Rapport sur la situation du

"LABORATOIRE DE PHYSIQUE CORPUSCULAIRE ET COSMOLOGIE"

(PCC)

du Collège de France

anciennement "LABORATOIRE DE PHYSIQUE CORPUSCULAIRE (LPC)"

Jean-Eudes AUGUSTIN, Jean-Pierre BOURGUIGNON, Jean-Pierre KAHANE

Le Laboratoire de Physique Corpusculaire et Cosmologie est le nom de l'Unité mixte de Recherche (UMR7553) mise en place le ler janvier 1998 sous la responsabilité conjointe du Collège de France et du CNRS-IN2CP3 (Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules), Cette nouvelle UMR est issue de la restructuration du Laboratoire de Physique Corpusculaire (LPC), après dénonciation au ler janvier 1997 de la convention liant le CNRS-IN2P3 au Collège de France depuis le 27 novembre 1973.

De multiples raisons ont conduit à cette restructuration : certaines sont venues de l'intérieur du laboratoire et résultaient des évolutions scientifiques souhaitées par des physiciens du LPC, d'autres s'inscrivaient dans des tendances lourdes comme le souhait très ferme du Collège de France de réduire la taille des laboratoires liés aux chaires de professeur et la volonté de la direction de l'IN2P3 de voir ce laboratoire évoluer vers une thématique de recherche mieux définie et plus cohérente. Les conséquences sont refusées par quelques chercheurs, ingénieurs et techniciens qui protestent contre les mesures les concernant.

MÉTHODE DE TRAVAIL SUIVIE PAR LA COMMISSION

Après une première prise de contact fin juillet entre les membres de la commission et Monsieur Clavin, directeur scientifique pour la physique, la commission n'a pu commencer que début septembre les entretiens indispensables pour rassembler à diverses sources les éléments du dossier. Elle a alors procédé à 14 auditions (toutes d'une heure environ) dans un bureau aimablement prêté par l'institut Henri Poincaré. Toutes les personnes invitées, quels que soient leur niveau hiérarchique et/ou leur appartenance syndicale, ont accepté ces conditions, à l'exception des représentants de l'intersyndicale FSU-CGT du LPC (qui ont fait parvenir par lettre recommandée à deux membres de la commission le document joint en annexe ).

UN BREF HISTORIQUE DE L'ÉVOLUTION DU LPC

Revenons sur les étapes qui ont marqué cette évolution

* L'origine du LPC.- Le LPC était l'héritier de deux gros laboratoires : le Laboratoire de Physique Nucléaire de Louis Leprince-Ringuet et le Laboratoire de Physique Atomique et Moléculaire de Francis Perrin. A la retraite de leurs directeurs, ces deux laboratoires, comptant ensemble près de 200 personnes, ont été fondus en un seul, le LPC, sous la direction de Marcel Froissart, nommé en 1974 à la chaire de physique corpusculaire du Collège de France. Le LPC a participé avec succès à de multiples expériences auprès des accélérateurs, notamment du CERN, et pratiqué une politique ouverte d'accueil de groupes scientifiques sans revendiquer un objectif fédérateur clairement défini.

* Des tentatives de transfert.- Le transfert du LPC hors du Collège de France a été envisagé à plusieurs reprises: vers l'ancienne École Polytechnique (1978), à Marnela-Vallée (1987), à Marseille (1989). Ces tentatives ont échoué pour des raisons diverses. En 1990, une large réflexion sur l'avenir du laboratoire a été conduite ; un rapport en consigne les conclusions. L'importance de l'enjeu que constituait la réalisation des grands détecteurs du projet LHC (Large Hadron Collider) au CERN et l'incertitude sur l'avenir du laboratoire ont amené l'IN2P3 à affecter les physiciens désireux de participer aux expériences sur le LHC à d'autres formations.

* 1995.- Une nouvelle réflexion sur les orientations, entreprise d'abord dans le cadre de réunions hebdomadaires à l'initiative de physiciens du laboratoire, s'est cristallisée lors d'une réunion qui s'est tenue en janvier 1995 au Mont Sainte-Odile. Y ont été dégagées de nouvelles priorités, les astroparticules et la physique des neutrinos, dans la ligne des groupes ayant préparé la réunion. Ce choix a été approuvé par une majorité de présents, alors que certains opposants avaient refusé de participer au séminaire. Ces derniers étaient principalement impliqués dans deux des activités les plus éloignées des thèmes retenus, à savoir le travail sur les calculateurs parallèles du groupe de Jacques Maillard, et celui sur les aspects théoriques des interactions photon-photon, dirigé par Joseph Parisi, tous deux chargés de recherche au CNRS. Par contre, les physiciens engagés dans les expériences auprès des accélérateurs du CERN ont accepté soit de les terminer, soit de les transférer dans d'autres laboratoires de l'IN2P3 : l'ensemble des groupes du LPC, à l'exception des deux précédents, a pris en compte le choix scientifique majoritaire. Cette orientation a fait l'objet d'un suivi très rapproché de la commission 03 du Comité National de la Recherche Scientifique et a été approuvée à la fois par le Collège de France et l'IN2P3.

