Le Monde
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Pétrole-banque : le dilemme des administrateurs | |
Mis à jour le mardi 6 juillet 1999 | |
LE CAPITALISME à la française est encore loin du concept anglo-saxon de corporate governance (gouvernement d'entreprise). Le parallèle entre l'offre publique d'échange (OPE) lancée, lundi 5 juillet, par le groupe pétrolier franco-belge TotalFina sur Elf et la bataille qui oppose les trois banques françaises BNP, Société générale, et Paribas, depuis presque cinq mois, est étonnant : on retrouve plusieurs administrateurs au conseil de chacun de ces groupes. Les administrateurs des deux groupes pétroliers, l'un attaquant, l'autre cible, se sont prononcés ou devront le faire sur cette offre « non sollicitée ». La plupart d'entre eux ont déjà donné leur avis sur l'offensive de la BNP, « amicale mais non sollicitée », lancée le 9 mars, approuvant ou récusant le caractère « non sollicité » de l'offre. Ils pourraient se trouver en porte-à-faux. Ceux qui ont voté en faveur de l'offre publique d'échange (OPE) « non sollicitée » lancée par TotalFina sur Elf Aquitaine sont paradoxalement les mêmes à avoir voté contre la double OPE de la BNP sur la Société générale et Paribas. Ainsi, Daniel Bouton, président de la Générale, membre du conseil d'administration de TotalFina, rejette catégoriquement l'OPE de la BNP sur sa banque, estimant qu'une fusion à trois dans le secteur bancaire, de surcroît hostile, ne peut aboutir. Mais il s'est prononcé en faveur de l'offre TotalFina sur Elf Aquitaine. Les administrateurs de TotalFina - dont Albert Frère, premier actionnaire du pétrolier - ont approuvé à l'unanimité l'OPE, à l'exception du représentant de l'Etat qui s'est abstenu, a indiqué à l'AFP le Crédit suisse First Boston, l'une des banques conseil de TotalFina. Certains administrateurs de TotalFina, en premier lieu son président Thierry Desmarest, siègent au conseil de surveillance de Paribas, où ils ont fait part de leur hostilité à l'OPE de la BNP, qualifiée de « non sollicitée mais amicale » par la banque de Michel Pébereau. Trois autres administrateurs de Paribas - Michel François-Poncet (président du conseil de surveillance), Paul Desmarais (président de Power Corporation du Canada), et Antoine Jeancourt-Galignani (PDG des AGF) -, également administrateurs de TotalFina, ont voté pour l'OPE. André Lévy-Lang, président du directoire de Paribas, fait cause commune avec M. Bouton contre le projet de la BNP. Mais, ironie du sort, Paribas est une des banques conseil de TotalFina dans l'attaque d'Elf, ce que la BNP se plaisait à souligner en souriant lundi matin. M. Lévy-Lang est par ailleurs administrateur d'Elf. Certains administrateurs d'Elf, « cible » de TotalFina, font partie des membres du conseil de la BNP qui ont approuvé le lancement par son président Michel Pébereau, pionnier des OPE « non sollicitées » de cette ampleur. C'est le cas, évidemment, de M. Pébereau lui-même, du président d'Elf Philippe Jaffré, tous deux amis de longue date, de Jacques Friedmann (qui représente Axa au conseil de la BNP), fort soutien de la BNP, et de Jurgen Sarrazin (Dresdner Bank, partenaire de la BNP). Tandis que les conseils des deux banques attaquées le 9 mars par la BNP s'étaient réunis dès le lendemain, le conseil d'Elf n'était toujours pas convoqué mardi 6 juillet, plus de vingt quatre heures après l'assaut de TotalFina. Pascale Santi Le Monde daté du mercredi 7 juillet 1999 |
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