L'INTERSYNDICALE (SNTRS-CGT, SNCS-FSU, SNESup-FSU, SNPCEN-FSU)
du Laboratoire de Physique Corpusculaire (LPC)
Collège de France, 11 pl. Marcelin Berthelot, 75231 PARIS Cedex 05

COMMUNIQUE SUR LA SITUATION DU LABORATOIRE DE PHYSIQUE CORPUSCULAIRE DU COLLEGE DE FRANCE (5 Juin 1998)

(afin d'assurer la bonne réception du courrier, nous vous prions d'adresser toute reponse:

- soit à Jacques MAILLARD au courrier electronique maillard@cdf.in2p3.fr ,
- soit au Téléphone - Fax 0145830720 à Paris,
- soit à Luis GONZALEZ-MESTRES, 17 rue Albert BAYET, Appt. 1105 , 75013 PARIS)

Trois mois après s'être engagés à désigner des médiateurs, la Direction du CNRS et son Ministère de tutelle laissent toujours dériver et s'aggraver la situation du LPC du Collège de France et de ses personnels, victimes d'abus de pouvoir manifestes. Ils s'apprêtent à reconduire l'actuelle Direction.

En 1973 , le Collège de France refusant d'admettre que la Direction de ses laboratoires puisse être confiée à des scientifiques autres que les titulaires des chaires, deux laboratoires de Physique Nucléaire et Corpusculaire avec un total d'effectifs d'environ 400 personnes ont été fusionnés pour être placés sous la direction du seul Professeur du Collège de France ayant accepté d'assumer cette tâche. 150 personnes ont immédiatement été contraintes de quitter l'établissement et un "très gros laboratoire" (avec environ 250 personnes), le LPC, a vu le jour. Malgré sa production scientifique de pointe, qui n'a jamais dépéri et dont la qualité a toujours été reconnue par les instances d'évaluation, il a été décidé dès 1973 , en vertu du système dit des "laboratoires à chaire", que le LPC devait "disparaître avec le départ à la retraite du Professeur-Directeur". Celui-ci dirige le LPC depuis 1973 , contre les dispositions légales qui limitent à trois mandats de quatre ans l'exercice des fonctions de directeur d'un laboratoire. Il se voit à présent confier la mission de préparer sa fermeture par la contrainte, en dehors de toute concertation et sans motif scientifique valable.

A l'arbitraire institutionnel s'ajoute l'arbitraire scientifique. La supériorité de personne à personne que le Collège de France exige de voir reconnue à ses Professeurs, par rapport aux chercheurs d'autres établissements, contraste avec les réalités. D'après les rapports en notre possession, parmi le millier de travaux scientifiques originaux produits par le LPC depuis 1973 , seulement quatre sont dûs au Professeur-Directeur dont le rôle semble avoir été principalement administratif pendant cette période. Soumises à une forte pression institutionnelle, les instances d'évaluation ont systématiquement passé sous silence ce fait d'autant plus essentiel que la perspective d'une fermeture du laboratoire a rendu la situation au LPC conflictuelle depuis 1992 . A cette date, le LPC a oficiellement été placé en "décroissance programmée". Après avoir été choisi en Novembre 1990 , par le Conseil Scientifique du CNRS, comme un laboratoire du plus haut niveau en vue de l'une des "deux opérations structurantes du CNRS de l'année 1991" (son transfert à Marseille, pour lequel un bâtiment très couteux a été construit), et suite à l'abandon de cette opération faute d'accord entre le CNRS et le Collège de France, le LPC a soudain vu depuis 1992 ses crédits drastiquement amputés d'année en année, ses objectifs limités de façon autoritaire, ses embauches de chercheurs supprimées, ses initiatives originales systématiquement bloquées et ses personnels incités à quitter le laboratoire par des pressions croissantes. Au point que le Directeur de l'IN2P3 (Institut National de Physique Nucléaire et Physique des Particules du CNRS) auteur de cette politique laissera lui-même échapper devant le Conseil Scientifique du CNRS en Février 1996 l'appréciation: "Au Collège de France, les laboratoires sont fortement liés aux chaires... Un laboratoire de 150 personnes, que le Collège de France ne souhaite pas conserver indéfiniment, était" (fin 1995 , trois ans et demi après l'entrée en fonctions de l'actuel directeur de l'IN2P3!) "en cours de disparition dans des conditions indignes". Or, le CNRS et l'IN2P3 ont toujours fourni l'essentiel des effectifs en personnels et moyens financiers du LPC: ils devaient donc veiller à la cohérence de la politique scientifique.

