
 
VOISINS - février 1999
http://home.worldnet.fr/nath/Voisins.htm
 
Du Ubi Free pour Ubi Soft / Sous les écrans, la plage...

Face à leurs conditions de travail et à l'absence de dialogue des dirigeants d'Ubi Soft, les salariés de la société Montreuilloise ont créé un "syndicat virtuel". Pour en savoir plus nous nous sommes connectés sur le site Ubi Free pour connaître les revendications des protagonistes de ce retranchement cybernétique bien inquiétant.

Ubi Soft a grandi depuis sa création en 1986 par les 5 frères Guillemot et compte aujourd'hui 1100 collaborateurs dans le monde. Implanté dans 15 pays, ses produits sont distribués sur toute la planète. La moyenne d'âge des salariés de Montreuil est de 27 ans. Sur le site UbiFree: http://perso.club-internet.fr/ubifree/ nous avons pu lire "la lettre ouverte" adressée à Yves Guillemot qui explique assez bien les motivations des syndicalistes anonymes, mais bien décidés à faire valoir leurs droits. En voici la retranscription (...)

Grâce à cette pression médiatique des élections de délégués du personnel à Ubi Soft pourront être organisées et auront lieu le 12 février 1999 ! Il reste tout de même une question à poser : que fait l'inspection du travail? Compte tenu du nombre d'inspecteurs, une entreprise française a le risque d'être contrôlée 1 fois tous les 10 ans. Alors pas d'hésitation: utilisons tous les moyens de dénoncer toute sorte de manquement au droit et au respect des travailleurs ou des hommes dans toute leur globalité.

Jean-Pierre Jouadé.

 
.net  n° 27 - février 1999

 
Syndicat Ubi et Orbi
par Gilles Daïd

Une première en France : porter sur le Net des revendications syndicales. Puis arroser les journalistes d'e-mail. Témoigner, répandre. Ubi Free, syndicat virtuel, "écorne" l'employeur Ubi Soft (éditeur multimédia). Un plaidoyer à valeur d'analyse, qui démonte une réalité socio-économique.

Sans entrer dans la polémique, voici, bien écrite, la description d'une entreprise-produit économique qui renvoie l'homme à une fonction.

 
Le Monde Interactif 
mercredi 3 février 1999

"L'enfer des jeux"

Etat des relations sociales chez les trois principaux éditeurs français, alors que s'ouvre le 9 février à Cannes la sixième édition du Marché international des programmes interactifs (Milia) et la première édition du Milia Games, réservé aux créateurs, développeurs, producteurs et éditeurs de jeux.

Revendications en ligne

Deux visions opposées de la gestion du personnel

Albert, syndicaliste malgré lui

 


JOYSTICK n°100, janvier 1999

Règlement de Comptes à Ubi Land

"Le 21 septembre dernier, dans un article cyber-complaisant consacré à Ubi Soft, le quotidien Libération qualifiait l'entreprise d' "ascenceur express pour les moins de 26 ans". Une partie des 1120 collaborateurs, apparemment coincés entre deux étages, viennent de déclencher l'alarme de l'ascenceur en question, en ouvrant le site Ubi Free (www.multimania.com/ubifree/), afin d'exposer leurs griefs. L'affaire semble suffisament grave pour que Libé - avec un art du 180° bien rodé - se soit fendu d'une pleine page en rubrique économique (édition du 16 décembre). D'après le site, le paradis décrit dans le premier article, n'a qu'un lointain rapport avec le vécu quotidien des employés : "pas de Service du Personnel, pas de Comité d'Entreprise, pas de représentants ou délégués du personnel". Et évidemment pas de syndicats. De quoi rappeler, en ces périodes de fêtes, que l'industrie des loisirs ne ressemble pas forcément à l'univers propret de Rayman et ses amis,  plutôt à un Quake-like en réseau."


France Inter 21 janvier 1999 07h30

"Albert" a répondu aux questions de Gérard Zénoni.


ELLE http://www.elle.fr
11 janvier 1999

"Succès"

Le site officiel d'un des leaders français du multimédia et le site des salariés anonymes qui souhaitent dialoguer avec leur direction : le syndicalisme virtuel.