Sur proposition de Marcel Froissart, Pierre Bareyre a été nommé au LPC en 1995 pour dynamiser les axes nouveaux. Au fil des années, le laboratoire avait notablement diminué de taille, mais le nombre de membres était encore à cette date voisin de 100 chercheurs, ingénieurs et techniciens.

- juin 1996.- En juin 1996, Pierre Bareyre étant en mission au Chili, le processus de réorientation du laboratoire a connu une brusque accélération, suite à une demande de précision en vue de la préparation du contrat quadriennal du Collège de France : après une assemblée générale houleuse le 19 juin, Marcel Froissart a envoyé des lettres aux ITA et aux agents du Collège leur proposant, suivant les cas, de les maintenir dans le laboratoire, de discuter d'une réaffectation avec lui (ou une autre personne de la direction) ou de leur laisser le choix. Comme en toute affaire similaire, cela a déclenché une réaction de rejet dans la plus grande partie du personnel technique, et l'opposition au directeur s'est renforcée du fait que cette initiative apparaissait comme brutale et mal préparée. On peut situer là un tournant essentiel dans la crise du LPC. Le virage pris par la direction adoptant à cette occasion une approche plus normative a conduit à nombre de réaffectations chez les chercheurs et les techniciens. Alors qu'entre 1974 et 1998, les effectifs du laboratoire ont fondu à la suite de départs et de réaffectations au coup par coup, à l'occasion de la réorganisation sont partis ou devaient partir 15 ITA, 6 maîtres de conférences, et 3 chercheurs CNRS.

* 1997-1998.- La convention d'association Collège de France-CNRS expirant en janvier 1997, une structure temporaire a été mise en place (au lieu de l'UMR correspondant aux nouvelles orientations qui était attendue) malgré les réticences de la section 03 du Comité National : le laboratoire a été scindé en une partie Collège de France, dirigée par Marcel Froissart, et une partie IN2P3, qualifiée d'équipe en réaffectation (ER), sous la direction de Pierre Bareyre. UUMR a été enfin mise en place au ler janvier 1998, avec comme co-directeurs Pierre Bareyre et Marcel Froissart. Les effectifs actuels tournent autour de 60. Il a fallu un an et demi à Pierre Bareyre et Marcel Froissart pour trouver des affectations à la (presque) totalité des ITA et des chercheurs. Le CNRS a affecté quelques chercheurs au nouveau laboratoire.

DES INSTITUTIONS AYANT DES LOGIQUES DIFFÉRENTES

* Le Collège de France.- La vocation première du Collège de France est d'assurer des cours publics, donnés dans les domaines de leur choix par d'éminents savants, nommés professeurs sur la base de leur mérite personnel. Au moment de chaque retraite, l'intitulé de la chaire est discuté à nouveau par l'assemblée des professeurs. Cette forme d'organisation est en contradiction avec l'existence de grands laboratoires permanents. A tout le moins, quand de tels laboratoires existent, leur direction par un professeur de Collège pour toute la durée de son mandat entre en contradiction avec la règle des 12 ans pour les directeurs d'unité du CNRS. L'idée s'affirme, à l'intérieur même des instances du Collège de France, qu'une distinction serait opportune entre le parrainage scientifique que peut assurer un professeur, et la direction effective, avec ses problèmes et ses difficultés dans la durée.

* Le CNRS.- Il est maintenant le partenaire obligé des grands établissements comme des universités lorsqu'il s'agit de faire fonctionner, tant scientifiquement que matériellement, des laboratoires de grande importance. Il intervient dans les structures et dans les programmes en les évaluant et en affectant des chercheurs et des moyens. L'évaluation des projets soumis par les laboratoires est d'abord conduite par le Comité National de la Recherche Scientifique, dont le travail est généralement apprécié de la communauté scientifique. L'affectation des moyens revient aux directions scientifiques. Des négociations ont eu lieu entre le Collège de France et le CNRS pour harmoniser les points de vue sur la taille des laboratoires. L'accord pourrait se faire autour de 70 personnes.

