Jugement du 28 mai 1999 |
Tribunal de grande instance de PAU |
..../... Faits constants et procédure par actes du 18 mai 1999, la société ELF Exploration Production (centre Jean Feger) établissement de PAU, représenté par son chef détablissement, Romain Fouque, a fait assigner les 19 agents ELF EP précités occupant le bâtiment alpha du CSTJF, aux fins de voir ordonner, sur le fondement de larticle 809alinée 1 du nouveau code de procédure civile, leur expulsion ainsi que celle des personnes occupant les locaux dudit CSTJF, sans délais, et sous astreinte de 10.000f par jour de retard à compter de la signification de la présente et jusqu'à libération totale des lieux. La demanderesse réclame en outre la condamnation des assignés à lui payer solidairement la somme de 10.000f plus T.V.A sur le fondement de larticle 700 du nouveau code de procédure civile. Après réplique aux moyens de nullité ou dirrecevabilité soulevés in limine litis par les assignés et ci-après résumés dans lexposé des moyens de défense, et après jonction de ces incidents au fond, la partie demanderesse fera exposer que létude de réorganisation de son site, notamment à Pau, a conduit les organisations syndicales à initier certains mouvements sociaux, dont une occupation de force du CSTJF et plus particulièrement du bat alpha, dans lequel certaines dégradations ont été commises dès le 12 avril 1999. Dautres bâtiments ont été aussi la cible de dégradations, notamment le bâtiment BA-BB de la direction dans la nuit du 12 au 13 avri1999, qui ont fait lobjet dun dépôt de plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges dinstruction de Pau. En tout état de cause, elle estime que loccupation en cause affecte gravement tant les systèmes de sécurité et lorganisation du site que léquilibre financier du groupe entier, et ce, malgré les négociations ouvertes. Elle fait cependant préciser, par son conseil, que ne sont nullement visées les organisations syndicales à l origine du mouvement social, mais seulement des occupants ayant pu être identifiés personnellement, sagissant de sanctionner ou de mettre un terme à des voies de fait génératrices dun trouble manifestement illicite à ses droits qui ne sauraient être mis en balance avec une convention négociée doccupation afin de préserver la sécurité. In limine litis, les assignés soulèvent la nullité des actes de saisine comme émanant dune demanderesse non précisément identifiée en contravention aux dispositions de larticle 648 2°b du nouveau code de procédure civile, et lirrecevabilité des demandes, soit émanant dun chef détablissement qui ne démontre pas sa qualité à agir, soit comme dirigées contre des personnes non dénommées qui nont aucun lien de droit avec chacun deux. Au fond, ils font valoir que rien ne démontre quils aient pu chacun dentre eux, commettre les dégradations servant de fondement aux demandes dexpulsion, la seule occupation des lieux ne pouvant être qualifiée de troubles manifestement illicites puisque se modalités ont été négociées avec la direction du CSTJF (note du 28 avril 1999). En outre, ils font observer quune procédure pénale ayant été initiée par la société Elf Exploration Production régulièrement représentée semble-t-il, à raison des mêmes faits que ceux visés dans la demande, le juge des référés ne peut que surseoir à statuer en vertu du principe que le criminel tient le civil en létat. Enfin, ils demandent soit un sursis à statuer dans lattente des résultats de la conciliation, que les organisations syndicales ont demandées par application de larticle L523-1 du code du travail, soit la désignation dun expert ou dun médiateur afin de déterminer la nature et la cause exacte du conflit afin dy trouver un remède sérieux et applicable. En tout état de cause, ils réclament lallocation in globo dune somme de 10.000f sur le fondement de larticle 700 du nouveau code de procédure civile . Le Syndicat national des pétroles CFTC Elf Aquitaine déclare intervenir aux débats en lapplication de larticle L411-11 du code du travail, puisquil sagit de défendre directement ou indirectement des intérêts collectifs dans un conflit dont lobjectif est de préserver 2000 emplois, afin de faire valoir que laction en référé est irrecevable dès lors quelle se heurte au fait patent que les conditions doccupations ont été négociées et donc admises, quelle est dépourvue dintérêt légitime et quelle vise un ensemble de salariés par le biais dune instance dirigée seulement contre quelques uns. Le syndicat sassocie en outre à la demande de désignation dun expert formulée par les assignés défendeurs et réclame en tout état de cause lallocation dune somme de 5.000 francs sur le fondement de larticle 700 du nouveau code de procédure civile. La partie demanderesse soutient que lintervention volontaire de la CFTC est irrecevable dans ce litige qui noppose que la société Elf Exploration Production à 18 de ses employés occupants, sur des voies de fait précises et non sur des intérêts collectifs de la profession. Elle réclame donc la condamnation de la CFTC à lui verser une somme de 5000 francs sur le fondement de larticle 700 du code de procédure civile. Admettant avoir été contrainte de négocier les conditions doccupation du CSTJF, elle soutient quelle a du subir cette occupation qui est lacte générateur des voies de fait en cause, imputables à des salariés occupant, si bien que sa demande dexpulsion est justifiée. DISCUSSION Aucun doute nest permis quant à lidentité de la personne morale prétendue demanderesse, la SA Elf Exploration Production, ne serait - ce que de la part des assignés qui sont tous ses salariés et qui se battent pour conserver ce statut en résistant aux réorganisations et externalisations proposées, si bien que le moyen tiré du non respect des dispositions de larticle 648 2°b du nouveau code de procédure civile nest pas fondé. De surcroît, on naperçoit pas quels griefs pourraient invoquer les défendeurs du chef dune prétendue incertitude quant à cette identification. En revanche, force est de constater que M. Fouque, qui se déclare habile à représenter en justice la Société Elf Exploration Production, alors quil nen est pas le représentant légal mais un simple chef détablissement, ne démontre pas sa qualité alléguée par la production dun pouvoir régulier et antérieur aux assignations, ni parmi les pièces obligatoirement dénoncées lors de ces actes, ni même ultérieurement pour répondre au moyen dirrecevabilité soulevé in limine litis par les défendeurs. En eut-il été autrement que laction intentée sur le fondement de larticle 809 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile et visant, par lexpulsion des 18 assignés et des autres occupants du site en cause, à prévenir un dommage imminent ou à faire cesser un trouble manifestement illicite ne saurait prospérer dès lors quil est indéniable que
Il en résulte quirrecevable, la demande est aussi infondée. Ce constat est important car il justifie lintervention volontaire aux débats de la CFTC malgré laffirmation de la partie demanderesse selon laquelle sa demande nétait articulée quà lencontre de quelques salariés grévistes pris au hasard parmi les occupants du site, dès lors que, comme on la vu ci-dessus, laction revenait à remettre le droit de grève en cause.
PAR CES MOTIFS Nous, P.B., président du tribunal de Grande Instance statuant en référé par ordonnance contradictoire, vu larticle 801 alinéa 1 du
nouveau code de procédure civile, déclarons recevable lintervention volontaire du syndicat national des pétroles CFTC Elf Aquitaine déclarons irrecevables les demandes formulées par M. Romain Fouque au nom de la SA Elf Exploration Production, condamnons M. Romain Fouque, chef de létablissement CSTJF de la SA Elf Exploration Production à Pau ou toute personne qui acceptera de répondre pour lui, aux dépens et à payer dune part aux assignés considérés comme une seule et même partie, une indemnité de 6000 francs et dautre part au syndicat national des pétroles CFTC Elf Aquitaine une indemnité de 5000 francs sur le fondement de larticle 700 du nouveau code de procédure civile. La minute a été signée par le président et le greffier aux jour mois et an énoncés en en-tête. |