Charlie Hebdo - 13 juillet 1999 EPO et OPE, même combat L 'INFORMATION est ainsi faite qu'on
parle davantage aujourd'hui de l'EPO
(l'érythropoïétine) dans le Tour de France que de
l'OPE «offre publique d'échange» de Total-Fina sur
Elf. Pour une bonne raison : le sport est simple et fait
réver, l'économie est compliquée et ennuyeuse.
Laissez-nous faire, laissez-nous passer, hurlent experts
et financiers pendant que les dirigeants de tout poil
jettent sur le marché les mille et un produits destinés
à fournir au bon peuple un exutoire aux frustations et
aux angoisses. Comme le clamait déjà Paul Ramadier,
président du Conseil en 1947 : «Faites des
restrictions d'essence sur tout ce que vous voudrez sauf
sur le Tour de France. C'est le moyen d'être tranquille
une fois dans l'année ». Eh oui, à quoi
bon comprendre le monde dans lequel on vit si c'est pour
se rendre compte, inertes, qu'il court à sa perte? Le
philosophe avait bien vu : qui accroît sa science
acccoît sa douleur. Au risque de souffrir davantage,
soyons pédagogiques. Qu'est-ce que l'OPE? Une opération qui permet d'augmenter Ia production (de biens et de services), de faire des économies (d'échelle), d'accroître le rendement et d'adapter l'appareil de production aux « réalités d'une économie mondialisée ». Rien de plus net. Dans un cas comme dans l'autre, un contrôle tente d'assurer l'éga!ité des participants (coureurs ou actionnaires), le tout devant se dérouler dans une atmosphère au mieux amicale, au pire non hostile. Question d'éthique! Enfin presque. Car les seuls oubliés dans l'histoire, ce sont les salariés. Sportifs d'un coté, employés de l'industrie de l'autre, avancent en terrain miné. EPO ou OPE, c'est la chronique d'une mort annoncée. Disparition physique à moyen terme pour les premiers, disparition sociale à court terme pour les seconds. L'EPO et l'OPE donnent en vérité une
belle image du capitalisme dit « moderne».
Compétition, concurrence généralisée, record,
productivité, efficacité, rentabilité, bref le
coureur-machine, comme l'ouvrier licencié, n'est rien.
L'argent et le pouvoir sont tout. Le sport n'échappe pas
à la loi dominante, la loi du profit. Le
point de départ est là. L'ignorance, c'est
alimenter les discours mystificateurs et préférer les
fausses euphories aux vraies libérations. |