* La confrontation des logiques.- La gestion de la science a cependant des ratés et des lourdeurs, qui tiennent pour une part à l'impossibilité d'appliquer aux chercheurs et à leurs affectations les règles mécaniques qu'impliquerait l'application automatique du statut de la fonction publique. La crise que le LPC a connue en 1996 a mis en jeu l'ensemble des ITA et IATOS et personnels assimilés. Elle résultait de l'adoption d'options scientifiques que refusaient un certain nombre de chercheurs. Le débat scientifique a fait place à des conflits personnels et à une opposition qui semble irréductible entre les autorités (direction du laboratoire, du Collège de France et du CNRS) et quelques fortes personnalités qui s'expriment, selon les cas, à titre personnel ou au travers d'une Intersyndicale du LPC, regroupant des militants du SNCS-FSU, du SNTRS-CGT, et du SNESup-FSU et SNPCEN-FSU.

L'EXAMEN DES SITUATIONS PERSONNELLES

Actuellement, les situations personnelles des ITA et IATOS ne posent plus de problème d'ensemble. De plus le Collège de France comme le CNRS nous ont assuré être ouverts au règlement amiable des problèmes particuliers tenant à la réaffectation des chercheurs et à la survie des équipes de recherche. Pour ce qui est des personnels réaffectés hors du Collège de France, de nombreux cas ont trouvé une solution (volens nolens) acceptable, tant pour les techniciens et ingénieurs que pour les chercheurs. Il semble cependant qu'un certain nombre d'affectations soient temporaires et devraient pouvoir être modifiées en cas de désaccord au terme de la période prévue.

Par ailleurs, une plainte au pénal pour discrimination raciale et pour discrimination syndicale a été déposée par l'Intersyndicale FSU-CGT du LPC, au motif que le choix entre rejoindre la nouvelle structure ou une autre unité du CNRS ou du Collège aurait été fondé sur une telle discrimination. L'instruction étant en cours, nous sommes donc tenus à garder notre réserve sur le bien-fondé de ces accusations.

C'est la situation personnelle des quelques chercheurs contestant leur affectation qui mérite le plus d'attention: MM. Maurice Laloum, Jacques Maillard, Joseph Parisi, et Luis Gonzalez- Mestres.

Dans le cadre de la réorganisation du laboratoire, le CNRS a affecté à compter du ler janvier 1998 M. Jacques Maillard à l'IDRIS (ancien CIRCE) à Orsay et M. Joseph Parisi au Laboratoire de Physique Théorique d'Orsay. Une proposition d'affectation de M. Maurice Laloum au LPNHE de l'Université Pierre-et-Marle-Curie est en cours d'examen au niveau administratif. Il conteste cette affectation.

M. Joseph Parisi, CR1 en commission 02, s'est vu proposer une réaffectation au LPTHE Orsay, un laboratoire d'excellente réputation et l'un des plus prestigieux. Il y retrouverait des spécialistes de son domaine avec qui une interaction scientifique est normalement fructueuse.

Le cas de M. Jacques Maillard, rattaché à la commission 03, est plus complexe. Il a créé autour de lui une équipe d'utilisateurs du calcul parallèle travaillant sur contrats dans des domaines très divers, de la simulation des détecteurs et de la canalisation des électrons au retraitement des déchets radioactifs et à la biologie. Il est clair que la réaffectation proposée à l'IDRIS d'Orsay correspond à' cette activité professionnelle, mais elle ne satisfait pas son activité de physicien des particules qui a été à l'origine de la création de ce groupe. L'IN2P3 et le Collège de France semblent d'accord pour que les membres du groupe qui le souhaitent puissent être réunis en une équipe hébergée dans un laboratoire, éventuellement extérieur. Il faut remarquer qu'un laboratoire de l'IN2P3, le CEN Bordeaux-Gradignan, avait offert à M. Maillard de l'accueillir. Il est sûr qu'Orsay est plus proche et, peut-être, la proposition de reconstitution de son équipe et du transport de son matériel à l'IDRIS apparaît comme une meilleure proposition pour lui, mais Il la refuse.

M. Luis Gonzalez-Mestres, CR1 à la commission 03, est affecté, depuis 1992, au Laboratoire d'Annecy de Physique des Particules (LAPP), mais il se considère comme partie prenante du LPC où il a été détaché de septembre 1990 à 1992, date à laquelle il aurait dû revenir au LAPP. Il est donc absent du lieu de son affectation. Sa production scientifique, actuellement purement théorique, n'est pas publiée dans des revues à comité de lecture. Il semble qu'il refuse de présenter un programme de travail dans le cadre des activités du LAPP et de façon symétrique que son affectation au PCC du Collège de France ne satisfasse aucun des membres de celui-ci.

