La République des Pyrénées |
Elf
Aquitaine lance une contre-offensive sur TotalFina |
PARIS (AFP) - Deux semaines jour pour
jour après le raid surprise de TotalFina, le groupe pétrolier
français Elf Aquitaine a lancé une contre-offensive sur
son assaillant franco-belge, une réponse du berger à la
bergère qui constitue une "première" en
France. Elf Aquitaine a décidé dimanche, tard dans la nuit, de riposter à l'offre Publique d'Echange (OPE) de TotalFina, lançant une "contre-OPE" sur son rival. Le groupe de Philippe Jaffré propose trois actions Elf et 190 euros en numéraires pour cinq actions TotalFina. TotalFina, de son côté, propose 4 actions TotalFina pour 3 actions Elf. La proposition d'Elf valorise TotalFina à 50,3 milliards d'euros. Celle de TotalFina sur Elf pèse 42 milliards d'euros. Elf prévoit 6.000 suppressions d'emploi, dont 2.000 en France, sans "départ contraint". L'offre de TotalFina envisage 4.000 suppressions sans licenciements, dont la moitié en France. Les syndicats CGT et CFTC d'Elf ont condamné lundi la contre-offre d'Elf tandis que la CFDT l'a jugée "surprenante". Pour Christian Albanès (CGT), Philippe Jaffré "lave plus blanc" en annonçant 6.000 suppressions d'emplois. Cette offre "non sollicitée" d'Elf repose sur une stratégie différente de celle de TotalFina: la séparation des activités pétrolières et chimiques en deux sociétés distinctes. "Le recentrage des groupes pétroliers vers leur métier de base se pratique déjà Outre-Atlantique et devrait convaincre les marchés du bien fondé de cette séparation entre chimie et pétrole", explique Elf. Le projet industriel de TotalFina, présenté le 5 juillet, a obtenu l'aval du gouvernement. Le Pdg d'Elf Aquitaine, qui a contacté dimanche soir Bercy et Matignon, ne semblait pas s'inquiéter, affirmant que son projet ne mettait pas en cause "les intérêts nationaux et en particulier l'approvisionnement pétrolier de la France". Le gouvernement dispose d'une action spécifique (golden share) dans Elf qui lui permet de s'opposer à tout projet qu'il jugerait non conforme à l'intérêt national. Le projet d'Elf prévoit des cessions de 5 milliards d'euros à terme. Il compte ainsi vendre 15% de sa participation dans le groupe pharmaceutique Sanofi-Synthelabo, dont il ne conserverait que 20%, ainsi que "d'autres actifs pétroliers et chimiques". Elf table en outre sur des synergies de 2,5 milliards d'euros dans les trois ans. Philippe Jaffré est parti pour Londres dès lundi soir pour tenter de convaincre les analystes, qui ont boudé ouvertement son OPE malgré ses modalités financières attractives. De nombreux analystes ont ironisé sur le "virage à 180 degrés" de Philippe Jaffré, qui, il y a à peine 15 jours, jugeait la fusion "prématurée". Le Pdg d'Elf a affirmé lundi qu'il préparait "depuis des années" cette opération. TotalFina qui doit réunir prochainement son conseil d'administration a lui aussi relevé que M. Jaffré "reconnaît maintenant l'intérêt du rapprochement". "Si l'offre d'Elf a l'air meilleure, car elle offre du cash aux actionnaires, je crois que ce groupe n'a pas une stratégie claire", a estimé Peter Hitchens, analyste de la banque Williams de Broe. "Les investisseurs devront se demander: est-ce que je veux voir Total ou bien Elf diriger le nouvel ensemble ? A mon avis, Total a une équipe dirigeante mieux perçue qu'Elf par les investisseurs, et ces derniers préfèreront voir l'état-major de Total à la tête du nouveau groupe", a-t-il poursuivi. La contre-attaque d'Elf n'a pas suscité de nervosité extrême à la Bourse de Paris, Elf Aquitaine terminant lundi soir en baisse de 1,42%, à 173,50 EUR, tandis que TotalFina gagnait 1,15%, à 131,80 EUR. |