La Tribune
07/07/99
Elf cherche la parade face à TotalFina
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Philippe Jaffré a été prompt lundi à
qualifier d'« hostile » l'offre publique d'échange de 42
milliards d'euros de son concurrent TotalFina. Pourtant, le
président d'Elf Aquitaine semblait hier décidé à prendre son
temps pour organiser sa défense. Ainsi, alors que certains
attendaient qu'il réunisse dès lundi son conseil
d'administration, la direction du groupe pétrolier a d'abord
convoqué ses banques conseils Lazard, Morgan Stanley, Goldman
Sachs, BNP pour préparer son plan : car le président d'Elf,
dont on connaît la pugnacité, ne devrait pas rester inactif.
Hier, cependant, la date de réunion du prochain conseil n'était
pas encore arrêtée : elle pourrait être fixée à vendredi,
voire en tout début de semaine prochaine.
De fait, la marge de riposte du président
d'Elf semble des plus étroites. La possibilité d'une contre-OPA
d'Elf sur TotalFina est certes possible, mais sa probabilité est
ténue, ne serait-ce que parce que Philippe Jaffré s'est
ingénié à démontrer qu'un rapprochement des deux groupes
français n'a guère de sens. Faire appel à un chevalier blanc ?
Royal Dutch Shell aurait pu faire un prétendant acceptable. Mais
le gouvernement, par la voix de Dominique Strauss-Kahn, a
désamorcé toute tentative en ce sens : en prenant acte de
l'opération lancée par TotalFina, le ministre de l'Economie et
des Finances s'est félicité hier que l'approvisionnement
pétrolier français ne passe pas « entre des mains
anglo-saxonnes ou américaines ».
La remarque écarte du même coup
Exxon-Mobil trop américain, de toutes façons, pour se colleter
aux lois sociales françaises ou BP Amoco, qui a, sans doute,
fait le plein d'acquisitions. Reste l'italien ENI dont le nom a
été évoqué. Mais le groupe transalpin, s'il multiplie les
succès, doit encore faire le ménage dans sa maison.
Superdividende. Philippe Jaffré devra, de toutes façons, tenter
de convaincre ses actionnaires que l'offre de son concurrent
n'est pas si favorable que ça. Surtout s'il y met du sien en
leur offrant un superdividende. Les 35,1 % détenus par Elf dans
Sanofi Synthélabo constituent à cet égard une jolie cagnotte
évaluée à 11 milliards d'euros environ. D'autant que si le
pacte d'actionnaires conclu avec L'Oréal, lors de la fusion
Sanofi Synthélabo, prévoit que chacun des deux groupes conserve
une participation de 20 % au moins pendant six ans, cette clause
devient caduque au cas où l'un ou l'autre groupe seraient
l'objet d'une opération hostile. Cependant, la fiscalité sur
une telle plus-value risque de rendre l'opération peu
séduisante. Les critiques sur la parité de l'offre publique
d'échange pourraient, quant à elles, tomber à plat : certains
grands actionnaires d'Elf tels la Caisse des dépôts et
consignations, le fonds américain Fidelity ou la Caisse
Nationale de Prévoyance détiennent également une part
significative du capital de TotalFina.
Conseil d'administration. Rien ne filtrait
hier de la réunion tenue avec les banques conseils. Le pire pour
le président d'Elf serait que des voix discordantes se fassent
entendre au sein de son conseil d'administration. Certains
pourtant, dans le camp adverse, ne désespéraient pas de ranger
à leurs arguments tel ou tel administrateur. Ainsi Michel
Pébereau, le PDG de la BNP, qu'une longue amitié lie à
Philippe Jaffré, pourrait cependant y regarder à deux fois :
soutenu par Dominique Strauss-Kahn dans son opération sur la
Société Générale et Paribas, il pourrait vouloir éviter de
« chagriner » le ministre.
De son côté, Jacques Friedmann, le
président du conseil de surveillance d'Axa, est un proche de
Jacques Chirac dont on sait qu'il s'est, en son temps, opposé à
la nomination de Philippe Jaffré à la tête d'Elf. Et l'esprit
de corps X-Mines pourrait jouer entre Thierry Desmarest, le
patron de Total, et le PDG de Lafarge, Bertrand Collomb,
administrateur indépendant d'Elf Aquitaine. Quoi qu'il en soit,
l'intérêt de la société et des actionnaires guidera le choix
des administrateurs.
Elisabeth Rochard