LES OPTIONS POSSIBLES

Elles sont multiples et peuvent s'organiser pour simplifier suivant trois axes a) la rigueur, b) la non-intervention, c) la recherche d'une d'une conciliation.

La rigueur.- Elle peut s'exercer à l'égard des chercheurs, des responsables, et des structures. Cela veut dire :

* lorsque les décisions prises sont inattaquables, ne pas accepter leur remise en question ; cela signifierait donner suite à la procédure engagée à l'encontre de Luis Gonzalez-Mestres, conduisant à son renvoi du CNRS, à mettre en demeure MM Pierre Laloum, Jacques Maillard et Joseph Parisi de rejoindre leur laboratoire d'affectation (si ces affectations sont inattaquables en droit), sous peine de sanction disciplinaire et de retenue de traitement ;

* à l'image du Conseil d'État qui, sur plainte de MM. Jacques Maillard et Luis Gonzalez-Mestres, a cassé une décision du CNRS pour non-application des règles de la fonction publique dans une procédure de promotion au grade de directeur de recherche, cela signifierait rechercher les dysfonctionnements divers, soumettre les organismes de recherche à l'application stricte des règles de fonctionnement de la fonction publique et en conséquence sanctionner tous les manquements à l'application de ces règles quels qu'ils soient et quels qu'en soient les responsables.

La non-intervention.- Cela consiste en fait à laisser la situation évoluer d'elle-même, dans la mesure où tous les choix importants ont été faits. A terme, elle n'exclut nullement l'option a). Elle comporte le risque d'une perturbation persistante de la vie du PCC (et aussi du CNRS et du Collège de France), alors que l'activité de ce laboratoire est maintenant bien lancée sur ses nouveaux objectifs car l'enthousiasme indispensable pour la bonne marche d'un laboratoire risque d'être affecté par le rappel persistant d'une crise qui l'a divisé très profondément.

- La recherche d'une conciliation.- Pour voir ce que pourrait signifier une telle opération, il est indispensable de se projeter vers l'avenir. La situation actuelle du PCC est fragile, alors même que sa production scientifique est très bonne. Il est même possible que l'existence de notre commission ait perturbé le début d'équilibre dynamique qui s'était installé. Pour plusieurs physiciens contestant la restructuration mentionnés plus haut, la protestation institutionnelle semble avoir atteint un point de non-retour : elle a pris la forme d'une volonté de destruction des structures de recherche avec lesquelles ils sont en conflit, même au prix de leur propre sécurité et contre leurs intérêts à court terme.

Commençons par la prospective au niveau des institutions.

* Nous avons évoqué l'évolution interne au Collège de France et dans ses rapports avec le CNRS au sujet de la taille des laboratoires, de leur direction et des affectations de chercheurs. Cette évolution pourrait être suivie avec attention, et favorisée. Le prestige et la permanence des chaires au Collège de France ne signifient pas bien sûr que les chercheurs affectés au Collège de France jouissent du même prestige. Concrètement il est indispensable de consolider la nouvelle structure et lui laisser le temps de s'affirmer. Pour cela il est d'abord urgent de séparer la fonction de direction du laboratoire de celle de Professeur au Collège de France. Le laboratoire, demeurant attaché à une chaire ou parrainé par celle-ci, doit être dirigé par une personnalité nouvelle, prenant la succession de MM. Froissart et Bareyre, actuellement co-directeurs, au moment du départ à la retraite du second en 1999. Cette solution pour le court terme agrée l'administration du Collège de France. Pour la suite, il faudra à temps assurer le futur de ce laboratoire, soit dans le Collège si un nouveau professeur veut le parrainer, ou même le diriger avec un mandat à durée déterminée, soit hors du Collège, dans une structure à définir, dans le cas inverse. L'orientation vers l'astrophysique des particules et les neutrinos pourrait faciliter la première option. Cette question de l'avenir à court et à moyen terme du PCC - UMR7553 actuelle - est la question la plus importante.