L'offensive lancée contre les personnels du LPC, confrontés à un réseau d'intérêts et de connivences, mériterait sans doute l'attention d'écrivains et metteurs en scène:

- Le 1 Octobre 1992 , la mise au pas des équipes de recherche s'est traduite par l' "expulsion en 24 heures" d'un chercheur, mis au placard depuis cette date, pour avoir critiqué le fonctionnement d'un programme interdisciplinaire et défendu l'indépendance des projets scientifiques français. Plus tard, il sera victime d'une tentative de licenciement et son bureau sera vidé à la barre de mine.

- 1993-94 a vu la mise en quarantaine d'un groupe qui avait soulevé des questions critiques sur la solidité et le coût du projet d' "amplificateur d'énergie" de Monsieur C. RUBBIA; ce groupe est à présent dispersé par la force et le débat scientifique, étouffé. Les membres du Conseil de Laboratoire qui s'opposaient à cette politique ont été mis sur la touche, harcelés et dénigrés.

- Devant le résistance des personnels, la Direction s'est employée depuis 1994 à préparer un "programme scientifique" ad hoc destiné à éliminer du LPC les personnes gênantes.

- Confronté à des motions défavorables de son Conseil de Laboratoire, le Professeur-Directeur a expulsé en Octobre 1995 plusieurs élus d'une séance ouverte du Conseil Scientifique du LPC destinée à l'examen du "projet du directeur" sur l'avenir du laboratoire (projet étranger à la thématique des quatre travaux scientifiques déclarés dans le curriculum vitae public dudit Directeur depuis 1973).

- Quelques jours plus tard, à l'insu des personnels, la Direction de l'IN2P3 a proposé à la Section 03 du Comité National du CNRS la "mise en restructuration" du LPC sur la base de ce même projet, avec menace de fermeture immédiate du laboratoire en cas d'avis défavorable de la Section.

- En même temps, le Comité de Coordination du LPC a été supprimé afin de priver certains responsables de groupe des informations qui y étaient diffusées. Ces responsables sont devenus victimes d'interdits professionnels croissants. En Février 1996 , le Professeur-Directeur du LPC s'est adressé au Médiateur du CNRS lui demandant d'envisager l'emploi de procédés à caractère psychiatrique contre des membres du laboratoire dont les responsables du Collège de France et du CNRS n'ont jamais, à notre connaissance, précisé l'identité et les anomalies de leur comportement.

- Au printemps 1996 , la dissolution de deux groupes de recherche (performants et titulaires de contrats extérieurs) a été annoncée, de même que l'exclusion à terme de plusieurs dizaines d'agents. Des pressions ont été exercées afin d'imposer des départs du laboratoire et des retraites anticipées.

- Afin de réprimer la mobilisation des personnels, et sans consultation préalable de la Section 03 du Comité National, la situation du LPC a été aggravée par la transformation, fin 1996 , du projet de "mise en restructuration" du laboratoire en une "mise en réaffectation" de ses personnels.

- Début 1997 , les outils de travail de plusieurs enseignants-chercheurs ont été supprimés. Une liste des personnels retenus pour la suite des activités du LPC a été diffusée, excluant une treintaine de personnes et se traduisant par un démantèlement des sections syndicales (au LPC comme au Collège de France). Des groupes de recherche ont été disloqués, malgré des contrats européens.

