Une autre politique est possible Bernard Butori, le 9 mai 1999 |
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Ny a-t-il pas
dautre façon de réorganiser lentreprise et
daméliorer son efficacité et sa rentabilité
quen réduisant les coûts et les effectifs ? La réponse est oui. Une autre méthode existe, et cest celle dans laquelle nous aimerions voir notre entreprise sengager. Cette méthode, cest celle de lentreprise socialement responsable et à développement rentable et durable (sustainability en anglais). Nous citerons quelques unes de nos sources, en invitant notre Direction à les prendre en considération dans sa réflexion. Une communication faite à la SPE (Society of Petroleum Engineering), en 1996, par M. Koemer de Texaco analyse les réorganisations dans lindustrie pétrolière :
Ces types de réorganisation ont eu des effets en termes de réduction de coûts. Cependant, une étude portant sur 1000 des plus grandes sociétés aux USA a démontré que le taux de croissance annuel a été denviron 11%, entre 1988 et 1994, pour celles qui ont réduit leurs effectifs, alors que les sociétés qui ont concentré leur effort sur laugmentation des revenus ont eu un taux de croissance de 15%. Il semble par ailleurs très difficile de passer dune politique de réduction de coûts à une politique de croissance, la tendance naturelle étant de poursuivre dans la même voie. La réduction des actifs a aussi conduit à des pertes significatives. Des actifs, considérés comme insuffisamment rentables, ont été cédés pour ensuite se révéler extrêmement rentables, suite à de nouvelles approches et à lémergence de nouvelles technologies (sismique 3D, stimulations, etc.) Les externalisations (dont le gain financier est loin dêtre prouvé) ont eu des effets nuisibles sur le personnel survivant, avec notamment une baisse de lefficacité. Une chose est certaine, dit Jim MacLachlan de Deloitte Touche Consulting, si vous traitez les gens comme des morceaux de viande, cela revient vous hanter. La troisième vague de réorganisation met en jeu une nouvelle conception de lentreprise pétrolière avec un besoin dévoluer et de se forger une personnalité, condition du succès, basée sur 5 éléments clés :
Tout cela paraît terriblement humain. Comment une entreprise, simple machine à faire de largent, peut-elle espérer acquérir ces qualités ? Elle ne peut le faire que par les personnes, et la première étape consiste à reconnaître que les PERSONNES sont réellement le plus important actif de lentreprise et non simplement un poste de dépenses réductibles . Un colloque organisé en juin 1998, portant sur les fonds de pension et la problématique de concilier éthique et finances, fournit des éléments de réflexion intéressants : M. Sassenou de CDC Marchés nous apprend quune étude du cabinet Mercer, réalisée sur 800 groupes nord-américains de 35 secteurs dactivité différents, distingue les entreprises à croissance rentable des entreprises réductrices des coûts. Les premières augmentent leur chiffre daffaires alors que les secondes diminuent leurs coûts variables. Entre 1991 et 1996, il apparaît que la rentabilité boursière des entreprises à croissance rentable sélève à 21%, alors que quelle natteint que 12% pour les entreprises réductrice des coûts. La démarche de rentabilité par une création demploi ou par la recherche de nouveaux débouchés est donc mieux récompensée par la Bourse. Il indique aussi quune autre étude permet de relier la profitabilité et le taux de licenciements. Si la réduction des coûts par la diminution des effectifs favorise la profitabilité à court terme, elle la pénalise sur le long terme. Mme Ferone, Directeur général dARESE, nous explique le développement des fonds socialement responsables aux Etats-Unis. Ces fonds, qui en 1997 représentaient près de 10% des actifs gérés par les professionnels de la finance américaine, recherchent une rentabilité financière et une plus-value sociale au sens large. Ils sont passés de 600 milliards dactifs en 1993 à 1200 milliards en 1997. Ils encouragent les entreprises qui font preuve de progrès en matière sociale et environnementale. Un article paru dans Le Monde du 27 avril 1999, et intitulé Des entreprises plaident pour une éthique compatible avec le profit, montre quil existe dautres voies de développement et de profitabilité que celle vers laquelle veut sengager notre direction. Létude citée par Le Monde conclut quune politique de développement durable (sustainability) se traduit par une plus grande valeur pour lactionnaire. La stratégie tiendrait en cinq points : le PDG et la direction générale doivent " jouer un rôle unique dans le développement et la diffusion " de ces nouvelles valeurs, la " transparence " et le " dialogue " sont impératifs pour susciter la confiance des différents acteurs économiques et sociaux ; il faut pouvoir " répondre de ses actes " à tous les stades de la production ; la définition dobjectifs précis est importante pour stimuler " linnovation ". Outre limpact positif sur la " réputation " de lentreprise, le respect de ces critères permet de réduire les coûts de production. Une autre politique existe. Elle permet une plus grande création de valeur, au bénéfice des actionnaires certes, mais aussi des clients, des états-hôtes, des partenaires, du personnel et de lensemble des communautés. Elle permet aussi datteindre de meilleures rentabilités boursières et financières, tout en respectant le personnel considéré comme le principal actif de la société. Quattendent nos dirigeants pour sengager résolument dans cette voie ?
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