Sophie Wahnich, Paris
GARE AUX MOUVEMENTS
Une séquence critique et publique à propos du mouvement de décembre 95.
Concept :
Le mouvement de décembre 1995 a été suivi d'un sentiment de retour à l'ordinaire; au «"partir en grève"» a succédé un «retour à l'ordre». Ce mouvement, quelque soit son ampleur, donnait le sentiment de pouvoir être enfoui, refoulé par un quotidien, refoulé par ses acteurs mêmes. Entre l'effacement et les louanges lisses du mouvement, une posture pertinente devrait trouver les moyens de réélaborer le mouvement, de remettre en scène ses potentialités. Pour ce faire nous proposons de prendre le contrepied du "retour à l'ordre" et de "ré(e)partir": Face à l'ordre du discours libéral, maintenir la critique et le débat. Face à l'ordre des corps, chacun de retour à sa place, inventer des dispositifs d'égarement, de dépaysement, des dispositifs de reflexions critiques.
Prémices
En novembre-décembre 1995, des intellectuels ont souhaité en situation, prendre position en faveur des grévistes. Ils participaient ainsi à leur façon à la lutte d'interprétation qui s'exprimait sur le sens à donner au mouvement. Certains d'entre eux, et en particulier des membres du club Merleau Ponty, ont considéré qu'ils devaient mettre à disposition des acteurs du mouvement social leurs ressources en terme de pratique du travail intellectuel. Des groupes de chercheurs se sont constitués et ont enquêté auprès des manifestants d'une part, des cheminots d'autres part. Des photos ont été prises dans les manifestations, des entretiens ont été effectués tant sur le vécu de la grève que sur les pratiques professionelles et syndicales des cheminots, leurs représentations de l'entreprise et du travail. Forts de ces ressources documentaires originales qui déplacent les modes ordinaires d'analyse journalistique en recueillant la parole des acteurs, des membres du Club se sont proposés de questionner les modalités de leur mise à disposition du public. Sans négliger les formes ordinaires de la publication universitaire, il leur a semblé nécessaire d'imaginer d'autres modes d'appropriation du débat sur le sens et les traces du mouvement de décembre, en particulier des modes d'appropriation qui permettraient de laisser momentanément dans l'ombre les assignations identitaires sociales ordinaires : cheminots, intellectuels, syndicalistes, grévistes, artistes, usagers etc. Convaincu que les colloque, séminaires, meetings, conférences ne déplacent plus aujourd'hui ni les formes ni l'ordre ordinaire des corps, ils ont souhaité entrer en contact avec des artistes qui pourraient proposer des lectures et des mises en scène perturbantes du mouvement social et des matériaux accumulés. Amalia Rama, a constitué un collectif de six artistes qui compte tenu de leur expérience ont accepté de réfléchir sur notre proposition: intervenir avec le club Merleau Ponty dans l'espace public avec des propositions artistiques qui participeraient des luttes d'interprétation ou qui simplement interrogeraient d'une manière sensible le mouvement de décembre 1995.
travail d'élaboration
Le collectif d'artistes a pris pour base de son travail les énoncés disponibles dans les matériaux que ce soient les photos ou les entretiens réalisés avec les acteurs du mouvement. Des stratégies artistiques qui utilisent principalement le détournement, l'action événementielle doivent mettre en perspective le mouvement de décembre 1995 en évitant de tomber dans l'exercice commémoratif qui fixerait, neutraliserait le mouvement. Bien au contraire, l'ouverture de la brêche amorcée en 1995 pourra s'opérer à partir d'une posture questionnante et peut-être frictionnante compte tenu des luttes d'interprétation et des points de vues divergeants qui existent dans l'espace public. Les matériaux inscrits dans des trajectoires d'appropriation multiples sont incorporés dans des dispositifs, sonores, visuels, écrits qui permettent de mettre en circulation des énoncés, des images, des sons émanants des acteurs et de leurs interlocuteurs et de questionner ainsi les sens du mouvement. Par exemple circulation de message mots de désordre décales par rapport aux formes habituelles de slogans, à travers la presse, les réseaux offerts, les services publics (PTT, Télécoms, Transports)
dispositif d'intervention
1. Diffuser l'intrigue par la mise à disposition d'informations cryptées.
Cette diffusion ne doit pas définir un périmètre de réception mais un réseau potentiel d'échos. -rédaction de messages cryptés à diffuser dans la presse et à coller en affichette dans la ville, petits tracts dans des guichets. -production d'un message sonore à installer sur des répondeurs institutionnels (journalistes syndicalistes) -production de messages visuels: affichettes élaborées à partir de retouche de photos des grêves à coller dans la ville.
