LIBERATION

 

Philippe Jaffré, Thierry Desmarest, Michel Pébereau, André Lévy-Lang et Daniel Bouton: les cinq PDG

Les batailles engagées dans le secteur bancaire et pétrolier français sont avant tout dictées par les ambitions de leurs dirigeants.


 

Philippe Jaffré, le mal aimé

PDG d'Elf Aquitaine

PAR ALEXANDRA SCHWARZTBROD

Age: 54 ans.

Marié à Elisabeth Coulon.Trois enfants: Alexandra, Xavier, Géraldine. Hobbies: golf, musique classique.

Formation. Institut d'études politiques, ENA (1971-1973), inspection générale des Finances.

Carrière. De 1979 à 1984, il occupe plusieurs postes à la direction du Trésor avant de rejoindre l'administration centrale du ministère de l'Economie et des Finances. En 1988, il prend la direction de la banque Stern. Un an plus tard, il est recruté par le Crédit agricole comme directeur général de la caisse nationale. Depuis 1993, il est PDG d'Elf Aquitaine. Postes d'administrateur: BNP, CCF, SanofiSynthelabo.

Personnalité. Il a beau faire, il ne «passe» pas. Des médias au monde politique, Philippe Jaffré s'est créé beaucoup d'inimitiés en six années à la tête d'Elf. Arrogance, maladresse, tels sont les principaux défauts dont il est accablé. «Il est blindé», dit-on dans son entourage.

Celui qui a mis au grand jour les malversations commises chez Elf durant le règne de Loïc Le Floch-Prigent et d'Alfred Sirven a encore du mal à comprendre pourquoi il déchaîne tant de haine. Les hommes politiques lui en veulent d'avoir ouvert la boîte de Pandore et révélé des pratiques qui ont sans doute bénéficié à la plupart des partis politiques. Ses salariés lui reprochent de les traiter comme quantité négligeable et de penser essentiellement à l'intérêt de l'actionnaire.

Ambition. Garder la tête d'un grand groupe.


Thierry Desmarest, le lucide

Président de TotalFina

PAR ALEXANDRA SCHWARZTBROD

Age: 53 ans.

Marié à Annick Geraux, médecin anesthésiste de formation, qui a choisi de ne pas exercer pour le suivre dans ses différents postes à l'étranger.
Trois enfants: Agnès, Anne-Charlotte, Vincent.

Hobbies: Ski, musique.

Formation. Ecole polytechnique, Ecole nationale supérieure des Mines de Paris.

Carrière. Ingénieur à la direction des Mines en Nouvelle-Calédonie; directeur des mines et de la géologie; conseiller technique au cabinet du ministre de l'Industrie Michel d'Ornano; directeur délégué de Total Algérie en 1981, il occupe ensuite divers postes dans le groupe, dont il devient le PDG en mai 1995. Postes d'administrateur: Air Liquide, TotalFina, Aérospatiale-Matra, Paribas.

Personnalité. Selon le journal interne de Total, les qualités primordiales à ses yeux sont la lucidité et l'enthousiasme tandis que les pires défauts sont le manque de courage et l'arrogance. De fait, rarement patron aura paru plus simple, plus abordable, plus passe-partout. Il déteste les dîners en ville et les coteries, ne compte pas d'amis politiques et ne se met jamais en colère. Mais attention, sous ses airs de premier communiant se cache un vrai requin. C'est un industriel qui sait ce qu'il veut et qui sait tailler là où ca fait mal sans -c'est son grand talent- faire mal, puisqu'on ne lui connaît aucun conflit social.

Ambition. Faire partie du club des grands. «On commence à ne plus être à la portée de n'importe qui», confiait-il peu après le rachat de PetroFina.

Michel Pébereau, le calculateur

PDG de la BNP

PAR OBK

Age: 57 ans

Marié à Agnès Faure, sans profession. Quatre enfants: Alexandre, Jérôme, Iris et Sarah.

Frère: Georges Pébereau, auteur d'une OPA ratée sur la Société
générale en 1987.

Hobbies: piano et littérature de science-fiction.

Formation. Ecole polytechnique, ENA, inspecteur des Finances.

Carrière. directeur de cabinet de René Monory, alors ministre de l'Economie de Valéry Giscard d'Estaing (1978-1980), directeur général puis PDG du CCF (Crédit commercial de France) de 1982 à 1993. Depuis mai 1993, PDG de la BNP, dont il a conduit la privatisation.

