LE MONDE : Lundi 21/06/1999


Elf perd la bataille pour le contrôle du pétrolier Saga


L'ULTIME TENTATIVE d'Elf visant à prolonger jusqu'au 25 juin la bataille boursière pour prendre le contrôle du troisième pétrolier norvégien, Saga Petroleum, a échoué. Dimanche 20 juin, son rival, le groupe public norvégien, Norsk Hydro, associé à son compatriote Statoil, annonçait détenir 90 % des titres.

Plus de 70 % des actionnaires de Saga ont accepté l'offre valorisant leur entreprise à 20,1 milliards de couronnes (2,45 milliards d'euros). S'y ajoutent les 20 % détenus par Statoil. Les actionnaires de Norsk Hydro, dont l'Etat norvégien détient 51 %, devront avaliser l'opération mercredi 23 juin. Celle-ci doit recevoir l'approbation du gouvernement, qui s'était rapidement montré favorable à ce rachat, et celle de la Commission européenne.

La bataille pour le contrôle de Saga a éclaté fin mai, sur fond de recomposition de l'industrie pétrolière. Affecté par le contrechoc de 1998, les Norvégiens ont entrepris de réorganiser ce domaine. Après de longues tractations, les deux premiers groupes du secteur, les firmes publiques Statoil et Norsk Hydro, parvenaient à un accord pour se partager la firme privée Saga. Hostiles à cette perspective de dépeçage, ses dirigeants partaient à la recherche d'alliés et trouvaient Elf qui, depuis plusieurs mois, étudiait ce dossier. Pour le groupe français, l'intérêt était multiple. Stratégiquement, le rachat de Saga lui permettait de doubler ses réserves de gaz et de pétrole en mer du Nord et de se renforcer sur des gisements prometteurs. Côté image , Elf avait le beau rôle : celui du « chevalier blanc », l'allié volant à la rescousse d'une entreprise menacée dans son intégrité, à l'appel non seulement des dirigeants mais aussi du personnel.

DEUXIÈME ÉCHEC

En interne, cette opération permettait au groupe français, englué dans un conflit social mal géré dans sa filiale exploration-production, de remotiver ses troupes. Un succès qui aurait été bien utile au PDG d'Elf, Philippe Jaffré, très critiqué pour son immobilisme dans un monde pétrolier en pleine restructuration. Son échec est un coup d'autant plus dur qu'il s'agit du deuxième en quelques mois : le belge Petrofina, dont Elf avait un moment envisagé l'acquisition, a préféré Total.

Les Français n'en étaient pas à leur première tentative de rachat de Saga Petroleum. Elf s'y était risqué en 1986 et Total trois ans plus tard. En vain. Ils avaient dû renoncer, chacun à leur tour, devant l'hostilité des pouvoirs publics norvégiens à voir partir certaines de leurs ressources d'hydrocarbures.

Cette fois, en répondant à l'appel de Saga, les dirigeants d'Elf avaient misé sur une évolution des mentalités sous l'influence des actionnaires étrangers détenteurs de plus du tiers du capital du groupe norvégien. Il n'en fut rien. Dans ces conditions, le groupe français s'est refusé à une escalade financière. Il s'est gardé également de toute déclaration hostile, car quelle que soit l'issue, c'est toujours le gouvernement norvégien qui attribue les permis d'exploration en mer du Nord.

Dominique Gallois