elf en résistance

La " croissance rentable " est mieux valorisée en Bourse

C’est sous ce titre que la revue ‘Investir’ publie, en première page de son numéro du 12 juin 1999, un graphique mettant en évidence que la valorisation boursière est bien plus importante pour les entreprises à croissance rentable que pour celles qui privilégient les restructurations et réductions de coûts.

L’article d’Investir, qu’illustre ce graphique, est intéressant, car il analyse en profondeur le thème de la création de valeur pour l’actionnaire, à partir d’une étude menée par le cabinet de conseil Mercer Management sur 350 sociétés françaises.

Cette étude conforte les idées développées dans notre analyse " Une autre politique est possible " où nous avions indiqué qu’il était possible de réorganiser l’entreprise et d’améliorer son efficacité et sa rentabilité autrement qu’en réduisant les coûts et les effectifs, et ceci de façon beaucoup plus efficace. Cette analyse était basée sur plusieurs études menées aux Etats-Unis.

L’étude menée en France par le cabinet Mercer Management aboutit à des conclusions similaires :

" l’analyse montre que, sur dix ans, les entreprises en phase de croissance ‘vertueuse’ sont nettement plus valorisées que celles qui se concentrent sur la réduction des coûts pour augmenter les bénéfices. En somme, le marché donne une prime aux firmes qui investissent et procèdent à des acquisitions dans leurs métiers ".

L’article indique par ailleurs : " Si les firmes françaises n’ont pas toutes cédé à la mode américaine du recentrage sur le métier de base, c’est aussi parce que les investisseurs continuent de préférer les entreprises en expansion ".

" La croissance est la seule stratégie susceptible de créer de la valeur sur une période longue " déclare Hanna Moukanas, vice-président de Mercer Management Consulting, qui souligne l’impératif de la croissance externe, dans un environnement en cours de mondialisation, alliée à une croissance organique, avant de conclure que " la croissance rentable est la seule stratégie valorisée sur une période de dix ans ".

L’article d’Investir identifie ensuite les entreprises qui s’inscrivent dans ce cycle de croissance rentable. Si elf aquitaine y figure, c’est en fin de liste, après Total, et sa position, mesurée par le ratio ‘Capitalisation boursière sur fonds propres’ s’est détériorée entre 1997 et 1998, ce ratio passant de 2,12 à 1,79. Pour apprécier la signification de ce ratio, ‘Investir’ indique : " Au dessus de 2,5, le marché montre une confiance sans faille dans l’avenir de la société. Au dessous de 1,5, il indique son inquiétude ". Voilà donc un ratio qui pourrait venir compléter utilement le ROCE dans le Tableau de bord de l’entreprise.

Dans l’intervention que j’ai été amené à faire en Assemblée générale des actionnaires du 29 mai dernier, je soulignais notamment que :

" La création de valeur s’obtient de façon beaucoup plus efficace par la croissance rentable et durable que par la réduction des coûts et des effectifs. De nombreuses études prouvent que la démarche de rentabilité par la croissance, la recherche de nouvelles affaires et de nouveaux marchés est mieux récompensée financièrement et boursièrement. Cette démarche est certes plus difficile à mettre en oeuvre, puisqu’il s’agit d’imaginer, de créer, de prendre des risques ; et non pas d’arbitrer ou de supprimer, mais c’est la démarche la plus payante et la plus créatrice de valeur sur le long terme.

C’est pourquoi elf aquitaine devrait s’engager résolument , par ses dires et par ses actes, dans la voie de la croissance durable et rentable. Ce Groupe en a les moyens. Après s’être développé autour des trois branches Hydrocarbures, Chimie et Santé, il se désengage de la Santé, et se trouve donc en position de réaliser une acquisition majeure."

Pour créer de la valeur et croître de façon rentable, il ne suffit pas de le dire. Encore faut-il agir dans un sens qui produise ces effets. La façon dont il est encore envisagé de gaspiller la ressource humaine chez elf-ep ne nous semble pas aller dans ce sens. Les discussions et négociations en cours entre Direction et Syndicats pourront-elles permettre de revenir à une démarche plus mesurée et plus respectueuse de l’avenir ? Espérons le.

Le message de remerciement adressé par elf à ses actionnaires (larges publicités dans la presse) n’est guère convaincant en terme de croissance rentable. Tandis que ce message titre : " Confiance dans la stratégie de croissance rentable qu’Elf développe depuis la privatisation ", la lecture du graphique figurant en dessous de ce titre fait apparaître que le résultat net par action, parti de 2,9 ? en 1995 puis monté à 4 ? en 1996, a baissé à 3,3 ? en 1997 puis 2,1 ? en 1998. Comment, dans ces conditions, peut-on parler de croissance rentable, surtout si ce résultat net par action s’applique à un nombre réduit d’actions, suite aux importants rachats d’actions effectués.

L’incantation ne suffit pas pour créer de la valeur et croître. Il faut aussi des actes appropriés et pertinents, mais des actes qui respectent le personnel, principal actif de notre entreprise. Puisse notre entreprise s’engager réellement dans cette voie.

Bernard Butori. Paris, le 13 juin 1999.