Gilles Klein.

 

L'EXPRESS http://www.lexpress.fr
semaine du 14 au 20 janvier 1999

"Un syndicat virtuel"

"Pour faire connaÓtre leurs revendications, les salariés d'Ubi Soft innovent. Et ça marche.

Prolétaires de tous pays, connectez-vous ! Chez Ubi Soft, fleuron français de l'industrie des jeux vidéo, on vient - innovation inattendue - de créer un "syndicat virtuel". Le principe est simple - les salariés exposent leurs revendications sur Internet - et l'explication tout aussi élémentaire : si Ubi Soft compte 470 salariés en France, la société reste éclatée en unités de moins de 50 personnes. Du coup, pas de comité d'entreprise, et encore moins de syndicat. Créé le 17 décembre, le site Ubi Free vitupère, sous la plume d'un virulent Albert - qui se cache derrière le pseudonyme ? - la "succession des semaines de sept jours", ou la "mise au placard" de salariés insoumis.
Le pamphlet a produit son effet. Après avoir appelé ses troupes à garder raison, Yves Guillemot, PDG de l'entreprise, enchaÓne les réunions avec ses salariés et réfléchit déjà à des améliorations des conditions de travail pour la fin du mois. "Au moins, ces événements permettent de corriger une carence d'information", concède-t-il. Futé Albert !"

Guillaume Grallet.


Jouez.com http://www.jouez.com

http://www.jouez.com/actualite/99-01/03-132901.html


Marianne en ligne

http://www.marianne-en-ligne.fr/index1.asp


Entreprise & Carrières L'hebdomadaire des ressources humaines

http://www.entreprise-carrieres.presse.fr/clic/p2.htm

 

VOIR http://www.voir.ca

http://www.voir.ca/multimedia/multimedia.asp
Pour info, la version imprimée du journal culturel Voir est distribuée gratuitement à 100 000 exemplaires à Montréal.  Aussi, ce journal à publié dans ces pages plusieurs Top Ten pour l'année 98 (meilleurs films, meilleurs disques, etc.).  Ubi Free figure dans le top ten multimédia.


Ubi Free fait partie des sélectionnés de l'année chez Yahoo! France.

[logo]


La création d'un "syndicat virtuel" provoque des remous au sein d'Ubi Soft.


Wanadoo Carrières http://www.wanadoo.fr

Des employés de la société Ubisoft ont créé un syndicat virtuel, "Ubifree". Objectif : protester de manière publique contre les méthodes de leurs patrons. Moyen utilisé : un site web dans lequel vous découvrez toutes les revendications de ces salariés. Certains cadres de la société Cummins-W”rtsil” ont exactement fait la mÍme chose. Conclusion : preuve est faite à ceux qui en doutaient encore que le Net est utile aux luttes sociales !

Sylvain Leclercq

 


Branchez-Vous http://www.branchez-vous.com/

Syndicat virtuel chez Ubisoft

Passée l'euphorie de travailler chez Ubisoft, une société en pleine croissance, les lendemains déchantent pour certains employés qui dénoncent leurs conditions de travail. Pour en parler, ils ont créé Ubifree, un syndicat virtuel.


L'Est Républicain, 28 décembre 1998

Première page :

Le premier syndicat virtuel lancé sur Internet

Pour dénoncer l'absence de politique du personnel dans une entreprise très éclatée et spécialisée dans les jeux vidéo " Ubi Soft ", une poignée de jeunes ingénieurs et employés de Montreuil se sont amusé à développer sur Internet " un site syndical ". Chaque jour, ils racontent " le quotidien précaire de leur entreprise dynamique " d'une façon particulièrement décapante. Le Pdg a fini part nouer le dialogue...par écran interposé.
En Economie, l'article de Jean-Marie COLIN

Page Economie :

Ubi Soft génère " Ubifree " syndicat virtuel

Pour dénoncer les méthodes paternalistes du spécialiste du jeu vidéo, des salariés créent un site syndical sur Internet. Décapant.

