Science en fête? Plainte pénale au Collège de France

9 octobre 1998

L'INTERSYNDICALE (SNTRS-CGT, SNCS-FSU, SNESup-FSU, SNPCEN-FSU)
du Laboratoire de Physique Corpusculaire (LPC),
Collège de France, 11 pl. Marcelin Berthelot, 75231 PARIS Cedex 05
(afin d'assurer la bonne réception du courrier, nous vous prions d'adresser toute réponse:
- soit à Jacques MAILLARD au courrier électronique maillard@cdf.in2p3.fr,
- soit au Téléphone - Fax 0145830720 à Paris,
- soit à Luis GONZALEZ-MESTRES, 17 rue Albert BAYET, Appt. 1105, 75013 PARIS)

SEMAINE DE LA SCIENCE ?
PLAINTE PENALE POUR DISCRIMINATION AU COLLEGE DE FRANCE

L'effort médiatique de l'actuelle "Semaine de la Science", et le support reçu des médias, dépassent ceux des années précédentes. Tous les moyens sont mis à l'oeuvre afin de présenter à l'opinion publique une image optimiste et "sans tache" des institutions scientifiques et de leur hiérarchie. Pourtant, depuis quelques années, les "affaires" se succèdent impliquant des institutions ainsi que des personnes de plus en plus haut placées. Le Collège de France et le CNRS n'échappent pas à cette tendance.

SITUATION DU LABORATOIRE DE PHYSIQUE CORPUSCULAIRE DU COLLEGE DE FRANCE

La situation de notre laboratoire a été décrite dans plusieurs communiqués (voir notre site web, ainsi que le forum sur la recherche de l'association Admiroutes, http://www.admiroutes.asso.fr/ACTION/courriel/recherche ). Depuis 1992, elle ne cesse de se dégrader. Nous souhaitons montrer ici l'application de la loi du silence, qui s'est finalement soldée par le dépôt d'une plainte contre X pour le délit de discrimination, à savoir: "discrimination à raison de l'appartenance vraie ou supposée à une race ou nation déterminée" et "discrimination à raison des activités syndicales". En effet, sur la trentaine de membres exclus de la nouvelle unité créée par la mise en réaffectation de notre laboratoire, on découvre un nombre important de personnes originaires d'autres continents, des Départements d'Outre-Mer, voire même d'autres pays européens, ainsi que ceux qui par leur action ou leurs opinions (y compris dans l'exercice de mandats statutaires) se sont opposés à la nouvelle orientation scientifique du Laboratoire. Cette politique de représailles et de favoritisme a été maintes fois dénoncée dans nos démarches et communiqués.

Le sentiment exprimé par les personnels, d'être confrontés à une "sélection" arbitraire basée en outre sur l'influence, les "relations" et la docilité au système, a été traité avec mépris par les autorités lorsque nous nous sommes adressés à elles, voire même lorsqu'elles ont été interpellées par des parlementaires. En réponse à des questions écrites, le Ministre a affirmé: "Il va de soi que, contrairement aux allégations de quelques-uns des agents concernés, aucune sélection à caractère raciste et syndical n'est intervenue. Aucune plainte n'a d'ailleurs été déposée pour des atteintes aux libertés et droits fondamentaux dans cette affaire". Une telle réponse ignorait le délai légal pour le dépôt d'une plainte pénale. Suite aux interventions répétées de plusieurs Députés et Sénateurs, le Ministère de tutelle a accepté de mettre en place une commission de trois personnalités pour étudier la situation de notre laboratoire. Le Directeur de la Recherche, Monsieur P. NAHON, auteur de la lettre de mission, écrit que "le Laboratoire de Physique Corpusculaire du Collège de France a connu depuis plusieurs mois des conflits de personnes"... aveu de l'existence d'un problème, mais aussi enterrement de première classe pour toute enquête, dont la conclusion finale (ne touchez pas au système!) est ainsi donnée d'avance dans la lettre de mission!

Cette volonté de transformer en "conflits de personnes" les dysfonctionnements du système résulte du fait qu'en dernière instance les institutions rapportent sur elles-mêmes. Les "conflits de personnes" se "règlent" (???) invariablement par l'étouffement de leurs raisons profondes et la répression de "meneurs" et "contestataires". La lettre de mission, datée du 19 mai, semble avoir connu quelques avatars. Notre Intersyndicale n'a appris qu'au cours de la deuxième moitié du mois d'août, et par hasard, la mise en place effective ainsi que la composition de ladite commission. De surcroît, la présence, parmi ses trois membres, d'une personnalité importante de la hiérarchie de l'IN2P3 (Institut National de Physique Nucléaire et Physique des Particules du CNRS, dont fait partie le LPC) a suscité des réserves de notre part. Nous en avons saisi Monsieur le Premier Ministre, qui vient de nous adresser un accusé de réception. Mais la réaction de la hiérarchie a été la suppression de l'accès aux ordinateurs du laboratoire du délégué SNTRS-CGT qui avait adressé à Matignon notre courrier électronique, lequel soulignait l'absence à ce jour d'un moratoire sur les mesures qui font, précisément, l'objet d'enquête et dénonçait la politique de faits accomplis contre les personnels et leurs activités de recherche. Il demandait également l'accès à tout document ou dossier concernant le laboratoire et ses personnels: nous sommes dans la situation, classique et maintes fois dénoncée, où l'administration est seule à détenir toutes les preuves de ses propres dysfonctionnements.

Nous venons d'apprendre l'acceptation, par le Doyen des Juges d'Instruction, de la recevabilité de la plainte pénale pour discrimination introduite en juillet dernier par des membres du laboratoire et des organisations syndicales, recevabilité qui s'est accompagnée d'un dépôt de caution. A la Justice de se prononcer sur le reste, mais le lecteur se demandera à juste titre comment a-t-on pu en arriver là... Ce n'est pas le fait des personnels ni de leurs organisations syndicales car, depuis 1992, leurs démarches tendant à alerter les autorités de tutelle sur l'évolution dangereuse de ce laboratoire et les orientations imposées par la contrainte à ses activités et programmes de recherche sont restées sans effet. Nous rappelons que la répression contre les scientifiques qui dénoncent des dysfonctionnements du système a été évoquée, à propos de l'affaire de l'ARC, par le Journal du CNRS de mars 1998 (page 14) et, dans un commentaire sur l'affaire dite du "gène de l'obésité", par Science et Vie (éditorial d'août 1998). Ce tableau, qui ne peut que paraître inquiétant, émerge également du rapport "Ethique et Institutions Scientifiques" du COMETS, http://www.cnrs.fr/ethique/ethsc.pdf, diffusé en juillet 1997, sur la situation générale des institutions scientifiques. Plus que jamais, la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur la recherche scientifique paraît indispensable.

L'INTERSYNDICALE