YAHOOMercredi 2 Juin 199950ème jour de grève à Elf-EP Paris : tumulte social chez Elf Aquitaine, par Anne-Marie CHAPELANPARIS, 1er juin (AFP) - Au 50ème jour de grève des 800 salariés de Elf Production Exploration, le troisième étage de la "tour Elf" à La Défense a pris des allures "d'expo" revendicative: dessins humoristiques, coupures de presse, contributions écrites couvrent les murs. A l'autre bout de la France, leurs collègues de Pau (Pyrénées-Atlantiques, 2.400 salariés), sont en grève pour la 52ème journée consécutive, pour s'opposer au même plan dit de "Performance". Ce Plan contre lequel ils se battent vise à supprimer sur les deux sites 1. 320 emplois "équivalent temps plein" sur 2.820 salariés, soit environ 62% du personnel à La Défense (Hauts-de-Seine) et 38% à Pau. A Paris, 180 personnes seraient délocalisées sur Pau tandis que les secrétariats, les services des ressources humaines, financiers, informatiques seraient "externalisés", confiés à des sociétés extérieures ou à la sous-traitance. Au 3ème étage, le centre informatique est occupé jour et nuit. Les réseaux ont été coupés et les serveurs fermés. Une pièce névralgique, coeur informatique d'Elf-EP, barrée d'une grosse tête de mort dessinée au feutre, est condamnée depuis un mois et demi: résultat, la gestion, la paye, la comptabilité, les contrats d'Elf-EP (propositions de vente et commandes), sont paralysés de même que le système Intranet, selon les syndicats. Les écritures comptables sont désormais effectuées à la main. Dans les bureaux, transformés en cantine et dortoirs, hommes et femmes, avec sacs de couchage et matelas empilés contre le mur, l'information et la discussion sont permanentes. Grève tournante La grève est tournante. Les salariés font deux heures de piquet de grève par semaine, de manière à ne pas entamer trop les salaires et à "tenir" le mouvement sur la durée. Les grévistes "ont perdu environ deux jours de salaire" jusqu'à présent, affirme la CFDT, deuxième syndicat derrière la SICTAM-CGC (majoritaire). Outre le site internet (http://perso.wanadoo.fr/elf-resistance) - 13.000 consultations depuis sa création -, les murs parlent d'eux-mêmes. Philippe Jaffré, le PDG d'Elf Aquitaine, caricaturé de diverses manières, concentre les rancoeurs. Affublé d'une moustache, c'est un "PDG qui fait fureur", proclame un dessin. Une caisse de solidarité circule en permanence. Des contacts sont noués avec d'autres sociétés à La Défense (Bull, Usinor...) dont les salariés se disent intéressés par les formes d'action mises en oeuvre par une intersyndicale (CGC, CFDT, CFTC, FO, CGT) très soudée. "Nous sommes ouverts à tout dialogue, tout en restant fermés à tout diktat", souligne une lettre que l'intersyndicale a décidé de faire parvenir au président Jaffré, déplorant que depuis le début du conflit, ils n'aient pu le rencontrer "qu'une seule fois" (le 6 mai). Mardi, 350 grévistes ont reconduit la grève à la quasi-unanimité. Le site de Pau a fait de même lundi. En revanche l'usine d'Elf Aquitaine Exploration Production France (EAEPF) de Lacq (production de gaz- 1.400 salariés) a voté la fin de la grève. "Le Plan performance, c'est l'Empire des ténèbres", résume un salarié, membre de la CGC, soulignant que l'encadrement est "à fond dans le mouvement". "Jaffré, c'est tout pour l'actionnaire, des profits très rapides, une gestion suicidaire", affirme un autre, syndiqué à la CGT. "Jaffré est entêté, il a trop peu de contradicteurs autour de lui", estime un gréviste qui juge "que son salaire (10 millions de F), les 300.000 stock-options qu'il détient et sa Mercédès blindée, stationnée en permanence au pied de la tour Elf, sont une offense aux salariés". |