Numéro deux français du jeu vidéo, Ubi Soft est à la fÍte à huit jours des fÍtes avec l'arrivée, dans la hotte du père NoÎl 98, de tous ses " cyberhéros " dont raffolent les ados.
Ubi Soft, c'est un cyber-fabricant en pleine expansion : 1.120 salariés, 12 ans d'existence, des filiales dans 15 pays, un chiffre de 632 millions de francs en progression de " 83% sur 96/97 ", en Bourse depuis 96 : c'est un éditeur performant, avec des produits vedettes comme " Rayman ", " F1 Racing Simulation ", " Tonic Trouble " ou " La famille Cosmic ", coqueluches des teen-agers sur tous les supports branchés du moment, CD-Rom, DVD-Rom, Nintendo 64, PlayStation, Dreamcast ou DVD-vidéo.

Tracts par e-mail
Cette semaine, Ubi Soft est épinglée sur Internet par un " syndicat virtuel ", " Ubifree ", site réalisé par une poignée de salariés qui la présentent socialement ringarde, à cent lieues de l'image de multinationale au Top 20 du jeu vidéo mondial.
Mardi, les employés d'Ubi Soft et de ses filiales au Canada, en Chine, au Maroc ou en Roumanie ont reçu un " e-mail " leur annonçant ce mouvement social inédit : " Ubi Soft n'a pas de directeur des ressources humaines, pas de comité d'entreprise, pas de syndicat, pas de représentants du personnel. Ubi Soft emploie à Montreuil plus de 400 personnes dont la moyenne d'’ge est de 26 ans, qui ne peuvent ni s'exprimer, ni se syndiquer, ni défendre leurs droits. Pour répondre à ces pratiques, les employés lancent le premier syndicat virtuel, Ubifree ".
Les créateurs du site " syndical ", tous en contrat précaire, ont voulu rester anonymes pour raconter avec humour et précision le quotidien précaire de leur entreprise dynamique.
Ubi Soft est composée de plusieurs micro-sociétés de moins de 49 salariés, pour " gérer le personnel sans contrainte, sans comité d'entreprise, ni élu représentatif ". Le recrutement est effectué en CDD (contrats à durée determinée), " les multiples sous-sociétés permettent de les renouveller à l'envi, sans passer par la case CDI ". Cette " flexibilité des effectifs " s'apparente à de la " précarité " estime " Ubifree ".
Ces syndicalistes virtuels stigmatisent aussi " l'absence de grille des salaires ", la banalisation des heures supplémentaires, " contrairement aux Etats-Unis " écrivent-ils, " o˜ toute personne travaillant au-delà de 8 heures par jour est considéré comme incompétente ou mal organisée ".

" On a entendu... "
Pas d'organigramme dans cette nébuleuse, pas de formation, puisque le salarié doit Ítre " opérationnel, mobile, adaptable et jetable, à l'instar des programmes informatiques ".
La charge est sévère. Elle est appuyée par des contributions d'Internautes : " au Canada, c'est la mÍme chose " indique un " cousin ", tandis qu'un anonyme soupire : " moi qui croyais que j'étais dans la boÓte la plus naze du monde, je vois que... ".
Après avoir tenté de bloquer l'accès au site, le PDG Yves Guillemot, l'un des cinq frères d'origine bretonne à la barre d'Ubi Soft, admet " avoir pris une bonne claque ", mais assure avoir reçu le message 5 sur 5. " Internet permet à chacun d'envoyer des messages et de se faire entendre. On a entendu ... un peu fort " écrit sobrement " Yves ", PDG, en dernière page du site syndical.
Puis : " Bien entendu, nous allons travailler avec vous, pour améliorer le fonctionnement de l'entreprise et continuer son développement ".

Dialogue à découvrir sur http :
perso.club-internet.fr/ubifree/home.htm entre deux parties de " Tonic Trouble ".