2. Actions dans les gares autour du 24 novembre
ces actions - doivent s'adresser à tous les types de personne qui ont été partie prenante du mouvement de décembre 1995: cheminots, fonctionnaires, usagers, sociologues, syndicalistes etc., et qui ait lieu d'une manière quasi simultanée dans différents gares à Paris et en Province. - travaillent sur la parodie de la commémoration et l'expérience collective du litige démocratique: où je me situe, avec qui, contre qui, qu'est-ce qui me met en colère, en joie, me laisse indifférent, fatigué, dégoûté, heureux, etc. - doivent permettre de refaire l'expérience de ce qui s'ouvre, comme on ouvre un interrupteur, se diffuse et s'interromp donnant la sensation d'une fermeture, d'une clôture un peu violente. L'expérience doit s'achever en laissant des impressions, des traces, des questions en suspension qui doivent être documentées et retravaillées. - L'objectif de la performance est d'offrir une séquence qui permette de réélaborer l'expérience de la grêve où l'on ne sait jamais exactement ce qu'on y met, ce qu'on en attend, ce qu'on en comprend, mais qui quo'qu'il en soit est un événement c'est à dire un acte qui questionne et déplace le sujet, un acte où il est possible de nommer un avant et un après, enfin un acte dont il est possible d'espérer un devenir. Plusieurs types d'actions sont actuellement définies pour prendre place dans des gares parisiennes (Gare de Lyon, Gare Montparnasse, Gare d'Austerlits, Gare St Lazare, gares de banlieue) qui reposent sur l'articulation de l'usage du son, de l'image et des corps en mouvements. Il s'agit en effet de combiner l'immatérialité du son qui permet de produire le sentiment de l'illimité, la symbolique du cadrage de l'image et du message écrit. la présence signifiante et matérielle des corps qui se rassemblent et se dispersent.
Dispositifs sonores: - des porteurs de voix: système portatif individuel de diffusion sonore grâce à des hauts parleurs miniatures. - des micros parlants micro perche individuel qui émet du son au lieu de le recevoir. - des enregistrements (bruit de pas, de foule, de mouvements destinés à amplifier l'effet de regroupement) - des messages à destination des répondeurs institutionels et des protocoles de sonnerie de cabine téléphonique dans les gares.
Dispositifs visuels: - déploiement d'affichettes, tracts, habillement des billeteries automatiques - mise à disposition à un plus large public des documents de cette événement sur un serveur internet pour une appropriation active de façon à ouvrir un espace de débat questionnant le sens des nouvements sociaux, et leurs connections
Dispositifs de regroupements collectifs: - questionner les processus d'effet de masse lors de moblilisations. Pour chacun des regroupements on veillera à atteindre une masse critique d'environ cent personnes. On pourra y rencontre des acteurs du mouvement, des comédiens, des artistes, des sociologues, des historiens, des économistes etc. 3 types de regroupements ont été retenus: regroupement piquets de grève dans un lieu de flux dans un espace de temps assez bref, dispositif regroupement centripète, dispersion centrifuge qui peut se dérouler selon différents types de rythme, regroupement en ligne qui rapelle l'effet de ligne dans une manifestation.
3. Dispositif de consultation Parallèlement un lieu de consultation devra être mis à disposition du public pour mettre en valeur - la réflexivité des acteurs: travail sur les énoncés des banderoles et des pancartes, sur les dispositifs d'énonciation dans les manifestations le transport de petits monuments (diplodocus, jeux de fortunes) - les dispositifs d'esthétisation: costumes. maquillages, fumigènes, usage des monuments. - les effets des slogans; massification ou subjectivication singulière, analyse critique du slogan "tous ensemble" - projection de diapos - montages photos - cônes sonores - vidéo sur le rapport aux medias - dossier sur le processus d'élaboration - articles de presse, d'histoire et de sociologie - consultation des documents sur le serveur CICV
4. Débats publics Dans un dispositif qui veillera à maintenir les attendus du concept nous nous proposons d'organiser des débats publics sur les mouvements sociaux, (en incluant ceux qui ont eu ou auront lieu depuis, sans papiers, agriculteurs, enseignants etc). Il s'agit d'interroger les différentes interprétations de ces mouvements compte tenu de ce qu'on aura pu donner à voir de leur formes et de leurs contenus. Seront sollicités pour y participer aussi bien des acteurs des mouvements sociaux que l'ensemble des personnes qui auront été parties prenante de cette expérimentation qui espère questionner d'un même geste les champs actuellement trop souvent disjoints du politique, du social et du culturel.
connexions Depuis nous avons pris contact avec: - des syndicats de cheminot et de postiers - le theatre du Sod qui propose une fois par semaine une lecture théâtrale de l'actualité et pourrait articuler son travail avec les enjeux soulevés par l'évocation d'un mouvement. Cette équipe se propose également de participer aux actions des artistes plasticiens dans les gares. - le groupe "ne pas plier" qui est également intérressé par le travail sur les énoncés et leur mise en oeuvre graphique. - le groupe d'élaboration du 'Kiosque' d'information contemporain (Beaux Arts, séminaire art public art critique) - le CICV pierre Schaeffer, Montbéliard - la cinemathèque française met à disposition leur Infrastructure pour les débats
contact:
Amalia Rama pour les interventions artistiques 15 rue Cuvier, Montreuil, 42 87 09 67
Sophie Wahnich pour le Club Merleau Ponty 115 bld Mortier , Paris 20è, 40 31 02 92
Informationen bei:
Heinrich Lüber
lue@easynet.fr