Lettre ouverte à Yves Guillemot

Paris, mardi 15 décembre 1998



Monsieur le Président Directeur Général,

Le 23 septembre dernier, à la suite de la publication dans Libération d'un article intitulé
" Ascenseur express pour les moins de 26 ans ", vous réagissiez par le biais de la messagerie interne en affirmant que la journaliste avait "interprétée de façon "fantaisiste" ce qu'elle avait pu voir et entendre dans la société".

Il est tout naturel qu'Ubi Soft diffuse des informations positives concernant son activité commerciale, et vos services de presse s'en chargent parfaitement. En revanche, quand il s'agit de décrire les conditions de travail de vos employés, la propagande ne doit plus être de mise. Vous conviendrez certainement du fait que les propos de cette journaliste, que vous avez qualifiés de "regrettables", ne l'étaient pas autant que ceux qu'il lui a été donné d'entendre et de retranscrire, et qui, par leur éloquence quant au fonctionnement social d'Ubi Soft, se passaient de toute forme d'interprétation.


Ces propos sont scandaleux. Ils laissent croire à un état d'esprit unanime, celui d'une collectivité de jeunes imbéciles prêts à tout pour assurer la réussite commerciale de l'entreprise, obsédés par son expansion, n'éprouvant que du mépris envers leurs droits sociaux les plus élémentaires. Et c'est là une représentation fantaisiste, mensongère, une représentation insultante à l'égard des employés de votre société.
Vous ignorez, sans doute, qu'un grand nombre d'entre eux sont très insatisfaits de leurs conditions de travail. D'ailleurs comment pourriez vous en être informé, puisque la précarité de la plupart des emplois rend impossible toute forme d'expression individuelle, et qu'il en va de même à l'échelle collective de par l'absence de représentation du personnel ?

Monsieur Yves Guillemot, ni vous, ni vos frères Michel, Christian, Claude et Gérard Guillemot, ni aucun responsable n'est censé parler au nom de tous. Or, le personnel d'Ubi Soft n'a aucun moyen de se faire entendre. Cette situation est inacceptable.

Elle nous a conduit à concevoir ce site, projet dont vous apprécierez, en tant que spécialiste, le caractère éminemment moderne... par-delà l'éloquente absurdité de sa désignation de "syndicat virtuel".

Ce site accueillera la parole de tous, employés et responsables. Nous nous chargerons de sa mise à jour hebdomadaire et assurerons, bien entendu, l'anonymat de ses intervenants.

Nous espérons vivement qu'Ubi Free vous éclairera sur les attentes de vos salariés.

Veuillez agréer, Monsieur Yves Guillemot, l'expression de notre sincère considération,



L'Equipe Ubi Free.