Jean-Marie COLIN


L'Humanité 25 Décembre 98 - POLITIQUE
http://www.humanite.presse.fr/

Réseau de riposte

Syndicat virtuel pour maux réels

Privés de service des ressources humaines, de délégués du personnel et bien sšr de syndicats, les 1.120 employés d'Ubi Soft, l'un des leaders mondiaux du jeu video, ont trouvé la parade: créer leur syndicat sur Internet.

COMMENT se faire entendre quand on travaille dans une entreprise du multimédia, Ubi Soft, dont les dirigeants échappent astucieusement aux obligations sociales, telles qu'un service du personnel ou des délégués? Réponse, créer un 'syndicat virtuel', un site Internet o˜ les employés pourraient témoigner anonymement de leurs conditions de travail.
AussitÙt pensée, aussitÙt réalisée à l'exemple de sites américains similaires, l'idée débarque sur le Web le 15 décembre.

'Pour les gens d'Ubi Soft, ça a été l'euphorie totale, ils n'en pouvaient plus de bonheur', jubile 'Albert', le pseudonyme d'un salarié qui a pris la tÍte de l'opération. 'Une prise de parole, pas du pouvoir', nuance-t-il. Ubi Free, le premier syndicat virtuel français, fait l'effet d'une bombe parmi les 1.120 salariés de ce qui était d'abord une PME familiale, avant de devenir en quelques années l'un des leaders mondiaux - et prospère - du jeu sur CD-ROM. SitÙt expédié le message interne signalant la naissance, ils se ruent sur le site. La page d'accueil, toute fleurie, brocarde la communication interne, vécue comme 'bÍtifiante'. 'On nous dit, par exemple, aujourd'hui c'est jus de fruits frais à la
cantine', ironise Albert. Un clic, et ils tombent sur une vision amère de l'entreprise.

Tout y passe. Du 'fonctionnement monarchique' reproché aux Guillemot, les cinq frères qui ont hérité de l'entreprise, en passant par le renouvellement 'à l'envi' des CDD, gr’ce aux sous-sociétés du groupe, les salaires à la tÍte du client ou l'absence de dialogue social. Paniquée, la direction d'Ubi Soft bloque l'accès au site à ses salariés, avant de faire machine arrière. Une fois à portée de main sur Internet, à quoi bon tenter d'interdire? La tribune libre, en une nuit, est prise d'assaut par des anciens de l'entreprise. Leurs souvenirs sont d'une grande constance sur les méthodes de direction. 'Vous ne parlez pas des deux heures obligatoires pour déjeuner se souvient l'un, interdit de prendre une heure pour partir plus tÙt!' Au Canada, filiale importante du groupe, mÍme son de cloche, 'c'est comme au bon vieux temps'. Un autre raconte par le menu son CDD de deux mois, 'venir travailler les week-ends était conseillé, voire encouragé. Un bon point tout de mÍme, le thé était gratuit...'

'On souhaite pousser les frères Guillemot à réfléchir à l'organisation, au dialogue social', plaide 'Albert'. Pourquoi pas par les voies prévues par le Code du travail? 'C'est une entreprise o˜ la moyenne d'’ge tourne autour de vingt-six ans, avec une forte rotation des effectifs, à l'esprit un peu individualiste.' Difficile d'y faire admettre une démarche syndicale, 'les salariés trouveraient ringard une distribution de tracts'. La CGT et la CFDT les ont approchés, mais pour l'instant les concepteurs d'Ubi Free peinent à imaginer une suite, au-delà de l'exutoire que constitue le site Internet. Pour que cela bouge, les concepteurs d'Ubi Free jouent sur l'image de marque de l'entreprise, écornée par l'affaire. Et ça marche, la direction a entamé timidement hier des réunions de concertation. 'Les gens vont-ils parler?', s'inquiète 'Albert'. La démarche autrement montrerait vite ses limites. D'autant plus que la direction, elle, a recours aux bonnes vieilles méthodes. Elle s'échine à identifier les animateurs du site. Et fait circuler en interne une pétition de soutien, aussitÙt dénoncée sur le site Ubi Free comme un bon moyen de procéder par élimination: ceux qui ne signeraient pas seraient catalogués comme faisant partie du syndicat virtuel.

