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mercredi 7 juillet 1999, 16h18
Par William Emmanuel
PARIS, 7 juillet - Le raid boursier de TotalFina sur Elf, qui intervient en pleine bataille entre la BNP et le camp Société générale-Paribas, devrait porter un coup fatal au "capitalisme à la française", selon des sources bancaires.
Les entreprises ne peuvent plus compter sur l'Etat pour les aider et réalisent que leurs seuls interlocuteurs sont les investisseurs, déclare un banquier d'investissement.
Toutefois, si les participations croisées héritées des vagues de privatisation de 1986-88 et de 1993-95 ont été en grande partie dénouées au cours de ces dernières années, la composition des conseils d'administration des plus grands groupes financiers et industriels français a été peu modifiée.
Ainsi, Elf et la BNP ont trois administrateurs en commun, dont les deux présidents, tandis que six personnes siègent aussi bien au conseil de Total qu'à celui de Paribas, deux d'entre elles étant également à la Société générale. Une ligne de fracture semble séparer les camps Elf-BNP et Total-SG Paribas.
"On se retrouve avec deux clans en présence", déclare-t-on de source proche du dossier en soulignant qu'il s'agit d'un héritage du "capitalisme à la française", système dans lequel les dirigeants ont souvent fait les mêmes écoles (Ena, Polytechnique) et sont passés par les cabinets ministériels.
Lors des privatisations, les pouvoirs publics avaient renforcé cette cohésion par le biais des "noyaux durs".
Mais les protagonistes de la bataille bancaire ne jouent pas le même rôle dans l'affrontement entre les deux pétroliers.
La BNP, qui a lancé deux Offres publiques d'échange (OPE) sur la Société générale et Paribas, se retrouve du côté d'Elf tandis que la Société générale, cible de la BNP, est avec Total.
Paribas est pour sa part présent dans les conseils d'administration des cinq groupes impliqués dans les deux batailles boursières, à l'exception de la BNP.
La banque d'affaires présidée par André Lévy-Lang a même réussi à devenir conseil de Total aux côtés de Crédit Suisse First Boston et de Merrill Lynch. Elf a mobilisé de son côté Lazard Frères, Morgan Stanley, Goldman Sachs et la BNP.
Le P-DG de Total, Thierry Desmarest, a réussi à obtenir l'unanimité de ses administrateurs (moins l'abstention du représentant de l'Etat) pour lancer son OPE. Cette opération "non sollicitée" a ainsi été avalisée par des dirigeants ayant repoussé l'offre de la BNP comme étant "hostile".
Selon un banquier, le fait que le président d'Elf, Philippe Jaffré, n'ait pas encore convoqué son conseil d'administration pour examiner le projet de Total montre les limites de cette schizophrénie. "Il doit convaincre ses administrateurs de se battre. Ca ne doit pas être facile", explique-t-il.
Les banquiers d'investissement interrogés notent qu'avec la globalisation des échanges et la construction européenne les entreprises veulent consolider leurs positions à tout prix. Dans ces conditions, les gouvernements, traditionnellement interventionnistes en France, ne peuvent plus intervenir.
"Comme le gouvernement français a levé la golden share pour Total, il n'est pas évident qu'il puisse refuser de le faire pour un groupe européen comme Shell. Ce dispositif est contesté par la Commission européenne", dit-on de source proche du dossier en jugeant que les jeux sont loin d'être faits.
Les observateurs sont d'accord pour enterrer les méthodes françaises traditionnelles. "Déjà en 1997, l'opération AGF avait fait voler en éclats certains éléments du capitalisme à la française. Les AGF ont sollicité le gouvernement alors qu'il fallait convaincre les investisseurs", explique un banquier.
A l'issue d'une OPA de François Pinault sur Worms & Cie, qui détenait la compagnie d'assurances Athéna, suivie d'une contre OPA des AGF, deux mastodontes européens, Generali et Allianz, s'étaient manifestés et avaient raflé la mise, le groupe italien reprenant une partie d'Athéna et AMB en Allemagne tandis que l'allemand prenait le contrôle des AGF.
"L'affaire Total-Elf va donner le coup de grâce au capitalisme à la française. C'est directement lié au fait que le principal interlocuteur est désormais l'investisseur et non le gouvernement", souligne le banquier interrogé par Reuters.
Ainsi, peu après l'annonce de son OPE, Thierry Desmarest a commencé à rencontrer les représentants des investisseurs institutionnels. Il se consacre cette semaine aux Européens et se rendra la semaine prochaine aux Etats-Unis.
Elf et Total ont environ la moitié de leurs actionnaires en commun mais il s'agit cette fois-ci d'organismes et de fonds de pension anglo-saxons. Ce sont eux qui auront le dernier mot dans cette bataille française. /WEM