- Au cours de l'année 1997 , le LPC a été transformé en unité mixte de recherche (le LPCC, Laboratoire de Physique Corpusculaire et Cosmologie), avec maintien de sa Direction et confirmant ces exclusions dont le caractère discriminatoire (qui, d'après plusieurs interpellations, pourrait même être lié aux origines des personnes vu la liste des personnels exclus) a souvent été souligné.

- Fin 1997 et début 1998 , une rafale de mutations d'office avec menaces de licenciement et de coupure de salaire s'est abattue sur les personnels "exclus". Elle a été suivie de fermetures de bureaux, déménagements forcés, suppressions de boîtes aux lettres avec refus de distribuer le courrier des intéressés... Des chercheurs ont été bannis de leur discipline ou de leur domaine d'activité. Des contrats européens en cours ont fait l'objet de blocages graves, des activités d'encadrement sont également bloquées. A CE JOUR, DE LOURDES MENACES PESENT SUR LES PERSONNELS QUI DEFENDENT LA SURVIE DU LPC ET DE SON PROGRAMME SCIENTIFIQUE.

Le "projet du Directeur" ainsi imposé restreint dangeureusement l'activité scientifique du LPC (ou LPCC), en l'excluant des expériences auprès des accélérateurs de particules européens (e.g. au CERN de Genève) ou des recherches sur la production d'énergie: il prépare la disparition du laboratoire. De surcroît, contrairement à des affirmations officielles du Ministère de tutelle, il apparaît clairement à l'examen des correspondances et déclarations de responsables que la liquidation du LPC est liée à un projet de "rénovation" des locaux du Collège de France destiné à supprimer l'essentiel des activités de recherche au bénéfice de salles de conférences et d'appartements pour visiteurs étrangers. Cette politique sacrifie à des apparences médiatiques la substance des activités scientifiques du Collège de France et favorise le mandarinat. L'INTERSYNDICALE DEMANDE LE RETRAIT DE L'ENSEMBLE DE CES MESURES, LE RETABLISSEMENT DE LA PLURALITE DES RECHERCHES ET DES EFFECTIFS DU LPC ET LA MISE EN PLACE D'UNE COMMISSION D'ENQUETE. ELLE DEMANDE EGALEMENT UN MORATOIRE SUR LES "GRANDS TRAVAUX" DU COLLEGE DE FRANCE ET LE REMPLACEMENT DE LA DIRECTION DU LPC.

Des informations plus détaillées sont disponibles, soit auprès de notre Intersyndicale, soit sur le site internet:http://perso.wanadoo.fr/intsynd-lpc qui sera actualisé en permanence.

Nous dénonçons le caractère général de cette mise au pas des personnels de la recherche. L'autonomie de la démarche scientifique, exigée par la loi d'orientation de 1982 , leur est refusée. Les privilèges et prérogatives de la hiérarchie ne cessent de s'accroître. Les restructurations autoritaires sont nombreuses (e.g. la fermeture de SATURNE) et, plutôt qu'une politique scientifique, elles reflètent souvent des intérêts privés. Les Droits et Libertés Fondamentaux sont violés, le débat critique et l'activité syndicale sont réprimés. Le travail scientifique n'est plus source de promotion: une vraie caste de "directeurs", "coordinateurs" et "administrateurs" à vie pèse lourdement sur les organismes de recherche. La productivité et qualité scientifiques en sont atteintes. Dans ces conditions, le rapprochement avec des entreprises privées risque de conduire à l'affairisme, à l'échec technologique et à la perte de l'indépendance nationale. C'est pourquoi nous demandons: a) un moratoire sur l'ensemble des projets de "réforme" des institutions scientifiques; b) la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire chargée de faire le point sur la situation de la recherche scientifique, le fonctionnement des établissements et les mesures indispensables pour redresser d'urgence cette situation dangereuse dans l'intérêt de la recherche et du pays.