Postes d'administrateur: Lafarge, Galeries Lafayette, Saint-Gobain, Axa-UAP, Dresdner Bank, Renault, et Elf Aquitaine

Personnalité. Très policé de tempérament, Michel Pébereau est plus violent en actes qu'en paroles. Son côté poisson froid fait dire aux méchantes langues: «Pébereau rosit quand il dit la vérité.» C'est un travailleur acharné qui arrive tous les jours à son bureau à 7 heures. C'est un excellent gestionnaire qui a multiplié les bénéfices de la BNP par sept en six ans.

Ambition. Le rêve de Michel Pébereau, c'était la direction du Trésor. L'arrivée des socialistes au pouvoir en 1981 a fait bifurquer sa carrière vers la banque. Il a conservé un esprit haute fonction publique. Avec l'aide des pouvoirs publics, il tente de construire une banque à trois parce qu'il ne veut pas laisser la BNP devenir la proie de prédateurs étrangers.

André Lévy-Lang, le susceptible

Président de Paribas

PAR O.B.-K.

Age: 62 ans (né à Alexandrie).

Marié à Catherine Lang, magistrate à Garges-lès-Gonesse. Trois enfants: Laurence, Stéphane, Nathalie. Hobbies: Golf et ski. Membre du Racing Club de France.

Formation. Ecole polytechnique, docteur en économie de l'université de Stanford (Californie).

Carrière. En 1962 il devient ingénieur chez Schlumberger et occupe différentes fonctions techniques et commerciales en France et aux Etats-Unis jusqu'en 1974. Il entre alors à la Compagnie bancaire, dont il devient président du directoire en 1982. Il est président de la compagnie financière de Paribas en 1990, et, sept ans plus tard, il absorbe la Compagnie bancaire.

Postes d'administrateur: Société générale, Schlumberger et Elf Aquitaine, Finaxa.

Personnalité. Son caractère modéré ne le conduit pas aux coups d'éclat. Il déteste qu'on lui force la main.

Ambition. Construire une grande banque d'affaires européenne. Il a commis l'erreur de laisser croire à ses cadres que Paribas pouvait rester indépendant. La partie banque d'investissement ne lui pardonne pas ce qu'elle considère comme une «trahison». «Qu'il vende Paribas à la Société générale ou à la BNP, il a signé notre arrêt de mort», regrettent certains. Il aurait pu parier sur la privatisation du Crédit Lyonnais, en devenant son actionnaire pivot mais il a préféré une alliance plus rapide qui lui assurera une belle fin de carrière. Si SG-Paribas se fait, il prendra la présidence du nouvel ensemble pendant trois ans.

Daniel Bouton, le général

PDG de la Société générale

PAR O.B.-K.

Age: 49 ans.

Marié à Nicole Berkchole, également banquière, membre du directoire de la banque néerlandaise ABN-Amro et directrice de la banque NSM (Neuflize, Schlumberger, Mallet), filiale d'ABN-Amro. Deux filles: Anne-Laure et Caroline.

Hobbies: golf (très bon niveau, handicap 6), opéra.

Formation. Institut d'études politiques de Paris, ENA promotion François Rabelais (1971-1973), et inspection générale des Finances.

Carrière. Directeur de cabinet d'Alain Juppé, ministre de l'Economie et des Finances (1984-1986), directeur du Budget (1988-1991) sous le ministère de Michel Charasse.

Parachuté à la Société générale en 1991, il devient directeur quand Marc Viénot arrive à la présidence, directeur général en 1993 et PDG en 1997. Postes d'administrateur: Paribas, TotalFina, Canal + et Schneider.

Personnalité. C'est le genre de type capable de piquer une grosse colère mais aussi de mobiliser ses troupes. «Il est plus primaire qu'intellectuel», note un financier. Plusieurs hauts cadres ont mis en cause sa politique d'acquisitions très coûteuse et son manque de prudence en Asie du Sud-Est. Ambition. Il aimait bien le secteur de l'industrie, mais Marc Viénot avait repéré des qualités de dirigeant chez le jeune inspecteur des finances. Bouton est donc devenu banquier. Il s'est totalement coulé dans l'organisation très militaire de la Générale, qu'il veut hisser sur le podium des grandes banques européennes.