* Un fonctionnement systématiquement rigide pourrait être désastreux. il y a parmi les chercheurs des individualités fortes, à respecter et à soutenir'. La question qui se pose est de déterminer quels sont les écarts au comportement souhaité qui sont encore acceptables. Les commissions, en déléguant au besoin l'un de leurs membres, pourraient se voir investies d'un rôle particulier pour maintenir dans la communauté scientifique des personnalités particulières en conflit avec les autorités dont elles dépendent. C'est assurément dans cet esprit qu'ont été décidées les affectations concernant MM. Laloum, Maillard et Parisi, mais ce n'est pas sous cette forme qu'elles ont été perçues. Si, scientifiquement, les affectations de MM. Laloum et Parisi semblent a priori tout-à-fait favorables à la poursuite de leurs travaux, celle de M. Maillard nécessite d'être soit reconsidérée, soit assortie de garanties sur la possibilité de poursuivre des recherches dans les diverses directions où l'intéressé est engagé en gardant le contact avec les communautés de physiciens avec lesquelles il travaille.

* Le cas de M. Gonzalez-Mestres est exceptionnel à tous égards, et mérite attention sur tous les plans. Si l'on veut tenter d'éviter que cette personnalité atypique soit perdue pour la science, il convient de trouver avec lui de la manière dont son travail qui doit être évalué peut l'être et peut-être de voir comment les règles peuvent permettre le remboursement des sommes qu'il engage pour ses voyages.

* L'attention de l'opinion publique, des parlementaires, du Conseil d'État, d'institutions européennes, de la justice, a été attirée vers les problèmes de la recherche à partir d'interventions personnelles et syndicales où les sus-nommés ont joué un rôle marquant. La suggestion est faite maintenant d'une commission d'enquête parlementaire, cependant qu'une action pour discrimination raciale et syndicale est en cours. Il s'agit là d'une question proprement politique, sur laquelle nous n'avons aucune compétence particulière. Cependant il nous paraît clair que l'appel qui nous a été fait pour permettre à la Direction de la Recherche de voir clair dans la situation et de dégager des perspectives avait, au départ, une motivation politique, et que son prolongement naturel est que, au-delà d'une situation conflictuelle qu'il convient de transcender, la représentation nationale puisse débattre avec sérénité et sérieux de l'activité décisive pour l'avenir qu'est la recherche scientifique en France, sans être prisonnière de sources d'information unilatérales.

QUELQUES REMARQUES GÉNÉRALES EN GUISE DE CONCLUSION

La mobilité des chercheurs en fonction de leurs intérêts scientifiques et professionnels et aussi de l'évolution de la recherche, la souplesse dans les affectations et les réaffectations, la possibilité de visiter pour un temps d'autres laboratoires, en France ou à l'étranger, constituent des atouts précieux et appréciés pour le CNRS. C'est une voie importante par laquelle le CNRS vivifie les enseigne-ments supérieurs, ainsi que la coopération scientifique internationale. Cela pourrait être souligné.

Toutes les restructurations créent des situations de crise. Elles nécessitent l'initiative des chercheurs et la prise de responsabilité des institutions. Dans l'intervalle, elles nécessitent également la saisine active des commissions concernées, la concertation avec tous les personnels, la discussion avec les organisations syndicales. En ce qui concerne les restructurations, le Comité National de la Recherche Scientifique, tant au niveau des commissions que du Conseil Scientifique, pourrait avoir un rôle en amont beaucoup plus considérable.

Le fonctionnement des commissions et les pratiques des directions scientifiques reposent sur un consensus fragile concernant la spécificité des métiers de la recherche. Les procédures concernant les ITA ont été formalisées. Celles qui concernent l'évaluation des chercheurs, leurs promotions, leurs affectations, les devoirs auxquels ils sont soumis, les sanctions, peuvent être mises en cause, et l'ont été. Le choix est de se conformer formellement au statut de la Fonction Publique, ou de s'en écarter de manière claire en explicitant les dérogations. L'appel à la clarification vient à la fois des chercheurs et de la direction du CNRS. De ce point de vue les mutations de chercheurs "dans l'intérêt de la recherche", qui interviennent souvent pour "dénouer" des situations de crise, semblent presque toujours ne pas résoudre les problèmes qu'elles sont censées résoudre. Leur mise en ceuvre doit probablement être revue et introduire formellement une procédure d'appel.

Le propre même du métier de chercheur est d'avoir des idées, de tout faire pour trouver les moyens de les mettre en oeuvre, mais aussi de les adapter - et au pire de les abandonner - si l'on n'y arrive pas. Le refus d'accepter un échec, ou de modifier un projet pour l'adapter au possible, est une source normale de difficultés dans la vie d'un laboratoire. Il est généralement surmonté par la vie collective et l'arrivée de nouveaux projets. Si ce n'est pas le cas, ce qui est somme toute très rare, les structures actuelles sont mal adaptées pour résoudre les cas personnels correspondants, qui peuvent alors mettre en danger l'ensemble d'une activité scientifique. Une réflexion sur les moyens de résoudre statutairement ce problème semble indispensable.