LIONEL VENTURINI.


Le Monde, vendredi 18 décembre 1998
http://www.lemonde.fr


"Perso.club-internet.fr/ubifree/home.htm"

Un " syndicat virtuel " pour protester contre l'absence de dialogue social dans une entreprise.

" Ubi Soft, l'un des plus gros producteurs et distributeurs français de jeux vidéo, n'a pas de Direction des Ressources Humaines, pas de comité d'entreprise, pas de syndicats, pas de représentants du personnel. Ubi Soft emploie à Montreuil plus de 400 personnes dont la moyenne d'’ge est de 26 ans, qui ne peuvent ni s'exprimer, ni se syndiquer, ni défendre leurs droits (...). Pour répondre à ces pratiques, les employés lancent aujourd'hui le premier syndicat virtuel : Ubi Free. "


Le 15 décembre, tous les employés d'Ubi Soft France et des filiales du Québec, du Maroc, de Roumanie et de Chine reçoivent via internet un message annonçant le lancement de ce mouvement social inédit. Les 7 fondateurs d'Ubi Free, tous en contrat précaire, ont pris leurs précautions pour rester anonymes sur le réseau, persuadés que s'ils étaient démasqués, les représailles seraient rudes.
Malgré tout, ils ne cherchent pas à dramatiser à outrance. Leur site se veut humoristique, avec des illustrations pastel évoquant les CD-Rom pour moins de 6 ans, et des rubriques intitulées " Les couleurs du pays joyeux ", ou " La tribune des enfants heureux ". Mais derrière la façade de dérision, Ubi Free a rassemblé un dossier expliquant en détail l'histoire de la société et sa politique en matière d'embauche, de salaires et de conditions de travail. Ils accusent les cinq frères Guillemot, fondateurs et patrons du groupe, d'avoir une conception " féodale " de leur métier, fondée sur le paternalisme, l'arbitraire et la précarité érigée en système.


En une nuit, Ubi Free reçoit des dizaines de messages de soutiens, émanant d'employés et d'internautes travaillant pour d'autres sociétés du secteur, o˜ la situation est comparable. La Direction réagit d'abord en bloquant l'accès au site depuis ses locaux, et en menant des recherches pour retrouver les coupables. Mais dès le lendemain, Yves Guillemot, l'un des cinq frères, s'adresse aux employés et à la presse sur un ton conciliant. Il se dit choqué d'avoir été traité de " monarque " et d'avoir trouver sur Ubi Free de " fausses informations ", mais il admet avoir " pris une bonne claque " et assure que le message est bien reçu : " il faut que nous réfléchissions tous ensemble pour voir comment améliorer les choses pour les personnes mécontentes ".
Les fondateurs d'Ubi Free ne souhaitent pas sortir de l'ombre. Ils considèrent qu'ils ont ouvert un lieu de débat et " tendu la perche " aux autres salariés, qui doivent à présent prendre le relais en menant des actions différentes à visage découvert.

Yves Eudes

 


Agence France Presse

Faute de syndicat, des salariés d'Ubi Soft créent un "syndicat virtuel"

PARIS, 17 déc (AFP) - Des salariés de la société française de jeux vidéos Ubi Soft ont créé cette semaine, en gardant un prudent anonymat, un "syndicat virtuel" sur Internet o˜ ils dénoncent leurs conditions de travail, la précarité de leurs contrats et l'absence de syndicat et de Direction des ressources humaines dans cette entreprise à gestion familiale.

Le site "Ubifree" (http://perso.club-internet.fr/ubifree/) critique la gestion de l'entreprise fondée par les cinq frères Guillemot, qui malgré sa taille reste éclatée en de multiples sociétés de moins de 50 salariés, ce qui permet d'échapper à plusieurs obligations sociales, comme la création d'une DRH et de certaines forme de représentation du personnel. Ubisoft emploie au total 1.100 salariés dont 470 en France.

Les auteurs du site Ubifree critiquent aussi la politique "d'embauche et de débauche", accusant la direction d'Ubi Soft de pratiquer à outrance l'emploi de CDD, parfois de seulement une semaine, avec des contrats successifs dans la myriade de sociétés du groupe, aboutissant à parfois plusieurs années de statut précaire. L'absence de DRH entraÓne en outre l'absence de définition des postes, et donc des salaires arbitraires et opaques, estiment-ils.

Le site, qui publie aussi une lettre ouverte au PDG d'Ubi Soft Yves Guillemot, fait enfin état de multiples heures supplémentaires imposées à un personnel très jeune (moyenne d'’ge: 27 ans) "corvéable à merci".

Interrogé par l'AFP, le PDG d'Ubisoft Yves Guillemot a expliqué qu'Ubi Soft avait une organisation répartie par métiers en petites sociétés de moins de 50 salariés, sans syndicat ni DRH. "Mais visiblement cela ne fonctionne pas si bien que ça, et nous réfléchissons donc à la manière de s'organiser pour que ça fonctionne mieux". "On a pris le message, on va essayer d'organiser les choses différemment", a-t-il affirmé.

"Tout salarié qui entre chez Ubi Soft commence en CDD, mais en moyenne au bout de 12 à 18 mois, 95% des CDD sont renouvelés sous forme de CDI", a-t-il affirmé. "Nous avons recruté 400 personnes cette année dans le monde", a-til noté, reconnaissant qu'il existe parfois des CDD d'une semaine pour tester les nouveaux produits.

Il a aussi souligné que s'il n'existe pas de plan de participation des salariés au capital --ce que dénonce Ubifree-- Ubi Soft a alloué des stocks options à tous les salariés de plus de 6 mois. "Et le prochain plan de décembre prévoit des stocks options pour l'ensemble des salariés", a-t-il conclu.

Il a enfin assuré que la direction n'avait pas cherché à savoir qui se cachait derrière Ubifree. Pour l'instant ses auteurs restent toujours dans l'anonymat.

(c) 1998 AFP


Libération, mercredi 16 décembre 1998
http://www.liberation.fr

http://www.libe.com/multi/actu/semaine981214/art981216.html


Le web, repaire du salarié en colère.

Faute de syndicat, des employés d'Ubi Soft utilisent l'internet.

On se croirait dans un jeu vidéo. Votre univers : une entreprise à laquelle vous consacrez vos journées et une bonne partie de vos nuits. Votre mission : améliorer vos conditions de travail. Première tentative, frapper à la porte du Service du Personnel. Vous arpentez les bureaux paysagers, mais vous ne le trouvez pas. Il faut relire les règles : les ressources humaines sont gérées service par service. Vous cherchez alors un syndicat ou un délégué du personnel. Eux aussi sont inexistants. Alors, vous mettez au point une " bombe " : déverser sur un site web la somme de vos mécontentements, de façon anonyme, à l'insu de vos chefs.


La " bombe a explosé ", annonce hier matin le responsable de l'opération. Albert (pseudonyme de rigueur) est employé à Ubi Soft. Il travaille à des projets de jeux vidéo, activité unique de l'entreprise française. Cette fois la bombe n'explose pas à l'écran d'un CD-Rom, mais dans un millier de boÓtes aux lettres électroniques. Sous la forme d'un message envoyé hier matin aux média et à toutes les unités et filiales à l'étranger du groupe de jeux vidéo : " Des employés d'Ubi Soft lancent aujourd'hui le premier syndicat virtuel : Ubifree (...), une alternative à l'absence de structure sociale au sein d'Ubi Soft. " En fin de matinée, les employés se sont jetés sur les pages. " Un moment d'euphorie " dit l'un d'eux. Ils découvrent alors un tableau cru de leur entreprise, laquelle se voit reprocher un fonctionnement monarchique, fondé sur l'allégeance aux cinq frères Guillemot (les fondateurs de l'entreprise), une " stratégie d'opacité ", une " circulation des informations à deux vitesses ", le " copinage ", un renouvellement " à l'envie " des contrats à durée déterminée gr’ce aux " multiples sous-sociétés " (aucune ne dépassant 49 salariés), etc.


Image déplorable.
La démarche, précise Albert, vise à " pousser les frères Guillemot à réfléchir à l'organisation de leur boÓte ", à établir un dialogue avec eux. Un emplacement est prévu sur le site pour recueillir leurs réactions. Pourquoi tout déballer ? " Si on ne le fait pas, c'est voué à l'échec, explique Albert. Il faut une pression sur l'image de marque d'Ubi Soft ". De fait, un porte-parole de l'entreprise pense que ce site " va donner une image déplorable d'Ubi Soft ".
Nouvelle en France, l'expression directe de groupes de salariés s'est déjà développée aux Etats-Unis. (lire ci-contre). Et lorsqu'elle s'exerce, c'est généralement sans langue de bois. " Une organisation syndicale aurait beaucoup de mal à avoir ce ton ", constate Yves Lasfargues, ancien responsable cadre CFDT, qui dirige aujourd'hui un organisme de formation (Crefac). Mais chez Ubi Soft, les syndicats ne sont pas les bienvenus. " Ils ne sont pas demandés en interne ", précise un porte-parole de l'entreprise. Albert a une autre interprétation : l'utilisation des contrats à durée déterminée fait vivre une partie des salariés dans l'insécurité. Ubi Free serait donc la rançon de l'absence de syndicat.

Censure.
Ce serait alors une bonne nouvelle pour les CFDT et autres CGT qui rappellent d'ailleurs que les premières formes d'organisation de salariés se sont créées au siècle dernier sur des formes voisines. " Les gens se regroupaient par proximité, explique Serge Le Roux de la CGT. Ce type de démarche peut Ítre un moyen pour les gens de redécouvrir l'action syndicale. C'est un signe de bonne santé civique. " Mais cette ébauche d'action collective ne perdurera que si l'anonymat est levé. " Le site ne pourra pas xister longtemps si on ignore à qui on s'adresse et qui en a la responsabilité ", commente Yves Lasfargue.
Hier, Ubi Soft a coupé, entre midi et seize heures, tous les accès de ses employés vers le site. Les frères Guillemot disaient " n'avoir aucun commentaire à faire ".

Laurent Mauriac et Nicole Pernicaut.


L'exemple américain.
S'il arrive que des salariés créent un site pour défendre leur entreprise (ce fšt le cas des employés d'Apple, inquiets de voir Oracle leur rÙder autour), c'est plus généralement en opposition à leur patron. Les sites d'employés aux Etats-Unis en témoignent. A l'image de Wal-Mart, leader mondial de la distribution (1). Les témoignages y affluent pour se plaindre d'une organisation o˜ le salarié moyen est livré à la tyrannie de petits chefs. Une majorité vient d'ex-employés, virés sans ménagement ou partis de leur plein gré. " J'ai travaillé dans l'enfer que nous appellons Wall-Mart. Neuf mois d'enfer ! Je travaillais au magasin 0933 de Rochelle, Illinois... " Ainsi commencent les récits typiques. Les griefs sont récurrents : heures supplémentaires non récupérées, refus de congés, changement d'affectation et baisse de salaire après un arrÍt maladie... " Le problème, c'est qu'un tout petit pourcentage d'employés de Wall-Mart ont accès à l'internet, regrette le Webmestre. L'immense majorité ne sait mÍme pas de quoi il s'agit ". On n'en dira pas autant des salarirés d'Intel (numéro 1 mondial des microprocesseurs) qui eux aussi ont ouvert leur propre site (2). Ouvert en 1996 et " destiné à exposer et mettre fin aux discriminations en vigueur dans le groupe ", ce site ractuels d'Intel. Il vise aussi les familles et les avocats des personnes en procès éunit salariés anciens et contre Intel. Son objectif : " groupes à l'art de survivre aux restructurations et discriminations ".
éduquer les salariés d'autres J.C. et N.P.

1. www.igc.org/faceintel/
2. members.aol.com/walmopboy/abuse

Les Chroniques de Cyberie mardi 15 décembre

http://cyberie.webdo.ch

 

Ubi Free - Le syndicat virtuel